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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3197/2022

ATA/401/2024 du 19.03.2024 sur JTAPI/1067/2023 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3197/2022-ICCIFD ATA/401/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Antoine BERTHOUD, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimées

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2023 (JTAPI/1067/2023)


EN FAIT

A. a. La société C______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève depuis 1988. Elle est active notamment dans le domaine du recouvrement de créances et de conseils en matière comptable et fiscale.

b. A______, juriste de formation, en était l’actionnaire unique et l’administratrice avec signature individuelle et son époux, B______, économiste, a disposé d’une « procuration individuelle » jusqu’au 31 janvier 2012.

c. La société a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 19 juin 2023. La procédure de faillite ayant été close par jugement du 2 novembre 2023, la société a été radiée d’office le 13 novembre 2023. 

B. a. En décembre 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert à l’encontre de la société une procédure en rappel et soustraction des impôts fédéral direct (ci-après : IFD) et cantonal et communal (ci-après : ICC) des années fiscales 2006 à 2014, ainsi qu’une procédure pour tentative de soustraction des IFD et ICC 2015. Lors d’un contrôle mené sur place le 9 novembre 2016, elle avait constaté l’existence de charges non justifiées par l’usage commercial qui avaient conduit à une diminution du bénéfice imposable de cette société.

b. Le 24 août 2017, les époux AB______ ont déposé une « dénonciation spontanée », indiquant une fortune mobilière non déclarée pour une valeur entre CHF 200'001.- et CHF 500'000.- pour les années 2008 à 2016, des biens immobiliers à l’étranger non déclarés pour une valeur entre CHF 100'001.- et CHF 300'000.- pour les années 2013 à 2016 et des revenus non déclarés en tant que rendement entre CHF 12.- et CHF 3'900.- pour les années 2009 à 2014.

c. Le 2 novembre 2017, l’AFC-GE a reçu le mandataire des époux AB______.

d. Par courriel du 20 novembre 2017, le mandataire des époux AB______ (ci-après : les contribuables) a transmis à l’AFC-GE des relevés bancaires complémentaires ainsi qu’une nouvelle proposition de reprises pour les frais de représentation de la société. Il a joint à ce courriel une attestation signée par B______, intitulée « à qui de droit », mentionnant ce qui suit :

« Nous n’avions pas conscience que nos agissements pouvaient avoir de telles conséquences sur la situation fiscale de notre entreprise et notre situation personnelle, et nous le regrettons.

À l’époque des faits, mon épouse a connu une profonde dépression, sa capacité de travail a été lourdement entamée, ce qui a mis grandement en péril notre entreprise. Nous avions donc imaginé pouvoir constituer un capital retraite de cette manière.

Une fois le contrôle engagé et après avoir pris conseil, nous avons décidé de reconnaître nos manquements et nous avons fait en sorte de mettre en place une collaboration pleine et entière avec votre autorité. Des dizaines d’heures de travail ont été effectuées afin de vous remettre l’ensemble des éléments pertinents au redressement fiscal.

Nous souhaitons que ceci soit reconnu par votre autorité et qu’il en soit tenu compte dans le cadre de la fixation de nos pénalités, ce dont nous vous remercions par avance ».

e. Le 20 décembre 2018, l’AFC-GE a notifié à la société des bordereaux de rappel des IFD et ICC 2006 à 2014, ainsi que des bordereaux de taxation pour l’IFD et l’ICC 2015, faisant état d’une reprise dans le bénéfice d’un montant de CHF 283’543.- à titre de charges non justifiées par l’usage commercial facturées par les sociétés D______ Sàrl (dont A______ était actionnaire et gérante) E______ Sàrl (dont B______ était associé) et F______ Sàrl (détenue par un proche des époux AB______, G______). Elle a également émis des bordereaux d’amende pour soustraction d’impôt intentionnelle pour les IFD et ICC 2008 à 2014, dont la quotité s’élevait aux 4/5 des impôts soustraits, ainsi que pour tentative de soustraction des IFD et ICC 2015, dont la quotité s’élevait au 8/15 des impôts soustraits.

f. Ces bordereaux (exceptés ceux de rappel des IFD et ICC 2006 annulés pour cause de prescription) ont été confirmés tant par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) que par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et le Tribunal fédéral (arrêt 2C_733/2022 du 13 décembre 2022).

Ces juridictions ont confirmé que la faute des organes de C______ SA, soit les époux AB______, était intentionnelle. En particulier, la chambre administrative a relevé à cet égard qu’il ne faisait pas de doute que cette société avait, intentionnellement ou à tout le moins par dol éventuel, fait passer des frais privés pour des frais professionnels et porté dans sa comptabilité des charges qui n’étaient pas commercialement justifiées. Ses organes ne pouvaient ignorer la nature des frais. Le recours à la remise en espèces de sommes totalisant plus d’un million de francs à des prétendus prestataires, l’absence de corrélation entre la remise des montants et les attestations de reçus, l’absence de factures justifiant la remise des montants en cours d’année et la très faible documentation permettant de connaître l’activité déployée par lesdits prestataires constituaient des éléments conduisant à retenir le recours intentionnel à des mécanismes insolites visant à rendre opaque la situation économique réelle de la société, notamment ses charges commercialement justifiées (ATA/761/2022 précité consid. 11c).

Le Tribunal fédéral a confirmé l’appréciation de la chambre administrative, relevant que la société ne contestait à juste titre pas que, au vu des éléments de fait qui lui étaient reprochés, les conditions objectives et subjectives de la soustraction fiscale étaient manifestement réunies (arrêt 2C_733/2022 précité consid. 7.2 et 7.3).

C. a. Dans leurs déclarations fiscales pour les années 2007 à 2014, les époux AB______ ont indiqué une fortune nulle et des revenus entre CHF 1’542.- et CHF 73’508.-.

b. L’AFC-GE les a par la suite taxés sur une fortune nulle et sur des revenus s’élevant entre CHF 0.- et CHF 85’000.-, en arrêtant les impôts y relatifs à :

ICC IFD

2007 1’585.15 472.-

2008 1’585.15 304.-

2009 2’460.55 912.-

2010 1’686.50 980.-

2011 1’585.15 980.-

2012 4’834.65 1’020.-

2013 2’181.10 428.-

2014 1’625.15 0.-

Ces taxations sont entrées en force.

c. Le 7 décembre 2016, suite au contrôle de la société, l’AFC-GE a ouvert à l’encontre des contribuables une procédure en rappel et en soustraction d’impôt pour les périodes 2006 à 2014 et une procédure en tentative de soustraction pour l’année 2015, au motif qu’ils avaient bénéficié des prestations appréciables en argent de la part de cette société.

d. Le 24 août 2017, les contribuables ont déposé auprès de l’AFC-GE une formule de « dénonciation spontanée », indiquant n’avoir pas déclaré :

-          une fortune entre CHF 200’001.- et CHF 500’000.- pour les année 2008 à 2016 ;

-          des biens immobiliers à l’étranger valant entre CHF 100’001.- et CHF 300’000.- pour les années 2013 à 2016 ;

-          des revenus entre CHF 12.- et CHF 3’900.- pour les années 2009 à 2014.

Ils ont expliqué avoir acquis en 2013 un bien immobilier en Espagne, pour le prix de EUR 235’000.-, avec les fonds que la contribuable avait hérité de feu sa mère.

e. Les 2 et 20 novembre 2017, les contribuables ont notamment remis à l’AFC-GE des documents relatifs à des frais de véhicules, de téléphones et de représentation et à la succession de la mère de la contribuable et fait la proposition suivante : « (…) s’agissant des frais de représentation [de C______ SA], comme discuté lors de notre dernier entretien, les époux AB______ consentent par gain de paix et de temps à ce que l’administration fiscale reprenne les charges à hauteur de 10%. Ceci entrainerait une reprise de CHF 37’071.- pour la période sous revue. Il ne leur parait pas justifié d’aller au-delà de ces montants dans la mesure où l’exercice 2015 que vous avez contrôlé n’est pas représentatif des autres périodes fiscales (...). Il n’y a pas eu d’évènement comme en 2015 lors du voyage à Paris pour les 60 ans de Mme A______ ».

Par ailleurs, était jointe une attestation signée par B______ le 16 novembre 2017, sur la reconnaissance de ses « erreurs », dont il ressortait : « [n]ous n’avions pas conscience que nos agissements pouvaient avoir de telles conséquences sur la situation fiscale de notre entreprise et notre situation personnelle, et nous le regrettons. À l’époque des faits, mon épouse a connu une profonde dépression, sa capacité de travail a été lourdement entamée, ce qui a mis grandement en péril notre entreprise. Nous avions donc imaginé pouvoir constituer un capital retraite de cette manière. Une fois le contrôle engagé et après avoir pris conseil, nous avons décidé de reconnaître nos manquements et nous avons fait en sorte de mettre en place une collaboration pleine et entière avec votre autorité. Des dizaines d’heures de travail ont été effectuées afin de vous remettre l’ensemble des éléments pertinents au redressement fiscal. Nous souhaitons que ceci soit reconnu par votre autorité et qu’il en soit tenu compte dans le cadre de la fixation de nos pénalités, ce dont nous vous remercions par avance ».

f. Le 20 décembre 2018, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux de rappel des ICC et IFD 2006 à 2014, des bordereaux de taxation ICC et IFD 2015 et des bordereaux d’amende pour soustraction des ICC et IFD 2008 à 2014 et pour tentative de soustraction des ICC et IFD 2015. La quotité des amendes s’élevait aux 4/5 des impôts soustraits, respectivement aux 8/15 des impôts, les amendes étant réparties entre les contribuables, soit :

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Amende ICC
par
contribuable)

20’848.-

 

8’241.-

14’146.-

12’057.-

13’474.-

12’484.-

6’758.-

Rappel d’impôt ICC des époux

52’122.45

20’604.45

35’366.45

30’142.70

33’686.55

31’210.45

16’897.10

Amende IFD
(par
contribuable)

8’768.-

2’742.-

6’173.-

4’405.-

5’707.-

5’067.-

2’388.-

Rappel d’impôt IFD des époux

21’921.-

6’857.-

15’434.-

11’013.20

14’268.-

12’668.95

5’970.90

Pour 2015, l’amende s’élevait à CHF 9’715.- par contribuable pour les ICC et à CHF 3’876.- par contribuable pour l’IFD. Aucune amende n’était infligée pour les périodes 2006 et 2007, en raison de la prescription.

Les reprises concernaient principalement des distributions dissimulées de bénéfice par C______ SA, ainsi que des comptes bancaires et un immeuble non déclarés. Les rappels des ICC et IFD y relatifs totalisaient CHF 459’601.25. La quotité des amendes était fixée en tenant compte des circonstances aggravantes (soit la « connaissance juridique » des contribuables, l’importance des montants soustraits et le concours avec « d’autres délits ») et des circonstances atténuantes (soit la bonne collaboration, le repentir sincère « pour certaines périodes » et « l’effet économique important des reprises »).

g. Le 18 janvier 2019, les contribuables ont formé réclamation contre ces bordereaux.

Les reprises des prestations appréciables en argent étaient contestées, comme elles l’étaient dans le cadre des procédures visant C______ SA. Leur résultat devait dès lors se répercuter sur celui des procédures les concernant. S’agissant des autres reprises, ils en sollicitaient le détail et les motifs.

Concernant les amendes, ils contestaient en particulier, au titre de circonstance aggravante, le concours avec « d’autres délits », n’en ayant commis aucun. Par ailleurs, c’était leur collaboration qui avait permis « d’identifier » des reprises totalisant CHF 530’772.- pour les années 2008 à 2014 et CHF 219’336.- pour l’année 2015. De même, il avait été « entendu » qu’ils « reconnaitraient » un certain nombre de reprises sur des frais de véhicules, de téléphones et de représentation. Cette reconnaissance et leur repentir sincère avaient été « obtenus » de leur part en échange de la « promesse » de l’AFC-GE d’une quotité « réduite » des pénalités. Les « discussions et la négociation » portaient sur une fourchette de 0,5 à 0,66 fois le montant des impôts soustraits. L’AFC-GE n’avait pas respecté l’accord informel qui aurait permis une issue non contentieuse des procédures. En fixant finalement cette quotité à 0,8 fois les impôts soustraits, elle avait violé cet accord, tout en obtenant leur reconnaissance de leur faute à l’égard des reprises aux montants conséquents. Ainsi, ils demandaient que la quotité des amendes soit ramenée dans ladite fourchette.

h. Par décision du 29 août 2022, l’AFC-GE a confirmé les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2007 à 2013 et d’amende ICC et IFD 2008 à 2013. Pour le surplus, elle a annulé entièrement les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2006 et, partiellement, ceux des périodes 2014 et 2015. Enfin, elle a recalculé le montant des amendes ICC et IFD 2014 et 2015.

Dans le cadre du contrôle fiscal de la société, il avait été établi que les contribuables avaient perçu de cette dernière des avantages appréciables en argent sous diverses formes : des frais privés de véhicules, de téléphones et de représentation, des primes d’assurance-vie privée et des retraits en espèces. Les reprises y relatives opérées auprès de cette société avaient été confirmées tant par le TAPI que par la chambre administrative (soit CHF 222’867.- en 2007, CHF 212’152.- en 2008, CHF 145’699.- en 2009, CHF 245’134.- en 2010, CHF 258’817.- en 2011, CHF 234’253.- en 2012, CHF 232’033.- en 2013, CHF 212’242.- en 2014 et CHF 228’728.- en 2015). Dans la mesure où les contribuables s’étaient limités à les contester de manière générale, elles devaient être confirmées également dans leur chef, à concurrence de 60%.

Le 20 mai 2020, elle avait reçu le mandataire des contribuables et l’avait informé des reprises effectuées, si bien que ces derniers étaient en mesure de se rendre compte de leur portée et d’en comprendre les raisons. De plus, tout au tong de la procédure, ils avaient eu la possibilité de s’exprimer et de remettre des justificatifs. Leur droit d’être entendus avait ainsi été respecté.

Durant plusieurs années, les contribuables avaient déposé des déclarations inexactes et avaient même reconnu leurs divers manquements. Ainsi, on était en présence d’un concours réel d’infractions. Il était dès lors justifié de retenir cet élément comme circonstance aggravante.

Au cours des discussions avec les contribuables, elle leur avait certes indiqué que leur bonne collaboration serait prise en compte pour fixer la quotité de l’amende, mais n’avait toutefois articulé aucune quotité précise. En tout état, les circonstances aggravantes étaient nombreuses et elle avait fait preuve de modération, en tenant compte des circonstances atténuantes. La quotité retenue était ainsi adéquate et proportionnée.

D. a. Par acte du 30 septembre 2022, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant principalement à son annulation et à celle des bordereaux y relatifs. Subsidiairement, ils ont conclu à l’annulation des reprises liées aux retraits en espèces et à ce que l’AFC-GE soit enjointe de produire « l’intégralité des documents comptables justifiant ces contrôles des comptes bancaires, bilans etc. se rapportant à l’ensemble des manquements constatés dans la comptabilité de C______ SA, et ce pour toutes les années 2007 à 2015 ».

L’AFC-GE avait obtenu leurs « aveux » alors que A______ se remettait à peine d’un cancer. Ces aveux avaient été concédés par gain de paix et en contrepartie de la promesse d’une diminution de la quotité des amendes. Or, si les aveux obtenus avaient été « abondamment » utilisés pour étendre le contrôle et fonder la décision entreprise, l’amende n’avait pas été réduite comme convenu. A______ n’avait donc pas été protégée dans la confiance qu’elle avait placée dans l’assurance et la promesse de l’AFC-GE de réduire l’amende à 66% des impôts soustraits. Partant, les aveux et « toutes preuves » qui en découlaient étaient inexploitables, si bien que tous les bordereaux querellés étaient nuls.

Les retraits en espèces auprès de C______ SA n’avaient pas été effectués en leur faveur. Dans le cadre de la procédure concernant cette société, ces retraits avaient été qualifiés de charges injustifiées commercialement, et non de prestations appréciables en argent en leur faveur. Il appartenait à l’AFC-GE de démontrer qu’ils avaient bénéficié de ces retraits, ce qu’elle n’avait pas fait.

La procédure de soustraction fiscale était soumise au principe de la présomption d’innocence. Il en résultait que le fardeau de la preuve quant à la non-déductibilité des charges incombait à l’autorité intimée. Celle-ci devait ainsi démontrer – ou à tout le moins rendre plausible – que les charges n’étaient pas déductibles et que leur déduction constituait une soustraction d’impôt.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Dans son jugement du 25 mars 2022 concernant la société, le TAPI avait retenu que le courrier du recourant du 16 novembre 2017 ne pouvait pas être qualifié d’aveux et que l’existence du prétendu accord relatif à la quotité des amendes n’avait pas été démontrée, ce que la chambre administrative avait confirmé. Le grief des recourants tendant à la nullité des reprises et amendes était un « copier-coller » de celui précédemment formulé par C______ SA dans la procédure la concernant, grief que ces instances judiciaires avaient écarté.

Ces juridictions avaient par ailleurs confirmé les reprises effectuées auprès de C______ SA à titre de prestations appréciables en argent, considérées comme des charges non déductibles fiscalement. Elle avait démontré l’absence de justification de ces charges, avait discuté avec les recourants pour établir une quote-part des reprises à opérer et les avait au final effectuées sur la base de la quote-part articulée par ces derniers. Dans ces conditions, il incombait aux contribuables de prouver le caractère commercial desdites charges.

Par ailleurs, dans le cadre de la cause relative à C______ SA, la chambre administrative avait retenu que des frais privés (relatifs à l’anniversaire de A______, hôtel, restaurant, primes d’assurance) avaient été, à tort, déclarés comme frais professionnels.

Les retraits en espèces auprès de C______ SA avaient été effectués soit directement en faveur des recourants soit en faveur de leurs proches, à savoir D______ Sàrl, E______ Sàrl, F______ Sàrl et « M. G______ », ce que les juridictions précitées avaient également confirmé. Les contribuables avaient procédé à de nombreux retraits en espèces du compte bancaire de C______ SA, puis les avaient justifiés comme paiement de factures des proches précités. Pourtant, C______ SA n’avait pas été en mesure de justifier ces charges, comptabilisées dans ses comptes, ni que les retraits d’espèces avaient été effectués en faveur des précités. Aussi, il convenait d’en conclure que les contribuables en avaient bénéficié personnellement.

Elle a joint un « tableau des reprises effectuées par C______ SA et reprises en PAA chez les contribuables » :

 

Frais de véhicule

Téléphones

Frais de représentation

Assurance-vie privée

D______
comptabilité

D______
informatique

G______
software

E______

Total reprises

2007

1'894.-

542.-

5'855.-

 

 

 

68'400.-

146'176.-

222'867.-

2008

1'781.-

234.-

5'516.-

 

 

98'567.-

68'400.-

37'654.-

212'152.-

2009

1'648.-

556.-

2'761.-

 

 

99'524.-

41'210.-

 

145'699.-

2010

1'566.-

1'032.-

3'448.-

 

54'100.-

11'494.-

173'494.-

 

245'134.-

2011

1'452.-

1'121.-

3'572.-

 

92'000.-

59'636.-

101'036.-

 

258'817.-

2012

1'408.-

1221.-

2'663.-

1'620.-

59'367.-

 

167'974.-

 

234'253.-

2013

1'677.-

703.-

2'774.-

4'861.-

25'864.-

 

196'154.-

 

232'033.-

2014

1'392.-

989.-

2'366.-

4'861.-

30'220.-

 

172’414-

 

212'242.-

2015

 

443.-

4088.-

4'861.-

70'186.-

149'150.-

 

 

228'728.-

c. Par courrier du 10 janvier 2023, l’AFC-GE a informé le TAPI qu’elle annulait les bordereaux de rappel des ICC et IFD 2007 pour cause de prescription.

d. Par réplique du 27 janvier 2023 et duplique du 7 février 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Les contribuables ont requis l’audition de A______ et, au titre de témoins, celle de H______ et I______, soit leur mandataire dans le cadre de la procédure non contentieuse et le contrôleur de l’AFC-GE en charge du dossier de contrôle. Ils ont objecté que les amendes 2008 à 2014 avaient été notifiées aux deux époux, alors que B______ n’était pas actionnaire de C______ SA, ni son directeur depuis 2012, et que leur « dénonciation spontanée » concernait principalement la fortune de A______.

e. Le 30 août 2023, le TAPI a entendu les parties.

A______ a relevé que la procédure concernant la société avait été une « véritable injustice et un montage ». L’AFC-GE leur avait soutiré des aveux, en leur promettant que l’amende serait fixée selon un taux entre 0.5% et 0.66%. Elle regrettait les manquements dans la compréhension du droit comptable. L’AFC-GE avait rendu sa décision uniquement sur la base des comptes d’exploitation de la société et avait considéré, malgré une attestation du prestataire principal, que tous les montants litigieux lui revenaient, alors que tel n’était pas le cas. La société lui devait CHF 155’000.- en 2015, en lien avec une assurance-vie qu’elle avait contractée à l’époque, et avait utilisé cet argent en nantissement pour couvrir une ligne de crédit auprès d’une banque. Il s’agissait d’une assurance risque pur qu’elle avait nantie au cas où elle décéderait. D______ Sàrl étant une société tunisienne, lors du printemps arabe, il avait été difficile de procéder aux paiements de ses services par transferts bancaires, raison pour laquelle C______ SA l’avait fait en espèces. Des reçus y relatifs avaient été remis à l’AFC-GE. Elle n’avait jamais reçu cet argent. Elle avait effectivement été gérante de D______ Sàrl, sur suggestion de son comptable, afin d’éviter à avoir à payer la TVA. Elle contestait le contrôle de la comptabilité de C______ SA opéré par l’AFC-GE. Elle n’avait pas reçu le moindre franc. L’AFC-GE aurait pu faire des enquêtes et contrôles à son sujet, mais ne l’avait pas fait. Ils avaient fait une dénonciation spontanée pour démontrer à l’AFC-GE que le peu d’argent en sa possession provenait de sa mère. Elle confirmait avoir été l’actionnaire unique de C______ SA. La plainte pénale déposée par C______ SA contre I______ avait été classée. Ils n’avaient pas souhaité poursuivre la procédure pour des raisons financières.

B______ a déclaré avoir un « ressenti d’injustice » dans le cadre de la procédure et des amendes qui lui étaient infligées, car il n’était pas responsable de ce qui s’était passé concernant C______ SA. Il n’avait jamais été actionnaire de cette société et ne s’en était jamais occupé, étant précisé qu’il était également administrateur ou gérant de plus de 40 sociétés. Il avait effectivement bénéficié d’une procuration individuelle chez C______ SA, dont il était par ailleurs salarié jusqu’en avril 2009. Il avait eu cette procuration en raison de la maladie de son épouse (cancer). Il contestait avoir été directeur financier avec signature individuelle de cette société jusqu’au 31 janvier 2012. Concernant la lettre de repentir du 16 novembre 2017, il avait été menacé par I______, par l’intermédiaire de H______, qui lui avait dicté cette lettre en lui expliquant que c’était ce que souhaitait le premier cité et, qu’à défaut, celui-ci viendrait éplucher la comptabilité de C______ SA pendant une semaine. Il avait signé cette lettre en pensant qu’il valait mieux trouver un mauvais arrangement que de perdre de l’argent du fait de la présence de contrôleurs pendant une semaine dans les locaux de C______ SA, au détriment de ses clients. Son épouse, en arrêt maladie à ce moment-là, n’était pas d’accord de signer cette lettre. Il lui avait été promis que l’amende serait fixée selon un taux dont il ne se souvenait plus. Il n’avait pas d’argent pour payer les reprises qui lui étaient demandées.

Les représentantes de l’AFC-GE ont indiqué que les reprises relatives à D______ Sàrl n’avaient au départ pas été contestées par C______ SA, mais seulement par la suite. A______ avait indiqué que D______ Sàrl n’était pas une société proche de C______ SA. En cours d’instruction, I______ s’était toutefois rendu compte que A______ en était l’administratrice. L’inscription dans les grands livres de la mention « charge à banque », alors qu’il n’y avait pas de virement bancaire, mais uniquement quelques prélèvements en espèces sans factures, avait interpellé l’AFC-GE, ce qui avait conduit ensuite à toute la procédure concernant C______ SA. S’agissant du « document d’aveu » du 16 novembre 2017, A______ leur avait précisé qu’il était surtout en lien avec le prestataire D______ Sàrl. L’AFC-GE avait effectivement repris des montants que C______ SA avait comptabilisés au titre d’assurance-vie privée. Elle ne contestait pas que B______ n’était pas actionnaire de cette société. Elle avait toutefois tenu compte de son rôle de directeur financier de cette société jusqu’en 2012.

f. Dans ses écritures du 4 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu à ce que l’intégralité des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 soit infligée à A______ et au dégrèvement, dans cette mesure, de celles infligées à B______.

Aucun élément nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’avait été apporté durant l’audience, étant rappelé que dans son arrêt 2C_733/2022 du 13 décembre 2022, concernant C______ SA, le Tribunal fédéral avait entièrement validé les reprises qu’elle avait effectuées, à l’exception de la période fiscale 2006 atteinte par la prescription.

S’agissant de la répartition des amendes entre les époux, elle admettait que seule A______ était actionnaire de C______ SA. Aussi, contrairement à la répartition pour moitié qu’elle avait effectuée précédemment, elle concluait à ce que l’intégralité des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 soit attribuée à A______, « en application du pouvoir de reformatio in pejus attribué au TAPI » et, en conséquence, à l’annulation des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 attribuées à B______. Néanmoins, il était démontré que ce dernier avait eu un rôle actif dans la société C______ SA, notamment en ce qui concernait les prélèvements en espèces du compte de cette société.

g. Dans leur détermination du 20 septembre 2023, les contribuables ont relevé que si le TAPI entendait confirmer la conclusion de l’AFC-GE tendant à ce que les amendes soient notifiées exclusivement à la contribuable, il devait alors les interpeller préalablement sur ce point, afin qu’ils puissent exercer leur droit d’être entendus.

Pour le surplus, ils contestaient la reprise de CHF 4’861.- opérée sur des primes d’assurance-vie conclue auprès de la compagnie Zurich Assurances. En effet, étant donné que la société était la seule bénéficiaire d’une éventuelle prestation en cas de décès de la contribuable, il était correct qu’elle supporte l’intégralité des primes y relatives. Il ne s’agissait donc pas d’une prestation appréciable en argent.

Enfin, selon la jurisprudence, il n’y avait aucun automatisme entre les reprises effectuées dans une société et celles opérées auprès de l’actionnaire.

h. Par jugement du 2 octobre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour l’établissement de nouveaux bordereaux d’amende ICC et IFD 2008 à 2015.

Il était donné acte à l’AFC-GE de ce qu’elle concluait à ce que l’intégralité des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 soit infligée à A______ et au dégrèvement, dans cette mesure, des amendes infligées à B______. Cette issue était parfaitement conforme aux art. 180 de loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 73 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

Ce n’était pas parce que les retraits en espèces auprès de la société avaient été considérés comme charges injustifiées commercialement qu’ils ne représentaient pas pour autant des prestations appréciables en argent imposables auprès d’eux. Au contraire, une distribution dissimulée de bénéfice, ou prestation appréciable en argent, pouvait parfaitement prendre forme d’une charge comptabilisée, mais non justifiée par l’usage commercial, ce qui était précisément le cas en l’espèce.

Il importait peu que les retraits n’aient pas bénéficié aux contribuables. Ces prestations devaient en tout état leur être attribuées, en vertu de la théorie du triangle, selon laquelle elles étaient présumées avoir passé d’abord dans leur patrimoine, puis à la personne considérée comme proche. L’AFC-GE n’avait donc pas à prouver qu’ils en avaient bénéficié personnellement. Au demeurant, en l’absence de justification de leur caractère commercial et de la preuve de leur versement effectif à des tiers, rien ne permettait de conclure que ces fonds n’avaient pas, en définitive, bénéficié aux recourants, leur justification précise demeurant inconnue.

S’agissant en particulier de la reprise de CHF 4’861.- opérée sur des primes d’assurance-vie privée conclue par la contribuable auprès de la compagnie Zurich Assurances, le fait que la société était désignée comme seule bénéficiaire d’une éventuelle prestation ne justifiait en aucune mesure qu’elle prenne à sa charge les primes y relatives, celle-ci devant être supportées uniquement par la contribuable, en sa qualité de preneuse de cette assurance. Les reprises litigieuses devaient donc être confirmées.

Ainsi, les bordereaux de rappel ICC et IFD 2008 à 2014 et de taxation ICC et IFD 2015 étaient confirmés.

S’agissant de la quotité des amendes – correspondant aux 4/5e des impôts soustraits et aux 8/15e des impôts s’agissant de la tentative de soustraction –, l’AFC-GE avait tenu compte, à la décharge de la contribuable, de sa bonne collaboration, du repentir sincère et de l’effet économique important des reprises et, à sa charge, de l’importance des montants soustraits durant plusieurs années fiscales et de ses bonnes connaissances juridiques. Conformément au courrier de l’AFC-GE du 4 septembre 2023, il convenait de les infliger uniquement à la contribuable.

E. a. Par acte du 25 octobre 2023, les époux AB______ ont recouru devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation.

Le TAPI ne leur avait pas laissé la possibilité de s’exprimer avant de procéder à la reformatio in pejus. Le jugement devait donc être annulé et la cause renvoyée au TAPI afin qu’il procède de manière conforme aux art. 51 LPFisc et 143 LIFD.

L’AFC-GE n’avait produit que deux pièces en lien avec la procédure de contrôle diligentée contre la société. Or, ces pièces ne permettaient pas de justifier les reprises contestées.

Par les extraits de la comptabilité de la société et les factures produites, ils avaient démontré que les charges comptabilisées étaient justifiées. Les prélèvements et virements bancaires n’étaient dès lors pas constitutifs de prestations appréciables en argent.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

S’agissant de la reformatio in pejus, les recourants avaient clairement eu la possibilité de s’exprimer, ce qu’ils avaient fait par courrier du 20 septembre 2023. Il ne s’agissait pas d’un doublement éventuel des amendes, mais bien d’une répartition différente de celles-ci.

Les prestations appréciables en argent avaient été démontrées et le fardeau de la preuve avait été renversé. S’agissant d’abord de l’assurance-vie, et compte tenu du fait que le preneur d’assurance était B______, et non la société, les primes payées par la société ne pouvaient être considérées comme des charges justifiées par l’usage commercial. C’était donc à juste titre que les reprises avaient été opérées. Le nantissement de la prestation d’assurance, même effectué en bonne et due forme et portant sur l’ensemble des prestations assurées, n’aurait de toute façon pas été suffisant pour transformer l’assurance privée des époux AB______ en une assurance de la société. Il aurait fallu que le contribuable, qui était le preneur d’assurance, procède à la cessation de la police d’assurance en faveur de la société, qui serait alors devenu le nouveau preneur d’assurance. Telle n’avait cependant pas été la solution choisie en l’espèce. S’agissant des frais de représentation, repas et téléphone, ces reprises avaient été validées par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_733/2022 dans la cause de la société, de sorte qu’il convenait de reprendre ces éléments, à titre de prestations appréciables en argent, dans le chef des contribuables. Quant aux frais relatifs à D______, F______ Sàrl, F______ et E______ Sàrl, elle avait apporté la preuve des manquements manifestes dans la comptabilité de la société, qui avait été jugée non probante jusqu’au Tribunal fédéral.

Dans leur réplique, les contribuables ont ont relevé qu’il ressortait du texte clair des art. 180 LIFD et 73 LPFisc qu’ils constituaient, sous l’angle des pénalités, des auteurs et responsables distincts. Ainsi, en doublant l’amende infligée à A______, l’AFC-GE avait procédé à une reformatio in pejus. Le seul fait que l’AFC-GE ait sollicité une reformatio in pejus n’obligeait pas le TAPI à entrer en matière.

S’agissant de l’assurance-vie, le décès de l’animateur principal d’une société constituait pour cette dernière un risque opérationnel très important, qui était de nature à mettre en péril la poursuite de son activité. La couverture de ce risque par une police d’assurance constituait dès lors une charge justifiée par l’usage commercial. Aucun justificatif des prestations appréciables en argent s’agissant des frais de représentation, de repas et de téléphone n’avait été versé à la procédure. Quant aux frais relatifs au développement de software, I______ avait assisté à une démonstration des logiciels développés pour l’activité de recouvrement de la société. Il n’avait toutefois jamais expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas retenu l’existence des logiciels litigieux.

c. Une audience de comparution personnelle a eu lieu le 26 janvier 2024, lors de laquelle I______ a été entendu à titre de renseignement. Il ne souhaitait pas s’exprimer au sujet de l’entretien de 2016 car il était soumis au secret de fonction s’agissant de la procédure concernant la société. Il y avait effectivement eu des discussions au sujet de la quotité des amendes, mais il n’en était résulté aucun accord. Lors d’un entretien avec H______, ils avaient mentionné le fait qu’il n’y avait pas eu de circonstances atténuantes ni de repentir sincère. Il n’avait jamais demandé de lettre d’aveu au recourant.

Les contribuables ont persisté dans leurs précédentes déclarations et ont indiqué n’avoir rien à ajouter.

d. Le 2 février 2024, l’AFC-GE a produit un chargé de pièces complémentaires, soumises au secret fiscal. Elle renonçait à produire les pièces en lien avec les prestations appréciables en argent relatives à la société E______ Sàrl dans la mesure où les reprises portaient sur des périodes fiscales prescrites.

e. Le 8 février 2024, les recourants ont indiqué avoir été empêchés de poser des questions à I______. L’invocation du secret fiscal était abusive, dans la mesure où ils étaient personnellement présents et constituaient les seuls interlocuteurs des collaborateurs du service du contrôle. On les empêchait d’apporter la preuve contraire des allégations de l’AFC-GE alors que le fardeau de la preuve leur incombait. Ils sollicitaient ainsi une nouvelle audition de I______ ainsi que celle de H______ et G______.

Les pièces F1, F2, F3, F9 et F14, produites par l’intimée le 2 février 2024, devaient être écartées de la procédure. Ils sollicitaient la consultation des pièces F2, F3 et F10.

f. Le 13 février 2024, l’AFC-GE s’est opposée à toute nouvelle audition et s’est rapportée à justice s’agissant de la levée du secret fiscal.

g. Par pli du 16 février 2024, la chambre de céans a communiqué le contenu essentiel des pièces F1, F2, F3, F9, F10 et F14. Un délai était imparti aux recourants pour détermination éventuelle, après quoi la cause serait gardée à juger.

h. Le 29 février 2024, les recourants ont sollicité une décision formelle sur leur demande de consultation du dossier dans son intégralité. Ils se sont déterminés sur les pièces F1, F2, F3, F9, F10 et F14 sur la base du descriptif communiqué par la chambre de céans.

i. Le 4 mars 2024, la cause a été gardée à juger, y compris sur la demande de consultation de l’intégralité du dossier.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 LPFisc ; art. 145 LIFD).

2.             Dans leurs écritures du 29 février 2024, les recourants ont demandé à être autorisés à consulter « le dossier dans son intégralité ».

2.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).

Les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L’autorité peut interdire la consultation du dossier ou d’une partie de celui-ci si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent, le refus d’autoriser la consultation des pièces ne pouvant s’étendre toutefois qu’aux pièces qu’il y a lieu de garder secrètes (art. 45 al. 1 et 2 LPA). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA).

2.2 La chambre administrative et les autorités fiscales sont soumises au secret fiscal en vertu des art. 110 LIFD, 39 LHID et 11 LPFisc. Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD ; art. 39 al. 1 LHID ; art. 12 al. 6 LPFisc). Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu’il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu’aucune sauvegarde d’intérêts publics ou privés ne s’y oppose (art. 114 al. 2 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 2 LPFisc). Lorsqu’une autorité refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, elle ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que si elle lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce et qu’elle lui a au surplus permis de s’exprimer et d’apporter ses propres moyens de preuve (art. 114 al. 3 LIFD).

En particulier, le secret fiscal est opposable à l’actionnaire d’une société, dans la mesure où celle-ci dispose de la personnalité morale et qu’elle constitue une personne tierce et distincte de l’actionnaire, en dépit de la position de celui-ci au sein de ladite société en tant que directeur ou administrateur (ATF 126 I 122 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 5.2 ; 2P.185/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4.2 ; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil - Art. 102 -222 DBG, 2015, ad art. 110 n. 20 et 24, et ad art. 114 n. 22 et 28 s). Dans ce dernier cas, lorsqu’en raison de sa position au sein de la société, les données de celle-ci ne sont pas secrètes envers l’actionnaire, celui-ci doit cependant s’adresser à la société (art. 715a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220) et non aux autorités fiscales (Walter FREI, Das Akteneinsichtsrecht im Zürcher Steuerrecht und das Sonderproblem der Bewertung nichtkotierter Aktien beim Minderheitsaktionär, in Zürcher Steuerpraxis Vol. 1, 1992, p. 73 ss, p. 89 s). Lorsque des documents de la société se trouvent dans le dossier fiscal de l’actionnaire, celui-ci peut en prendre connaissance seulement après une pesée des intérêts conforme à l’art. 114 al. 2 LIFD, à l’art. 41 al. 1 LHID et à la disposition cantonale pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2008 du 1er septembre 2008 consid. 2.4.2 ; Peter LOCHER, op. cit., ad 114 n. 29).

L’administration fiscale, lorsqu’elle effectue la pesée d’intérêts nécessaire pour décider de soustraire une pièce à la consultation en mettant en balance d’un côté, l’intérêt du contribuable à prendre connaissance des pièces constituant son dossier et, de l’autre, les intérêts publics ou privés à ce que certains actes restent secrets, est tenue au respect du principe de proportionnalité (Denis BERDOZ et Marc BUGNON, La procédure mixte en matière d'impôts directs, in OREF [éd.], Les procédures en droit fiscal, 4e éd., 2021, 501-724, p. 629).

2.3 En l’espèce, les recourants sollicitent l’accès au dossier « dans son intégralité ». Il n’est toutefois pas contesté que les pièces 1 à 37, transmises par l’AFC-GE à l’appui de sa réponse pouvaient être librement consultées par les recourants. Par ailleurs, dans leur écriture du 8 février 2024, ils se sont déterminés de manière détaillée sur le contenu des pièces F4 à F8 et F11 à F13, sans en demander la consultation ni solliciter leur retrait du dossier. Il convient donc de retenir que les recourants en ont eu connaissance. S’agissant des pièces F1 à F3, F9, F10 et F14, remises par l’intimée sous secret fiscal en annexe à son écriture du 2 février 2024, la chambre administrative en a communiqué le contenu essentiel aux recourants par pli du 16 février 2024. Conformément aux principes précités, leur consultation doit être refusée. En effet, la société C______ SA est une contribuable distincte, qui n’est pas partie à la présente procédure. Dans la mesure où la société a été radiée le 13 novembre 2023, la recourante, en sa qualité d’administratrice unique avec signature individuelle, ne peut valablement l’engager en autorisant la levée du secret fiscal. Dans une telle situation, et conformément à la jurisprudence qui précède, les intérêts publics à la garantie du secret fiscal priment sur l’intérêt privé des contribuables.

Il ne sera ainsi pas donné suite à leur requête de consultation. La transmission du contenu essentiel des pièces litigieuses suffit à respecter leur droit d’être entendus, étant relevé que les intéressés ont pu se déterminer sur leur contenu par écriture du 29 février 2024. La chambre de céans rappellera au demeurant, comme elle l’a fait dans son courrier du 16 février 2024, que les contribuables ont probablement déjà eu connaissance d’une bonne partie, voire de l’ensemble, des pièces produites par l’AFC-GE dans le cadre du litige qui a opposé l’administration à la société, dans lequel les recourants ont participé en qualité de représentants de celle-ci. L’ATA/761/2022 du 26 juillet 2022 rendu à l’égard de la société, confirmé par l’arrêt 2C_733/2022 du 13 décembre 2022, se réfère en effet à des frais de véhicules, de téléphone et de représentation, au grand livre de la société, à des prélèvements réguliers effectués par la société, ainsi qu’à de nombreux retraits en espèces.

3.             Les recourants sollicitent les auditions de I______, H______ et G______.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 et les références citées). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n’implique pas le droit d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, tant le TAPI que la chambre de céans ont procédé à des audiences de comparution personnelle. La chambre de céans a également entendu I______ à titre de renseignement. Il est vrai que ce dernier n’a répondu qu’à une partie des questions posées, refusant de s’exprimer sur les éléments concernant la société. Or, les faits en lien avec celle-ci ont déjà été établis par le TAPI, puis confirmés par la chambre administrative et le Tribunal fédéral. Dans leurs écritures, les recourants n’expliquent pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments supplémentaires par rapport à leur propre situation fiscale. En tant qu’ils cherchent à établir que I______ avait assisté à une démonstration de logiciels développés pour l’activité de recouvrement de la société, ils perdent de vue que les tribunaux ont retenu, sur la base de documents bancaires figurant au dossier, que la comptabilité de la société était non probante. L’on voit dès lors mal ce que cette audition pourrait apporter de plus par rapport aux pièces comptables déjà au dossier. Les recourants n’expliquent pas en quoi l’audition de H______ serait nécessaire, si ce n’est pour faire valoir leur « droit à la contre-preuve ». Le dossier contient des documents signés par ce dernier et l’on ne voit pas en quoi des déclarations orales seraient susceptibles d’apporter des éléments utiles supplémentaires à la résolution du présent litige. Il en va de même de l’audition de G______, qui a notamment signé une attestation le 1er septembre 2018, qui figure au dossier. Les recourants ont eu tout loisir de s’exprimer au sujet de ces pièces dans leurs écritures au cours de la procédure de réclamation devant l’AFC-GE, puis de recours devant le TAPI et devant la chambre de céans, ainsi que produire toute pièce complémentaire qu’ils jugeaient utile. Ils ont dès lors pu valablement exercer leur droit d’être entendus. Dans ces circonstances, la chambre administrative étant en possession d’un dossier complet qui contient les éléments pertinents pour trancher le litige, il ne sera pas donné suite aux demandes d’auditions des recourants.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit des bordereaux de rappels d’impôt et d’amendes ICC et IFD 2008 à 2014 et de taxation et d’amendes ICC et IFD 2015.

4.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3a). Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (ATF 140 I 68).

S’agissant de l’ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l’art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques. La LIPP s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la LIPP (art. 72 al. 1 LIPP).

4.2 En l’espèce, en tant qu’elle porte sur l’ICC, la présente cause est régie par l’ancien droit pour les périodes fiscales 2008 et 2009 et la LIPP pour les périodes fiscales 2010 à 2015. S’agissant de l’IFD, elle est soumise aux dispositions de la LIFD et de sa législation d’application, dans leur teneur au moment des périodes fiscales litigieuses.

5.             Se pose la question de la prescription et de la péremption.

5.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d’office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l’IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).

5.2 L’art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l’IFD et l’ICC (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 4.1, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023).

Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de même que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d’acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n’annoncent qu’une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2).

5.3 Les art. 120 al. 1 LIFD, 47 al. 1 LHID et 22 al. 1 LPFisc prévoient que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Selon les art. 120 al. 3 let. a et d LIFD et 22 al. 3 let. a et d LPFisc, un nouveau délai de prescription commence à courir (a) lorsque l’autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d’impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l’impôt, ainsi que (d) lorsqu’une poursuite pénale est introduite ensuite de soustraction d’impôt consommée ou de délit fiscal. La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD et 22 al. 4 LPFisc). Ces dispositions s’appliquent également à la tentative de soustraction, l’information de l’ouverture d’une procédure pour tentative de soustraction d’impôt constituant une mesure par laquelle l’autorité fiscale signale au contribuable sa volonté de procéder par la suite à sa taxation (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 4.2).

5.4 En l’occurrence, un avis d’ouverture de la procédure de rappel et soustraction d’impôt a été notifié aux recourants pour I’IFD et les ICC 2006 à 2014 en décembre 2016. Le délai de péremption de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 61 al. 1 LPFisc et 53 al. 2 LHID a ainsi été respecté. Le délai de péremption du droit de procéder au rappel d’impôt pour les années 2006 et 2007 est échu, ce que l’AFC-GE, puis le TAPI ont constaté à juste titre (art. 152 al. 3 LIFD, 61 al. 3 LPFisc et 53 al. 3 LHID). Pour le rappel d’impôt 2008, la péremption est survenue à la fin de la période fiscale 2023, de sorte que le droit de procéder au rappel d’impôt pour cette période est périmé au jour de la notification du présent arrêt. Le rappel d’impôt ne peut plus porter que sur les années fiscales 2009 à 2014.

Quant au droit de procéder à la taxation 2015, l’avis de taxation du 20 décembre 2018 a eu pour effet de faire partir un nouveau délai de prescription de cinq ans, qui a depuis lors été suspendu tant par la procédure de réclamation que par la procédure de recours. Le délai de prescription relatif de cinq ans n’est dès lors pas atteint, pas plus que le délai absolu de quinze ans.

5.5 Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’avait pas été effectuée ou l’avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (art. 184 al. 1 let. b aLIFD en relation avec l’ATF 134 IV 328). La prescription, qui était, en cas de soustraction d’impôt consommée, de dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’avait pas été effectuée ou l’avait été de façon incomplète, était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD). La poursuite de la tentative de soustraction se prescrivait par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction avait été commise (ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD).

En cas de tentative de soustraction d’impôt, la poursuite pénale se prescrit par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise (art. 184 al. 1 let. a LIFD). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité cantonale compétente avant l’échéance du délai de prescription (art. 184 al. 2 LIFD). Le prononcé d’une amende par l’administration fiscale cantonale constitue notamment une telle « décision » (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 47 p. 718 et la référence citée).

En vertu des art. 205f LIFD et 78f LHID, le nouveau droit est applicable au jugement des infractions commises au cours des périodes fiscales précédant le
1er janvier 2017 s’il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales. Dans la mesure où il empêche la prescription de courir, en particulier durant la procédure devant le Tribunal fédéral, le nouveau droit se révèle être en principe moins favorable aux contribuables que l’ancien droit. Il est en revanche plus favorable si aucune décision n’a été rendue dans les dix ans à compter de la fin de la période fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 4.3 et les références citées).

L’art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l’art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n’ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017. Tel est le cas du canton de Genève (art. 77 LPFisc, dont l’al. 1 let. a et 2 diffèrent de l’art. 58 LHID).

5.6 En l’occurrence, les amendes pour soustraction consommée concernent les périodes fiscales 2008 à 2014. L’autorité intimée a notifié le bordereau d’amende 2008 le 20 décembre 2018, soit avant la fin du délai de dix ans après l’année fiscale en cause. Cela étant, selon l’ancien droit, l’action pénale était frappée d’une prescription absolue après quinze ans. Dès lors que le nouveau droit prévoit que la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité cantonale compétente avant l’échéance du délai de prescription, il est moins favorable aux recourants. Partant, il convient de retenir qu’au regard du principe de la lex mitior, l’action pénale relative à l’année fiscale 2008 est prescrite. Il y aura donc lieu d’annuler les bordereaux d’amendes relatifs à l’année fiscale 2008.

En revanche, la poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée reprochée aux recourants pour les périodes fiscales 2009 à 2014 n’est pas prescrite, dès lors que l’AFC-GE a rendu une décision y relative le 20 décembre 2018, soit moins de dix ans avant la fin de la période fiscale en cause. Il en va de même en application de l’ancien droit, le délai de quinze ans ne s’étant pas écoulé depuis la fin de la période fiscale 2009.

Enfin, le délai de prescription de la poursuite pénale pour tentative de soustraction des ICC et IFD 2015 n’a pas encore commencé à courir, puisque la procédure de taxation au cours de laquelle la tentative de soustraction aurait été commise n’est pas encore close, dès lors qu’elle fait l’objet du présent litige.

6.             Les recourants invoquent une violation du droit à la preuve et des règles sur le fardeau de la preuve. Ils reprochent à la juridiction précédente d’avoir retenu l’existence de prestations appréciables en argent, alors que celles-ci n’avaient pas été démontrées.

6.1 L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 17 LIPP ; art 1 aLIPP-IV). Ces dispositions expriment pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1).

En vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD, 6 let. c aLIPP-IV et 22 al. 1 let. c LIPP, les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre sont soumis à l'impôt sur le revenu dans le chef du détenteur des droits de participations au titre de rendement de la fortune mobilière. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice, soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; 119 Ib 116 consid. 2). De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2).

6.2 Lorsque, au niveau de la société, une prestation a été versée sans
contre-prestation ou sans contre-prestation équivalente, la jurisprudence retient que l'on peut présumer l'existence d'une prestation appréciable en argent en faveur du détenteur de parts ou d'un proche. Cela vaut en particulier si la société procède à des paiements qui ne sont ni comptabilisés ni justifiés. Ce qui est considéré comme une distribution dissimulée de bénéfice de la société représente en principe un avantage appréciable en argent imposable pour l'actionnaire. Cela concrétise la double imposition économique voulue par le législateur (ATF 136 I 65 consid. 5.4 ; 136 I 49 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.2 ; 2C_445/2015 du 26 août 2016 consid. 6.3.4). Si le détenteur de parts est en même temps organe de la société et/ou actionnaire ou associé majoritaire, c'est à lui qu'il incombe de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent alléguée par l'autorité fiscale. S'il ne le fait pas, ou s'il se limite à exposer des généralités, l'autorité fiscale est en droit d'admettre que la reprise dont l'imposition est entrée en force dans le chapitre de la société est également justifiée dans le chapitre de l'actionnaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1071/2020 du 19 février 2021 consid. 3.2.2 et 3.2.3 ; 2C_886/2020 du 23 novembre 2020 consid. 3.2.1 ; 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.3.2 ; 2C_750/2019 du 7 juillet 2020 consid. 3.2 ; 2C_736/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2.2 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.5 à 2.5.8).

6.3 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 et les références ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3).

Dans le domaine des prestations appréciables en argent, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; 133 II 153 consid. 4.3 précité; arrêt du Tribunal fédéral 2C_927/2013 21 mai 2014 consid. 5.4). Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent. L'omission ou l'échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (ATF  133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26  novembre 2014 consid. 7.2).

6.4 En l’espèce, les bordereaux de rappels d’impôts et de taxations ICC et IFD des années 2009 à 2015 de C______ SA sont entrés en force, après avoir été contestés, par l’intermédiaire des recourants agissant pour la société, auprès de l’AFC-GE, du TAPI, de la chambre administrative et du Tribunal fédéral.

Devant la chambre de céans, les recourants font valoir que l’intimée n’a versé aucun justificatif des prestations appréciables en argent, alors que le fardeau de la preuve lui incombait. Les recourants perdent toutefois de vue que dès lors que la recourante était l’administratrice unique de la société, bénéficiant de la signature individuelle, on se trouve dans une situation dans laquelle l’autorité fiscale, respectivement le juge, peut présumer l’existence de prestations appréciables en argent correspondantes dans le chef des recourants, à charge pour eux d’apporter la preuve circonstanciée que de telles reprises dans son chef ne sont pas justifiées. Or, les recourants se sont limités à alléguer que les charges comptabilisées par la société étaient justifiées par les extraits de la comptabilité de C______ SA et les factures produites. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, le fait que les grands livres de la société ne contiendraient aucune écriture comptable « charge à banque », ne suffit pas à renverser le fardeau de la preuve. La représentante de l’AFC-GE a certes affirmé en audience devant le TAPI que la mention « charge à banque » dans les grands livres de la société avait interpellé l’administration fiscale en raison de l’absence de virement bancaire, ce qui avait « conduit ensuite à toute la procédure concernant C______ ». Il n’en reste pas moins qu’une procédure en rappel d’impôts a été ouverte et que de multiples lacunes et incohérences dans la comptabilité de la société ont été retenues par l’AFC-GE et confirmées par le TAPI, la chambre administrative et le Tribunal fédéral. Ainsi, dans un tel contexte, il incombait aux intéressés – dont la recourante était en même temps actionnaire et administratrice unique de la société durant les périodes fiscales litigieuses – de fournir des explications circonstanciées et étayées permettant d’envisager, de manière cohérente et plausible, une hypothèse autre que celle avancée par
l’AFC-GE, ce qu’ils ont échoué à faire.

Dans leurs écritures devant la chambre de céans, les recourants font valoir que les primes payées par la société en lien avec l’assurance-vie conclue par le recourant auprès de J______ étaient justifiées par l’usage commercial puisque la bénéficiaire des prestations d’assurance était C______ SA. Or, dans sa réponse, l’AFC-GE a expliqué de manière détaillée les raisons pour lesquelles les montants comptabilisés dans la société constituaient bien des prestations appréciables en argent en faveur de la recourante. Compte tenu du fait que le preneur d’assurance était le recourant, et non la société, les primes payées par la société ne pouvaient être considérées comme des charges justifiées par l’usage commercial. Cette position est conforme à la jurisprudence constante, selon laquelle lorsque l’actionnaire est à la fois le preneur et le bénéficiaire d’une police d’assurance-vie, les primes constituent des charges privées. Les primes d’assurance ne constituent des charges justifiées par l’usage commercial que lorsqu’elles se rapportent à une assurance conclue par la société pour se prémunir contre les risques liés au décès de ses dirigeants. Tel est le cas lorsque la société est à la fois le preneur et le bénéficiaire de la police (Arch. 38, p. 450; Arch. 25, p.179; Arch. 17, 272 ; Robert DANON, Commentaire LIFD, n. 222 ad art. 57-58 LIFD). Or, dans le cas présent, le preneur d’assurance est le recourant, et non la société et la société n’en est pas l’unique bénéficiaire. L’intimée a en effet dûment expliqué, sans être contredite sur ce point, qu’en cas de décès du recourant pendant la période d’assurance, la prestation en capital serait versée à la recourante ; en cas de décès de la recourante pendant la période d’assurance et pendant qu’elle était employée de C______ SA, la prestation en capital serait versée à C______ SA et en cas de décès de la recourante pendant la période d’assurance et alors qu’elle n’était plus employée de C______S SA, la prestation en capital serait versée au recourant. Le fait que la prestation d’assurance avait été nantie par la recourante ne change rien au fait que le preneur d’assurance est le recourant et que la société n’est pas l’unique bénéficiaire des prestations d’assurance. C’est partant à juste titre que l’AFC-GE a repris ces montants.

Pour le reste, les recourants se contentent de se référer à la comptabilité de la société et aux factures produites pour contester la reprise des montants litigieux. Or, dans sa réponse, l’AFC-GE a dûment expliqué les raisons pour lesquelles les reprises en lien avec les frais de représentation, de repas et de téléphone devaient être confirmées. Pour seule justification, les recourants arguent que l’arrêt du Tribunal fédéral ne se prononce pas sur ces frais. Ils perdent toutefois de vue que, dans l’ATA/761/2022 relatif à la société, la chambre administrative avait confirmé les reprises opérées par l’administration fiscale, telles que reproduites dans le tableau reproduit par l’AFC-GE dans sa réponse du 5 décembre 2022 devant le TAPI, qui contient des colonnes spécifiques pour les frais de téléphone, de représentation et de véhicules. Ces décisions sont devenues définitives avec l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 décembre 2022.

S’agissant enfin des frais relatifs au développement de software, l’AFC-GE a expliqué que la comptabilité de la société laissait apparaitre des charges prétendument payées par la banque alors qu’en réalité, sur le compte bancaire, il s’agissait de retraits en espèces, ce qui avait pu être identifié grâce aux quelques avis de retrait obtenus dans le cadre de la procédure à l’encontre de C______ SA. Ces éléments démontraient que la comptabilité de la société n’était pas probante. Dans leur réplique, les contribuables ne contestent pas spécifiquement ces faits. Ils se limitent à faire valoir que I______ aurait dû déduire des honoraires facturés par les développeurs puisqu’il avait lui-même assisté à une démonstration de logiciels. Or, une telle explication, qui ne repose sur aucun document comptable, ne suffit pas à écarter les explications cohérentes et plausibles avancées par
l’AFC-GE sur la base des pièces au dossier.

C’est donc à raison que le fardeau de la preuve a été mis à la charge des recourants et qu’en l’absence de critiques détaillées et étayées des reprises litigieuses,
l’AFC-GE a admis que, dans la mesure où ces reprises étaient entrées en force dans le chapitre de la société, elles se justifiaient également dans le chapitre des contribuables.

7.             S’agissant des amendes ICC et IFD 2009 à 2015, le TAPI a fait droit à la conclusion de l’AFC-GE visant à infliger l’intégralité de ces amendes à la recourante. Devant la chambre de céans, l’intéressée reproche à la juridiction précédente de ne pas lui avoir laissé la possibilité d’examiner l’opportunité de retirer son recours.

7.1 Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Lorsque la violation du droit d’être entendu porte sur une question juridique, le Tribunal fédéral peut le réparer s’il dispose du même pouvoir d’examen que l’instance précédente (arrêt du Tribunal fédéral 6B_257/2012 du 22 avril 2013 consid. 3 et les arrêts cités). Une réparation de la violation du droit d’être entendu par le Tribunal fédéral peut aussi se justifier, même en présence d’un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1).  

Le droit d’être entendu garantit à toute personne qui est partie à une procédure le droit d’être informée et entendue avant qu’une décision ne soit prise à son détriment (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; III 48 consid. 4.1.1). Le droit d’être entendu ne porte en principe pas sur la décision projetée (ATF 132 II 257 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_21/2013 du 5 juillet 2013 consid. 3.1; 2P.33/2006 du 18 avril 2007 consid. 2.1). L’autorité n’a donc pas à soumettre par avance aux parties le raisonnement qu’elle entend tenir pour prise de position. Cependant, lorsqu’elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s’est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence, le droit d’être entendu implique de donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 131 V 9 consid. 5.4.1 ; 128 V 272 consid. 5b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 3.2.1 ; 2C_356/2017 du 10 novembre 2017 consid. 4.3 et les références).

7.2 Selon l’art. 143 al. 1 LIFD, la commission cantonale de recours prend sa décision après instruction du recours. Après avoir entendu le contribuable, elle peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier. Elle communique sa décision motivée par écrit au contribuable et aux autorités qui sont intervenues dans la procédure (al. 2).

Le TAPI prend sa décision après instruction du recours. Il peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, il peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier (art. 51 al. 1 LPFisc). La décision est motivée et notifiée par écrit au contribuable ainsi qu’au département, partie à la procédure (al. 2). Il s’agit d’une norme spéciale dérogeant à la réglementation du pouvoir de décision régi par l’art. 69 al. 1 LPA. En effet, les art. 143 al. 1 LIFD et 51 al. 1 LPFisc permettent au TAPI d’aller au-delà des conclusions des parties, éventuellement au désavantage du contribuable, indépendamment des motifs invoqués. Toutefois, la reformatio in pejus, comme la reformatio in melius, doivent respecter le cadre strict de l’objet du litige, tel qu’il résulte des moyens soulevés par les parties (ATA/360/2021du 23 mars 2021 consid. 2c et les références citées).

7.3 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Selon la jurisprudence, pour qu'il y ait soustraction au sens de ces dispositions, il faut donc qu'il y ait soustraction d'un montant d’impôts en violation d'une obligation légale incombant au contribuable (éléments objectifs) et une faute de ce dernier (élément subjectif ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1).

La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).

Conformément aux art. 175 al. 2 LIFD, 56 al. 1 LHID et 69 al. 2 LPFisc, en règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée. Le montant de l'impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de faute de l'auteur. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en règle générale au montant de l'impôt soustrait (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.2).

7.4 En l’espèce, dans son écriture devant le TAPI du 4 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu à ce que l’intégralité des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 soit attribuée à la recourante, « en application du pouvoir de reformatio in pejus attribué au TAPI », et, en conséquence, à l’annulation des amendes ICC et IFD 2008 à 2015 prononcées à l’égard du recourant. L’AFC-GE a expliqué que cette nouvelle conclusion était fondée sur le fait que seule la recourante était actionnaire de la société. Le TAPI a transmis cette écriture aux recourants en leur impartissant un délai pour déterminations éventuelles.

La recourante a ainsi été informée du fait qu’une reformatio in pejus des amendes prononcées par l’administration fiscale était possible et un délai de 30 jours lui a été accordé pour qu’elle se détermine à ce sujet. Elle a donc eu la possibilité de s’exprimer sur l’éventualité d’un prononcé en sa défaveur. Il s’ensuit que le TAPI, qui a préalablement interpellé l’intéressée sur la question de l’éventuelle reformatio in pejus, a respecté les art. 143 al. 1 LIFD et 51 al. 1 LPFisc.

Pour le reste, la recourante ne conteste ni le principe, ni la quotité des amendes. Compte tenu des éléments figurant au dossier, la quotité des amendes infligées, correspondant aux 4/5e des impôts soustraits, respectivement aux 8/15e des impôts s’agissant de la tentative de soustraction, ne consacre ni excès ni abus du pouvoir d’appréciation de l’AFC-GE. Celle-ci a en effet tenu compte, à la décharge de la recourante, de sa bonne collaboration, du repentir sincère et de l’effet économique important des reprises et, à sa charge, de l’importance des montants soustraits durant plusieurs années fiscales et de ses bonnes connaissances juridiques.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis en tant que les bordereaux de rappel d'impôt et d’amende ICC et IFD pour la période fiscale 2008 sont annulés car prescrits. Le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus.

Les recourants obtenant gain de cause uniquement en raison de la prescription, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à leur charge (art. 87 al. 1 LPA). N’obtenant que très partiellement gain de cause, une indemnité de procédure réduite de CHF 1'000.- leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2008 ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 1’500.- ;

alloue à A______ et B______, pris solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine BERTHOUD, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :