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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2002/2022

ATA/46/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/764/2022 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;ACTE DE RECOURS;CONDITION DE RECEVABILITÉ;SIGNATURE
Normes : LPA.64.al1; CO.14.al1
Résumé : Compte tenu de l’erreur reconnue du TAPI dans l’ouverture de deux procédure distinctes concernant un seul recours et de la recevabilité de celui-ci, il y a lieu de lui renvoyer le dossier pour examen au fond. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2002/2022-PE ATA/46/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________




Recours contre les jugements du Tribunal administratif de première instance des 20 (JTAPI/754/2022) et 22 juillet 2022 (JTAPI/764/2022)


EN FAIT

A. a. Madame A______, ressortissante du Pérou née le ______ 1982, est arrivée en Suisse le 6 octobre 2010, au bénéfice d’une autorisation de séjour pour études, régulièrement renouvelée jusqu’au 30 septembre 2014.

b. Le 29 mai 2015, Mme A______ s’est mariée avec Monsieur B______, ressortissant suisse résidant dans le canton de Genève.

Le 17 avril 2020, le couple s’est séparé.

c. Du 1er avril 2016 au 31 mai 2020, le couple a été dépendant de l’aide sociale pour un montant total de CHF 163'618.05.

Depuis le 1er juin 2020, Mme A______ la perçoit à titre individuel (soit un montant de CHF 52'601.95 au 1er mai 2022).

B. a. Par décision du 9 janvier 2015, confirmée le 11 février 2015, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler l’autorisation de séjour pour études de Mme A______, en lui impartissant un délai au 15 juillet 2015 pour quitter le territoire suisse.

b. Le 11 août 2015, Mme A______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial, régulièrement renouvelée jusqu’au 28 mai 2020.

C. a. Le 10 décembre 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour en sa faveur et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendue.

b. Par courrier du 7 janvier 2022, Mme A______ s’y est opposée, en faisant notamment valoir avoir subi des « violences conjugales psychologiques » durant son mariage et son souhait de s’intégrer davantage dans le « monde du travail ». Elle ne disposait pas de famille ni de proches au Pérou, alors qu’en Suisse, la qualité de vie était « bien meilleure ».

c. Par décision du 18 mai 2022, l’OCPM a refusé le renouvellement de l’autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et prononcé son renvoi, en lui impartissant un délai au 26 juin 2022 pour quitter le territoire suisse.

Depuis le 1er avril 2016, Mme A______ était dépendante de l’aide sociale, de sorte que son comportement ne pouvait être exempt de tout reproche. Aucun élément ne permettait de retenir que son renvoi au Pérou la placerait dans un cas de rigueur. Elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration marquée en Suisse. Sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Pérou. Elle n’apportait aucun élément étayant ses allégations de violences conjugales psychologiques.

D. a. Par acte du 16 juin 2022, non signé, enregistré sous le numéro de cause A/2002/2022, Mme A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de l’OCPM du 18 mai 2022, en concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser positivement une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur.

Elle vivait de manière continue à Genève depuis presque douze ans et s’était intégrée à son environnement. Après avoir fait des études universitaires durant presque quatre ans, elle s’était mariée avec un ressortissant suisse, avec lequel elle avait vécu plus de sept ans, dont cinq ans de mariage. L’OCPM ne lui avait toutefois pas délivré d’autorisation d’établissement, en raison de l’aide dont elle bénéficiait de l’Hospice général (ci-après : l’hospice). Il n’avait pas tenu compte de sa situation personnelle en tant que personne souffrant d’un handicap, rendant la recherche d’un emploi difficile malgré sa bonne volonté. Il fallait tenir compte de sa situation personnelle d’une extrême gravité.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-          une attestation de l’hospice du 2 juin 2022 indiquant qu’elle allait suivre une mesure d’insertion de retour à l’emploi, auprès de la Fondation C______ à 50 % pendant une année avant d’entamer une validation des acquis afin d’obtenir un « CFC d’ASE » ;

-          une attestation de l’association genevoise des malentendants du 13 juin 2022, selon laquelle « malgré sa malentendance, [Mme A______] continu[ait] activement ses recherches d’emploi » ;

-          une attestation du docteur D______, ORL, indiquant qu’elle présentait « une surdité de perception bilatérale entraînant une importante gêne auditive avec difficulté de compréhension, en société », de sorte qu’il avait recommandé un appareillage acoustique binaural.

b. Par courrier du 21 juin 2022, le TAPI a imparti à Mme A______ un délai au 1er juillet 2022 pour transmettre un exemplaire de son recours comportant une signature manuscrite originale. À défaut, celui-ci serait déclaré irrecevable.

c. Le 30 juin 2022, le TAPI a reçu une nouvelle version dudit recours, postée le 29 juin 2022 et signée par Mme A______, enregistrée sous le numéro de cause A/2139/2022.

d. Par jugement du 20 juillet 2022 (A/2139/2022), le TAPI a considéré que le recours daté du 16 juin 2022, mais posté le 29 juin 2022, était irrecevable pour cause de tardiveté, sans qu’un cas de force majeur ait été invoqué.

e. Par jugement du 22 juillet 2022 (A/2002/2022), le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté le 16 juin 2022, celui-ci ne remplissant pas les exigences légales requises. Mme A______ n’avait pas déposé d’acte de recours comportant une signature manuscrite originale dans le délai imparti au 1er juillet 2022.

E. a. Par courriers du 16 août 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre les jugements précités.

b. Le 18 août 2022, le TAPI a adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) une copie de son jugement du même jour (JTAPI/840/2022) transmettant pour raison de compétence les recours déposés par Mme A______ contre les jugements précités.

Le TAPI avait commis une erreur en ouvrant la procédure A/2139/2022 dès lors que le courrier du 29 juin 2022 de Mme A______ était en réalité la version signée de son recours, enregistré sous la cause A/2002/2022, et non un nouveau recours. Il n’était toutefois pas compétent pour connaître des recours du 16 août 2022.

c. Par décision du 22 août 2022, la chambre administrative a joint les causes A/2002/2022 et A/2139/2022 sous le numéro de cause A/2002/2022.

d. Dans ses écritures responsives du 21 septembre 2022, l’OCPM s’est rapporté à justice quant aux conditions d’application de forme et de fond. Par-devant le TAPI, la recourante, qui n’était pas assistée d’un avocat, avait payé l’avance de frais mais omis de signer son acte de recours.

e. Par courrier du 10 octobre 2022, la recourante a précisé ne pas avoir fait de copie du recours qu’elle avait adressé ni se souvenir si elle l’avait signé ou non. Son identité en tant que rédactrice dudit recours n’étant pas contestée, refuser de l’examiner au motif d’une absence de signature serait constitutif de formalisme excessif. Il convenait donc d’ordonner au TAPI d’entrer en matière.

f. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             À titre liminaire, il convient d’examiner si c’est à bon droit que le TAPI a déclaré irrecevable l’acte de recours daté du 16 juin 2022, en considérant le complément adressé le 29 juin 2022 par la recourante comme un acte de recours séparé.

2.1 En vertu de l'art. 64 al. 1 LPA, le recours est formé par écrit et adressé à la juridiction administrative appelée à en connaître. À teneur des art. 12 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) et notamment de l'art. 14 al. 1 CO, la forme écrite implique que la signature doit être écrite à la main par celui qui s'oblige.

2.2 De jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte de recours (ATF 121 II 252 consid. 3 ; ATA/227/2019 du 5 mars 2019 consid. 3b ; ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 3b). Le défaut de signature est cependant un vice réparable pour autant que la signature soit ajoutée dans un délai convenable excédant, le cas échéant, le délai légal de recours, sous réserve d'un abus de droit (art. 65 al. 3 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.3 et références citées). Par ailleurs, en l'absence de dispositions cantonales contraires, le Tribunal fédéral estime suffisant que la signature manuscrite se trouve sur une lettre d'accompagnement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_39/2013 précité consid. 2.4 et références citées). Cette réglementation tend à éviter tout formalisme excessif en permettant à l’intéressé de réparer une omission (ATF 121 II 252 consid. 4b ; arrêt 1C_39/2013 précité consid. 2.1 ; ATA/1192/2022 du 29 novembre 2022 consid. 1b ; ATA/346/2010 du 18 mai 2010 consid. 1).

2.3 En l’espèce, dans le délai imparti au 1er juillet 2022, la recourante a transmis au TAPI une version signée manuscritement de son acte de recours du 16 juin 2022, interjeté dans le délai légal contre la décision de l’OCPM du 18 mai 2022.

Dans son courrier du 18 août 2022 adressé à la chambre de céans et transmettant les recours du 16 août 2022 de la recourante contre les jugements des 20 et 22 juillet 2022, le TAPI a lui-même reconnu une erreur dans le traitement des documents précités, ayant malencontreusement abouti à l’ouverture de deux procédures distinctes.

En ces circonstances et au vu des principes susrappelés, il y a lieu de constater que le recours du 16 juin 2022 était recevable, la recourante ayant pallié au défaut de signature dans le délai imparti à cette fin.

Par conséquent, le recours sera admis et la cause renvoyée au TAPI afin qu’il entre en matière sur le refus de renouvellement de l’autorisation de séjour de la recourante.

3.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera alloué (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 16 août 2022 par Madame A______ contre les jugements du Tribunal administratif de première instance des 20 et 22 juillet 2022 ;

au fond :

les admet ;

annule les jugements précités ;

renvoie la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.