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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3910/2021

ATA/1371/2021 du 16.12.2021 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3910/2021-MARPU ATA/1371/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 décembre 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Nicolas Rivard, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

B______ SA



Vu que le 19 mars 2021, l’Université de Genève a lancé un appel d’offres dans le cadre d’une procédure ouverte pour la fourniture de mobiliers pour la bibliothèque Aile-Jura, divisé en sept lots ; elle a reçu dix-neuf offres pour le lot 2 « fauteuils hauts acoustiques » ; les cinq soumissionnaires présentant les meilleures notes étaient ensuite retenus pour la phase test, à savoir que le mobilier proposé était testé par différents utilisateurs ; le critère n° 2 « qualité technique & tests » pouvait ensuite être revu en fonction des tests effectués ;

que par décision de l’Université de Genève du 3 novembre 2021, le lot 2 a été adjugé à B______ SA pour le montant de CHF 48'060.-, l’offre de cette dernière étant jugée économiquement plus avantageuse ;

que par acte expédié le 15 novembre 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, A______ SA a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et à l’adjudication en sa faveur du marché public en question ;

qu’elle a exposé que la décision lui avait été adressée sans le tableau d’évaluation et les notes obtenues ; qu’à sa demande, elle avait reçu un tableau caviardé, dans un premier temps, puis non-caviardé, mais qu’il ne permettait pas de comprendre les notes obtenues ; qu’il en ressortait cependant qu’elle était arrivée en 4ème position pour le lot 2 ; dans la mesure où l’exécution du marché public en question ne présentait pas de complexité, le critère du prix aurait dû être pondéré au minimum à 60 % et non à 40 % ; par ailleurs, le pouvoir adjudicateur en « ret[enant] les critères des références et expériences à hauteur de 20 % et d’organisation à hauteur de 5 % [ ] imput[ait] ces pourcentages uniquement sur la pondération du prix qui devrait exister entre le critère du prix et celui de la qualité technique et tests » ;

que, par ailleurs, les notes obtenues par elle et l’adjudicataire n’étaient pas motivées ; son droit d’être entendue était ainsi violé ; le soumissionnaire arrivé en tête pour le lot 2 avait finalement été écarté, de sorte que la recourante aurait dû être classée 3ème d’une part ; d’autre part, cela aurait dû induire une notation différente, notamment si le soumissionnaire écarté avait obtenu la note maximale pour le critère du prix ;

qu’elle a requis l’octroi de l’effet suspensif, son recours apparaissant suffisamment fondé ;

que, se déterminant sur effet suspensif et sur le fond, l’Université de Genève a conclu à l’irrecevabilité du recours, la recourante n’étant classée qu’en 4ème position ; pour le surplus, le recours étant dénué de chances de succès, la requête d’effet suspensif devait être rejetée ; préalablement, ses pièces 9 (offre de B______ SA) et 10 (offre de l’adjudicataire du lot 5) devaient être soustraites à la consultation, sauf accord contraire des adjudicataires, et le nom de soumissionnaires non parties à la procédure devait être caviardé des pièces 5 (procès-verbal d’ouverture des offres), 7 et 8 (tableau final d’évaluation et récapitulatif des notes pour les lots 2 et 5) de son chargé ;

qu’elle avait reçu dix-neuf offres pour le lot 2 ; les cinq soumissionnaires présentant les meilleures notes avaient mis à disposition les meubles proposés, qui avaient été testés par différents utilisateurs afin d’évaluer l’acoustique, l’isolation phonique, voire d’autres sous-critères tels que design et confort ; à la suite des tests, seule une note avait été baissée, soit celle du soumissionnaire étant arrivé pour le lot 2 en 1ère position ; la recourante avait été classée en 4ème position pour le lot 2 ; contrairement à ce qu’elle soutenait, l’offre étant, avant la phase test, arrivée en 1ère position n’avait pas été écartée ; le tableau n’avait simplement pas été mis à jour ;

que les critères d’évaluation et leur pondération avaient été précisés dans l’appel d’offres, de sorte que la recourante était forclose pour les contester ; que l’intimée avait sommairement motivé la décision d’adjudication et transmis le tableau d’évaluation indiquant les montants des offres, les notes obtenues, le classement et le positionnement de la recourante ; l’indication souhaitée par celle-ci des meubles proposés par ses concurrentes ne relevait d’aucune obligation légale ;

que B______ SA ne s’est pas déterminée sur effet suspensif ;

que la recourante ne s’est pas manifestée dans le délai de réplique sur effet suspensif ;

que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que, le recours a été interjeté en temps utile devant l'autorité compétente (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - GE  - E 5 10  ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020 ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1106/2021 du 20 octobre 2021 ; ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen  prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que le soumissionnaire qui entend contester la définition, la pondération ou le manque de précisions des critères d'adjudication doit le faire, pour des raisons de bonne foi, dans le cadre de l'appel d'offres et non au moment de la décision d'adjudication, sans quoi il est forclos (ATF 130 I 241 consid 4.2 ; ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 6b ; ATA/1443/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4e et les références citées).

que, par ailleurs, le soumissionnaire évincé dispose d’un intérêt juridique lorsqu’il avait, avant la conclusion du contrat, des chances raisonnables de se voir attribuer le marché en cas d’admission de son recours (ATF 141 II 14 consid. 4.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2014 du 9 mai 2015 consid. 2.1 et 2P.261/2002 du 8 août 2003) ;

qu’en l’espèce, il convient en premier lieu d’observer que la qualité pour recourir de la recourante est douteuse, celle-ci ayant été classée pour le lot 2 à la 4ème position, avec 301.92 points, les trois offres mieux placées ayant obtenu respectivement 312, 315.25 et 315.95 points ;

que, par ailleurs, la recourante n’a pas contesté les indications fournies par le pouvoir adjudicateur relatives au changement de classement après les tests, en ce sens que le concurrent placé en 1ère position avant les tests n’avait pas été écarté du marché public après ceux-ci, mais avait été classé, une fois le critère n° 2 corrigé de la note 3 à la note 1, en 3ème position ; qu’il sera ainsi retenu, au stade de la vraisemblance, qu’en retenant la note de 1 pour le critère n° 2, le concurrent placé en 1ère position avant tests est passé en 3ème position après les tests, de sorte qu’a priori et sans préjudice au fond, la recourante ne semble pas pouvoir se réclamer d’une 3ème position ;

qu’en outre, en tant que la recourante conteste la pondération de différents critères, notamment du prix, il apparaît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, que ce grief aurait dû être dirigé contre l’appel d’offres et est ainsi tardif ;

que la décision d’adjudication mentionne le prix de l’offre retenue et que le choix de l’adjudicataire est motivé par le fait qu’elle avait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse ; que par la suite, l’autorité intimée a fait parvenir à la recourante le tableau final d’évaluation et récapitulatif des notes lui permettant de comprendre son classement et l’informant des notes obtenues pour les différents critères d’évaluation ;

qu’a priori et sans préjudice de l’examen au fond, ces indications étaient de nature à permettre à la recourante de comprendre les motifs de la décision et de se déterminer sur l’opportunité de la contester ;

que la recourante s’étonne de l’écart de 0.9 point concernant le critère n° 2 entre elle et l’adjudicataire, estimant qu’il s’agit de meubles standards ; que l’intimée a expliqué les critères déterminants (l’acoustique et l’isolation phonique étant très importants, le design et le confort étant également pris en considération) et a produit le récapitulatif des évaluations des meubles fournis par les cinq soumissionnaires admis à la phase de tests ;

que la recourante n’a pas allégué que ces critères ne seraient pas pertinents ; que sa seule objection selon laquelle il s’agirait de « meubles standards » demeure en outre trop générale pour en déduire, sous l’angle de la vraisemblance au stade de la décision sur effet suspensif, un indice d’un abus ou d’un excès du pouvoir d’appréciation de l’intimée en la matière ;

qu’ainsi, les chances de succès du recours ne paraissent pas d’emblée manifestes au point de justifier d’accorder l’effet suspensif au recours ;

que la requête sera donc rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision et sur l’accès aux pièces 9 (offre de l’adjudicataire du lot 2) et 10 (offre de Sitag SA) de l’intimée et le caviardage de ses pièces 5 (procès-verbal d’ouverture des offres), 7 et 8 (tableau final d’évaluation et récapitulatif des notes pour les lots 2 et 5), étant précisé que ces pièces n’ont pas été utilisées pour la reddition de la présente décision, seules les pièces produites par la recourante l’ayant été, dont le tableau caviardé des noms des soumissionnaires pour le lot 2 ;

qu’enfin, l’intimée s’étant déjà déterminée sur le fond avec son écriture sur effet suspensif, un délai de réplique au fond sera imparti à la recourante.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

impartit à A______ SA un délai de réplique sur le fond au 17 janvier 2022 ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110) la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nicolas Rivard, avocat de la recourante, à l'Université de Genève, à B______ SA ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :