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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3195/2021

ATA/1235/2021 du 16.11.2021 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3195/2021-AIDSO ATA/1235/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 novembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Imad Fattal, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______ et son épouse, Madame A______, ont bénéficié des prestations de l’Hospice général (ci-après : hospice) du 1er mars 2014 au 31 décembre 2019.

2) Par décision du 23 mai 2017, leurs prestations ont été réduites, M. A______ n’ayant pas déclaré son activité de chauffeur de taxi B______. Une décision de restitution des prestations indûment perçues serait rendue.

3) Les prestations ont été suspendues le 23 avril 2019, M. A______ étant resté inscrit comme chauffeur de taxi indépendant auprès de B______, contrairement à ses déclarations faites à l’enquêteur en décembre 2016. La demande de restitution, précédemment annoncée, n’avait pas encore pu être formulée, les bénéficiaires n’ayant pas produit les pièces idoines.

Le pli recommandé contenant la décision n’a pas été retiré. M. A______ s’étant plaint en mai 2019 de ne pas percevoir de prestations, son assistante sociale lui en a remis une copie.

4) Par décision du 11 juin 2019, le versement des prestations a repris, M. A______ ayant apporté la preuve de sa radiation auprès des taxis B______ le 15 mai 2019. Les époux ont été informés que la décision de restitution leur parviendrait, calculée sur la base des documents transmis.

5) Par décision, adressée par pli recommandé du 7 novembre 2019 aux époux A______, l’hospice a fixé à CHF 157'973.70 le montant dû à titre de restitution de prestations indument perçues du 1er juillet 2016 au 30 avril 2019. La somme de CHF 153'856.15 était due en raison du fait que M. A______ avait continué son activité de chauffeur de taxi indépendant en avril, mai, juin et novembre 2014 et de mars à octobre 2015. La somme de CHF 4'117.55 était due au motif que le précité avait perçu des revenus non déclarés à l’hospice.

Selon le suivi des envois postaux, les époux A______ ont été avisés du pli recommandé le 15 novembre 2019, le délai de garde échéant le 22 novembre 2019. Le pli n’a pas été retiré.

6) Le 24 mars 2021, le Tribunal civil de première instance a autorisé les époux à vivre séparés.

7) Le 14 mai 2021, le service du recouvrement de l’hospice a informé M. A______ que son dossier lui avait été transmis pour recouvrement.

8) Par courrier du 1er juin 2021, l’intéressé a formé opposition à la décision du 7 novembre 2019 et demandé la remise. Il avait pris connaissance de cette décision le 25 mai 2021, du fait qu’il avait été en arrêt maladie du 16 octobre au 15 novembre 2019 et que la décision avait été adressée à son épouse.

9) Le 20 août 2021, la demande a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté.

10) M. A______ a demandé la reconsidération de cette décision.

11) Le 7 septembre 2021, le directeur général de l’hospice a exposé que la demande de reconsidération serait traitée à l’issue de la procédure ayant donné lieu à la décision du 20 août 2021.

12) Par acte déposé le 20 septembre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre la décision précitée, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à la réduction du montant réclamé, subsidiairement au renvoi de la cause à l’hospice pour nouvelle décision.

Il avait subi une intervention chirurgicale bariatique le 16 octobre 2019 et s’était retrouvé limité dans ses mouvements. Son épouse, avec qui il faisait alors encore ménage commun, travaillait dans le domaine de la vente et commençait son activité professionnelle tôt le matin et rentrait tard le soir. Il ne pouvait s’attendre en novembre 2019 à recevoir une décision. N’ayant pas reçu la décision de novembre 2019, il n’avait pu s’y opposer que lorsqu’il en avait pris connaissance le 25 mai 2021.

La demande de restitution était infondée. Il avait reconnu sa faute, collaboré, notamment en produisant les fiches de salaire des revenus non déclarés. Compte tenu de son revenu de CHF 4'000.-, il n’était pas en mesure de rembourser la somme réclamée. La décision de restitution devait être réduite à CHF 9'103.55.

13) L’hospice a conclu au rejet du recours.

L’opposition et la demande de remise étaient tardives, ayant été formées plus de 30 jours après la notification – régulière – de la décision de restitution. Les conditions d’un cas de force majeure permettant de retenir que le recourant avait été empêché, sans sa faute, d’agir dans les délais n’étaient pas remplies.

14) Dans sa réplique, le recourant a relevé qu’il n’avait pas perçu d’autres revenus de son activité de chauffeur de taxi indépendant que ceux déclarés. Son compte auprès de B______ n’avait plus été crédité depuis 2016. Contrairement à ce qu’indiquait l’hospice dans ses déterminations, la décision du 7 novembre 2019 n’avait pas été mentionnée par l’assistante sociale lors de l’entretien que les époux avaient eu avec elle le 3 décembre 2019.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si l’hospice a, à bon droit, déclaré l’opposition à la décision du 7 novembre 2019 et la demande de remise irrecevables, car tardives.

a. Aux termes des art. 42 al. 2 et 51 al. 2 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), le délai pour former opposition, respectivement demander la remise est de trente jours à partir de la notification de la décision.

b. Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte incombe à l'autorité, qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2). Lorsque le destinataire d'un envoi recommandé n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres, cet envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, il est réputé notifié le dernier jour de ce délai (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3). Cette fiction de notification n'est applicable que lorsque la communication doit être attendue avec une certaine vraisemblance, ce qui est le cas lorsqu’une procédure est pendante (ATF 139 IV 228 consid. 1.1).

c. La jurisprudence établit la présomption réfragable que l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte aux lettres du destinataire et que la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte au jour attesté par le facteur, la remise est censée être intervenue en ces lieu et date. Le destinataire ne doit cependant pas apporter la preuve stricte de l'absence de remise, s'agissant d'un fait négatif ; il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (ATF 142 IV 201 consid. 2.3).

La présomption du dépôt régulier de l'avis de retrait a été considérée renversée dans un cas où des erreurs de distribution des avis de retrait dans les cases postales avaient eu lieu à plusieurs reprises au sein de l'office de poste en question, lorsque la mention « avisé pour retrait » ne figurait pas dans le résultat des recherches effectuées par la Poste au moyen du système de suivi des envois ou encore lorsque la date du dépôt de l'avis de retrait enregistrée dans le système de suivi ne correspondait pas à la date du dépôt effectif dudit avis dans la case postale du recourant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_552/2018 du 24  octobre 2018 consid. 3.1 ; 5A_28/2015 du 22 mai 2015 consid. 3.1.2 et les références citées).

d. En l’espèce, il ressort des suivis de l’envoi recommandé comportant la décision du 7 novembre 2019 que les destinataires ont été avisés du pli le 15 novembre 2019. Le délai de garde de sept jours est ainsi arrivé à échéance le 22 novembre 2019. Le délai de trente jours pour former opposition ou demander la remise a ainsi commencé à courir le 23 novembre 2019. Compte tenu de la suspension des délais entre le 18 décembre 2019 et le 2 janvier 2020 (art. 63 al. 1 let. c LPA), le délai de trente jours est arrivé à échéance le 7 janvier 2020.

Formées le 1er juin 2021, l’opposition et la demande de remise sont manifestement tardives.

Dès lors que la jurisprudence établit la présomption que l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte aux lettres du recourant et que la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte, il appartenait au recourant de renverser cette présomption. Or, il n’a apporté à cet égard aucun élément rendant vraisemblable que l’avis de retrait n’aurait pas été déposé dans la boîte aux lettres des époux.

Par ailleurs, l’hospice ayant indiqué dans sa décision du 11 juin 2019 qu’une décision de remboursement allait être rendue, le recourant devait s’attendre de recevoir une telle décision. Partant, la fiction de notification de la décision le 22 novembre 2019 lui est opposable.

3) Reste encore à examiner si le recourant peut se prévaloir, comme il le fait, d’un cas de force majeure.

a. Aux termes de l’art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé sauf en cas de force majeure.

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/138/2021 du 9 février 2021 consid. 3a ; ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 ; ATA/138/2021 précité ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b). Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/138/2021 précité ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, dès lors qu'il ne pouvait le poster lui-même et que ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

b. En l’espèce, le recourant établit, certes, qu’il a subi une intervention médicale le 16 octobre 2019 à la suite de laquelle il a été en incapacité de travail pendant un mois. Cela étant, cette incapacité a pris fin le 16 novembre 2019, soit avant l’échéance du délai de garde du pli recommandé contenant la décision du 7 novembre 2019. Il ne démontre pas ni même ne rend vraisemblable qu’il aurait été empêché de se rendre à la Poste pour retirer le pli, d’une part.

D’autre part, il n’établit pas non plus que son épouse, avec qui il faisait alors encore ménage commun et qui était également destinataire de la décision, aurait été empêchée, sans sa faute, d’aller retirer le pli. S’il est possible que celle-ci avait alors des horaires de travail contraignants, le détail de ceux-ci n’est pas démontré.

Enfin, aucun élément ne permet de retenir que l’état de santé du recourant et de son épouse les aurait empêchés de mandater un tiers pour aller retirer le pli recommandé.

Partant, l’intimé a retenu à juste titre que les conditions d’un cas de force majeure justifiant la restitution du délai d’opposition et de remise n’étaient pas remplies. Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

4) Vu la nature du litige, il n’est pas perçu d’émolument, et l’issue du litige ne justifie pas l’octroi d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 20 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imad Fattal, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :