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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3193/2021

ATA/1060/2021 du 12.10.2021 sur JTAPI/988/2021 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3193/2021-MC ATA/1060/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 octobre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2021 (JTAPI/988/2021)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1984, est ressortissant du B______.

Il est également connu des autorités suisses sous l’alias C______, né le ______ 1985, ressortissant de D______.

2) Le 15 mars 2018, M. A______ a été interpelé par la police à Genève. Démuni de tout document d’identité, il s’est présenté comme étant M. C______.

Suspecté d’infractions de séjour illégal en Suisse (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), de violation de domicile (art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et de dommages à la propriété (art. 144 CP), il a expliqué qu’il était parti de D______ pour rejoindre les côtes italiennes et qu’il était arrivé à Genève trois mois auparavant. Il ne disposait ni de documents d’identité ni d’argent pour subvenir à ses besoins et dormait dans la rue.

Le 16 mars 2018, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public, sous l’identité de M. C______, à une peine pécuniaire de soixante jours amende à CHF 30.- le jour, assortie du sursis avec délai d’épreuve de trois ans, pour les infractions mentionnées plus haut, le Ministère public n’étant pas entré en matière sur le reproche de dommages à la propriété.

3) M. A______ a encore été condamné, sous l’identité de M. C______, par ordonnances pénales du Ministère public : le 27 août 2018 à une peine privative de liberté de nonante jours pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et infraction à l’art. 115 al. 1 LEI ; le 27 septembre 2018 à une peine privative de liberté de trente jours pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ; le 25 décembre 2018 à une peine pécuniaire de soixante jours amende à CHF 30.- le jour pour infraction à l’art. 115 al. 1 LEI.

4) Le 29 août 2018, M. A______ s’est vu notifier, sous l’identité de M. C______, une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES), prononcé le 23 mai 2018 par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) et valable jusqu’au 22 mai 2021.

5) Le 1er février 2019, M. A______ a été incarcéré à la prison E______ afin d’y purger divers écrous.

6) Le 6 février 2019, l’office cantonal de la population et des migrations
(ci- après : OCPM) a requis l’assistance du SEM en vue de l’identification de M. A______, alors connu sous l’identité de M. C______.

7) Le 12 février 2019, l’OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______ en application de l’art. 64 LEI et a chargé la police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

La décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, a été notifiée le jour même à M. A______.

Un recours formé par M. A______ contre cette décision a été déclaré irrecevable.

8) Le 2 janvier 2020, M. A______ a été arrêté par la police et condamné par le Ministère public genevois à une peine privative de liberté d’ensemble de quarante jours pour infraction aux art. 19 al. 1 let. b LStup et 115 al. 1 let. b LEI.

Lors de son interpellation, il était porteur d’un passeport B______ échu depuis le 8 décembre 2020 et d’une carte d’identité B______ valable jusqu’au 17 juillet 2022, établis tous deux au nom de A______, né le ______ 1984.

9) Le 16 août 2020, M. A______ a été interpellé par la police en raison de la détention de deux cachets de « Dormicum » sans ordonnance.

Il a expliqué lors de son audition qu’il achetait des comprimés de cette substance depuis trois mois à différentes personnes au Quai 9, qu’il consommait du haschisch et avait le droit d’être en Suisse car son fils F______ ainsi que la mère de celui-ci, Mme G______, résidaient à Genève.

Il subvenait à ses besoins en accomplissant de petits travaux non déclarés. Il n’avait pas d’adresse fixe. Il dormait à H______, au foyer I______, à l’Armée du Salut ou chez des amis.

10) Le 17 août 2020, M. A______ a été incarcéré à la prison E______ pour purger un écrou judiciaire de trente-huit jours de détention sur ordre du service d’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM).

11) Le 24 janvier 2021, alors qu’il était détenu et avec l’approbation du SAPEM, M. A______ a été conduit à l’aéroport de Genève en vue d’embarquer sur un vol vers le B______ prévu le même jour.

M. A______ a refusé d’embarquer, expliquant qu’il voulait voir son enfant à Genève.

Il a été transféré à la prison E______ pour terminer l’exécution de sa peine.

12) Le 27 janvier 2021, au terme de l’exécution de la détention, M. A______ a été remis aux services de police.

Le même jour, à 15h15, le commissaire de police a émis à son encontre un ordre de détention administrative pour une durée d’un mois.

M. A______ a déclaré au commissaire de police qu’il s’opposait à son renvoi au B______ car il était sous la menace d’une vengeance.

13) Le 29 janvier 2021, entendu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a expliqué que depuis que sa compagne, Mme G______, avait accouché, il avait entamé des démarches en vue de régulariser sa situation.

Son fils F______ était né le ______ 2020.

Il était d’accord de quitter la Suisse et de partir au B______, ce qu’il ferait par ses propres moyens, s’il était libéré.

14) Le 29 janvier 2021, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois jusqu’au 26 février 2021.

Les autorités avaient déjà fait en sorte qu’il puisse être expulsé avant même la fin de sa détention pénale et elles avaient d’ores et déjà sollicité la réservation d’une place sur un nouveau vol à destination du B______. Le renvoi n’avait pu être exécuté du seul fait du refus de M. A______. Le principe de diligence et de célérité avait été respecté.

15) Un vol avec escorte policière (DEPA) à destination du B______ a été confirmé pour le 17 février 2021.

Celui-ci a toutefois dû être annulé à la demande du SEM, qui avait reçu de l’ambassade du B______ des contre-indications concernant M. A______.

L’obtention d’un laissez-passer était désormais nécessaire pour l’exécution du renvoi.

16) Le 16 février 2021, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois jusqu’au 26 juin 2021.

17) Le 23 février 2021, M. A______ a produit devant le TAPI la copie d’un extrait de l’acte de naissance de son fils F______ indiquant qu’il en était le père et que Mme G______ en était la mère.

Il avait entamé des démarches pour régulariser sa situation mais n’avait pas de documents en attestant. Il avait effectué une demande de mariage auprès de la mairie, mais c’était sa fiancée qui avait les documents. Celle-ci n’avait pu assister à l’audience car elle était au chevet de sa mère malade.

18) Le 23 février 2021, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 25 juin 2021.

Les craintes exprimées par M. A______ au sujet d’une vengeance au B______ apparaissaient de circonstance et peu crédibles. Il ne démontrait pas avoir tenté de régulariser sa situation, n’avait toujours pas produit d’attestation de Mme G______ et ne lui avait pas demandé de témoigner.

Le vol prévu le 17 février 2021 avait dû être annulé du fait des autorités B______ uniquement, si bien que les autorités suisses n’étaient pas responsables du retard. Rien n’indiquait par ailleurs qu’un test PCR ne serait pas effectué lorsque M. A______ devrait prendre place à bord de l’avion. Le principe de diligence et de célérité avait été respecté.

19) Le 15 avril 2021, le SEM a informé l’OCPM que M. A______ avait été identifié par les autorités B______.

Un retour au B______ n’était toujours pas possible, du fait que les liaisons aériennes entre la Suisse et le B______ était temporairement suspendues.

20) Le 11 juin 2021, le SEM a informé l’OCPM que les vols à destination du B______ seraient repris dès le 16 juin 2021, seuls les cas prioritaires pouvant toutefois bénéficier d’un laissez-passer. Des laissez-passer « ordinaires » étaient toujours conditionnés à la fin de l’état sanitaire d’urgence qui avait été prolongé jusqu’au 10 juillet 2021.

21) Le 14 juin 2021, le SEM a informé les autorités genevoises que M. A______ ne faisait pas partie des cas prioritaires.

Il allait cependant prendre contact avec l’ambassade du B______ pour savoir si M. A______ pourrait bénéficier d’une autorisation exceptionnelle.

22) Le 14 juin 2021, l’OCPM a requis du TAPI la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 25 octobre 2021.

23) Le 22 juin 2021, M. A______ a produit devant le TAPI des photographies de son fils, une copie de son acte de naissance ainsi que des pièces démontrant que Mme G______ était venue le voir à l’établissement J______ où il était détenu et qu’il donnait à cette dernière de l’argent pour leur enfant.

Il souhaitait pouvoir continuer de voir son fils et demandait que lui soit donnée une chance de rester en Suisse.

L’OCPM a exposé que le SEM poursuivait ses démarches auprès des autorités B______ en vue du renvoi de M. A______ au bénéfice d’une autorisation exceptionnelle. Les vols à destination du B______ avaient repris le 16 juin 2021. Si les négociations avec les autorités B______ restaient sans résultat, ce pourrait être notamment en raison de l’état d’urgence sanitaire. Lorsque ce dernier serait levé, il serait possible de réserver un vol ordinaire sans problème. Un laissez-passer suffirait, mais ne serait pas nécessaire si M. A______ avait un passeport biométrique valable.

24) Le 22 juin 2021, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines, jusqu’au 2 août 2021.

L’espace aérien B______ était ouvert. Si les laissez-passer ordinaires n’étaient pas délivrés par les autorités B______ en raison de l’état d’urgence sanitaire au B______, cette situation d’urgence devrait être levée le 10 juillet 2021. Le SEM était par ailleurs en contact avec l’ambassade du B______ pour que M. A______ puisse être renvoyé au bénéfice d’une autorisation exceptionnelle. L’exécution du refoulement n’était donc pas exclue. La durée de la prolongation était toutefois ramenée à six semaines.

25) Le 28 juin 2021, le SEM a informé l’OCPM qu’un laissez-passer pourrait être établi pour M. A______ et l’a invité à réserver un vol dans un délai de 15 jours afin de lui permettre de poursuivre les démarches en vue de l’obtention de ce document.

26) Le 30 juin 2021, une place dans un vol à destination du B______ avec escorte policière (DEPA) a été réservée pour M. A______ pour la date du 12 août 2021.

M. A______ ayant indiqué lors d’un entretien de départ du même jour qu’il ne souhaitait pas quitter la Suisse, une préinscription a également été faite pour un départ forcé par voie maritime.

27) Le 19 juillet 2021, l’OCPM a requis du TAPI la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 2 décembre 2021.

28) Le 27 juillet 2021, M. A______ a déclaré au TAPI qu’il était opposé à son renvoi au B______, car il voulait pouvoir rester auprès de son fils qui vivait en Suisse.

En cas de retour au B______, il risquait par ailleurs d’être l’objet de représailles pour des questions d’héritage.

Depuis sa dernière audition par le TAPI, il n’avait pas entrepris de démarches pour régulariser sa situation sur le plan administratif. Il continuait à verser de l’argent à la mère de son fils, pour ce dernier.

Le commissaire de police a indiqué que le vol du 12 août 2021 ainsi que la possibilité d’obtenir le laissez-passer des autorités B______ avaient été confirmés. Un éventuel renvoi par voie maritime, qui équivalait pour le B______ à un renvoi par vol spécial et qui avait été réservé pour M. A______, pourrait le cas échéant avoir lieu d’ici la fin de l’année 2021, ce qui justifiait la prolongation pour une durée de quatre mois.

29) Le 27 juillet 2021, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 1er décembre 2021.

Les démarches nécessaires étaient en cours et l’exécution du refoulement n’apparaissait ni exclue ni impossible. La situation personnelle et familiale de M. A______ ne paraissait en outre pas faire échec de manière patente à son refoulement.

30) Le 9 août 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours formé par M. A______ contre ce jugement et a limité la prolongation de la détention administrative au 1er octobre 2021.

Le laissez-passer suffisait pour que M. A______ puisse voyager, et le seul obstacle à son rapatriement au B______ par le vol réservé le 12 août 2021 était sa volonté affichée de rester en Suisse. Il ne pouvait se prévaloir de son refus de collaborer.

Pour tenir compte du principe de proportionnalité et de la longue durée de la détention administrative (six mois), une prolongation de deux mois paraissait suffisante pour que l’autorité puisse organiser le départ par la voie maritime si M. A______ refusait à nouveau d’embarquer dans l’avion le 12 août 2021, les démarches étant déjà en cours.

31) Le 11 août 2021, M. A______ a refusé de se soumettre à un test PCR, ce qui a entraîné l’annulation du vol prévu le lendemain 12 août 2021.

32) Le 30 août 2021, le SEM a informé l’OCPM qu’un renvoi par voie maritime n’était pas possible dans l’immédiat et que la situation serait réexaminée un mois plus tard. Au vu toutefois du besoin accru de places pour un rapatriement, l’organisation d’un bateau vers le B______ restait la priorité absolue.

33) Le 20 septembre 2021, l’OCPM a requis du TAPI la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 1er février 2022.

34) Le 28 septembre 2021, l’OCPM a indiqué devant le TAPI que le renvoi forcé par voie maritime à destination du B______ était une modalité d’exécution du renvoi pratiquée depuis des années. Il y avait entre deux à trois renvois par année, regroupant à chaque fois environ trois ou quatre personnes renvoyées. Ce n’était donc pas le principe du renvoi par voie maritime qui se discutait mais ses modalités.

Il ressortait d’un entretien téléphonique que la brigade de migration et retour de la police avait eu avec le SEM une dizaine de jours auparavant que les discussions entre la Suisse et le B______ étaient toujours en cours.

Il n’y avait pas d’autres options possibles, sauf pour M. A______ d’accepter de partir de lui-même.

M. A______ a conclu au rejet de la demande, subsidiairement à la réduction de la durée de la prolongation au strict minimum.

35) Le 28 septembre 2021, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, jusqu’au 1er février 2022.

À la suite du refus de M. A______ de se soumettre au test PCR lui permettant d’embarquer à bord d’un vol, aucune mesure moins incisive que la détention administrative ne pouvait assurer son renvoi, lequel répondait un intérêt public supérieur.

L’organisation d’un renvoi forcé par voie maritime demeurait la seule option encore possible et était soumise à davantage de contraintes que pour un renvoi par voie aérienne, compte tenu en particulier du fait que ce type de renvoi supposait le transit et le voyage à travers au moins un État tiers. On ne pouvait par conséquent exiger des autorités suisses, sous l’angle du devoir de diligence, qu’elles obtiennent quotidiennement des progrès en vue de l’exécution de la mesure.

Compte tenu des incertitudes pesant sur les négociations en cours avec les autorités B______ pour l’organisation d’un prochain renvoi par voie maritime, la prolongation de la détention pour une durée de quatre mois apparaissait comme nécessaire, étant observé que M. A______, par sa persistance à vouloir se soustraire à son obligation de quitter la Suisse, supportait à titre principal la responsabilité du délai qui s’écoulait en attendant l’exécution forcée de cette obligation.

36) Par acte remis à la poste le 5 octobre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée, subsidiairement à la réduction au strict minimum nécessaire de la durée de sa détention.

Bien que, selon les déclarations de l’OCPM à l’audience du 28 septembre 2021, des discussions entre le B______ et la Suisse étaient en cours, la situation sanitaire était telle qu’il ne pouvait raisonnablement être soutenu que le rapatriement par voie maritime pourrait avoir lieu. Le gouvernement B______ avait en effet décidé de réinstaurer un couvre-feu de 23h00 à 05h00 et la situation épidémiologique pouvait basculer à tout moment, la vaccination demeurant faible dans le pays.

Aucune date de renvoi par voie maritime n’avait été avancée et aucun élément concret ne permettait d’affirmer que celui-ci aurait lieu d’ici la fin de l’année. Le TAPI ne disposait donc pas d’indication suffisamment concrète permettant de retenir qu’il existait une chance sérieuse de leur envoyer d’ici la fin de l’année.

Le TAPI avait prolongé sa détention administrative de six semaines seulement le 22 juin 2021 et la chambre administrative avait réduit la durée de la prolongation de sa détention administrative à deux mois le 9 août 2021.

La nouvelle demande de prolongation de la détention pour une durée de quatre mois était disproportionnée et sans fondement.

37) Le 7 octobre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Si M. A______ était encore en détention administrative, c’était uniquement parce qu’il avait refusé le 24 janvier 2021 d’embarquer sur le vol prévu pour le B______ et le 11 août 2021 de se soumettre à un test PCR nécessaire pour son embarquement sur un second vol vers le B______. Son comportement réticent ne fondait pas une impossibilité d’exécuter le refoulement.

Le principe de proportionnalité interdisait que la durée de la mesure soit insuffisante pour atteindre son objectif et il fallait laisser au SEM suffisamment de temps pour conduire les négociations diplomatiques avec ses homologues B______ quant à l’organisation d’un renvoi sous la contrainte par la voie maritime.

Soumis au principe de célérité et de diligence, l’OCPM envisageait, indépendamment des négociations en cours entre le SEM et le B______, sur lesquelles il n’avait pas prise, de faire usage du nouvel art. 72 LEI entré en vigueur le 2 octobre 2021 et d’imposer à M. A______ un test Covid-19 avant un nouveau vol avec escorte policière.

Cette procédure était nouvelle et nécessitait l’intervention de plusieurs acteurs ainsi que l’obtention d’un nouveau laissez-passer. Il devait donc disposer de suffisamment de temps pour mener à bien la mission.

38) Le 7 octobre 2021, le conseil de M. A______ a indiqué avoir appris que ce dernier avait été transféré à Zurich.

L’OCPM devait renseigner exhaustivement la chambre administrative sur la situation de M. A______ qui avait manifestement évolué depuis le prononcé du jugement entrepris.

39) Le 8 octobre 2021, l’OCPM a indiqué que la situation administrative de M. A______ demeurait inchangée.

Il restait détenu conformément à l’art. 76 LEI, mais pour des raisons purement organisationnelles, soit par manque de place dans le centre de détention K______, il avait été transféré au centre de détention administrative du canton de Zurich dès le 4 octobre 2021, en application d’un accord conclu entre les autorités genevoises et zurichoises suite à la fermeture du centre de détention J______ et prévoyant l’octroi de plusieurs places de détention administrative au L______.

40) Le 8 octobre 2021, M. A______ a indiqué qu’il n’avait pas d’observations supplémentaires à faire valoir.

41) Le 11 octobre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 6 octobre 2021 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI). Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

En l'espèce, les conditions d'une détention administrative sont remplies, notamment vu les condamnations pénales du recourant ainsi que l’avait déjà relevé la chambre de céans dans son arrêt du 9 août 2021 (ATA/806/2021 consid. 3).

Le recourant ne remet d’ailleurs pas en cause le principe de la détention, et les circonstances n’ont pas varié depuis le précédent arrêt de la chambre de céans, comme l’a relevé le TAPI.

4) Le recourant soutient que l’exécution de son renvoi est impossible. Aucune date n’avait été arrêtée pour son renvoi par voie maritime. Or, ce type d’affrètement était déjà rare avant la pandémie et avait été interrompu depuis lors.

a. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56
consid. 4.1.3). La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012).

Le Tribunal fédéral a récemment résumé sa jurisprudence en la matière. Si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative en vue de renvoi n'est plus justifiée, et contrevient ainsi également à l'art. 5 § 1 CEDH. Pour savoir si l'exécution du renvoi est concrètement possible ou non, il y a lieu de poser un pronostic sur la base d'une appréciation consciencieuse du cas.

L'élément cardinal est de savoir si l'exécution du renvoi apparaît ou non possible, avec une vraisemblance suffisante, dans un laps de temps prévisible. La détention contrevient à l'art. 80 al. 6 let. a LEI et est du même coup disproportionnée lorsque des raisons sérieuses donnent à penser que le renvoi ne pourra être exécuté dans un délai raisonnable. La détention ne doit toutefois être levée que lorsqu'il n'existe aucune possibilité d'exécuter le renvoi ou qu'une telle probabilité est très mince, mais non déjà s'il existe encore une possibilité réelle - quand bien même elle serait ténue - de pouvoir procéder à cette exécution.

Sous réserve d'une violation de l'ordre public par la personne concernée, la question de l'impossibilité du renvoi au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI ne doit pas nécessairement être examinée en lien avec la durée maximale de la détention, mais bien plutôt au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce quant à la durée de détention admissible. La date du jugement attaqué constitue le point de référence à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_512/2020 du 15 juillet 2020 consid. 3.2 et 3.3).

Le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a précisé que le contexte actuel lié à la propagation dans le monde de la maladie à coronavirus (Covid-19) n'est, de par son caractère temporaire, pas de nature à remettre en cause l'exécution d'un renvoi. S'il devait, dans le cas d'espèce, retarder momentanément l'exécution du renvoi, celle-ci interviendrait nécessairement plus tard, en temps approprié (arrêt du TAF D-1233/2018 du 29 avril 2020).

Cela étant, les modalités de l'exécution du renvoi de Suisse sont du ressort de l'OCPM (ATA/613/2020 du 23 juin 2020 consid 11c; ATA/598/2020 du 16 juin 2020 consid. 9).

b. En l’espèce, seul le refus du recourant de retourner au B______ fait actuellement obstacle à l’exécution de son renvoi. S’il acceptait de subir un test PCR et d’embarquer, le recourant, dont l’identité est établie, qui a été reconnu par les autorités B______ et pour lequel un laissez-passer a déjà été obtenu, pourrait sans difficulté aucune regagner sa patrie.

La pandémie de Covid-19 a certes ralenti les formalités en vue de l’exécution du renvoi du recourant, mais elle n’a à aucun moment rendu celle-ci impossible et les restrictions touchant le trafic aérien ont été depuis lors levées, les vols vers le B______ ayant repris le 16 juin 2021.

Les hésitations des autorités B______ ont également ralenti les formalités, mais un laissez-passer a depuis lors été délivré.

Les autorités suisses ont pour leur part conduit avec célérité les démarches nécessaires en vue du renvoi du recourant, conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, ce que celui-ci ne conteste d’ailleurs pas.

Enfin, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé par les autorités B______ le 28 juillet 2021 jusqu’au 10 septembre 2021, puis le 23 août 2021 jusqu’au 31 octobre 2021, ainsi qu’il ressort du site d’informations en ligne Medias24 consulté le 11 octobre 2021 (https://www.medias24.com/2021/08/23/ prolongation-de-letat-durgence-sanitaire-au-B______-jusquau-31-octobre-2021/). Celui-ci n’empêche cependant pas les rapatriements par voie aérienne ou maritime.

Le recourant fait valoir que le TAPI ne disposait pas d’indications suffisamment concrètes qu’il existait une chance sérieuse d’exécuter son renvoi avant la fin de l’année.

Rien n’indique cependant qu’un renvoi par voie maritime ne pourrait pas être organisé et effectué avant la fin de l’année 2021.

À cela s’ajoute désormais que l’OCPM a indiqué récemment qu’il envisageait de faire application du nouvel art. 72 LEI. Cette disposition, entrée en vigueur le 2 octobre 2021, prévoit qu’afin que son renvoi, son expulsion au sens de la présente loi ou son expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP puisse être exécuté, un étranger est tenu de se soumettre à un test Covid-19 si les conditions d’entrée de son État d’origine, de son État de provenance ou de l’État Dublin compétent ou les prescriptions de la compagnie aérienne chargée de le transporter l’exigent (al. 1). Les autorités compétentes l’informent préalablement de cette obligation et de la possibilité qu’elles ont de pourvoir à l’exécution du test sous contrainte (al. 2). S’il ne se soumet pas de lui-même à un test Covid-19, l’autorité responsable de l’exécution peut le soumettre à ce test contre son gré si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion ne peut être assurée par des moyens moins coercitifs. Pendant le test, il ne doit faire l’objet d’aucune contrainte susceptible de mettre sa santé en danger. L’exécution de tests Covid-19 sous contrainte est exclue pour les enfants et les adolescents de moins de 15 ans (al. 3). Les tests Covid-19 sont effectués par du personnel médical spécifiquement instruit à cette fin. Celui-ci utilise le type de test le plus favorable pour la personne concernée. S’il estime que le test est susceptible de mettre en danger la santé de la personne concernée, il ne l’effectue pas (al. 4).

Ainsi, l’exécution de l’expulsion du recourant pourrait également se faire et possiblement dans une échéance plus brève que la fin de l’année 2021 ou le début de l’année 2022, par un nouveau vol spécial précédé d’un test PCR exécuté si nécessaire et si justifié sous la contrainte, étant rappelé que l’OCPM a fait valoir que la procédure était nouvelle et que son application nécessiterait du temps.

Qu’elle ait lieu par la mer ou par les airs, l’exécution de l’expulsion du recourant apparaît en toute hypothèse possible dans un futur proche.

Le grief sera écarté.

5) Le recourant se plaint encore du caractère disproportionné de la durée de sa détention.

Celle-ci a débuté le 27 janvier 2021 à 15h15 et a duré jusqu’ici huit mois et quinze jours.

Sa prolongation jusqu’au 1er février 2022 n’apparaît cela étant aucunement disproportionnée s’agissant d’organiser un rapatriement par voie maritime, qui nécessite des négociations et une organisation plus complexes.

Compte tenu cependant des récentes et nouvelles perspectives d’exécution du renvoi par voie aérienne, la durée de la prolongation pourra être réduite et portée à la fin de l’année 2021 compte tenu de la nouveauté de la procédure de test sous contrainte et du temps nécessaire pour la mettre en place.

Le recours sera ainsi rejeté en tant qu’il tend à l’annulation de la détention et à la mise en liberté, mais partiellement admis en tant que l’échéance de sa prolongation sera ramenée au 31 décembre 2021.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 300.- sera allouée au recourant à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2021 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement précité en tant que la détention administrative de M. A______ est limitée au 31 décembre 2021 ;

confirme le jugement pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 300.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à la L______, pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, juge, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :