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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1107/2018

ATA/1329/2018 du 11.12.2018 ( MARPU ) , REJETE

Parties : UNIVERSAL SHIELD HOLDING SA / CENTRALE COMMUNE D'ACHATS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1107/2018-MARPU ATA/1329/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2018

 

dans la cause

 

UNIVERSAL SHIELD HOLDING SA
représentée par Me Julien Blanc, avocat

contre

CENTRALE COMMUNE D'ACHATS

 



EN FAIT

1. En date du 5 septembre 2017, l’État de Genève représenté par la centrale commune d’achats (ci-après : CCA), a publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et dans Simap un appel d’offres, en procédure ouverte soumis à l’accord GATT/OMC et aux accords internationaux, avec délai de dépôt au 16 octobre 2017 pour l’acquisition de gilets pare-balles/couteaux (ci-après : gilets) et leurs accessoires ainsi que de housses « Unimatos ».

Cette parution initiale a été complétée par une seconde le 11 octobre 2017, rectifiant le point 1 du dossier d’appel d’offres en ce sens que la quantité estimée pour la durée totale du contrat, soit cinq ans, était de 2'100 gilets environ en lieu et place de 100 gilets par année. Le délai de dépôt était repoussé au 30 octobre 2017.

Selon le dossier d’appel d’offres, les gilets devaient impérativement répondre aux normes de sécurité mentionnées dans le cahier des charges et résister aux munitions également mentionnées dans ce dernier (point 2.1.1). Le niveau de protection balistique devait être certifié conforme à la norme 0101.04 du National Institute of Justice des États-Unis (ci-après : NIJ 0101.04), niveau IIIA, la conformité à la norme NIJ 0101.06 pouvant être un atout. Les gilets devaient en outre résister à la munition Action 4 en calibre 9 mm, selon tests conforme à la norme NIJ 0101.04 (annexe 1).

Dans le cadre de l’évaluation des offres, les soumissionnaires devaient fournir gratuitement un échantillonnage de sept gilets dont certains seraient détruits lors de tests techniques (point 8.1). Une série de tests techniques seraient en effet effectuée par le laboratoire Banc national d’épreuve (ci-après : BNE) de Saint-Étienne (France) dans le but de vérifier si les niveaux de protection exigés étaient respectés. L’échec aux tests techniques du BNE entraînerait l’élimination de l’offre (point 8.2). Par ailleurs, des tests internes par des collaborateurs de la police permettraient d’évaluer le confort d’utilisation des gilets (point 8.3). À l’issue d’une première analyse, une liste restreinte aux trois soumissionnaires ayant présenté les meilleures offres serait établie.

Les critères d’adjudication étaient, dans l’ordre d’importance décroissant :

1. Qualité des articles et des services proposés (résultats des tests internes, rubriques du cahier des charges à apprécier et évaluer) ;

2. Prix ;

3. Qualité de l’entreprise (contribution à la composante sociale du développement durable et contribution à la composante environnementale du développement durable).

2. La société Universal Shield Holding SA (ci-après : Universal Shield), dont le siège est à Bière (VD), a déposé dans le délai fixé deux offres pour deux modèles de gilets : l’Alpha2015 et le X-Ray2016.

3. Par décision du 21 mars 2018, la CCA a éliminé les deux offres susmentionnées. Le résultat des tests effectués par le BNE mettait en évidence des perforations sur certains échantillons fournis des deux modèles par la munition 9 mm Action 4. Il y avait échec aux tests. Les offres devaient donc être écartées car elles ne respectaient pas les exigences impératives de protection balistique.

4. Par acte du 3 avril 2018, Universal Shield a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à l’annulation de celle-ci et, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif au recours ainsi qu’à diverses mesures d’instruction.

Les deux modèles de gilets avaient été soumis à un série de tests par le service suisse d’essai (ci-après : Arma Suisse), centre de compétences pour les tests balistiques de la Confédération. Une série de munitions avaient été testées lors de la certification, en particulier la 9 mm Action 4. Les deux modèles, selon la distance et l’angle de tir, résistaient à l’impact de cette munition à une vitesse bien supérieure à 420 m/s, étant précisé qu’aucune arme de calibre 9 mm sur le marché ne tirait un projectile 9 mm Action 4 à une vitesse de 420 m/s ou légèrement supérieure de 10 m/s. Des résultats supérieurs n’étaient obtenus qu’en laboratoire. Au vu de cette certification, il était techniquement et matériellement impossible que de la munition 9 mm Action 4 ait pu transpercer ces gilets avec une vitesse supérieure à 420 m/s. Il était donc probable que les tests effectués par le BNE étaient inadaptés au cahier des charges de l’appel d’offres.

La décision querellée violait le droit d’être entendu et le principe de transparence, la motivation étant succincte, ne comportant en particulier aucune donnée relative aux tests techniques permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les offres avaient été écartées. Elle ne respectait pas le dossier d’appel d’offres, dès lors que celui-ci ne permettait pas d’écarter une offre dès l’instant où elle respectait les spécificités balistiques, ce qui était les cas des deux modèles en cause au vu de leur certification. La seule explication plausible était que les tests avaient été réalisés à des vitesses de percussion supérieures à celles contenues dans le cahier des charges. Dans ces circonstances, considérer que les gilets avaient été transpercés relevait d’un établissement incorrect des faits pertinents. La décision querellée était arbitraire.

L’effet suspensif devait être octroyé, aucun intérêt public prépondérant ne pouvant être opposé à l’intérêt privé d’Universal Shield à réintégrer la procédure d’évaluation.

5. Le 5 avril 2018, statuant sur mesures pré-provisionnelles, le juge délégué a fait interdiction à la CCA de continuer la procédure d’appel d’offres, de procéder à l’évaluation ou à l’adjudication jusqu’à droit jugé sur effet suspensif.

6. Le 20 avril 2018, la CCA s’est opposé à l’octroi de l’effet suspensif au recours.

Les documents de certification d’Arma Suisse remis par Universal Shield ne concernaient pas le modèle Alpha2015 et mentionnaient que les tests avaient été effectués selon la norme 2006 de l’association des laboratoires d’essais de la résistance balistique des matériaux et constructions (ci-après : VPAM 2006), différente de la norme NIJ 0101.04, comme le sont leur protocole de tests respectif. Pour l’un des modèles testés, le test n’était d’ailleurs que partiellement réussi.

La munition 9 mm Action 4 ne faisait pas partie des munitions décrites dans la norme NIJ 0101.04 et, selon cette dernière, c’était à l’acquéreur de définir les conditions du test. Il n’y avait donc pas de vitesse déterminée pour cette munition. Dans ce contexte, le BNE – recommandé par Arma Suisse qui ne disposait pas encore du matériel nécessaire pour procéder aux tests selon la norme NIJ 0101.04 – avait informé la CCA que la vitesse de tir de ladite munition sur le banc était d’environ 470 m/s en utilisant la charge de poudre nominale de la balle telle que fournie par son fabricant suisse. Ces indications correspondant à une énergie cinétique significativement inférieure à celle de la balle de calibre 44 magnum listée dans la norme NOJ 0101.04, la CCA avait dès lors convenu que, dans un souci de standardisation, les tests seraient réalisés sur la base de la charge nominale de la munition. Ces tests avaient été réalisés selon le protocole NIJ 0101.04. Seuls les gilets d’Universal Shield avaient été perforés par la munition 9 mm Action 4.

Le recours avait peu de chance de succès. La décision querellée était suffisamment motivée et les feuilles de tirs étaient produites. Le cahier des charges ne limitait pas la protection balistique exigée à 420 m/s pour la munition 9 mm Action 4. Cette indication devait uniquement figurer sur les étiquettes des gilets. Les tests techniques ne faisaient pas l’objet d’une évaluation ou d’une note mais servaient simplement à confirmer ou à infirmer la résistance balistique des gilets.

Il y avait un intérêt public important à ce que le marché puisse être exécuté, soit la protection de la vie des agents de police, qui l’emportait sur l’intérêt privé d’Universal Shield.

7. Le 9 mai 2018, Universal Shield a répliqué, constatant que l’information relative à la vitesse de tir d’environ 470 m/s sur le banc n’avait pas été transmise par l’autorité adjudicatrice, alors que cela allait bien au-delà des critères publiés de l’appel d’offres. Ses deux modèles avaient été ainsi été perforés dans trois cas par des projectiles à des vitesses allant de 465 à 481 m/s, avec des angles de tir très particuliers. Les gilets avaient en revanche passé le seuil minimal requis par le cahier des charges.

8. Le 25 mai 2018, la CCA a conclu au rejet du recours sur le fond, la décision d’élimination étant conforme au droit. Elle se référait à sa détermination sur effet suspensif, en la développant.

9. Le 31 mai 2018, la présidence de la chambre administrative a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours. Prima facie, les chances du recours apparaissaient faibles et l’intérêt public à la protection de l’intégrité physique des policiers au moyen d’un matériel répondant aux exigences actuelles en matière de résistance balistique était prépondérant à celui d’Universal Shield de pouvoir participer à la suite de la procédure d’attribution du marché.

10. Le 4 juillet 2018, Universal Shield a recouru auprès du Tribunal fédéral contre la décision de refus d’octroi de l’effet suspensif à son recours du 3 avril 2018, concluant à son annulation et à ce qu’il soit fait interdiction à la CCA d’attribuer le marché litigieux jusqu’à droit jugé définitif au fond. Elle demandait en outre à ce que l’effet suspensif soit octroyé à son recours.

11. Par ordonnance du 5 juillet 2018, le président du Tribunal fédéral a prononcé l’effet suspensif, à titre superprovisionnel, du recours du 4 juillet 2018, jusqu’à décision sur la requête d’effet suspensif.

12. Le 5 juillet 2018, la CCA a attribué le marché à la société Sioen Ballistic Oy, dont le siège est en Finlande.

13. Le 6 juillet 2018, Universal Shield a répliqué à la détermination de la CCA du 25 mai 2018, persistant dans ses conclusions.

14. a. Par acte du 13 juillet 2018, Universal Shield a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision d’adjudication du 5 juillet 2018, concluant à son annulation, en raison de la procédure pendante contre la décision d’exclusion, et à la jonction avec la présente cause et demandant l’octroi de l’effet suspensif au recours (ATA/2422/2018).

b. Par décision du 16 août 2018, la présidence de la chambre administrative a refusé cette demande (ATA/832/2018).

15. Le 20 juillet 2018, le président du Tribunal fédéral a constaté que la requête d’effet suspensif était devenue sans objet, en tant qu’elle tendait à empêcher la prononcé de la décision d’adjudication du marché.

16. Le 20 septembre 2018, le Tribunal fédéral a rayé de son rôle la cause 2C_517/2018 par suite de retrait du recours.

17. Le 15 octobre 2018, le juge délégué a demandé à Universal Shield si elle persistait dans son recours du 3 avril 2018.

18. Le 2 novembre 2018, Universal Shield a persisté dans son recours et a demandé la jonction avec la cause A/2422/2018, en reprenant son argumentation antérieure.

19. Le 2 novembre 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2. Aux termes de l’art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l’espèce, la recourante demande que la présente cause soit jointe à la cause A/2422/2018 ouverte à la suite de son recours contre l’adjudication du marché ou à une société finlandaise.

Bien que ces deux procédures aient pour contexte le même marché public, elles visent deux objets différents : l’exclusion du processus d’adjudication pour la présente, l’attribution du marché à l’issue de ce processus pour la seconde. Les parties à ces procédures ne sont pas les mêmes, l’adjudicataire ne l’étant que dans la cause A/2422/2018. Il n’y a ainsi pas d’identité de situation de cause juridique commune, de sorte qu’il ne sera pas donné suite à la demande de jonction des causes A/1107/2018 et A/2422/2018.

3. a. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/1443/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/360/2014 du 20 mai 2014).

Le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 46 RMP), se pose la question de l’intérêt digne de protection du recourant au maintien du recours.

b. Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat est déjà conclu, l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu’il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L - AIMP). Par ailleurs, selon l’arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006, le recourant qui conteste une décision d’adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages intérêts soient réclamés ou non.

c. En l’espèce, la recourante, dans la mesure où elle a contesté la décision d’adjudication, conserve un intérêt à ce qu’il soit statué sur le recours contre son exclusion de la procédure d’évaluation, l’admission à cette dernière étant nécessaire pour pouvoir agir contre la décision d’adjudication.

4. La recourante se plaint en premier lieu d’une violation de son droit d’être entendue en raison de la motivation insuffisante de la décision querellée.

a. Selon l'art. 45 al. 1 RMP, l'autorité adjudicatrice rend une décision d'adjudication sommairement motivée, notifiée soit par publication sur la plateforme électronique sur les marchés publics gérée par l’association simap.ch (www.simap.ch), soit par courrier à chacun des soumissionnaires, avec mention des voies de recours.

b. Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 ; 2C_713/2013 du 22 août 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 521 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1).

En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Le droit des marchés publics, 2002, p. 256). Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP (ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 6b).

c. Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble de ces explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 250 n. 392).

d. En l’espèce, la décision d’exclusion du 21 mars 2018 rappelle que le dossier d’appel d’offres mentionne que dans le cadre de l’évaluation des offres, une série de tests techniques sont effectués afin de vérifier si le niveau de protection balistique exigé est respecté, et que l’échec à ces tests entraîne l’élimination de la procédure d’adjudication. Elle indique ensuite que les tests effectués sur les échantillons des deux modèles de gilet pare-balles proposés par la recourante ont mis en évidence des perforations par la munition de référence. L’autorité adjudicatrice a dès lors constaté l’échec aux tests techniques, ce qui a entraîné l’élimination des offres de la recourante.

Le motif d’élimination était ainsi décrit de manière précise. Les résultats des tests n’étaient pas joints mais la recourante n’a demandé aucun renseignement supplémentaire dans le délai de recours. Ces résultats ont été produits par l’intimée avec sa détermination sur la demande d’octroi d’effet suspensif au recours. En tout état, leur absence n’a pas empêché la recourante de recourir utilement. Compte tenu de la jurisprudence et de la doctrine précités, aucune violation du droit d’être entendu, sous la forme d’un manque de motivation de la décision attaquée, ne saurait donc être retenue.

5. La recourante allègue également une violation du principe de transparence, la décision querellée ne mentionnant aucune donnée sur la nature des tirs effectués sur les gilets pare-balles, aucune tabelle ni aucun protocole des tests qui auraient permis de comprendre la raison de l’élimination des offres n’a été communiqué. En outre, aucune information ne lui avait été communiquée au sujet de la vitesse de tir de la munition topique. Or celle-ci était supérieure à celle figurant dans le calcul des charges, de sorte que les critères devaient ainsi être modifiés.

a. Le principe de la transparence, garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP, interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/492/2018 précité consid. 10d et les arrêts cités).

Selon la doctrine, le principe de la transparence se rapproche du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité, mais aussi du principe de non-discrimination ; en effet, lorsque le pouvoir adjudicateur s'écarte des « règles du jeu » qu'il s'est fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (Étienne POLTIER, op.cit., p. 161 n. 259).

b. En l’espèce, en tant qu’il se rapporte à la motivation de la décision querellée, le grief se confond avec celui de violation du droit d’être entendu et doit dès lors être écarté pour les même motifs.

Par rapport au cahier des charges, il ressort de celui-ci que les résultats des tests techniques ne constituent pas un critère ou une preuve d’aptitude ni un critère d’adjudication. La référence au niveau de protection nominal, selon les données du fabricant pour la munition 9 mm Action 4 à 420 m/s n’est par ailleurs pas une exigence de sécurité à remplir mais une simple indication que le soumissionnaire doit faire figurer sur l’étiquette de revêtement du panneau balistique, selon les exigences relatives au descriptif des gilets. L’exigence de sécurité à remplir pour les gilets pare-balles, à rigueur de cahier des charges, est qu’ils doivent résister à la munition de référence dans le cadre des tests à effectuer selon le protocole de la norme NIJ 0101.04, dont la recourante, qui n’a pas contesté le choix de cette norme, ne peut ignorer les modalités. Elle n’a pas davantage contesté le choix du BNE. L’intimée ne s’est pas écartée du cahier des charges.

Au vu de de ce qui précède, le grief doit être écarté.

6. La recourante soutient enfin que la décision est arbitraire car il serait impossible que les spécifications techniques du cahier des charges n’aient pas été remplies par les gilets pare-balles fournis, ce matériel ayant été certifié par Armasuisse.

En réalité, il reproche à l’autorité intimée d’avoir mal appliqué la loi, en constatant les faits de manière inexacte.

En l’espèce, les résultats des tests de ses modèles de gilets produits par la recourante ne sont pas pertinents dès lors, qu’outre le fait qu’ils concernent plusieurs modèles de gilets dont seul le X-Ray2016 fait partie de ses offres, ils ont été effectués selon le protocole de la norme VPAM 2006, qui n’est pas la norme de référence pour les tests techniques retenue par l’intimée. La référence à la certification d’Armasuisse n’est donc pas pertinente. Par ailleurs, la recourante ne conteste pas la régularité des tests effectués, et n’allègue pas qu’ils auraient été différents pour son matériel de ceux auxquels le matériel de ses concurrents a été soumis, avec succès en ce qui les concernent.

Dans ces circonstances, le grief est infondé.

7. Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.

8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera versée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2018 par Universal Shield Holding SA contre la décision de la centrale commune d'achats du 21 mars 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d’Universal Shield Holding SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien Blanc, avocat de la recourante, à la centrale commune d'achats, ainsi qu’à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :