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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3142/2014

ATA/1058/2015 du 06.10.2015 ( PROF ) , ADMIS

Descripteurs : AVOCAT ; DILIGENCE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; DÉLAI ; MESURE DISCIPLINAIRE ; AVERTISSEMENT(SANCTION)
Normes : LLCA.12.leta
Résumé : Avocat qui recourt contre un avertissement prononcé par la commission du barreau pour avoir omis de déposer une demande dans le délai légal. Les négligences de l'avocat ne peuvent être qualifiées de grossières, de sorte que ses manquements ne justifient pas une sanction disciplinaire. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3142/2014-PROF ATA/1058/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 octobre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gabriel Raggenbass, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Au cours de l'année 2012, Monsieur A______, avocat à Genève, a représenté Madame B______ dans un litige l'opposant à son ex-employeur.

2) Dans un avis de droit du 21 mars 2012, Me A______ a indiqué à Mme B______ qu'elle était légitimée à réclamer plusieurs prétentions à son ex-employeur. En revanche, les chances qu'un tribunal considère comme abusif le licenciement dont elle avait fait l'objet étaient faibles.

3) Au terme d'une audience de conciliation le 3 mai 2012 au Tribunal des Prud’hommes (ci-après : le TPH) Mme B______ a indiqué à Me A______ qu'elle souhaitait poursuivre la procédure.

4) Sans nouvelle de Me A______, Mme B______ a interpellé celui-ci par courriel du 11 juillet 2012, lui demandant où en était la procédure.

5) Par courriel du 16 juillet 2012, Me A______ lui a répondu qu'un projet de complément de demande était presque finalisé et qu'il le lui transmettrait dans les jours suivants.

6) Par courriel du 20 juillet 2012, Me A______ a transmis à Mme B______ ledit projet.

Seule la question du congé abusif restait à trancher par le TPH. Au vu de l'absence d'éléments de preuves, les chances d'obtenir gain de cause étaient faibles.

Ce courriel ne mentionnait aucune date d'échéance pour le dépôt de la demande.

7) Par courriel du 30 juillet 2012, Mme B______ a indiqué à Me A______ que son projet lui convenait parfaitement et confirmait sa volonté de déposer une demande devant le TPH.

Elle a relevé que la position de Me A______ lui semblait avoir changé, celui-ci paraissant moins optimiste quant aux chances de succès du recours.

8) Par courriel du 9 août 2012, Mme B______ a demandé à Me A______ si celui-ci avait bien reçu son courriel du 30 juillet 2012.

9) Le même jour, Me A______ a contacté Mme B______ par téléphone.

Tel qu'il ressort de la dénonciation de Mme B______ du 5 mai 2013, Me A______, après lui avoir indiqué qu'il n'avait pas reçu le courriel du 30 juillet 2012 et que le délai pour déposer la demande avait été dépassé, l'a convaincue que les chances de succès étaient de toute façon minces et a dit préférer lui éviter des frais inutiles.

Selon les écritures de Me A______, deux entretiens téléphoniques ont eu lieu avec Mme B______ en date du 9 août 2012. Lors du deuxième entretien, celle-ci lui a indiqué avoir des doutes sur son intégrité en sous-entendant qu'il avait peut-être eu peur d'agir contre « une grande régie de la place ». Pour dissiper ces doutes, Me A______ lui a alors indiqué qu'un dépôt tardif de la demande pouvait être envisagé. Il a ensuite développé en détail le résultat de ses recherches et les raisons pour lesquelles il estimait que faute de preuves, il ne serait certainement pas possible d'obtenir gain de cause. Ces arguments de fond avaient convaincu Mme B______ de ne pas déposer de demande. À la fin de cet entretien, celle-ci s'est montrée très satisfaite de l'issue du dossier et a remercié Me A______ pour son travail et les conseils prodigués.

10) Par lettre du 14 août 2012, Me A______ a mis fin au mandat le liant à Mme B______.

11) Le 2 janvier 2013, Mme B______ a adressé un courriel à Me A______.

Le déroulement des évènements en lien avec le mandat précité lui avaient paru suspect. Elle se demandait si Monsieur C______, son ex-employeur, n'avait pas usé de son influence pour que Me A______ lâche l'affaire. Le fait qu'il n'avait pas comparu à l'audience de conciliation démontrait peut-être une complicité avec Me A______.

Celui-ci lui avait transmis le projet de demande sans l'informer du bref délai de dépôt de dix jours. Elle était en stage à ce moment-là et ne s'en était pas inquiétée, faisant confiance à Me A______. Ce dernier l'avait mise devant le fait accompli et l'avait empêchée de procéder devant le TPH.

12) Par courriel du 7 janvier 2013, Me A______ a répondu à Mme B______.

Dès le début, il lui avait expliqué, jurisprudence à l'appui, que faute de preuve les chances que son licenciement soit reconnu comme abusif étaient faibles. Il lui avait dès lors indiqué que son intervention viserait à obtenir un nouveau calcul de son délai de congé, le paiement de ses vacances et de son treizième salaire, ainsi que des commissions impayées. Il lui avait suggéré toutefois d'invoquer également le congé abusif pour mettre plus de pression sur la partie adverse.

Il reconnaissait qu'une erreur lui était en partie imputable s'agissant de la communication. Il avait été perturbé par ce problème informatique, raison pour laquelle il ne lui avait pas facturé de travail supplémentaire et avait mis en place de nouvelles règles de communication dans son étude. Dorénavant, un retour par téléphone était demandé à tous ses mandants pour chaque mémoire à déposer.

13) Par lettre du 21 janvier 2013, Mme B______ a interpellé l'Ordre des avocats de Genève.

Elle se demandait si Me A______ n'avait pas commis un manquement à ses devoirs professionnels, en omettant de déposer sa demande et en interrompant une procédure judiciaire sans son accord. Me A______ avait préparé son dossier très tardivement sans l'avertir à aucun moment que la date d'échéance du dépôt de la demande était proche. Il ne l'avait jamais appelée pour vérifier si elle avait bien reçu son courriel du 30 juillet 2012 ni relancée pour obtenir sa réponse avant la fin du délai, sachant qu'il s'agissait d'une période de vacances.

14) Par lettre du 5 mai 2013, Mme B______ a dénoncé Me A______ à la commission du barreau (ci-après : la commission).

15) Par lettre du 13 janvier 2014, Me A______ s'est déterminé sur cette dénonciation, en se référant à une lettre du 30 janvier 2013 adressée au bâtonnier de l'Ordre des avocats.

Il estimait avoir défendu sa mandante au mieux de ses intérêts. Il reconnaissait néanmoins que le fait de n'avoir pas reçu son courriel n'était pas satisfaisant, malgré le fait que cela ne lui avait au final causé aucun dommage.

Il n'avait pas indiqué à Mme B______ dans son courriel du 7 janvier 2013 qu'il y avait eu une erreur à l'interne au sein de son étude, mais que des mesures avaient été prises afin que dorénavant l'échec de réception d'un courriel ne pût pas prêter à conséquence.

Mme B______ n'avait à l'époque pas souhaité qu'il étudie la possibilité de solliciter une restitution de délai puisqu'elle avait considéré qu'effectivement les chances de succès au fond étaient trop faibles.

16) Dans sa séance du 23 juin 2014, la commission a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'endroit de Me A______.

17) Par lettre du 30 juin 2014, Me A______ a indiqué de ne pas avoir de détermination complémentaire à formuler.

18) Par décision du 8 septembre 2014, la commission a prononcé un avertissement à l'encontre de Me A______ pour violation de l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61).

Me A______ n'avait pas observé les instructions initiales de sa cliente de préparer, pour le déposer, le mémoire de demande complémentaire suite à l'échec de la conciliation, même si les chances de succès avaient été faibles.

Il ressortait des faits que le pessimisme de Me A______ quant aux chances de succès de la demande avait grandi après que le problème d'échéance du délai avait surgi en date du 9 août 2013, à tel point que Mme B______ avait émis le soupçon que son ancien employeur aurait tenté d'intervenir auprès de Me A______.

L'intention de Mme B______ avait été de déposer sa demande et elle l'aurait très certainement fait si cette question du délai n'était pas apparue.

Les conseils prodigués par Me A______ avait été contraires à la volonté exprimée par Mme B______ puisque, le 9 août 2012, le délai pour déposer la demande n'avait pas été échu compte tenu des féries et de la suspension du délai de trois mois pour déposer entre le 15 juillet et le 15 août conformément à l'art. 145 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272). À cet égard, même si l'incertitude concernant l'application de l'art. 145 al. 1 CPC au délai de l'art. 209 al. 3 CPC n'avait, au mois d'août 2012, pas encore été levée par le Tribunal fédéral, la doctrine majoritaire préconisait l'application de cet article dans un tel cas. Me A______ aurait donc pu aisément exposer à Mme B______ que, sous réserve de cette incertitude, le délai n'était pas encore échu et qu'il pouvait ainsi déposer sa demande. Il était vraisemblable que si cette question du délai avait été clarifiée, cette demande aurait été déposée sans autre discussion.

Le fait de ne pas avoir eu connaissance du courriel du 30 juillet 2012 n'était pas pertinent, dans la mesure où ce moyen de communication pouvait être source d'erreurs et que Me A______ n'avait pris aucune mesure pour s'assurer agir conformément à la volonté de Mme B______.

Considérant que le délai pour déposer la demande était échu, Me A______ avait donné un conseil erroné à Mme B______, l'incitant à prendre une décision contraire à sa volonté initiale, exprimée même après que les plus expresses réserves quant aux chances de succès lui eussent été exposées.

Me A______ n'avait pas d'antécédent disciplinaire et les conséquences de ses agissements n'avaient pas été définitives puisque Mme B______ aurait pu redéposer une nouvelle procédure.

19) Par acte mis à la poste le 15 octobre 2014, Me A______ a interjeté recours contre la décision précitée devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative), concluant préalablement à ce qu'il soit procédé à son audition ainsi qu'à celle de Mme B______ ; principalement, que la décision du 8 septembre 2014 de la commission du barreau soit annulée et qu'il soit dit qu'aucune violation de l'art. 12 LLCA ne puisse lui être reprochée ; le tout « sous suite de frais et dépens ».

Il contestait certains faits retenus dans la décision attaquée. Son comportement n'avait pas été contraire à l'art. 12 let. a LLCA.

Contrairement à ce que soutenait la commission, son pessimisme quant aux chances de succès de la prétention fondée sur un prétendu congé abusif ne s'était pas subitement renforcé en date du 9 août 2013, alors qu'il pensait à tort avoir manqué le délai pour déposer la demande. En réalité, ce pessimisme avait crû lorsqu'il avait procédé aux recherches juridiques complémentaires et mené les réflexions nécessaires à la rédaction de ladite demande.

La décision de Mme B______ de ne pas déposer de demande résultait d'une discussion sur le fond du dossier et ses chances de succès, ainsi que sur les frais et honoraires futurs en cas de dépôt. Elle ne découlait pas du fait qu’il lui avait indiqué à tort que le délai du dépôt était échu et que rien ne pouvait être fait. Il avait expressément indiqué à Mme B______ qu'un dépôt tardif était envisageable.

Le fait que Mme B______, au terme du deuxième entretien téléphonique du 9 août 2013, s'était montrée très satisfaite de l'issue du dossier et qu'elle l'avait remercié pour son travail et les conseils prodigués prouvait qu'elle ne s'était pas sentie contrainte d'abandonner la procédure suite à l'omission du délai.

Il avait interprété à tort l'absence de nouvelle de Mme-B______ comme une renonciation au dépôt de sa demande, compte tenu de son avis juridique du 20 juillet 2012. Il ressortait de cet avis que la décision de déposer la demande n'était pas évidente dans son esprit et qu'elle n'était pas acquise pour lui.

Dans sa décision, la commission n'avait pas estimé que cette absence de relance était constitutive « d'une faute grossière » et partant d'une violation de l'art. 12 let. a LLCA.

Il n'avait pas effectué de recherche sur la possibilité de déposer la demande en date du 9 août 2013 car il était ressorti de ses discussions avec Mme B______ ce jour-là que celle-ci ne souhaitait finalement pas déposer de mémoire. Si elle avait souhaité déposer une demande à cette date, il aurait procédé en sollicitant une restitution de délai selon l'art. 148 CPC. Si Mme B______ lui avait demandé de s'assurer de la possibilité de déposer néanmoins la demande, il aurait procédé aux recherches idoines. Or, tel n'avait pas été le cas.

Il apparaissait que c'était un sentiment de persécution qui était à la base de la démarche de Mme B______ cinq mois après les faits, laquelle s'imaginait être la victime d'un complot entre son ancien employeur et son avocat. Après avoir librement pris la décision de ne pas déposer de demande, Mme  B______ s'était persuadée, plusieurs mois plus tard, que les conseils avaient été viciés et découlaient d'une forme de corruption à laquelle il se serait adonné.

20) La commission a transmis son dossier en persistant dans les termes de sa décision.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

22) Pour le reste, les arguments des parties et certains éléments de fait seront repris, en tant que besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant soutient que son comportement n'a pas été contraire à l'art. 12 let. a LLCA.

3) a. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. Ce dernier définit exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; ATF 131 I 223 consid. 3.4 ; ATF 130 II 270 consid. 3.1 ; ATA/475/2015 du 19 mai 2015). Il n’y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1). Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

b. À Genève, la commission du barreau exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que celles qui lui sont attribuées par le droit cantonal (art. 14 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10). Elle statue sur tout manquement aux devoirs professionnels et peut, si un tel manquement est constaté et suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l’art. 17 LLCA (art. 43 al. 1 LPAv).

4) a. Selon l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

b. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client. Pour qu'un comportement tombe sous le coup de l'art. 12 let. a LLCA, il suppose toutefois l'existence d'un manquement significatif et d'une certaine gravité aux devoirs de la profession (arrêts du Tribunal fédéral 2C_878/2011 du 28 février 2012 consid. 5.1 et 2C_452/2011 du 25 août 2011 consid. 5.1). La LLCA vise essentiellement la protection du public et le bon fonctionnement de la justice, sans préjudice d'une éventuelle responsabilité civile que l'avocat aurait engagée sans pour autant avoir contrevenu aux règles professionnelles (Michel VALTICOS, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 10 ad art. 12 LLCA). En d'autres termes, toute violation du devoir de diligence contractuel n'implique pas l'existence d'un manquement de nature disciplinaire au sens de l'art. 12 let. a LLCA. L'avocat ne risque une sanction disciplinaire que lorsqu'il viole de manière intentionnelle ou gravement négligente son devoir de diligence. Un mauvais conseil ou une erreur de procédure, s'ils peuvent entraîner une responsabilité contractuelle de l'avocat, n'ont pas de conséquences disciplinaires. Un avocat peut en revanche s'exposer à une sanction disciplinaire s'il gère des dossiers de manière extrêmement négligente, en ne répondant pas à son client malgré plusieurs demandes de sa part et en reportant de manière injustifiée le dépôt d'une demande en justice par exemple (François BOHNET, Droit des professions judiciaires, 2014, n. 39).

c. Selon la doctrine, des erreurs patentes en matière de délais peuvent constituer une violation du devoir de diligence (François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d'avocat, 2009, n. 1208). En d'autres termes, un délai manqué par négligence n'est pas forcément pertinent sous l'angle du droit disciplinaire (Walter FELLMANN, in Walter FELLMANN/Gaudenz G. ZINDEL, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2011, n. 26 ad art. 12). Ainsi un avocat qui laisse s'écouler un délai ne risquera pas, suivant les circonstances, de sanction disciplinaire, à moins que ce manquement ne soit intentionnel ou ne résulte d'une négligence grossière (François BOHNET, op. cit., n. 36).

5) La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l’art. 12 let. a LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/475/2015 précité ; ATA/820/2014 du 28 octobre 2014 ; ATA/569/2014 du 29 juillet 2014).

6) a. En l'espèce, l'intimée soutient que le recourant aurait dû s'en référer à l'interprétation de la doctrine majoritaire concernant la portée de l'art. 145 al. 1 CPC. Selon cette interprétation, le délai pour déposer la demande de Mme B______ n'était pas encore échu en date du 9 août 2012, de sorte que le recourant aurait dû proposer à celle-ci de procéder en conséquence. L'intimée fait en outre valoir de façon floue que le recourant a prodigué à Mme B______ des conseils qui auraient été contraires à la volonté de celle-ci. L'intimée soutient encore qu'en omettant de déposer la demande en date du 9 août 2012, le recourant a donné un conseil erroné à Mme B______, l'incitant à prendre une décision contraire à sa volonté initiale.

b. La chambre de céans relève qu'en date du 9 août 2012, la question de savoir si l'exception de l'art. 145 al. 2 let. a CPC s'appliquait au délai de l'art. 209 al. 3 CPC n'avait pas été tranchée par le Tribunal fédéral et faisait l'objet de controverses en doctrine (voir Denis TAPPY, in François BOHNET /Jacques HALDY/Nicolas JEANDIN/Philippe  SCHWEIZER/ Denis TAPPY, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 14 ad art. 145). Par conséquent, le fait que le recourant ait estimé que le délai pour déposer la demande de Mme B______ était échu à cette date ne saurait constituer en tant que tel un manquement justifiant une sanction disciplinaire.

c. Dans la présente cause, il faut considérer que le recourant a commis d'autres manquements, dont l'addition a abouti à une unique faute procédurale, à savoir l'omission de déposer une demande dans le délai légal.

Ainsi, il doit être premièrement reproché au recourant d'avoir omis d'indiquer à Mme B______ dans son courriel du 20 juillet 2012 la date d'échéance pour déposer la demande. Deuxièmement, il doit lui être reproché de ne pas s'être enquis auprès de Mme B______ avant cette date de la suite à donner à la procédure. Dès lors que le recourant et sa cliente avaient choisi le courriel comme mode de communication, il lui incombait de prendre les précautions nécessaires compte tenu du manque de fiabilité de ce mode de communication. En outre, le recourant a erré en se contentant d'interpréter ce qu'il croyait être une absence de réponse comme une volonté de mettre un terme à la procédure. Il lui incombait d'obtenir de Mme B______ une instruction explicite sur ce point. Troisièmement, il peut être reproché au recourant de ne pas avoir d'emblée indiqué à Mme B______ lors de leur premier entretien téléphonique du 9 août 2012 que la sollicitation d'une restitution de délai selon l'art. 148 CPC était possible. En effet, le recourant allègue lui-même que la possibilité d'une telle sollicitation n'a été évoquée que dans un deuxième temps, lors de leur deuxième conversation téléphonique, en réaction aux soupçons exprimés par Mme B______ sur sa probité professionnelle.

7) a. Reste à déterminer si les manquements relevés ci-dessus, en particulier l'inaction procédurale du recourant qui a laissé s'écouler un délai, sont d'une gravité telle qu'ils constituent une violation du devoir de diligence au sens de l'art. 12 let. a LLCA. À cet égard, alors que le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur les conditions de restitution d'un délai qu'un avocat avait laissé s'écouler (notamment arrêts du Tribunal fédéral 6B_389/2011 du 10 octobre 2011 consid. 1.8 et 6P.91/2005 du 15 novembre 2005), il n'a pas eu à se prononcer sur les conséquences disciplinaires d'un tel manquement. Selon la doctrine citée plus haut, un tel manquement n'est susceptible de contrevenir à l'art. 12 let. a LLCA que pour autant qu'il soit intentionnel ou résulte d'une négligence grossière. Il convient de se rallier à cette doctrine dans la mesure où elle reflète la jurisprudence relative au degré de gravité exigé des actes tombant sous le coup de l'art. 12 let. a LLCA de manière générale.

b. Dans le cas d'espèce, plusieurs circonstances, de même que la conduite globale par le recourant de son mandat, incitent à considérer que ses négligences ne sauraient être qualifiées de grossières et que ses manquements ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifient une sanction disciplinaire.

Premièrement, il faut souligner que Mme B______ a admis avoir décidé ne pas donner suite à la proposition du recourant de solliciter une restitution de délai selon l'art. 148 CPC en date du 9 août 2012. Il s'avère donc qu'elle a librement décidé au final de mettre un terme à la procédure. L'allégation de l'intimée selon laquelle « le pessimisme de Me A______ quant aux chances de succès de la demande avait grandi » à cette occasion n'est pas prouvée et ne saurait remettre en cause cet état de fait.

Deuxièmement, il apparaît que les motifs qui ont amené Mme B______ à dénoncer le recourant auprès de la commission plusieurs mois après les faits se fondent principalement, comme l'attestent les courriels qu'elle a adressés à celui-ci, sur un sentiment en l'occurrence infondé qu'il aurait cédé à des pressions de la partie adverse.

Finalement, il sied de relever que le recourant a fait savoir dès le début de son mandat à Mme B______ qu'il estimait que les chances de succès au fond d'une action pour licenciement abusif étaient très faibles faute de preuve. Les pièces au dossier démontrent que cette appréciation s'est renforcée au fil du temps, ceci avant le dépassement du délai pour déposer la demande. Ainsi force est de constater que le recourant était animé d'une volonté en soi louable d'éviter à sa cliente des démarches judiciaires superflues et des frais inutiles.

c. Par conséquent, compte tenu de ces circonstances, les manquements du recourant n'apparaissent pas d'une gravité telle qu'ils constituent une violation de l'art. 12 let. a LLCA. Le grief du recourant sera admis.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision de la commission annulée. Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

9) La dénonciatrice n’étant pas partie à la procédure devant la chambre de céans, ni le présent arrêt ni son dispositif ne lui seront notifiés (ATA/475/2015 précité ; ATA/388/2014 du 27 mai 2014 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014 et les références citées). La tâche d’informer la dénonciatrice reviendra ainsi à la commission (ATA/475/2015 précité).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 octobre 2014 par Monsieur A______ contre la décision de la commission du barreau du 8 septembre 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission du barreau du 8 septembre 2014 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gabriel Raggenbass, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :