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Décisions | Assistance juridique

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AC/3005/2023

DAAJ/57/2024 du 12.06.2024 sur AJC/6324/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3005/2023 DAAJ/57/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 12 JUIN 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, ______, représenté par Me C______, avocat,

 

contre la décision du 18 décembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), ressortissant ivoirien, est réfugié reconnu en France.

D______ SA, société de droit suisse sise à Genève (ci-après : la société), a pour but l'exploitation d'un café-petite restauration, ainsi que le commerce, y compris en ligne, de tout produit alimentaire et de biens de consommation.

Par contrat de travail de durée indéterminée du 23 août 2023, la société a engagé le recourant en qualité de "Premier Chef de Partie", soit un cuisinier d'une brigade ayant la responsabilité d'un travail déterminé qui relève de sa spécialité, sous les ordres du chef de cuisine et du sous-chef, avec effet au 24 août 2023.

À la même date, le recourant et la société ont requis de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en Suisse.

b. Par décision du 28 septembre 2023, l’OCIRT a refusé l’octroi de l’autorisation requise pour les raisons suivantes :

- l’admission en vue de l’exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse (art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20) ;

- l'ordre de priorité n’avait pas été respecté (art. 21 LEI) ;

- la société n'avait pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État membre de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre‑échange (ci-après : AELE) n’avait pu être trouvé et

- les conditions de travail n'étaient pas respectées (rémunération insuffisante; art. 22 LEI).

c. Par acte daté du 27 octobre 2023 (cause A/1______/2023), le recourant a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de prise d'emploi, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a demandé le renvoi de son dossier à l'OCIRT pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il disposait d’un certificat français d'aptitude professionnelle (ci-après : CAP) avec une "spécialité cuisine" et d’une expérience professionnelle auprès de plusieurs restaurants en France, entre 2016 et 2023. La société avait appuyé sa demande d'autorisation, parce que le secteur de la restauration "peinait terriblement" à recruter du personnel qualifié et que la société fonctionnait en sous-effectif. Sur demande de renseignements de l'OCIRT, la société avait répondu avoir publié l'annonce d'offre d'emploi dans des groupes Facebook, tels que "Emploi restauration bar Romandie", "Emplois Hôtellerie – Restauration" et "Emploi restauration Genève et Lausanne", ainsi que sur le site de l'ÉCOLE HÔTELIÈRE E______. Elle n'avait pas pu publier l'annonce sur le site de l'Office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE), parce qu'elle avait reçu un message d'erreur, ni pu joindre ce service. Or, depuis la pandémie de COVID-19, le secteur de la restauration avait été mis à rude épreuve et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée était devenue un problème majeur. L'OCIRT ne pouvait pas soumettre les "recherches d'emploi" à des exigences de preuve élevées. Le recourant faisait partie d'une catégorie de cuisiniers qualifiés et son profil particulier avait intéressé la société, dont le restaurant est spécialisé dans la cuisine "2______, 3______ et 4______". Son engagement auprès de la société répondait à un besoin avéré. En tant que réfugié en France, il bénéficiait dans ce pays d’un accès au marché du travail sans restriction. Son appartenance à un État tiers devait être relativisée. Le salaire convenu de 4'400 fr. bruts avait été déterminé par la société en utilisant le calculateur de salaire. Il n’apparaissait pas inadéquat en comparaison du salaire minimum prévu par la CCNT hôtellerie-restauration.

B.            a. Le 27 octobre 2023, le recourant a sollicité l'assistance judiciaire à l'appui de son recours.

b. Par décision du 18 décembre 2023, notifiée le 12 janvier 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que les chances de succès du recours du 27 octobre 2023 paraissaient très faibles.

Selon cette décision, la société n'avait pas rendu vraisemblable qu'elle aurait déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de chef de partie en la personne d'un travailleur suisse ou d'un ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE, violant ainsi le principe de l'ordre de priorité. De plus, elle s'était limitée à publier des annonces d'emploi sur trois groupes Facebook, ainsi que sur le site internet de l'ÉCOLE HÔTELIÈRE E______, sans fournir de copies de ces annonces, ni de précisions quant à leurs dates de parution ou aux profils des candidatures reçues. Elle n'avait pas démontré les prétendus dysfonctionnements du site internet de l'OCE, lequel disposait de guichets ouverts au public.

Les exigences relatives aux qualifications professionnelles d'un cuisinier spécialisé ne semblaient pas non plus réalisées, le recourant ne pouvant justifier d'une formation de plusieurs années dans le secteur de la cuisine spécialisée, ni de qualifications pour lesquelles il existerait en Suisse une demande ne pouvant être satisfaite par la main d'œuvre indigène, d'autant que, comme le relevait le recourant lui-même, il était notoire que la crise sanitaire avait fortement affecté la branche "hôtellerie-restauration" genevoise et que de nombreux employés dans ce domaine avaient perdu leur travail, se trouvant ainsi en situation de recherche d’emploi (cf. not. ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021).

Le recourant ne semblait pas avoir été employé par un restaurant de spécialités, la société exploitant un café-petite restauration et le commerce en ligne de denrées alimentaires, sans spécification d'une cuisine particulière.

Les conditions cumulatives nécessaires à l'admission d'un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative paraissaient faire défaut. La décision querellée ne prêtait ainsi pas le flanc à la critique.

C.           a. Par acte expédié le 5 février 2024, le recourant a interjeté recours auprès de la Présidence de la Cour de justice contre cette décision, en sollicitant, préalablement, l'octroi de l'assistance juridique à l'appui de son présent recours et la nomination d'office de son conseil. Principalement, il a conclu à l'annulation de la décision du 18 décembre 2023, à l'admission de sa demande d'assistance juridique du 28 [recte : 27] octobre 2023 et à la nomination d'office de son conseil, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a demandé le renvoi de la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

A son sens, les dispositions réglementant l’octroi de l’assistance juridique ont été violées, au motif que les chances de succès de son recours par-devant le TAPI ont été considérées comme étant très faibles.

En appliquant les principes relatifs à l’ordre de priorité, la vice-présidence du Tribunal civil n’avait pas tenu compte de la spécificité de son cas. La forte pénurie de main d’œuvre frappant le secteur de la restauration n’avait pas été prise en considération, alors qu’elle devait l’obliger à ne pas soumettre l’employeur à des exigences élevées de preuve des recherches d’emploi effectuées. Au contraire, elle aurait dû faire preuve de souplesse selon les Directives du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). Il n’avait pas non plus été tenu compte de sa situation personnelle, notamment du fait qu’il bénéficiait en France d’un accès au marché du travail sans restriction, comme tout ressortissant français disposant de la libre circulation des personnes en Suisse. Ses qualifications professionnelles répondaient aux critères du poste pour lequel il avait été engagé. En sus de son but social général, la société exploitait le restaurant F______, spécialisé en cuisine exotique, notamment 2______, pour lequel il avait été engagé comme chef de partie. Il était ainsi démontré que les chances de succès de sa cause devant le TAPI n’étaient pas "très faibles".

Au surplus, faute d’avoir les compétences juridiques nécessaires pour interjeter recours et vu les chances de succès susmentionnées, il devait être mis au bénéfice de l’assistance juridique dans le cadre de cette procédure.

Le recourant a produit un chargé de pièces, lesquelles font déjà partie du dossier de première instance.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations et la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RCJ - E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 du règlement sur l’assistance juridique du 28 juillet 2010 - RAJ - E 2 05.04; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4. Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             A titre préalable, le recourant requiert l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

Cette demande aurait dû être formulée auprès de la Présidence du Tribunal civil (art. 1 al. 1 RAJ), de sorte que cette conclusion est irrecevable (DAAJ/7/2024 du 20 février 2024).

3.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

In casu, les pièces produites par le recourant à ce stade de la procédure l’ont déjà été précédemment, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les écarter.

4.             Selon le recourant, son recours du 27 octobre 2023 auprès du TAPI n'est pas dépourvu de chances de succès et soutient que le refus de la vice-présidence du Tribunal civil viole les art. 29 al. 3 Cst., 10 LPA, le RAJ et l’art. 21 LEI.

4.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5; 128 I 225 consid. 2.5.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_628/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5.1).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_628/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5.1).

4.2. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce (al. 2 ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.3. 4.3.1. La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour la Côte d’Ivoire, pays d’origine du recourant (ATA/613/2020 du 23 juin 2020 consid. 6).

La LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne (CE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n’en dispose pas autrement ou lorsqu’elle prévoit des dispositions plus favorables (art 2 al. 2 LEI).

Pour ce qui est du système de libre circulation des personnes, les circonstances de rattachement aux traités internationaux sont rappelés à l’art. 2 al. 2 et 3 LEI, à savoir : la nationalité d’un État membre de l’UE/AELE, la qualité de membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE, la qualité de travailleur détaché par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un État membre de l’UE/AELE (Nguyen/Amarelle, éd., Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 9, n. 13).

Pour les requérants d’asile, les réfugiés reconnus, les apatrides et les personnes à protéger, ce sont en premier lieu les dispositions de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) et les accords pertinents de droit international public qui sont déterminants (Nguyen/Amarelle, op. cit., vol. II, p. 11, n. 17).

4.3.2. A teneur de l'art. 1 ALCP, l'objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est : d'accorder un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (let. a); de faciliter la prestation de services sur le territoire des parties contractantes, en particulier de libéraliser la prestation de services de courte durée (let. b); d'accorder un droit d'entrée et de séjour, sur le territoire des parties contractantes, aux personnes sans activité économique dans le pays d'accueil (let. c) ; d'accorder les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux (let. d).

L'art. 2 ALCP prévoit que les ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas, dans l'application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité.

La champ d’application personnel de l’art. 2 ALCP englobe en premier lieu les ressortissants des parties contractantes. Les ressortissants d’États tiers bénéficiant du mécanisme du regroupement familial, ainsi que les travailleurs détachés ressortissant d’États tiers sont également inclus dans le cercle des bénéficiaires « par ricochet », c’est-à-dire de façon dérivée. L’art. 2 ALCP impose de plus une exigence de séjour légal sur le territoire de l’une des parties contractantes comme conditions préalable pour tous les bénéficiaires (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., vol. II, n. 20 p. 22 s.).

4.4. 4.4.1. Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

4.4.2. Les art. 18 ss LEI règlent les conditions d'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative.

L'art. 18 LEI prévoit ainsi qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Ces conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les références citées).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée. De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (ATA/1156/2020 du 17 novembre 2020 consid. 6b et les références citées).

La notion d’"intérêts économiques du pays" est formulée de façon ouverte et concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/795/2020 du 25 août 2020 consid. 7e et les références citées). L'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer, étant précisé qu'il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers (Directives du secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2024, ch. 4.3.1).

4.4.3. Selon l'art. 21 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (al. 1). Sont considérés comme travailleurs indigènes, outre les citoyens suisses, les étrangers établis, les demandeurs d'emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler (al. 2).

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est ainsi possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE/AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 3537). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail. Il est retenu en faveur des travailleurs indigènes et des ressortissants de l’UE/AELE, dont le statut est régi par l’ALCP et qui ont droit à l’admission. Sont considérés comme travailleurs indigènes, outre les citoyens suisses, les étrangers établis, les demandeurs d’emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler (art. 21 al. 2 LEI). Par conséquent, les ressortissants d’États tiers ne peuvent être admis que si aucun travailleur indigène ou ressortissant de l’espace UE/AELE ne peut être recruté pour occuper l’emploi en question (Directives du SEM, op. cit., ch. 4.3.2.1).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de recruter une personne capable d'exercer cette activité. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents, tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question (Directives du SEM, op. cit., ch. 4.3.2.2). Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (ATA/1156/2020 précité consid. 6c et les références citées).

4.4.4. Selon l’art. 21a al. 3 LEI, les postes vacants dans des groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne doivent être communiqués par les employeurs au service public de l’emploi. L’accès aux informations concernant les postes communiqués est restreint, pour une période limitée, aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi en Suisse.

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux ORP les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2638/2010 du 21 mars 2011 consid. 6.3, C-1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.4 et 6.7, C-679/2011 du 27 mars 2012 consid. 7.2, C-4873/2011 du 13 août 2013 consid. 5.3 et C-106/2013 du 23 juillet 2014 consid. 6 et 7.1).

L’admission de ressortissants d’États tiers est soumise non seulement à la condition de la priorité des travailleurs en Suisse et des ressortissants de pays avec lesquels un accord sur la libre circulation des personnes a été conclu (selon l’art. 21 LEI), mais aussi à l’obligation de communiquer les postes vacants (art. 18 let. c et 21a LEI). Cette obligation doit contribuer à renforcer l’intégration dans le marché du travail des personnes inscrites auprès d’un service public de l’emploi en Suisse et, par extension, à réduire le chômage en Suisse.

L’obligation de communiquer les postes vacants visée à l’art. 21a al. 3 LEI s’applique dans les genres de professions au sens de la nomenclature suisse des professions qui enregistrent un taux de chômage, au niveau suisse, supérieur ou égal à 5%. Le SECO dresse chaque année une liste des groupes de profession soumis à l’obligation de communiquer les postes vacants (Directives SEM, ch. 4.3.3).

4.5. En l’espèce, le recourant conteste avoir violé l’ordre de priorité, dans la mesure où son statut de réfugié en France n’aurait pas été pris en considération dans l’examen de sa situation. En outre, il considère que la forte pénurie de main d’œuvre dans la restauration permettait de ne pas soumettre l’employeur à des exigences élevées de preuve des recherches d’emploi effectuées.

D’emblée, il sied de relever que, contrairement aux allégations du recourant, l’ALCP tend expressément à s’appliquer aux ressortissants des États membres de l'UE/AELE, notion qui fait référence à leurs nationalités. Dès lors, le statut de réfugié reconnu dans un État membre de l'UE/AELE ne permet pas, a priori, au recourant d’être assimilé à un ressortissant de celui-ci au sens de l’ALCP. Il s’ensuit que son cas doit être examiné sous l’angle des dispositions de la LEI, étant relevé qu’il s'y réfère dans ses écritures, et non pas à l’ALCP.

Par ailleurs, la condition de l’ordre de priorité est distincte de celle de l’obligation d’annonce aux ORP et cumulative à celle-ci.

Ainsi, et pour autant que l’art. 21a LEI soit applicable in casu, la condition du respect de l’ordre de priorité doit être remplie.

À cet égard, aucun élément versé au dossier ne permet de retenir que l’employeur du recourant aurait déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de cuisinier en la personne d’un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE, au sens de l’art. 21 al. 1 LEI. En effet, il n’apparaît pas qu’une quelconque recherche ait été effectuée sur le marché suisse ou européen. En effet, dans son courriel du 6 septembre 2023, la société indique que des annonces ont été publiées en Suisse et ce, seulement sur trois groupes Facebook et le site internet d'une école hôtelière. Ainsi, rien n’indique que des recherches auraient été effectuées sur le marché européen. De plus, les éventuelles difficultés invoquées à joindre l’OCE ne suffisent pas à justifier l’absence de publication sur le site internet de celui-ci, faute d’avoir mis en œuvre d’autres moyens afin d’y remédier, notamment en se rendant auprès de leurs guichets.

A cela s’ajoute que le recourant ne démontre pas non plus être au bénéfice d’un diplôme ou d’une expérience professionnelles attestant de compétences spécifiques en qualité de cuisinier de spécialités. A la lecture des documents produits, force est de constater que ceux-ci n’attestent d’aucune compétence en lien avec celle invoquée, à savoir la cuisine exotique, et en particulier 2______.

Faute d’élément de preuve permettant de retenir que l’ordre de priorité aurait été respecté, les chances de succès du recours du 27 octobre 2023 à l'encontre de la décision de l’OCIRT du 28 septembre 2023 apparaissent particulièrement faibles.

Au vu de ce qui précède, la vice-présidence du Tribunal civil n’a pas violé la loi en refusant d'accorder l'assistance juridique au recourant pour son recours du 27 octobre 2023.

5.             Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

6.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens, vu l'issue du recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 5 février 2024 par A______ contre la décision rendue le 18 décembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3005/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.