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Décisions | Chambre civile

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C/13876/2022

ACJC/1579/2025 du 04.11.2025 sur OTPI/121/2025 ( SDF ) , JUGE

Normes : CC.176.al1.ch2; CC.176.al1.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13876/2022 ACJC/1579/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 NOVEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une ordonnance rendue par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 février 2025, représenté par Me Jean-Philippe ANTHONIOZ, avocat, VS AVOCATS, boulevard Georges-Favon 14, 1204 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par sa curatrice
Me C______, avocate.

 

 

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/121/2025 du 17 février 2025, notifiée aux parties le 18 février 2025, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a attribué à B______ la jouissance de l'"extension" du domicile conjugal sis no. 1______, chemin 2______ à D______ [GE] (ch. 1 du dispositif), ordonné à A______ de remettre toutes les clés de cette partie du logement à B______, en l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 2), maintenu l'attribution de la garde de l'enfant E______ à A______ (ch. 3), réservé à B______ un droit de visite au Point de rencontre en modalité "1 pour 1" une fois par semaine (ch. 4), maintenu une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, ainsi qu'une curatelle d'assistance éducative, en faveur de E______ (ch. 5 et 6), condamné A______ à verser en mains de B______, à titre de contribution à son entretien, 3'500 fr. par mois du 11 octobre 2023 au 13 septembre 2024 (ch. 7) et 2'200 fr. par mois dès le 14 septembre 2024 (ch. 8), réparti les frais judiciaires – arrêtés à 1'000 fr. – par moitié entre les parties, condamné à celles-ci-à payer 500 fr. chacune à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire (ch. 9), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 5 mars 2025, A______ appelle des chiffres 1, 2, 7 et 8 du dispositif ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Principalement, il conclut à ce que la Cour lui attribue la jouissance de l'"extension" et du "chalet" sis no. 1______, chemin 2______ à D______, octroie à B______ un délai de six mois pour quitter toutes les parties de ce logement et déboute celle-ci de toutes ses prétentions en paiement d'une contribution à son entretien.

A l'appui de ses conclusions, il produit notamment un décompte de rente de F______ [organisation internationale] daté du 23 janvier 2025 et des extraits de procédures diligentées par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le TPAE) en 2022, ainsi que par les autorités de poursuite pénale fédérales en 2023.

b. Dans sa réponse, B______ conclut principalement au déboutement de A______ des fins de son appel.

Simultanément, elle forme un appel joint contre le chiffre 8 du dispositif du jugement entrepris et conclut principalement à ce que la Cour condamne A______ à lui verser, à titre de contribution à son entretien, 2'320 fr. pour le mois de septembre 2024 et 4'400 fr. par mois dès le 1er octobre 2024, payables d'avance.

A l'appui de ses conclusions, elle produit divers courriers et courriels datés des mois de janvier et d'avril 2025.

c. A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions sur appel joint.

d. Par courrier de son conseil du 12 juin 2025, A______ a requis la restitution de l'effet suspensif à l'appel.

La Cour a rejeté cette requête par arrêt ACJC/877/2025 du 26 juin 2025.

e. Les parties ont répliqué et dupliqué sur appel comme sur appel joint, persistant dans leurs conclusions.

Elles ont produit diverses pièces établies entre les mois de juin et d'août 2025.

f. Les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 22 septembre 2025.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les époux A______, né le ______ 1964, de nationalité danoise, et B______, née le ______ 1979, de nationalité kenyane, ont contracté mariage le ______ 2007 à G______ (Kenya).

b. Un enfant est issu de cette union, E______, né le ______ 2015 à H______ (Danemark).

c. Les époux se sont rencontrés en 2001 au Kenya, où A______ travaillait comme fonctionnaire international pour I______. Le couple a vécu dans plusieurs pays avant de s'établir en Suisse en mars 2016.

d. En Suisse, A______ a travaillé pour J______ [organisation internationale] et toute la famille a obtenu un statut diplomatique.

e. Les époux se sont séparés dans le courant de l'année 2021.

B______ s'est installée dans une partie distincte et récemment construite de la villa dont les époux sont copropriétaires à D______, dite "l'extension". A______ a continué d'occuper avec E______ la partie originaire de ladite villa, dite "le chalet".

f. Le 9 décembre 2022, le service juridique de J______ a levé les immunités de juridiction et d'exécution de A______, de B______ et de E______. Cette décision couvre diverses procédures administratives, civiles et pénales introduites en Suisse depuis lors.

g. Dès l'automne 2022, la situation de B______ a fait l'objet d'un signalement à l'Accueil et première intervention (API) du Service de protection des mineurs (ci‑après : SPMi) et de la part de A______.

Celui-ci a rapporté que B______ se montrait négligente vis-à-vis de son fils et d'elle-même. La partie du logement qu'elle occupait était très sale, des déchets et des restes de nourriture s'y amoncelaient et elle ne changeait plus ses draps, ni ne faisait la lessive. Elle ne relevait pas non plus son courrier. Lorsque E______ était chez elle, elle sortait systématiquement au café ou au restaurant pour tous les repas. Le père avait également remarqué un manque d'hygiène corporelle de son fils, lequel sentait mauvais lorsqu'il revenait de chez sa mère. Il avait dû faire intervenir la police à plusieurs reprises en raison de violences exercées par la mère à son encontre, devant leur fils. Lorsque E______ était gardé par son père, B______ les espionnait. A______ s'inquiétait tant de la santé psychique de son épouse que des répercussions de celle-ci sur la situation de leur fils.

h. A la suite de ce signalement, l'API a convoqué B______, laquelle ne s'est pas présentée aux rendez-vous, ni n'a répondu aux appels téléphoniques. L'intervenante a effectué une visite à domicile, préalablement annoncée. B______ n'était pas présente. L'intervenante a pu constater les déchets et la saleté accumulés, en regardant à travers la fenêtre de la porte séparant les deux parties du logement.

i. Par acte expédié au greffe du Tribunal le 15 juillet 2022, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale.

Dans un premier temps, B______ n'a pas participé à la procédure. Elle ne s'est pas présentée, ni fait représenter aux audiences tenues par le Tribunal et n'a déposé aucune pièce dans les délais impartis.

j. Un rapport d'évaluation sociale a été rendu par le service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci‑après : SEASP) le 16 février 2023.

Ce service a préconisé d'attribuer la garde de E______ à A______, de réserver un droit de visite limité aux journées à sa mère et d'instaurer une curatelle d'assistance éducative, ainsi qu'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles.

La mère n'avait pas répondu aux convocations du SEASP. Une intervenante s'était rendue à l'école pour la rencontrer, mais l'intéressée avait refusé de lui parler et ne s'était pas laissée approcher physiquement. Elle avait caché son visage dans la capuche de son manteau et son écharpe.

Les relations entre les époux étaient très dégradées, empreintes de fortes tensions et des altercations violentes avaient eu lieu en présence de l'enfant. La police était intervenue à plusieurs reprises et la communication entre les parents était rompue. Le père était adéquat dans la prise en charge de l'enfant, alors que tel ne semblait pas être le cas de la mère.

k. Par ordonnance du 22 juin 2023, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal a attribué à A______ la garde de E______, réservé à B______ un droit de visite s'exerçant un week-end sur deux sans les nuits et un mercredi après-midi sur deux, donné acte à A______ de son engagement de prendre en charge l'entretien de l'enfant, instauré une curatelle d'assistance éducative et une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles en faveur de celui-ci et dit que les parties se partageraient par moitié les frais desdites curatelles.

Le Tribunal a notamment considéré que B______ ne pouvait pas être tenue de contribuer à l'entretien de E______ et que la question d'une contribution à son propre entretien ne se posait pas à ce stade.

l. Par ordonnance du 14 juillet 2023, le TPAE a instauré une curatelle de représentation et de gestion en faveur de B______, nommé Me C______ en qualité de curatrice et lui a confié la mission de la représenter dans ses rapports avec les tiers ainsi qu'en matière juridique, en particulier dans le cadre du présent procès sur mesures protectrices de l'union conjugale.

m. Lors de l'audience du Tribunal du 2 octobre 2023, A______ a déclaré qu'il avait déménagé dans un logement situé à proximité du domicile conjugal, soit au no. 3______ chemin 2______, avec son fils. Le droit de visite entre ce dernier et sa mère avait été interrompu, d'entente avec le curateur, en raison du comportement irrationnel de B______. Celle-ci avait notamment refusé de voir l'enfant après ses vacances d'été. Il continuait à alimenter un compte commun sur lequel B______ pouvait retirer de l'argent, mais elle ne le faisait plus. Il trouvait son épouse très amaigrie et il lui semblait que la situation s'était péjorée, ce qui l'inquiétait.

Me C______ a quant à elle déclaré que, malgré deux déplacements au domicile de sa protégée, elle n'avait pas pu entrer en contact avec celle-ci, qui n'avait par ailleurs aucun revenu.

n. Par courrier du 10 septembre 2024, A______ a informé le Tribunal de ce que son épouse était internée à la clinique de K______ depuis le mois de décembre 2023, après avoir commencé à brûler des objets dans la maison du couple. Les pompiers, la police et les ambulanciers étaient intervenus en urgence et il avait été nécessaire de la sortir de force du logement enfumé.

o. Par courrier du 10 octobre 2024, Me C______ a annoncé au Tribunal que B______ avait pu réintégrer son domicile le jour même et que son placement à des fins d'assistance avait été suspendu, ses médecins estimant que l'évolution de son état clinique était favorable et qu'elle avait recouvré sa capacité de discernement.

p. Simultanément, B______ a sollicité le prononcé de nouvelles mesures provisionnelles.

Elle a conclu en dernier lieu à ce que le Tribunal lui attribue la jouissance de "l'extension" de la villa sise chemin 2______ no. 1______, ainsi que du mobilier garnissant cette partie du logement, et condamne A______ à lui verser, à titre de contribution à son entretien, 4'722 fr. par mois pour la période du 18 juillet 2022 au 30 mai 2023 et 4'632 fr. par mois dès le 1er juin 2023, sous déduction de 7'600 fr. versés à bien plaire sur le compte commun des époux.

A______ a pour sa part sollicité l'attribution du domicile conjugal dans son entier, y compris de "l'extension" occupée par B______, vu l'incendie causé par celle-ci. Il s'est dit prêt à verser, sur mesures provisionnelles, une somme mensuelle de 1'500 fr. à titre de contribution à l'entretien de son épouse, étant précisé qu'il prenait à sa charge tous les frais de logement et d'assurance maladie de la famille.

q. Le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles à l'issue de l'audience du 18 décembre 2024.

r. La situation personnelle et financière des parties se présente comme suit.

r.a A______ a travaillé auprès de J______ jusqu'au 14 septembre 2024, date à laquelle son poste a été supprimé dans le cadre de mesures de réorganisation interne. Lors du dépôt de la requête, il percevait un salaire de 13'511 USD par mois, comprenant également des indemnités pour son épouse et pour son enfant ainsi qu'un ajustement au coût de la vie locale. Converti en francs suisses, ce montant représentait environ 12'970 fr. par mois.

A partir du 15 septembre 2024, A______ – qui était alors âgé de 60 ans – a été mis au bénéfice d'une retraite anticipée de J______. Devant le Tribunal, il a exposé qu'il ne percevrait plus de revenu jusqu'à la fixation sa rente, qui lui serait accordée avec effet rétroactif. Le 23 janvier 2025, celle-ci a été fixée à USD 10'483.- par mois, soit un montant net de 9'246 fr. par mois.

Ce montant est réduit à 8'098 fr. par mois après déduction des cotisations de la famille au plan d'assurance-maladie de son ancien employeur.

La villa familiale est grevée d'un emprunt hypothécaire composé de plusieurs tranches, dont certaines sont soumises à un taux d'intérêt variable. A l'automne 2024 et au printemps 2025, le montant de la charge hypothécaire s'est élevé en moyenne à 5'632 fr. par trimestre, soit à 1'877 fr. par mois. A______ s'en est acquitté avec retard, exposant les époux à des rappels de la part de la banque créancière. Le 14 août 2025, celle-ci a dénoncé ses crédits au remboursement pour le 28 février 2026.

Le loyer du logement que A______ occupe actuellement avec l'enfant, également de type "chalet" et de taille plus réduite que la villa familiale, s'élève à 2'000 fr. par mois.

Les charges mensuelles non contestées de A______ comprennent son entretien de base (1'350 fr.), ses frais de transports publics (70 fr.) et ses frais de télécommunications (140 fr.).

Il s'acquitte par ailleurs de primes d'assurance ménage et bâtiment à hauteur de 72 fr. par mois et, lorsqu'il travaillait à J______, ses frais de repas à l'extérieur s'élevaient à 242 fr. par mois.

Jusqu'à sa retraite anticipée, la charge fiscale de A______ découlait uniquement de la détention de la villa familiale et s'élevait à 303 fr. par mois.

Celui-ci ayant perdu le statut de fonctionnaire international lié à son emploi, l'administration fiscale cantonale a adressé aux époux, le 16 juillet 2025, un bordereau d'impôt d'un montant total de 4'084 fr. pour l'année 2024, dont 2'267 fr. représentaient la part de l'époux et 1'807 fr. celle de l'épouse.

r.b B______ est titulaire d'un master en Information Systems. Elle a travaillé à plusieurs reprises pour diverses entités de F______ entre 2009 et 2014, ainsi que six mois entre 2018 et 2019, puis quatre mois entre décembre 2021 et mars 2022. Elle n'exerce plus d'activité lucrative depuis avril 2022 et n'a plus de revenus propres depuis cette date.

Depuis son retour au domicile conjugal, ses charges mensuelles comprennent son entretien de base (1'200 fr.), ses frais de transports publics (70 fr.) et ses frais de télécommunications (140 fr.). Elle soutient également s'acquitter de primes d'assurance ménage/rc à hauteur de 72 fr. par mois.

r.c Hors frais de logement, les charges de E______ comprennent son entretien de base (400 fr.), ses frais de parascolaire (300 fr.) et ses activités extrascolaires (521 fr.).

EN DROIT

1.             L'ordonnance entreprise ayant été communiquée aux parties après le 1er janvier 2025, les voies de droit prévues par la nouvelle procédure sont applicables (art. 405 al. 1 CPC).

1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Savoir si l'affaire est de nature patrimoniale dépend des conclusions de l'appel. Si tel est le cas, la valeur décisive pour l'appel est celle des conclusions qui étaient litigieuses immédiatement avant la communication de la décision attaquée
(arrêt du Tribunal fédéral
5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2; Tappy, Commentaire romand - CPC, 2ème éd., 2019, n. 64 ad art. 91 CPC; Bastons Bulletti, Petit commentaire - CPC, 2020, n. 6 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, en appel, le litige porte notamment sur les contributions à l'entretien de l'épouse, soit sur une question de nature patrimoniale, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1, 271 let. a et 314 al. 2 CPC), selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 et 314 al. 2 CPC) et dans le respect des formes énoncées ci-dessus, l'appel joint est également recevable. Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties en appel, l'époux sera ci-après désigné en qualité d'appelant et l'épouse en qualité d'intimée.

1.3 Au vu du domicile genevois des parties, les autorités judiciaires genevoises sont compétentes pour connaître du litige (art. 2 ch. 2 et 5 ch. 2 let. a CL; art. 46 LDIP; art. 2 CPC) et le droit suisse est applicable (art. 48 al. 1 LDIP;
art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires), ce qui n'est, à juste titre, pas contesté.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 al. 1, art. 271 let. a CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, avec administration restreinte des moyens de preuve (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.2.2).

1.5 La cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne un enfant mineur (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 al. 1 et 3 CPC).

En tant qu'elle porte sur la contribution d'entretien en faveur du conjoint, la procédure est soumise à la maxime inquisitoire sociale (art. 272 CPC) et à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 et 2 a contrario CPC; ATF 149 III 172 consid. 3.4.1).

2.             L'intimée conteste la recevabilité des pièces et allégués de faits nouveaux que l'appelant soumet à la Cour dans son appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après la fin des débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC), moment qui correspond au début des délibérations (sur cette notion lorsque la cause est gardée à juger, cf. ATF 143 III 272 consid. 2.3.2), la condition de nouveauté posée
l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_451/2020 du 31 mars 2021 consid. 4.2.1). En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 42 consid. 4.1).

Lorsqu'elle doit examiner les faits d'office, l'instance d'appel admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations (art. 317 al. 1bis CPC, en vigueur dès le 1er janvier 2025 selon l'art. 407f CPC).

2.1.2 En l'espèce, la première pièce nouvelle produite par l'appelant, soit un décompte l'informant du montant de sa rente de retraite anticipée, a été établie le 23 janvier 2025, soit après que le Tribunal a gardé la cause à juger. Bien qu'elle ne concerne que la question de l'entretien l'épouse, qui est seul litigieux en l'espèce et qui n'est pas examiné d'office (cf. consid. 1.5 ci-dessus), cette pièce est recevable au regard de l'art. 317 al. 1 CPC, vu ce qui précède. Contrairement à ce que soutient l'intimée, rien n'indique notamment que l'appelant aurait été informé plus tôt du montant effectif de sa rente de retraite anticipée. Il n'incombait pas non plus à l'appelant de soumettre spontanément cette pièce au premier juge, alors que celui-ci avait gardé la cause à juger et que les délibérations avaient commencé. Admettre le contraire conduirait d'ailleurs à devoir écarter certaines des pièces produites par l'intimée elle-même, qui ont été établies au mois de janvier 2025. La pièce en question est donc recevable, de même que les allégués de fait fondés sur celle-ci.

Les autres pièces produites par l'appelant avec son écriture d'appel ont quant à elles été établies avant la fin des débats de première instance. Elles concernent cependant l'attribution de la jouissance du domicile conjugal, soit une question qui est susceptible d'affecter le sort du mineur E______, dont la garde est confiée à l'appelant. Les faits concernant cette question doivent donc être examinés d'office et les pièces en question sont par conséquent recevables, conformément à l'art. 317 al. 1bis CPC rappelé ci-dessus. Il en va de même des allégués de fait fondés sur ces pièces, sans préjudice de leur pertinence pour trancher la question à résoudre.

Au surplus, les pièces produites par les parties avec leurs échanges d'écritures subséquents devant la Cour concernent des faits survenus au cours de la procédure d'appel et sont donc recevables quelle que soit la maxime applicable à la question à laquelle ces faits se rapportent, ce qui n'est pas contesté.

3.             Le Tribunal a considéré que l'intimée avait pu réintégrer "l'extension" du domicile conjugal au terme de son placement à des fins d'assistance, tandis que l'appelant avait choisi de louer un autre logement. Compte tenu de la situation personnelle et financière de l'intimée, qui était sans revenu, il se justifiait de lui attribuer la jouissance de "l'extension" susvisée, dans laquelle elle avait ses repères.

L'appelant conteste ce qui précède, au motif que "l'extension" constituerait la plus grande partie du domicile conjugal et que l'appelante ne saurait l'occuper seule, à son détriment et à celui de de leur fils. Il avait été contraint de déménager pour se protéger, et protéger leur fils, de l'attitude violente de l'intimée. La présence de celle-ci au domicile créait tant un risque de dégradation du bien qu'un risque pour l'intégrité corporelle de l'intimée. Enfin, celle-ci ne pouvait pas supporter la charge financière de la villa et devait chercher un logement plus adapté, ce qui lui permettrait d'économiser la charge de son loyer actuel, qui était plus élevée.

L'intimée allègue qu'un déménagement compromettrait son état de santé, qui reste fragile. Elle n'était pas responsable de la pathologie psychiatrique ayant conduit à son placement et elle demeurerait incapable de travailler, ce qui rendait la recherche d'un autre logement très difficile. Rien ne s'opposait par ailleurs à ce que l'appelant réintègre le "chalet", qui ne communiquait pas avec "l'extension", étant rappelé que chacun des époux était copropriétaire du bien.

3.1 Si les époux ne parviennent pas à s'entendre au sujet de la jouissance de l'habitation conjugale, l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC prévoit que le juge attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_934/2023 du 5 juin 2024 consid. 3.1; 5A_768/2019 du 31 mars 2022 consid. 5.2 et les références).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile. Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier, l'intérêt professionnel d'un époux, qui, par exemple, exerce sa profession dans l'immeuble, ou encore l'intérêt d'un époux à pouvoir rester dans l'immeuble qui a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé. L'application de ce critère présuppose en principe que les deux époux occupent encore le logement dont l'usage doit être attribué. Le fait qu'un des époux ait par exemple quitté le logement conjugal non pas pour s'installer ailleurs, mais pour échapper provisoirement à un climat particulièrement tendu au sein du foyer ou encore sur ordre du juge statuant de manière superprovisionnelle ne saurait toutefois entraîner une attribution systématique de la jouissance du logement à celui des époux qui l'occupe encore. Le bien de l'enfant est un critère prioritaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_934/2023 du 5 juin 2024 consid. 3.1; 5A_760/2023 du 19 mars 2024 consid. 3.1; 5A_188/2018 du 1er mars 2018 consid. 4; 5A_470/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5 et les références).

Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. Sous ce rapport, doivent notamment être pris en compte l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement. Si ce deuxième critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (ATF 120 II 1 consid. 2c; parmi plusieurs : arrêts du Tribunal fédéral 5A_934/2023 du 5 juin 2024 consid. 3.1; 5A_884/2022 du 14 septembre 2023 consid. 5.2; 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

3.2 En l'espèce, l'appelant a quitté le domicile conjugal, dont il revendique l'attribution, pour occuper un logement loué. Il ne l'a cependant pas fait pour s'installer durablement ailleurs, mais pour se protéger et protéger E______ du comportement inadéquat de l'intimée, qui a donné lieu à plusieurs incidents et finalement conduit au placement de celle-ci. Le fait que l'intimée ne soit par hypothèse pas responsable de la dégradation de son état de santé, et donc des incidents susvisés, ne change rien à ce qui précède. L'appelant a de facto été contraint de déménager et ce déménagement temporaire ne fait en soi pas obstacle à ce que la jouissance du domicile conjugal lui soit attribué, contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal.

En application du critère de l'utilité, il convient de retenir que le logement conjugal est plus utile à l'appelant qu'à l'intimée, puisque celui-ci assume la garde de l'enfant. L'intérêt de ce dernier à réintégrer le logement dans lequel il a grandi est prépondérant. Il n'est pas rendu vraisemblable que l'état de santé de l'intimée nécessite qu'elle puisse demeurer dans le logement conjugal. L'on remarquera à cet égard qu'il s'agit au contraire du lieu où ses troubles psychiques se sont aggravées. Les services sociaux ont de plus constaté un défaut grave d'entretien de la maison où les détritus s'amoncelaient, étant rappelé que l'intimée a fini par bouter le feu aux meubles la garnissant.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'est pas envisageable que l'appelant et E______ réintègrent la partie "chalet" de la villa conjugale, tandis qu'elle continuerait d'occuper "l'extension" de ladite villa. Même si les deux parties du logement ne communiquent pas, une telle proximité est de nature à susciter de nouveaux conflits et tensions entre les parties, lesquels seraient préjudiciables au bon développement de l'enfant. Même si la situation psychique de l'intimée semble s'être améliorée, celle-ci relève elle-même que son état reste fragile, de sorte qu'une éventuelle rechute, accompagnées de la survenance de nouveaux incidents ne peut être exclue à ce stade.

Au regard de ce qui précède, l'on ne saurait exiger de l'appelant qu'il demeure avec son fils dans un logement plus petit que celui occupé par la seule intimée, avec le risque que la maison dont il est copropriétaire subisse des déprédations due à un manque d'entretien ou à des comportements à risque de la part de l'intimée.

La jouissance exclusive du logement conjugal, dans son intégralité, doit dès lors être attribuée à l'appelant.

Il sera ainsi fait droit aux conclusions de celui-ci sur ce point et un délai de six mois sera imparti à l'intimée pour s'exécuter. Ce délai lui permettra vraisemblablement de trouver un logement adapté à ses besoins, avec l'aide des services sociaux, étant précisé que celui-ci pourra être financé par la contribution d'entretien qui lui sera allouée.

Les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance entreprise seront dès lors réformés en conséquence.

4.             Sur le plan financier, le Tribunal a considéré que les revenus de l'appelant lui permettaient largement de couvrir ses propres charges et celles de E______ (lesquelles comprenaient notamment les charges de la villa familiale, mais non leur loyer actuel, dès lors que l'appelant avait choisi de louer un autre logement alors que rien ne l'y obligeait). Les charges de l'intimée, qui ne comprenaient pas de frais de logement, s'élevaient à 1'482 fr. par mois. L'excédent familial s'élevait quant à lui à 5'050 fr. par mois jusqu'au 13 septembre 2024 et à 1'780 fr. par mois depuis lors. L'intimée, dont on ne pouvait attendre qu'elle reprenne un emploi, pouvait dès lors prétendre à la couverture de ses charges et aux deux cinquièmes de l'excédent susvisé, ce qui déterminait à 3'500 fr., puis à 2'200 fr. par mois le montant des contributions qui lui étaient dues pour ces périodes, et ce dès l'année précédant le dépôt de la requête, soit dès le 11 octobre 2023.

L'appelant conteste que l'intimée puisse prétendre au paiement de contributions d'entretien avec effet rétroactif, dès lors que la décision précédemment rendue sur mesures provisionnelles ne lui en allouait pas et que l'intimée était hospitalisée durant la période concernée. Il reproche également au premier juge de ne pas avoir tenu compte de son revenu effectif, ni de sa charge fiscale nouvelle, depuis sa prise d'une retraite anticipée, ainsi que d'avoir ignoré le loyer de son logement actuel. Les contributions d'entretien fixées porteraient atteinte à son minimum vital et l'intimée devrait être déboutée de toute prétention à ce titre.

L'intimée soutient pour sa part que les charges de la villa conjugale doivent être comptabilisées dans ses propres charges à compter du mois d'octobre 2024. Elle relève également que l'appelant n'a plus de frais de repas à l'extérieur depuis sa prise d'une retraite anticipée. Contestant le seul montant alloué depuis le 14 septembre 2024, elle conclut au paiement d'une contribution à son entretien de 2'320 fr. pour ledit mois de septembre et de 4'410 fr. par mois par la suite, comprenant une part de l'excédent familial.

4.1 A la requête d'un époux et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge fixe les contributions d'entretien à verser respectivement aux enfants et à l'époux (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

4.1.1 Entre époux, le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch 1 CC se déterminent en fonction de leurs facultés économiques et de leurs besoins respectifs. Le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les conjoints ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux, l'art. 163 CC demeurant la cause de leur obligation d'entretien réciproque (ATF 140 III 337 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_409/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.5.1).

Il doit ensuite prendre en considération qu'en cas de suspension de la vie commune, le but de l'art. 163 al. 1 CC impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie séparée (ATF 137 III 385 consid. 3.1, précisant l'arrêt paru aux ATF 128 III 65; arrêt du Tribunal fédéral 5A_409/2021 précité). Si leur situation financière le permet encore, le standard de vie antérieur choisi d'un commun accord – qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien afin de ne pas anticiper sur la répartition de la fortune – doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. L'obligation d'entretien trouve sa limite dans la capacité contributive du débirentier, en ce sens que son minimum vital selon le droit des poursuites doit être préservé (ATF 140 III 337 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_409/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.5.1 et les arrêts cités).

4.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille (ATF 147 III 265; 147 III 293; 147 III 301). Selon cette méthode, dite en deux étapes, les ressources et besoins des personnes intéressées sont déterminés, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

4.1.2.1 Les besoins des parties sont calculés en partant du minimum vital au sens du droit des poursuites selon l'art. 93 LP, en y dérogeant s'agissant du loyer (participation de l'enfant au logement du parent gardien : 20% pour un enfant, 30% pour deux enfants et 40%, voire 50% dès trois enfants; cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_1068/2021 du 30 août 2022 consid. 3.2.2; 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 5.3.3.3). Le minimum vital au sens du droit des poursuites comprend le montant de base fixé par les normes d'insaisissabilité (OP), les frais de logement effectifs ou raisonnables, les coûts de santé, tels que les cotisations d'assurance maladie obligatoire, les frais de transports publics et les frais professionnels (ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_329/2016 du
6 décembre 2016 consid. 4.1; Bastons Bulletti, op. cit., p. 84 s. et 101 s.).

4.1.2.2 Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital dit de droit de la famille. Chez les enfants, il peut être tenu compte d'une part d'impôts, d'une part des frais de logement correspondant aux circonstances financières concrètes et des primes d'assurance maladie complémentaire. Chez les parents, il peut être tenu compte des impôts, d'un forfait communication et d'assurances, de frais de formation, de frais de logement correspondant à la situation financière plutôt qu'orienté vers le minimum vital selon le droit des poursuites, les frais d'exercice du droit de visite, voire le remboursement de dettes (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

4.1.3 Les contributions pécuniaires fixées par le juge dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale ou sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de divorce peuvent être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC, par renvoi de
l'art. 276 al. 1 CPC; ATF 115 II 201 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2016 du 15 août 2016 consid. 2.1.3 et les réf. cit.).

4.1.3.1 En cas d'effet rétroactif du versement de la contribution d'entretien, le juge qui en fixe le montant doit tenir compte des dépenses déjà effectuées à ce titre par l'époux débiteur (ATF 135 III 315 consid. 2.4, Rieben/Chaix, Commentaire romand, Code civil I, 2ème éd, 2023, n. 10 ad art. 173 CC).

Il convient en outre d'examiner si le comportement du conjoint demandeur, qui s'est résigné pendant des mois sans opposition à la situation actuelle, ne doit pas être considéré comme une renonciation (Isenring/Kessler, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 7ème éd, 2022, n. 11 ad art. 173 CC, avec réf.).

4.1.3.2 Les décisions provisoires règlementant l'entretien en procédure de mesures provisionnelles de divorce ou de mesures protectrices de l'union conjugale ont une force de chose jugée limitée, car elles sont limitées dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 5A_842/2015 du 26 mai 2016 consid. 2.4; Bohnet, Commentaire romand CPC, 2e éd., 2019, n. 119 ad art. 59 CPC). En effet, cela implique qu'elles déploient leurs effets pour la durée du procès tant et aussi longtemps qu'elles n'ont pas été modifiées, le jugement de divorce ne pouvant du reste pas revenir rétroactivement sur ces mesures (ATF 127 III 496 consid. 3a).

La décision de mesures provisionnelles - et de mesures protectrices de l'union conjugale - peut être modifiée, pour l'avenir seulement, en cas de changement de circonstances et elle ne préjuge pas du jugement final (ATF 141 III 376 consid. 3.3.4 et 3.4).

4.2 En l'espèce, dans sa décision sur mesures provisionnelles du 22 juin 2023, le Tribunal a expressément indiqué qu'il n'abordait pas la question de l'entretien de l'intimée, qui ne faisait l'objet d'aucune prétention à ce stade. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision susvisée ne saurait dès lors avoir autorité de chose jugée, fût-ce partielle, sur la question de cet entretien. Elle ne saurait davantage faire obstacle, sur le principe, au règlement de l'entretien de l'intimée pour une période antérieure à son prononcé. En l'occurrence, l'intimée n'a toutefois formé pour la première fois des prétentions à ce titre que dans sa requête de nouvelles mesures provisionnelles du 10 octobre 2024. En concluant alors à l'allocation de contributions d'entretien dès le 18 juillet 2022, soit un an avant le dépôt de la requête initiale de l'appelant, et ce alors même qu'elle avait refusé de participer à la procédure jusque-là, ni formé la moindre prétention concernant son entretien, l'intimée a adopté une position qui confine à l'abus de droit. L'appelant, qui assumait seul l'entretien de l'enfant du couple et continuait vraisemblablement d'alimenter un compte commun à disposition de l'intimée, ne pouvait en effet de bonne foi compter avec le fait de devoir en sus contribuer rétroactivement et en espèces à l'entretien de l'intimée dès le dépôt de sa requête initiale, voire antérieurement à ce dépôt. Tout au plus devait-il envisager, et le Tribunal avec lui, que l'entretien réclamé par l'intimée puisse être dû pour l'année précédant le dépôt de la requête de celle-ci en ce sens, soit en l'espèce dès le 10 octobre 2023. En l'occurrence, la Cour constate toutefois comme l'appelant que l'intimée était placée en institution à des fins d'assistance pour l'essentiel de la période comprise entre la date susvisée et le dépôt de sa requête, soit du mois de décembre 2023 au mois d'octobre 2024. On peine dès lors à voir quels auraient été les besoins d'entretien financier de l'intimée durant cette période, celle-ci ne contestant notamment pas que le coût de son placement ait été alors pris en charge par son assurance. L'intimée n'allègue par ailleurs pas, ni ne rend vraisemblable, qu'elle aurait contracté de quelconques dettes pour subvenir à son entretien ou à ses soins avant le dépôt de ses conclusions du 10 octobre 2024.

Dans ces conditions, et au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, la Cour considère que l'intimée n'est pas fondée à solliciter de l'appelant qu'il contribue à son entretien avec effet rétroactif, soit avant le dépôt de sa requête de nouvelles mesures provisionnelles du 10 octobre 2024. Les chiffres 7 et 8 du dispositif du jugement entrepris seront dès lors modifiés en ce sens et la capacité contributive de l'appelant comme les besoins de l'intimée, seront examinés à compter de cette date.

4.2.1 Depuis le mois de septembre 2024, l'appelant a été mis au bénéfice d'une retraite anticipée et perçoit un montant de 8'098 fr. net par mois, après déduction des cotisations de la famille au plan d'assurance-maladie de son ancien employeur. L'intimée, qui reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que l'appelant tirait des revenus supplémentaires de la location d'un bien immobilier dont les époux seraient propriétaires aux Etats-Unis, n'a formulé un tel grief devant la Cour que dans ses déterminations postérieures à soin appel joint. Ledit grief est dès lors irrecevable, dès lors que l'échange d'écritures qui vise à faire respecter le droit d'être entendu d'une partie ne permet pas de donner à celle-ci l'occasion de combler les éventuelles lacunes de son appel ou de son appel joint
(cf. ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_737/2012 du 23 janvier 2013 consid. 4.2.3). Par conséquent, les revenus de l'appelant demeureront estimés au montant susvisée de 8'098 fr. net par mois.

Outre les cotisations d'assurance-maladie de la famille déduites à la source de sa pension, les charges mensuelles courantes de l'appelant comprennent le loyer de son logement actuel (2'000 fr.), les charges hypothécaires de la villa conjugale que l'intimée continue provisoirement d'occuper sans avoir les moyens de s'en acquitter (1'877 fr.), ses primes d'assurance ménage et bâtiment (72 fr.), ses frais de transports publics (70 fr.) et de télécommunications (140 fr.), le solde de l'entretien de E______ (910 fr., allocations familiales de 311 fr. par mois déduites) et son propre entretien de base (1'350 fr.), pour un premier total de 6'419 fr. par mois. Il n'y a pas lieu d'y ajouter des frais de repas à l'extérieur, dès lors que l'appelant a quitté le poste qu'il occupait précédemment à J______.

S'agissant de ses impôts, l'appelant établit qu'il est désormais assujetti à l'ICC et à l'IFD depuis la perte de son statut de fonctionnaire international; le montant de 1'666 fr. qu'il allègue à ces titres ne ressort cependant que d'une estimation établie antérieurement à sa mise à la retraite anticipée. Son premier bordereau d'impôt, qui s'est élevé à 2'267 fr. pour la période du 15 septembre au 31 décembre 2024, ne tient quant à lui pas compte des contributions d'entretien qu'il est appelé à verser à l'intimée. Compte tenu de celles-ci, l'appelant n'a pas rendu vraisemblable que sa charge fiscale excéderait sensiblement celle dont il s'acquittait précédemment, laquelle s'élevait à 303 fr. par mois. Partant, seul ce dernier montant sera retenu à ce stade.

Ceci porte le total des charges mensuelles de l'appelant à 6'722 fr. par mois (6'419 fr. + 303 fr.) et son disponible à 1'376 fr. par mois (8'098 fr. – 6'722 fr.) tant que l'intimée n'a pas libéré la villa familiale. Après le départ de celle-ci, dès lors que l'appelant ne sera plus tenu d'occuper son logement actuel, le disponible du précité s'élèvera à 3'376 fr. par mois, compte tenu de l'économie de loyer qui s'ensuivra (1'376 fr. + 2'000 fr.).

4.2.2 S'agissant de l'intimée, il n'est pas contesté qu'elle ne réalise aucun revenu, ni que son état de santé psychique ne lui permet pas de reprendre une activité lucrative, ce qui la dispense notamment pour l'heure de contribuer à l'entretien de l'enfant.

Les charges actuelles de l'intimée comprennent son entretien de base (1'200 fr.), ses frais de transports publics (70 fr.) et ses frais de télécommunication (140 fr.), soit un total de 1'410 fr. Lorsqu'elle aura quitté la villa conjugale, une somme moyenne de 2'000 fr. par mois, correspondant au loyer économisé par l'appelant, devra lui être allouée pour ses frais de logement, comprenant les charges usuelles ainsi que d'éventuelles primes d'assurance-ménage. Le total des charges personnelles de l'intimée s'élèvera alors à 3'410 fr. par mois.

4.2.3 Au vu des chiffres qui précèdent, il apparaît que les besoins courants de l'intimée (1'410 fr., puis 3'410 fr. par mois) excèdent légèrement le disponible de l'appelant (1'376 fr., puis 3'376 fr.). Bien que non contestés, les frais de télécommunications des parties sont cependant élevés et peuvent être en partie exclus de leur minimum vital de droit de la famille, conformément aux principes rappelés ci-dessus. Réduits de 20 fr. par personne, de 140 fr. à 120 fr., ils déterminent notamment le déficit de l'appelante à 1'390 fr., puis à 3'390 fr. par mois, tandis que le disponible de l'appelant passe à 1'396 fr., puis à 3'396 fr. par mois.

L'appelant sera dès lors condamné à verser à l'intimée une contribution d'entretien de 1'390 fr. par mois dès le 10 octobre 2024 et jusqu'à ce que celle-ci quitte effectivement la villa familiale. Par la suite, la contribution sera fixée à 3'390 fr. par mois, étant observé que la décision du juge des mesures protectrices de l'union conjugale viendra vraisemblablement se substituer prochainement aux présentes mesures provisionnelles s'agissant du montant des contributions qui seront dues dès l'entrée en force de ladite décision.

5.             Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 2'000 fr. au total et ceux de la décision rendue sur effet suspensif seront arrêtés à 200 fr. (art. 23, 31 et 37 RTFMC). Les premiers seront mis à la charge des parties pour moitié chacune, vu la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC), tandis que les seconds seront laissés à la charge de l'appelant, qui a succombé sur effet suspensif
(art. 106 al. 1 CPC). La totalité des frais sera compensée avec les avances de frais correspondantes fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Au vu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et d'appel joint (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 mars 2025 par A______ contre l'ordonnance OTPI/121/2025 rendue le 17 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13876/2022.

Déclare recevable l'appel joint formé le 28 avril 2025 par B______ contre cette même ordonnance.

Au fond :

Annule les chiffres 1, 2, 7 et 8 du dispositif de l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau sur ces points :

Attribue à A______ la jouissance exclusive du "chalet" et de "l'extension" de la villa familiale sise no. 1______, chemin 2______ à D______.

Impartit à B______ un délai au 15 mai 2026 pour libérer ladite villa familiale de sa personne et de ses biens.

Prononce cette injonction sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, qui dispose que : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni d'une amende".

Condamne A______ à verser en mains de B______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, la somme de 1'390 fr. dès le 10 octobre 2024 et jusqu'à la libération par celle-ci de la villa familiale.

Condamne A______ à verser en mains de B______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, la somme de 3'390 fr. à compter du jour où celle-ci aura effectivement libéré la villa familiale de sa personne et de ses biens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 2'000 fr., les met à la charge des parties pour moitié et les compense avec les avances de frais de 1'000 fr. chacune fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Arrête les frais judiciaires de la décision rendue sur effet suspensif à 200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel et d'appel joint.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.