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Décisions | Chambre civile

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C/3886/2024

ACJC/610/2025 du 06.05.2025 sur JTPI/15215/2024 ( SDF ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3886/2024 ACJC/610/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 novembre 2024 et intimé, représenté par Me Stéphanie FRANCISOZ GUIMARAES, avocate, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée et appelante, représentée par
Me Sandrine LUBINI, avocate, LUBINI AVOCATS, rue de la Cité 3, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A. a. B______, née le ______ 1961, et A______, né le ______ 1967, tous deux de nationalité suisse, se sont mariés le ______ 1999 à Genève, sans conclure de contrat de mariage.

Ils sont les parents de C______, né le ______ 2001, aujourd'hui majeur.

b. Les époux vivent séparés depuis le mois de juillet 2023, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal.

C______, en apprentissage, vit avec son père depuis la séparation des parties.

c. Le 19 février 2024, B______ a formé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal).

Elle a conclu à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés, lui attribue la jouissance du domicile conjugal et condamne A______ à lui verser, par mois et d'avance, 2'780 fr. à titre de contribution à son entretien, dès le 1er août 2023.

Elle a préalablement conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser une provisio ad litem de 2'500 fr.

d. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 16 avril 2024, B______ a retiré sa conclusion en fixation d'une provisio ad litem et a modifié sa conclusion s'agissant du montant à la contribution de son entretien, réclamant qu'il soit fixé à 2'800 fr. par mois, dès le 1er août 2023.

A______ ne s'est pas opposé à ce que la jouissance exclusive du domicile conjugal soit attribuée à B______. Il ne s'est pas exprimé sur les autres conclusions prises par B______.

A l'issue de l'audience, les parties ont informé le Tribunal qu'elles allaient continuer de discuter de la question financière de sorte qu'elles souhaitaient que l'affaire soit convoquée. A______ a conclu, en tout état, s'il ne devait pas y avoir d'accord, au prononcé de la séparation de biens "pour le futur".

Sur quoi le Tribunal a indiqué aux parties qu'il reconvoquerait l'affaire en suite de débats, avec plaidoiries à l'issue de l'audience.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 18 juin 2024, les parties se sont exprimées sur leurs situations financières.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai au 30 août 2024 aux parties pour déposer leurs pièces complémentaires, indiquant que la cause serait renvoyée pour plaider.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 29 octobre 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, répliqué puis dupliqué, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

Le procès-verbal ne fait pas mention des conclusions des parties.

B. Par jugement JTPI/15215/2024 rendu le 29 novembre 2024, le Tribunal a autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), condamné A______ à verser à B______ 1'950 fr. par mois dès le 1er avril 2024 à titre de contribution à son entretien (ch. 2), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 3), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., les a répartis par moitié entre les parties, condamnant chacune d'elle à payer 250 fr. à l'Etat de Genève (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6), condamné les parties à respecter et exécuter les dispositions du jugement (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

Il résulte de la partie EN FAIT du jugement que B______ avait conclu, lors de l'audience du 29 octobre 2024, au partage par moitié de l'excédent et s'était opposée au prononcé de la séparation de biens. A______ avait plaidé qu'il fallait inclure les rentes non rétrocédées par B______ à leur fils jusqu'en avril 2024 dans les revenus de celle-ci et que le prononcé de la séparation de biens était dans l'intérêt des deux parties.

En substance, le Tribunal a retenu que A______ réalisait un revenu moyen net de l'ordre de 8'180 fr. Ses charges mensuelles étaient de 4'020 fr., comprenant le loyer, charges comprises (1'169 fr.), la caution de l'appartement (16 fr.), les frais de parking (150 fr.), les primes d'assurance-maladie de base et complémentaires (785 fr.), les frais médicaux non remboursés (100 fr. en moyenne), les acomptes d'impôts (estimés à 600 fr.) et l'entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.). L'enfant majeur qui vivait avec A______ était en première année d'apprentissage. Il percevait un revenu et des rentes complémentaires de sorte qu'il était en mesure de couvrir l'entier de ses charges. Il souhaitait toutefois quitter le domicile de son père pour s'installer avec son amie, de sorte que le Tribunal a renoncé à imputer dans les charges de A______ la part de loyer du fils majeur et à réduire son minimum vital. Les frais de véhicule, d'un montant de 1'441 fr., n'étaient pas justifiés par une obligation professionnelle, de sorte qu'il n'en a pas été tenu compte. Le Tribunal a également écarté les dettes évoquées par les parties, de même que les frais inclus dans le minimum vital du droit des poursuites.

B______ était au bénéfice d'une rente d'invalidité de 2'060 fr. nets par mois, ainsi que 2'732 fr. versés par sa caisse de prévoyance; elle percevait des rentes complémentaires enfants AI/AVS (412 fr.) et LPP (536 fr.). Ses charges mensuelles, hors charge fiscale, s'élevaient à 3'929 fr. comprenant le loyer, charges comprises (1'600 fr.), les frais de parking (120 fr.), les primes d'assurance-maladie de base et complémentaires (874 fr.), les frais médicaux non remboursés (100 fr. en moyenne), les frais de TPG (35 fr., soit 420 fr. par année) et l'entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.). Le Tribunal a écarté ses charges alléguées de 800 fr. relatives au remboursement de dettes contractées et d'une charge fiscale estimée de 1'000 fr., ainsi que les arriérés d'impôts.

Les revenus des parties totalisaient 12'972 fr. et leurs charges étaient de 8'550 fr., de sorte qu'elles disposaient d'un solde de 4'422 fr., arrondi à 4'400 fr., qui permettrait à chacun des époux d'honorer les plans de remboursement de ses dettes, notamment fiscales. Le Tribunal a ainsi condamné A______ à verser à B______, à titre de contribution à son entretien, un montant arrondi à 1'950 fr. par mois, sous déduction des montants éventuellement versés. La contribution d'entretien serait due avec effet au 1er avril 2024, compte tenu des rentes complémentaires pour enfant non rétrocédées pour la période antérieure et du fait que leur fils, aujourd'hui majeur, vivait avec son père.

Par ailleurs, aucune circonstance ne justifiait que la séparation de biens des parties soit prononcée.

C. a. Par acte déposé le 19 décembre 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement qu'il a reçu le 10 décembre 2024. Il a conclu à l'annulation des chiffres 2 et 8 du dispositif de cette décision et, cela fait, à ce qu'il soit statué en ce sens que les parties ne se doivent aucune contribution à leur entretien, subsidiairement à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de verser 200 fr. par mois à titre de contribution à l'entretien de son épouse, sous déduction d'éventuels montants déjà versés à ce titre, et a conclu au prononcé de la séparation de biens des parties avec effet au 16 avril 2024, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal sur ce point, le jugement devant être confirmé pour le surplus. Il a également conclu à ce que les frais judiciaires d'appel soient répartis par moitié et les dépens compensés.

Il a préalablement sollicité la restitution de l'effet suspensif attaché au chiffre 2 du dispositif du jugement, conclusion à laquelle la Cour a fait droit, pour la période du 1er avril au 30 novembre 2024, par arrêt du 16 janvier 2025 (ACJC/65/2024), indiquant qu'il serait statué sur les frais avec la décision sur le fond.

A______ a produit deux pièces nouvelles, soit les soldes de ses comptes courant et d'épargne au mois de décembre 2024 ainsi qu'une simulation d'impôt.

En substance, il reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendu en rejetant sa conclusion tendant au prononcé de la séparation de biens sans en avoir expliqué les motifs. Il lui fait également grief d'avoir mal établi les revenus et les charges des parties, de sorte qu'il aurait dû être retenu qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de son épouse.

b. B______ a conclu au rejet de l'appel formé par A______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 10 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

D. a. Par acte expédié le 16 décembre 2024, B______ a également formé appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 9 décembre 2025. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de cette décision et, cela fait, à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, 2'141 fr. à titre de contribution à son entretien dès le 1er août 2023, à ce qu'il soit dit que l'arriéré de contribution entre le 1er août 2023 et le 17 décembre 2024 s'élève à 36'397 fr., à ce que A______ soit condamné à s'acquitter de cet arriéré, le jugement devant être confirmé pour le surplus, sous suite de frais judiciaires et dépens d'appel.

Elle reproche au Tribunal d'avoir mal établi les revenus et les charges des parties de sorte que la contribution à son entretien avait été sous-estimée. Elle a également critiqué le dies a quo fixé par le premier juge pour cette contribution.

b. A______ a conclu au rejet de l'appel formé par B______, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit une pièce nouvelle, soit le règlement de la caisse de pension paritaire de D______, édition 2024.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a encore produit la photographie d'une boîte aux lettres.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 10 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2. 2.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, en appel le litige porte notamment sur la contribution à l'entretien de l'épouse, soit une affaire de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 1), dont la valeur litigieuse requise est atteinte, compte tenu de la capitalisation des montants litigieux selon l'art. 92 al. 2 CPC. La voie de l'appel est donc ouverte.

2.2 Interjetés dans le délai utile de dix jours dès la notification du jugement (art. 142 al. 1, 143 al. 1, 271 lit. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), les appels sont recevables.

Dans la mesure où les deux appels sont dirigés contre la même décision et où ils présentent des liens étroits, il se justifie de les traiter dans un seul arrêt. L'époux sera désigné comme l'appelant et l'épouse comme l'intimée.

2.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2.4 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

2.5 En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse et le prononcé de la séparation de biens, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC), de sorte que le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_751/2019 du 25 février 2020 consid. 5.1).

3. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont apparus qu'après la clôture des débats principaux de première instance. En principe, ils sont toujours admissibles dans la procédure d'appel, s'ils sont invoqués ou produits sans retard dès leur découverte. Les faux nova sont les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment de la clôture des débats principaux de première instance. Leur admission en appel est restreinte en ce sens qu'ils sont écartés si, la diligence requise ayant été observée, ils auraient déjà pu être invoqués ou produits en première instance. Celui qui invoque des faux nova doit notamment exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n'a pas pu invoquer ou produire ces faits ou moyens de preuves en première instance (ATF 143 III 42 consid. 5.3 in SJ 2017 I 460 et les références citées). Des pièces ne sont pas recevables en appel pour la seule raison qu'elles ont été émises postérieurement à la procédure de première instance. Il faut, pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie, examiner si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.3).

3.2 En l'espèce, les soldes des comptes bancaires de l'appelant du mois de décembre 2024 sont recevables car relatifs à des faits survenus après que le Tribunal a gardé la cause à juger le 29 octobre 2024.

En revanche, les autres pièces produites, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont irrecevables dès lors qu'il n'a pas été indiqué pour quelle raison les parties auraient été empêchées de les produire devant le Tribunal, ce d'autant plus qu'elles étaient disponibles (règlement de la caisse paritaire 2024) ou pouvaient être obtenues (simulation d'impôts, photographie de la boite aux lettres) avant que la cause ne soit gardée à juger.

4. L'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, reprochant au Tribunal de ne pas avoir motivé sa décision rejetant le prononcé de la séparation de biens des parties.

4.1.1 A la requête d'un des époux, le juge prononce la séparation de biens si les circonstances le justifient (article 176 al. 1 ch. 3 CC).

Aux termes de la loi, la séparation est prononcée si les « circonstances le justifient ». Sous cette notion indéterminée, se trouve au premier plan la mise en péril des intérêts économiques du conjoint requérant : il s’agit d’une question d’appréciation, que le juge tranche librement en tenant compte de toutes les circonstances concrètes de chaque cas d’espèce; une interprétation restrictive de ces circonstances est proscrite (Rieben, Commentaire romand, Code civil, 2023, n. 15 ad art. 176 CC).

4.1.2 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, le droit d'être entendu impose au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2024 du 12 avril 2024 consid. 6.2.1). Du moment que le lecteur peut discerner les motifs ayant guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 4A_193/2024 du 12 avril 2024 consid. 6.2.1; 4D_76/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2 non publié in ATF
147 III 440). 

En principe, le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Cela étant, la jurisprudence admet qu'un manquement à ce droit puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée. Une telle réparation doit rester l'exception et n'est en principe admissible que si l'atteinte aux droits procéduraux n'est pas particulièrement grave. En présence d'un vice grave, l'effet guérisseur de la procédure de recours peut également être reconnu lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2017 du 15 janvier 2019 consid. 3.2).

4.2 En l'espèce, alors que l'appelant a conclu au prononcé de la séparation de biens des parties au motif que celle-ci serait dans l'intérêt des deux parties, compte tenu de leurs dettes respectives, le Tribunal l'a rejeté au motif qu'aucune circonstance ne le justifiait. Le premier juge n'a toutefois pas indiqué pourquoi selon lui l'endettement réciproque des parties ne constituait pas une circonstance justifiant le prononcé de la mesure requise. Le droit d'être entendu de l'appelant a ainsi été violé dès lors qu'il n'était pas en mesure de distinguer les motifs qui ont guidé le Tribunal à rejeter sa conclusion.

On ne saurait suivre l'intimée lorsqu'elle fait valoir que la Cour de céans peut réparer cette violation en constatant par elle-même que les conditions légales pour le prononcé de la séparation de biens ne sont pas remplies. En effet, en omettant de motiver sa décision, le Tribunal a privé l'appelant de sa possibilité de la critiquer valablement comme l'exige l'art. 311 CPC. Or, il n'appartient pas à la Cour de statuer sur un point qui n'a pas été examiné par le premier juge.

Par conséquent, le chiffre 8 du jugement querellé sera annulé en tant qu'il rejette le prononcé de la séparation de biens des parties et la cause sera retournée au Tribunal pour qu'il motive sa décision sur ce point.

5. Devant la Cour, l'intimée conclut à ce que la contribution à son entretien soit fixée à 2'141 fr. dès le 1er août 2023. Pour sa part, l'appelant demande à ce qu'il soit dit que les époux ne se doivent aucune contribution à leur entretien.

5.1.1 En procédure sommaire, la requête est généralement déposée par écrit dans les formes prescrites à l'art. 130 CPC.

Lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l’occasion de se déterminer oralement ou par écrit (art. 253 CPC).

Si la partie défenderesse ne dépose pas de réponse écrite et communique oralement sa réponse à l'audience, le juge de première instance doit au moins protocoler les conclusions, contestations, objections et exceptions que cette partie fait valoir (art. 235 al. 1 let. d et al. 2 CPC par analogie) (ATF 144 III 462 consid. 3.2.1).

5.1.2 Aux termes de l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b). L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

5.1.3 L'instance d'appel peut confirmer la décision attaquée, statuer à nouveau ou renvoyer la cause à la première instance si un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé ou si l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (art. 318 al. 1 CPC).

5.2. En l'espèce, le Tribunal n'a mentionné dans aucun de ses procès-verbaux quelle était la position de l'appelant s'agissant de la contribution d'entretien réclamée par son épouse. La décision querellée ne fait également pas mention des conclusions que l'appelant aurait pu prendre oralement sur ce point sans que cela n'ait été protocolé. Le premier juge a uniquement indiqué que l'appelant avait plaidé, ce qui ne ressort pas des procès-verbaux, qu'il fallait inclure les rentes non rétrocédées à l'enfant jusqu'en avril 2024 dans les revenus de l'intimée.

Sur la base des éléments figurant à la procédure, il ne peut dont être statué sur la recevabilité des conclusions formulées par l'appelant à l'encontre du chiffre 2 du dispositif du jugement relatif à la contribution d'entretien entre époux. En effet, puisqu'on ignore quelles conclusions ont été prises par l'appelant sur ce point devant le Tribunal, la Cour n'est pas en mesure d'examiner si la conclusion formulée par l'appelant en appel est nouvelle ou s'il s'agit de celle déjà formulée devant le premier juge, ce que l'on peut imaginer sans toutefois que cela ait été établi.

Par conséquent, dans la mesure où la cause doit en tout état être renvoyée au premier juge pour qu'il soit statué à nouveau sur la question du prononcé de la séparation de biens, le chiffre 2 du dispositif du jugement sera également annulé et la cause sera renvoyée au Tribunal afin qu'il complète sa décision sur un fait essentiel, à savoir les conclusions de l'appelant s'agissant de la contribution d'entretien réclamée par l'intimée.

6. Les frais judiciaires du présent arrêt seront arrêtés à 200 fr. pour la décision sur effet suspensif et à 800 fr. pour la décision au fond (art. 31 et 37 RTFMC).

L'intimée ayant succombé s'agissant de la décision sur effet suspensif (art. 106 al. 1 CPC), celle-ci sera condamnée en conséquence aux frais liés à cette décision, soit 200 fr., montant qui sera compensé avec son avance de frais de 1'000 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

Le solde des frais sera laissé à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'appelant la somme de 1'000 fr. versée à titre d'avance de frais et à restituer à l'intimée la somme de 800 fr. (1'000 fr. – 200 fr.).

Au vu des circonstances procédurales particulières et aucune des parties n'obtenant gain de cause, les parties conserveront à leur charge leurs propres dépens d'appel (art. 106 al. 2 CPC et 107 al. 1 let. f CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés les 16 et 19 décembre 2024 par B______ et A______ contre le jugement JTPI/15215/2024 rendu le 29 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3886/2024.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 8 du dispositif de cette décision.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance afin qu'il procède dans le sens des considérants et rende une nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et dit qu'ils sont compensés à hauteur de 200 fr. avec l'avance de frais fournies par B______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Mets les frais judiciaires d'appel à la charge de B______ à hauteur de 200 fr.

Laisse le solde des frais d'appel, de 800 fr., à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 1'000 fr. à A______ et 800 fr. à B______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.