Décisions | Chambre civile
ACJC/426/2025 du 21.03.2025 ( IUO )
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/27281/2024 ACJC/426/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 21 MARS 2025 |
Entre
A______/B______ SA et A______/C______ SA, toutes deux sises ______, requérantes, représentées par Me Matteo INAUDI, avocat, Junod Halpérin, avenue
Léon-Gaud 5, case postale, 1211 Genève 12,
et
Monsieur D______, domicilié ______, cité, représenté par Me Giorgio CAMPA, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève.
penser qu'il est membre du A______/J______ sont des actes de concurrence déloyale, ordonne à D______ de cesser immédiatement de :
- se présenter à des tiers comme ayant été lié ou étant encore lié à A______/C______ SA, notamment par la mention "founder and former president at A______/C______ SA/ E______ SA" sur le réseau professionnel LinkedIn ou sur tout autre support de communication physique ou électronique, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP,
- commenter, publier, relayer auprès de tiers, notamment sur le réseau professionnel LinkedIn, toute information laissant à penser qu'il serait "stakeholder" direct ou indirect, actionnaire ou ayant droit de A______/C______ SA, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP,
- commenter, publier, relayer auprès de tiers, notamment sur le réseau professionnel LinkedIn, toute information laissant à penser que lui-même ou des sociétés dont il est administrateur, actionnaire ou ayant droit économique final sont des membres du A______/J______, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.
A______/C______ SA et A______/B______ SA font valoir que la seconde a cessé ses activités de fiduciaire pour se consacrer exclusivement à l'audit, abandonnant ainsi son statut de membre de A______/J______. A______/C______ SA exerce quant à elle une activité de fiduciaire et a rejoint le réseau A______/J______.
Les sociétés soutiennent que D______ n'aurait aucun lien avec A______/C______ SA, qui a été créée en 2023, soit plus d'un an après son départ de E______ SA/ A______/B______ SA.
D______ se présente sur LinkedIn notamment comme fondateur et ancien président de A______/C______ SA, ce qui est erroné. Par ses commentaires sur LinkedIn, notamment en réaction aux publications du réseau A______/J______, il donne l'impression qu'il en fait encore partie, notamment qu'il a assisté à des évènements réservés aux membres, en félicitant les membres du réseau pour leurs activités ou en faisant référence aux siennes à Genève. Il se décrit aussi comme partie prenante ("stakeholder") de A______/C______ SA suggérant ainsi de manière erronée qu'il aurait un intérêt direct (actionnaire ou ayant droit) dans cette société.
Sa présentation de profil LinkedIn, les thèmes abordés dans ses publications sur ledit réseau, le fort soutien au réseau A______/J______ et à ses évènements internes, la mention systématique de sa présence professionnelle à Genève et son prétendu lien avec A______/C______ SA induisent en erreur les membres du réseau A______/J______ et les clients potentiels, créant une confusion entre les activités professionnelles de D______ et celles de A______/C______ SA. Il en résulte une captation frauduleuse de mandats qui devraient revenir à A______/C______ SA, seule membre du réseau A______/J______.
A______/B______ SA subit elle aussi un préjudice, dès lors que les mandats qui devraient lui être transférés par sa société sœur, A______/C______ SA, pour des missions d'audit sont interceptés par D______, privant la société de clients et revenus.
b. Par mémoire de réponse expédié le 16 décembre 2024, D______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête sur mesures provisionnelles, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens.
Il fait valoir que la raison sociale de E______ SA a été modifiée en A______/C______ SA, puis en A______/B______ SA, étant relevé que le second changement de raison sociale a coïncidé avec la création de la nouvelle société A______/C______ SA, dès lors que deux sociétés ne peuvent être inscrites au Registre du commerce avec la même raison sociale. Toute confusion émanerait ainsi exclusivement du fait des deux sociétés en question.
Son profil LinkedIn comportait la précision qu'il avait été lié à E______ SA, devenue A______/C______ SA, puis A______/B______ SA, jusqu'en juillet 2020 seulement. Il y expliquait également avoir été membre de A______/J______ jusqu'à la même date, de sorte qu'il ne ressortait pas de la consultation dudit profil qu'il occuperait encore des fonctions au sein des sociétés A______.
En outre, les traductions libres de ses commentaires sur LinkedIn effectuées par ses parties adverses étaient erronées et en partie délibérément trompeuses. Il ne mentionnait pas les deux sociétés ni leurs dirigeants dans ses commentaires dont certains dataient de l'été 2024, soit il y a 6 mois. Il n'était ni allégué ni rendu vraisemblable qu'il aurait "capté" des clients de A______/C______ SA et A______/B______ SA, ni qu'elles auraient subi un préjudice. Il exerçait seul une activité professionnelle très réduite qui ne faisait pas concurrence aux sociétés précitées.
La définition et le sens du terme partie prenante ("stakeholder") faisaient l'objet d'études scientifiques et de théories en gestion d'entreprise. Selon D______, ce terme englobait notamment toute partie prenante active ou passive concernée par une organisation directement ou indirectement sans pour autant être en mesure de l'affecter, tels que les investisseurs, les fournisseurs, les clients, les médias, les groupes et autorités politiques, les concurrents, les intermédiaires, les salariés etc.
c. Par réplique spontanée du 7 janvier 2025, A______/C______ SA et A______/B______ SA ont produit des pièces nouvelles et persisté dans leurs conclusions.
d. D______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique spontanée, les parties ont été informées par pli de la Cour du 27 janvier 2025 de ce que la cause avait été gardée à juger sur mesures provisionnelles.
1. 1.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 let. d CPC, la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 1 let. a LOJ) connaît en instance unique des litiges relevant de la loi contre la concurrence déloyale lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr.
Cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC).
Le défendeur doit contester la valeur litigieuse indiquée dans la demande de manière motivée. S'il ne se prononce pas à cet égard, ou s'il ne la conteste que globalement par une formule toute faite, la valeur litigieuse indiquée par le demandeur est admise et il y a accord tacite des parties sur cette valeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_83/2016 du 22 septembre 2016 consid. 4.4; note Bastons Bulletti in CPC Online newsletter du 26 octobre 2016). Dans l'analyse des éléments factuels avancés par les parties et propres à établir la valeur litigieuse, le degré de preuve requis réside dans la simple vraisemblance (ATF 130 III 321 consid. 3.3; Bridel, Les effets et la détermination de la valeur litigieuse en procédure civile suisse, 2019, p. 538 s.).
En l'espèce, les requérantes fondent leurs prétentions sur la LCD. La valeur litigieuse est, selon leurs indications non contestées de manière motivée par le cité, supérieure à 30'000 fr. En outre, au stade de la vraisemblance, il n'apparaît pas que la quotité avancée par les requérantes serait manifestement erronée.
La compétence de la Cour à raison de la matière est ainsi donnée.
1.2 En matière provisionnelle, est impérativement compétent le tribunal compétent pour statuer sur l'action principale ou le tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée (art. 13 CPC).
Le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite (art. 36 CPC), notamment les actions fondées sur la violation de la LCD (Haldy, CR CPC, 2ème éd., 2019, n. 2 ad art. 36 CPC).
En l'espèce, les requérantes et le cité ont leurs sièges, respectivement leur domicile à Genève, de sorte la Cour est également compétente à raison du lieu.
1.3 Déposée selon la forme requise (art. 130 et 252 CPC), la requête est recevable, étant encore relevé que la question spécifique de la recevabilité des conclusions des requérantes prises en lien avec A______/J______ sera traitée ci-après (cf. consid. 3.2).
1.4 Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), dans le cadre de laquelle, sauf exceptions, les maximes des débats et de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).
1.5 Les procédures introduites avant le 1er janvier 2025 demeurent régies par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
2. Les requérantes ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles après le premier échange d'écritures, soit dans le cadre de leur réplique spontanée.
2.1 A teneur de l'art. 229 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s'ils sont invoqués sans retard et qu'ils remplissent l'une des conditions suivantes : ils sont postérieurs à l'échange d'écritures ou à la dernière audience d'instruction (novas proprement dits; let. a) ou s'ils existaient avant la clôture de l'échange d'écritures ou la dernière audience d'instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits; let. b).
En procédure sommaire, la clôture de la phase d’allégation intervient après une seule prise de position, pour autant que le tribunal n'ordonne pas un second échange d'écritures. Ensuite, les parties ne doivent plus être entendues qu’aux conditions limitées de l'art. 229 al. 1 CPC (ATF 146 III 237 consid. 3.1;
144 III 117 consid. 2.2).
2.2 En l'espèce, la Cour a transmis la réponse du cité aux requérantes sans ordonner de second échange d'écritures, qui n'avait, d'ailleurs, pas été requis par les parties, de sorte que la recevabilité des allégués nouveaux et des pièces nouvelles produites postérieurement par les requérantes devrait être analysée en fonction des conditions de l'art. 229 al. 1 CPC.
Dans la mesure où les faits nouveaux allégués et les pièces nouvelles produites par les requérantes dans le cadre de leur réplique spontanée sont postérieurs au premier échange d'écritures, il s'agit de vrais novas recevables. Il en a été tenu compte dans l'état de faits ci-dessus.
3. Les requérantes soutiennent que le cité par son profil LinkedIn et ses commentaires sur ledit réseau tromperait les acteurs du marché quant à son lien avec A______/C______ SA et A______/J______, dans le but de détourner leurs clients en sa faveur.
De son côté, le cité observe notamment que les requérantes n'ont pas la qualité pour agir s'agissant de leur conclusions relatives à A______/J______.
3.1.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).
En vertu de l'art. 262 let. a CPC, le juge peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite.
Dans le cadre des mesures provisionnelles, le juge peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2;
131 III 473 consid. 2.3). L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [ci-après : Message du Conseil fédéral], FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4; 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, CR CPC, 2ème éd., 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC). La preuve est (simplement) vraisemblable lorsque le juge, en se fondant sur des éléments objectifs, a l'impression que les faits pertinents se sont produits, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 130 III 321 consid. 3.3, JdT 2005 I 618).
Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement. Entrent notamment dans ce cas de figure la perte de clientèle, l'atteinte à la réputation d'une personne, ou encore le trouble créé sur le marché par l'utilisation d'un signe créant un risque de confusion (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1). En effet, il est admis qu'un risque de confusion est en règle générale de nature à engendrer une perturbation du marché ainsi que d'autres dommages de nature immatérielle; en pareil cas, la condition de menace d'un dommage difficile à réparer est en principe considérée comme remplie (Schlosser, Les conditions d'octroi des mesures provisionnelles en matière de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale, in sic! 2005, p. 349; Bohnet, CR CPC, 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 261 CPC; ACJC/335/2015 du 26 mars 2015 consid. 4.1).
La mesure doit par ailleurs respecter le principe de la proportionnalité, par quoi on entend qu'elle doit être adaptée aux circonstances de l'espèce et ne pas aller au-delà de ce qu'exige le but poursuivi. Les mesures les moins incisives doivent avoir la préférence. La mesure doit également se révéler nécessaire, soit indispensable pour atteindre le but recherché, toute autre mesure ou action judiciaire ne permettant pas de sauvegarder les droits du requérant (Message du Conseil fédéral, FF 2006 p. 6962; arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
3.1.2 Lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut notamment assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (art. 343 al. 1 let. a CPC).
L'art. 292 CP prévoit que quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue à l'article précité, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, est puni d’une amende.
3.1.3 A teneur de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
3.1.4 A teneur de l'art. 3 al. 1 let. b LCD, agit de façon déloyale celui qui donne des indications inexactes ou fallacieuses sur lui-même, son entreprise, sa raison de commerce, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations, ses prix, ses stocks, ses méthodes de vente ou ses affaires ou qui, par de telles allégations, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents.
3.1.5 L'art. 3 al. 1 let. d LCD qualifie quant à lui de déloyal le concurrent qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui.
S'agissant de l'art. 3 al. 1 let. d LCD, l'acte qui fait naître une confusion notamment avec les prestations d'autrui doit constituer un comportement trompeur ou contrevenir de toute autre manière aux règles de la bonne foi conformément à la condition générale de l'art. 2 LCD. Est ainsi visé tout comportement au terme duquel le public est induit en erreur par la création d'un danger de confusion, en particulier lorsque celui-ci est mis en place pour exploiter, de façon parasitaire, la réputation d'un concurrent. Il faut en juger selon la manière dont le public en général perçoit la prestation litigieuse, à moins qu'il faille prendre en compte la perception des cercles spécifiques de la branche en question (ATF 127 III 33, JdT 2001 I 340 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4C_109/2000 du 26 juillet 2000 consid. 3a).
L'art. 3 al. 1 let. d LCD protège l'acteur qui se présente sur le marché avec certains signes distinctifs permettant d'individualiser sur le marché la prestation et le prestataire (l'entreprise commerciale), de sorte qu'on les différencie des tiers (Kuonen, CR LCD, 2017, n. 14-15 et 18 ad art. 3 al. 1 let. d LCD).
D'après la jurisprudence, la notion de risque de confusion est identique dans l'ensemble du droit des biens immatériels. Le risque de confusion signifie qu'un signe distinctif est mis en danger par des signes identiques ou semblables dans sa fonction d'individualisation de personnes ou d'objets déterminés. Ainsi, des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises, en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que, dans le même cas de figure, les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion dite indirecte; ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 146 consid. 2a; ATF 127 III 160 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 du 8 août 2019 consid. 3.1.1).
Sous l'angle de la concurrence déloyale, l'usage du nom d'un concurrent – personne physique ou morale – pour la caractérisation de son propre produit peut créer un risque de confusion (ATF 128 III 224 consid. 2, JdT 2002 I 526). Le nom constitue en effet le signe distinctif par excellence. La protection est déclenchée par la première utilisation effective du nom sur le marché (Kuonen, op. cit., n. 79 et 80 ad art. 3 al. 1 let. d LCD).
C'est la survenance d'un résultat, soit le risque de confusion, qui rend le comportement déloyal (Kuonen, op. cit., n. 1 ad art. 3 al. 1 let. d LCD). Il n'est pas nécessaire qu'une confusion se soit déjà produite, un risque de confusion purement hypothétique étant suffisant (ATF 126 III 315 consid. 4).
Le risque de confusion est plus important, et l'on se montrera dès lors plus strict, lorsque les cercles des destinataires des prestations se recoupent, voire se confondent, que les prestations proposées se ressemblent ou sont de même genre, ou lorsque les activités sont exercées dans un périmètre géographique restreint (ATF 131 III 572 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2009 précité consid. 2.1; 4C_240/2006 du 13 octobre 2006 consid. 2.3.1; 4C_31/2004 du 8 novembre 2004 consid. 6.2; Kuonen, op. cit., n. 47 et 52 ad art. 3 al. 1 let. d).
3.1.6 Peuvent être déloyales des indications erronées ou fallacieuses sur les relations d'affaires entretenues par un concurrent avec d'autres acteurs économiques permettant de créer une confiance indue ou d'améliorer faussement son image, notamment de sa solidité économique. Certains auteurs de doctrine appréhendent ce type de comportement à l'aune de l'art. 3 al. 1 let. d LCD en tant qu'il constituerait la source d'un risque de confusion médiat, alors que d'autres auteurs considèrent que ledit comportement est plutôt susceptible d'induire en erreur le public cible sur l'existence d'une relation entre deux acteurs de sorte qu'il serait couvert par l'art. 3 al. 1 let. b LCD. La controverse reste toutefois sans portée réelle (Kuonen, op. cit., n. 71 ad art. 3 al. 1 let. b LCD et les auteurs cités).
3.1.7 Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général peut demander au juge de l'interdire, la faire cesser et en constater le caractère illicite (art. 9 al. 1 LCD).
Des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées aux conditions des art. 261 ss CPC, qui ont remplacé l'art. 14 aLCD (Fornage/Chabloz, CR LCD, 2017, Remarques liminaires aux art. 9 à 11 LCD, n. 7).
3.1.8 Les actions en cessation de trouble prévues par l'art. 9 al. 1 LCD sont destinées à la protection d'intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l'amélioration de sa propre situation sur le marché (arrêts du Tribunal fédéral 4A_584/2017, 4A_590/2017 du 9 janvier 2019 consid. 8.1; 4A_39/2011 du 8 août 2011 consid. 13.1; Fornage, CR LCD, 2017, n. 5 et 6 ad art. 9 LCD; Domej, in UWG, 2018, n. 5 ad art. 9 LCD).
3.2 En l'espèce, sur son profil LinkedIn, le cité se présente comme fondateur et ancien président de A______/C______ SA/E______ SA, alors que depuis janvier 2023 la raison sociale de la société qu'il a effectivement fondée et présidée est A______/B______ SA. Cette société s'est appelée A______/C______ SA durant neuf mois uniquement en 2022, ce que le cité ne prétend pas ignorer. À tout le moins le sait il depuis la mise en demeure de A______/C______ SA en septembre 2024, sans avoir modifié les indications contenues sur son profil ou cessé ces publications (cf. ci-après). Il faut ainsi admettre, sous l'angle de la vraisemblance, que la mention de la raison sociale de A______/C______ SA sur le profil LinkedIn du cité porte à confusion et est erronée.
La Cour observe ici que A______/C______ SA n'est pas étrangère à la confusion puisqu'elle a repris la raison de la société ayant remplacé E______ SA pour en faire une entité indépendante. Toutefois, au regard de l'attitude générale du cité, il apparaît, comme il sera développé ci-après, qu'il tente de mauvaise foi de tirer parti de cette situation.
S'agissant de ses commentaires sur LinkedIn, si le cité ne mentionne pas explicitement les noms de A______/C______ SA et A______/B______ SA, il apparaît toutefois que les utilisateurs de LinkedIn sont vraisemblablement en mesure de comprendre qu'en se référant à "A______", le cité désigne l'une et/ou l'autre des sociétés précitées et A______/C______ SA en particulier. En effet, les commentaires du cité sont tous liés à des publications en lien avec le réseau A______/J______, dont seule A______/C______ SA est membre à Genève, et la description de son profil LinkedIn, qui apparaît quand il publie un commentaire, comporte une référence explicite au nom de A______/C______ SA.
Dans lesdits commentaires de publications de membres et dirigeants du A______/J______ sur LinkedIn, le cité mentionne à de nombreuses reprises être un acteur important de "A______" ainsi qu'une partie prenante ("stakeholder"). A cet égard, les (multiples) définitions et théories de la littérature à but scientifique auxquelles se réfère le cité importent peu. Seule est pertinente l'impression générale laissée par les publications de ce dernier, soit le fait qu'il aurait une implication, un lien actuels avec A______/C______ SA et A______/B______ SA, étant encore relevé qu'il a même affirmé, de manière trompeuse, que la société "A______" lui appartenait. Qui plus est, le cité a aussi mentionné dans certaines publications LinkedIn être un membre actuel de A______/J______ basé à Genève ou donné l'impression qu'il ferait partie de A______/J______ en laissant sous-entendre qu'il pourrait assister à des évènements réservés aux seuls membres de A______/J______.
Ce faisant, il faut admettre, au stade des mesures provisionnelles, que le cité crée vraisemblablement un risque de confusion auprès des utilisateurs LinkedIn entre son activité et celle des sociétés "A______" à Genève, plus particulièrement A______/C______ SA, ce qui a d'ailleurs été relevé par A______/J______ dans son courrier adressé au cité en novembre 2024.
En outre, les agissements du cité, soit le fait d'insinuer, parfois même d'affirmer, un lien avec A______/C______ SA et A______/J______, sont, sous l'angle de la vraisemblance, susceptibles d'influer sur la perception des acteurs du marché en suscitant la confiance des membres A______/J______, lesquels pourraient être amenés à lui adresser des clients à Genève, et en attirant de potentiels clients de A______/C______ SA et de A______/B______ SA vers lui. Or, en matière de concurrence déloyale, il est généralement admis qu'un trouble provoqué sur le marché par l'usage du nom d'un concurrent pour ses propres prestations, qui crée un risque de confusion, remplit la condition du préjudice irréparable.
À cela s'ajoute que le risque de confusion est ici important, les requérantes étant actives dans les mêmes domaines professionnels que le cité, soit notamment l'audit, la comptabilité et les conseils fiscaux, et déploient également leur activité dans le canton de Genève. Il est encore relevé que les publications du cité sur LinkedIn, en particulier leur fréquence, contredisent les allégations de ce dernier, selon lesquelles, il aurait une activité professionnelle très réduite.
Le cité n'a, par ailleurs, pas cessé ses agissements après les demandes des requérantes et de A______/J______ en ce sens. Il a fréquemment publié sur LinkedIn depuis l'automne 2024 et encore récemment (début d'année 2025). L'ampleur de l'atteinte s'accroit de plus vraisemblablement avec l'écoulement du temps, de sorte que la nécessité du prononcé de mesures provisionnelles sera admise.
Les mesures de cessation sollicitées par les requérantes sont par ailleurs conformes au principe de la proportionnalité, le cité pouvant notamment conserver son compte LinkedIn et mentionner son lien avec E______ SA, aujourd'hui A______/B______ SA.
Enfin, au stade des mesures provisionnelles, il faut admettre contrairement à ce que le cité soutient, la qualité pour agir des requérantes en lien avec leur conclusion liée à A______/J______. En effet, le fait pour le cité de prétendre être membre ou partie prenante du A______/J______ et d'en être le représentant à Genève participe, sous l'angle de la vraisemblance, de manière non négligeable au risque de confusion crée entre lui-même et A______/C______ SA, dans la mesure où seule cette dernière société est membre de A______/J______.
En définitive, la requête de mesures provisionnelles sera admise, en ce sens qu'il sera fait interdiction à D______ de se présenter à des tiers comme ayant été lié ou étant encore lié à A______/C______ SA, notamment par la mention "founder and former president at A______/C______ SA/ E______ SA" sur le réseau professionnel LinkedIn ou sur tout autre support de communication physique ou électronique; de commenter, publier, relayer auprès de tiers, notamment sur le réseau professionnel LinkedIn, toute information laissant à penser qu'il serait "stakeholder" direct ou indirect, actionnaire ou ayant droit de A______/C______ SA, que lui-même ou des sociétés dont il est administrateur, actionnaire ou ayant droit économique final sont des membres du A______/J______.
L'attitude générale du cité, qui apparaît empreinte de mauvaise foi et le fait qu'il n'ait pas cessé ses agissements après la mise en demeure de A______/C______ SA laissent craindre qu'il ne se conforme pas à la présente décision, de sorte qu'il se justifie de prononcer ces interdictions sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.
Enfin, dans la mesure où l'action au fond a été introduite en même temps que la requête de mesures provisionnelles, lesdites mesures demeureront en vigueur jusqu'à droit jugé sur le fond ou accord entre les parties, sous réserve de leur modification ou révocation.
4. Il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision dans l'arrêt à rendre sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
Statuant sur mesures provisionnelles :
A la forme :
Déclare recevable la requête de mesures provisionnelles formée le 22 novembre 2024 par A______/C______ SA et A______/B______ SA contre D______ dans la cause C/27281/2024.
Au fond :
Fait interdiction à D______ de se présenter à des tiers comme ayant été lié ou étant encore lié à A______/C______ SA, notamment par la mention "founder and former president at A______/C______ SA/ E______ SA" sur le réseau professionnel LinkedIn ou sur tout autre support de communication physique ou électronique.
Fait interdiction à D______ de commenter, publier, relayer auprès de tiers, notamment sur le réseau professionnel LinkedIn, toute information laissant à penser qu'il serait "stakeholder" direct ou indirect, actionnaire ou ayant droit de A______/C______ SA.
Fait interdiction à D______ de commenter, publier, relayer auprès de tiers, notamment sur le réseau professionnel LinkedIn, toute information laissant à penser que lui-même ou des sociétés dont il est administrateur, actionnaire ou ayant droit économique final sont des membres du A______/J______.
Prononce ces interdictions sous la menace de la peine de l'art. 292 du Code pénal, lequel prévoit que "Quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents est puni d’une amende".
Dit que, sous réserve de leur modification ou révocation, les présentes mesures provisionnelles demeureront en vigueur jusqu'à droit jugé sur l'action au fond ou accord entre les parties.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD, Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.
La présidente : Sylvie DROIN |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les motifs de recours étant limités au sens de l'art. 98 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.