Décisions | Chambre civile
ACJC/356/2025 du 11.03.2025 ( IUS ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/25024/2024 ACJC/356/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 11 MARS 2025 |
Entre
A______ SA, sise ______, requérante, représentée par Me Charles PONCET, avocat, PONCET SÀRL, rue Saint-Léger 6, 1205 Genève,
et
B______ SA, sise ______, citée, représentée par Me Arnaud NUSSBAUMER, avocat, JACQUEMOUD STANISLAS, rue de la Coulouvrenière 29, case postale, 1211 Genève 8.
A. a. La société genevoise B______ SA a pour but l'édition, la publication et la distribution de l'information via différents médias, notamment un journal suisse d'audience nationale et internationale, édité selon un standard de haute qualité journalistique, dans un esprit d'orientation libérale et d'indépendance.
Ce journal intitulé "B______" est complété de plusieurs suppléments portant sur diverses thématiques, telles les montres et les bijoux, l'emploi et la formation ou encore les vins et la gastronomie.
b. La société genevoise A______ SA est active dans l'édition de journaux, la création et la gestion de sites et contenus internet, la vente d'annonces et affermage publicitaire pour son propre compte et pour des tiers, ainsi que l'organisation d'événements et toutes activités liées à la communication.
Elle a été fondée à l'initiative de C______, en collaboration avec une équipe de journalistes spécialisés dans [le secteur] D______ et divers partenaires commerciaux et investisseurs, afin d'éditer et publier du contenu journalistique sur le thème de D______ dans la région lémanique.
c. Par contrat de joint-venture du 7 septembre 2021 (ci-après : le contrat), B______ SA et A______ SA se sont associées afin de constituer une nouvelle société, soit E______ SA, ayant pour but principal d'éditer un journal hebdomadaire consacré [au secteur] D______, intitulé "F______/D______", et dont le capital-actions était détenu à raison du 65% par B______ SA et 35% par A______ SA.
De manière générale, les parties s'engageaient à respecter ce contrat (art. 1.2).
Elles ont convenu que les objectifs poursuivis étaient la création et l'édition du journal susvisé, dès mi-septembre 2021, la diffusion de celui-ci dans la région lémanique, par encartage dans le journal "B______" et par caissettes à journaux, ainsi qu'une autonomie financière rapide de E______ SA, selon un business plan, prévoyant notamment une certaine répartition des bénéfices nets entre les parties (art. 1.3 et annexe).
B______ SA s'engageait à mettre à disposition son réseau de distribution par le biais notamment d'encartage dans le journal "B______" (art. 3.2.2). A______ SA s'engageait, quant à elle, à gérer E______ SA, de manière autonome et indépendante, et à être responsable de toutes les opérations nécessaires à l'édition du journal (rédaction, vente, fabrication et diffusion). Elle agirait également en qualité de régie publicitaire pour le journal (art. 3.2.3).
L'activité de A______ SA était rémunérée à hauteur du prix fixe de 20'000 fr. par édition, auquel s'ajoutait une rémunération variable en fonction du chiffre d'affaires publicitaire net encaissé pour chaque édition (art. 5.3.a et b).
Les parties se sont engagées, pendant la durée du contrat, à ne pas exercer d'activité qui nuise, de quelque manière, à la réalisation de leurs buts (art. 9.1.b). Ces dernières, "étant elles-mêmes potentiellement actives dans le domaine de D______ en dehors du contrat", se sont entendues sur des règles de comportement, à savoir s'informer "de leurs activités et projets dans des domaines proches, voire concurrents", de ceux de E______ SA, dans la mesure du possible, proposer à l'autre de participer auxdites activités et projets et que, si l'autre n'était pas intéressée, alors la partie proposante était libre d'exercer seule ces activités et projets (art. 9.2.a, b et c).
Ce contrat était conclu pour une durée initiale au 31 décembre 2023, renouvelable d'année et en année de manière tacite, sauf résiliation six mois avant l'échéance (art. 13.a). En cas de cession de l'ensemble de ses actions, la partie concernée cesserait d'être partie au contrat à l'exception des articles qui, par leur nature, liaient les parties au-delà de la résiliation, comme par exemple les dispositions générales, le droit applicable ou encore la résolution des conflits (art. 13.c).
Enfin, le contenu du contrat, ainsi que les documents et informations échangées dans ce contexte, devaient être traités de manière confidentielle par les parties (art. 15.5.a).
d. Depuis la conclusion du contrat, plus d'une centaine de numéros de "F______/D______" ont été édités.
Ce journal aborde principalement le thème de D______, mais également ceux de l'énergie, l'économie, l'environnement, la mobilité, la sécurité, la culture, la nature, les innovations ou encore des évènements culturels.
e. Dans le cadre de son activité, E______ SA a conclu des contrats, notamment avec G______ SA, H______ SA et I______ AG, visant à intégrés des publicités de celles-ci dans "F______/D______".
f. En 2022 et 2023, le chiffre d'affaires de E______ SA s'élevait à 1'809'263 fr., respectivement 1'756'482 fr. Selon les projections produites, celui-ci devait s'élever à 1'673'145 fr. en 2024.
En octobre 2023 et 2024, ledit chiffre d'affaires se montait à 1'474'306 fr., respectivement 1'336'992 fr.
g. Par courriel du 22 mai 2023, B______ SA a requis de A______ SA la liste des annonceurs de "F______/D______".
h. En décembre 2023, B______ SA a informé A______ SA de son souhait de faire paraître, quatre fois par an, un "cahier" intitulé "J______" en collaboration avec le journal "K______".
i. Par avenant au contrat du 9 janvier 2024, les parties ont convenu que A______ SA encaisserait tous les revenus liés à l'exploitation de "F______/D______" durant l'exercice 2024. Son système de rémunération combinant un montant fixe et variable était ainsi suspendu. L'intégralité du chiffre d'affaires, jusqu'à 1'800'000 fr., était acquis à la précitée, afin de couvrir tous les frais d'exploitation à sa charge.
j. Par courriel du 20 février 2024, A______ SA a indiqué à B______ SA déplorer le fait qu'elle ne souhaitait plus intituler son supplément "J______", mais "B______/D______". En effet, l'emploi de la désignation "B______" créait une confusion avec "F______/D______", lequel était également lié au journal "B______".
k. Une édition de "F______/D______" est parue le ______ avril 2024.
[Image : deux pages tirées de "F______/D______"]
Cette édition comprenait notamment une section dédiée au marché [du secteur] D______ de luxe, un article sur l'énergie, une publicité de G______ SA concernant des bureaux sis à Genève, ainsi qu'une publicité pour de la literie, et des annonces [en lien avec le secteur] D______ et pour un chalet luxueux.
En bas de chaque page figure, en majuscule, le titre du journal, le numéro d'édition, ainsi que la date de publication.
l. Le ______ avril 2024, B______ SA a fait paraître, par encartage, son supplément "B______/D______".
[Image : deux pages tirées de "B______/D______"]
Cette édition comprenait les rubriques suivantes : "interview" (sur ______); "spotlight" (sur ______); "visite ______"; "énergie ______"; ainsi que des annonces [en lien avec le secteur] D______ à Genève, en Suisse romande et en France voisine. Elle contenait également une publicité de G______ SA concernant des bureaux sis à Genève, ainsi qu'une publicité pour de la literie.
En bas de chaque page figure, en majuscule, le titre du journal, ainsi que le mois de publication.
m. Par courriel du 22 avril 2024, A______ SA a indiqué à B______ SA que la parution du supplément susvisé avait créé une confusion auprès des lecteurs et annonceurs. De plus, celui-ci devait s'intituler "J______" et se concentrer uniquement sur des biens d'exception et la décoration. Il ne correspondait donc pas à ce qui avait été convenu.
n. Par courriel du 25 avril 2024, B______ SA a demandé à A______ SA des explications s'agissant des prix qu'elle proposait aux annonceurs de "F______/D______".
o. Une édition de "F______/D______" est parue le ______ mai 2024, traitant notamment d'une étude réalisée par L______, ainsi que de projets immobiliers à Genève et Fribourg.
Cette édition contenait notamment des publicités de G______ SA et I______ AG.
p. Par courrier du 16 mai 2024, A______ SA a indiqué à B______ SA déplorer l'existence du journal "B______/D______", précisant qu'il était nécessaire de clarifier la suite stratégique de leur relation contractuelle.
q. Lors d'une séance du 23 mai 2024, B______ SA a annoncé à A______ SA son intention de mettre un terme à leur contrat.
A cet égard, B______ SA a allégué que la collaboration entre les parties ne s'était pas avérée financièrement rentable pour elle et que le contenu de "F______/D______" s'était progressivement éloigné du domaine de D______. A______ SA s'était, en outre, appropriée, de manière déloyale, une partie de ses annonceurs.
r. Le ______ juin 2024, B______ SA a fait paraître une nouvelle édition de son supplément "B______/D______", qui contenait les rubriques suivantes : "interview" (sur ______); "spotlight" (sur ______); "visite ______"; "énergie"; "______", ainsi que des annonces [en lien avec le secteur] D______ de luxe à Genève et en Suisse romande.
Cette édition contenait notamment des publicités de G______ SA, L______ ou encore de I______ AG.
s. Par courrier du 20 septembre 2024, A______ SA a mis B______ SA en demeure de cesser immédiatement ces agissements et de se conformer à ses obligations contractuelles.
t. Par courrier du 26 septembre 2024, B______ SA a indiqué à A______ SA résilier le contrat de joint-venture du 7 septembre 2021 pour le 31 décembre 2024.
u. Par courrier du 9 octobre 2024, A______ SA a indiqué à B______ SA souhaiter racheter toutes ses actions de E______ SA, dans un délai de trois mois, ce que celle-ci a accepté par courrier du 14 octobre 2024.
B. a. Par acte du 28 octobre 2024, A______ SA a saisi la Cour de justice d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de B______ SA.
Elle a conclu, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, à ce que la Cour ordonne à la précitée de supprimer immédiatement les magazines "B______/D______" des ______ avril et ______ juin 2024 de l'ensemble des plateformes internet qu'elle gère et administre, lui interdise de faire paraître, sur l'ensemble desdites plateformes ou sous format papier, le magazine "B______/D______" des ______ novembre et ______ décembre 2024, ainsi que toute édition future pour l'année 2025, autorise A______ SA à communiquer à ses clients, partenaires et fournisseurs l'ordonnance rendue par la Cour et prononce ces injonctions sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, sur mesures provisionnelles, elle a conclu à la suppression des magazines "B______/D______" des ______ novembre et ______ décembre 2024 de l'ensemble des plateformes gérées et administrées par sa partie adverse.
Elle a allégué que l'identité du magazine "F______/D______" émanait exclusivement d'elle, la contribution de B______ SA se limitant à l'encartage de ce journal sur son site. Cette dernière, en éditant un journal concurrent, violait l'art. 3 al. 1 let. d de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (ci-après : LCD; RS 241). En effet, "B______/D______" reprenait la mise en page, ainsi que le contenu rédactionnel et publicitaire de "F______/D______", entrainant ainsi une confusion auprès des lecteurs et annonceurs, qui ne savaient pas si "B______/D______" constituait un nouveau journal ou s'il complétait ou remplaçait "F______/D______". En utilisant le résultat de son travail, soit en reproduisant la forme, ainsi que le contenu de "F______/D______", et en démarchant les annonceurs de celui-ci, B______ SA violait également l'art. 5 let. a LCD. En outre, celle-ci violait ses obligations contractuelles (art. 1.2, 9.1 et 15.5.a du contrat), aux termes desquelles elle s'était engagée à s'abstenir de toute activité susceptible de nuire au bon développement de "F______/D______" et à traiter, de manière confidentielle, les documents et informations échangés dans ce contexte.
Elle subissait ainsi un préjudice économique. En effet, le chiffre d'affaires de E______ SA, qui s'élevait à 1'800'000 fr. en 2023 et qu'elle devait entièrement acquérir en 2024, avait diminué d'environ 100'000 fr. depuis la parution de "B______/D______".
b. Par ordonnance du 30 octobre 2024, la Cour, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté la requête susvisée.
c. Dans sa réponse, B______ SA a conclu, principalement, au rejet de la requête de mesures provisionnelles de sa partie adverse, subsidiairement, à ce que celle-ci soit condamnée à fournir des sûretés à hauteur de 1'018'000 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elle a fait valoir que les conditions d'octroi de mesures provisionnelles n'étaient pas réalisées. A______ SA ne subissait aucune atteinte, les journaux concernés étant différents tant au niveau du contenu que de la forme. Il existait d'ailleurs d'autres journaux traitant [du secteur] D______ dans la région lémanique, soit "M______", "N______" ou encore "O______". "B______/D______" ne créait donc pas un risque de confusion auprès du public et elle n'avait pas exploité le travail fourni par sa partie adverse pour l'édition de "F______/D______". Son comportement ne constituait donc pas un acte de concurrence déloyale. Au contraire, A______ SA avait démarché ses propres annonceurs en proposant des "prix cassés". De plus, celle-ci n'avait pas rendu vraisemblable subir un préjudice, la parution de "B______/D______" n'ayant pas eu d'incidence sur le chiffre d'affaires de E______ SA. Elle n'avait pas non plus violé ses obligations contractuelles, dès lors que les parties n'avaient pas convenu d'une clause de non-concurrence.
d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions et A______ SA a, au surplus, conclu au rejet de la requête subsidiaire en fourniture de sûretés formulée par B______ SA.
e. Par courrier du 17 décembre 2024, A______ SA a requis de la Cour la convocation des parties à une audience de comparution personnelle et de débats, au motif qu'elle faisait l'objet de manœuvres d'intimidation de la part de sa partie adverse.
Elle a produit deux courriers adressés à B______ SA le 17 décembre 2024, à teneur desquels celle-ci retarderait le transfert des actions de E______ SA en ses mains, convoquerait sans droit le conseil d'administration de la précitée et menacerait le rédacteur en chef de P______ si celui-ci faisait affaires avec elle.
f. Par courrier du 19 décembre 2024, B______ SA a contesté ce qui précède et produit un courrier adressé à sa partie adverse le jour même selon lequel le transfert des actions serait retardé en raison du refus de celle-ci d'établir un acte de cession. B______ SA restait ainsi actionnaire majoritaire de E______ SA et s'était adressée à P______, par courrier du 16 décembre 2024 - également produit - en cette qualité pour l'informer de son souhait de liquider la relation contractuelle des parties avant un éventuel partenariat avec ladite société.
g. Par courrier du 23 décembre 2024, A______ SA s'est encore déterminée sur la duplique de sa partie adverse et a persisté à requérir la tenue d'une audience.
Elle a produit l'édition de "B______/D______" du ______ décembre 2024.
h. Par courrier du 7 janvier 2025, B______ SA a contesté les déterminations susvisées.
i. Par courrier du 6 février 2025, A______ SA a, à nouveau, sollicité de la Cour la tenue d'une audience.
j. Par avis du greffe de la Cour du 11 février 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 404 al. 1 CPC, la présente procédure est régie par le CPC dans sa version antérieure au 1er janvier 2025, sous réserve des exceptions prévues par l'art. 407f CPC.
2. La Cour examine d'office sa compétence à raison du lieu et de la matière (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC).
2.1.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 let. d CPC, la Chambre civile de la Cour (art. 120 al. 1 let. a LOJ) connaît en instance unique des litiges relevant de la LCD lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. Cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC).
La Cour est également compétente pour connaître des prétentions fondées sur un contrat, si le litige porte sur une seule prétention ayant plusieurs fondements, dont l'un au moins relève de l'instance cantonale unique, cette dernière peut être saisie pour l'intégralité de la prétention (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 5 ad art. 5 CPC; Stoudmann, Petit commentaire CPC, 2020, n° 25 ad art. 5 CPC).
2.1.2 En l'occurrence, la requérante fonde ses prétentions tant sur la LCD que sur le contrat de joint-venture du 7 septembre 2021.
En l'état, il peut être retenu que la valeur litigieuse est vraisemblablement supérieure à 30'000 fr., compte tenu du prétendu préjudice allégué à hauteur d'environ 100'000 fr.
La compétence de la Cour à raison de la matière est ainsi donnée, ce qui n'est pas remis en cause par les parties.
2.2 La Cour est également compétente à raison du lieu pour connaître de la requête (art. 13 et 36 CPC; Steinauer/Fountoulakis, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, 2014, n° 570b).
2.3 Pour le surplus, la requête respecte les exigences de forme prévues aux art. 130 ss et 221 ss CPC, de sorte qu'elle est recevable.
3. Les mesures provisionnelles sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), dans le cadre de laquelle, sauf exceptions, les maxime des débats et de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).
La procédure sommaire étant applicable, avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb;
131 III 473 consid. 2.3; 139 III 86 consid. 4.2).
4. La requérante a sollicité de la Cour l'audition des parties.
4.1 Dans le cadre d'une procédure sommaire, la preuve est rapportée par titres (art. 254 al. 1 CPC).
D'autres moyens de preuve sont toutefois admissibles lorsque leur administration ne retarde pas sensiblement la procédure, le but de la procédure l'exige ou encore lorsque le tribunal établit les faits d'office (art. 254 al. 2 CPC).
4.2 En l'occurrence, dans son courrier du 17 décembre 2024, la requérante a sollicité l'audition des parties, au motif qu'elle ferait l'objet de manœuvres d'intimidation de la part de la citée. Il ressort des courriels produits à cet égard que ces prétendues manœuvres ont trait au transfert, convenu entre les parties, de la totalité des actions E______ SA détenues par la citée en mains de la requérante.
Or, les éventuelles problématiques liées à ce transfert ne concernent pas des faits pertinents pour l'issue du litige. Par ailleurs, les parties ont chacune déposé plusieurs écritures et produit de nombreuses pièces, de sorte qu'elles ont eu largement l'occasion de s'exprimer par écrit sur les faits pertinents de la cause.
Dans ces circonstances et compte tenu de la nature sommaire de la présente procédure, il n'y a pas lieu de procéder à l'audition des parties.
5. La requérante reproche à la citée de créer un risque de confusion avec l'édition et la publication du supplément "B______/D______", soit un journal concurrent qui présenterait de fortes similitudes avec "F______/D______".
5.1.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).
L'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite.
L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable - qui peut être patrimonial ou immatériel -, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4 et 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, Commentaire romand CPC, 2019, n° 3 ss ad art. 261 CPC).
5.1.2 A teneur de l'art. 266 CPC, le tribunal ne peut ordonner de mesures provisionnelles contre un média à caractère périodique que si l'atteinte est imminente et propre à causer un préjudice particulièrement grave (let. a), si elle n'est manifestement pas justifiée (let. b) et si la mesure ne paraît pas disproportionnée (let. c). Ces trois conditions sont cumulatives (ATF 118 II 369 consid. 4c).
En reprenant matériellement l'art. 28c al. 3 aCC (Message du Conseil fédéral, FF 2006 p. 6964; arrêts du Tribunal fédéral 5A_641/2011 du 23 février 2012 consid. 7.1 et 5A_706/2010 du 20 juin 2011 consid. 4.2.1), l'art. 266 CPC soumet l'octroi de mesures provisionnelles à l'encontre des médias à caractère périodique à des conditions supplémentaires plus strictes par rapport à celles présidant au prononcé de mesures provisionnelles ordinaires (Bovey/Favrod-Coune, Petit commentaire Code de procédure civile, 2020, n° 1 ad art. 266 CPC).
Selon cet article, une atteinte se définit comme un trouble à la personnalité, à savoir tout comportement de tiers qui cause de quelque façon un trouble aux biens de la personnalité d'autrui, en violation des droits qui la protègent (ATF
143 III 297 consid. 6.4.2 et 6.4.3; 136 III 296 consid. 3.1; Bovey/Favrod-Coune, op. cit., n° 9 ad art. 266 CPC; Bohnet, op. cit., n° 11 ad art. 266 CPC).
La délimitation entre les dispositions générales protégeant la personnalité et celles régissant la concurrence déloyale est délicate. La différence s'inscrit dans le bien protégé. En effet, les premières citées n'ont pas pour but de défendre uniquement un intérêt économique. La protection de ce bien est assurée par la législation spéciale. Si le requérant souhaite prévenir une atteinte imminente à sa personnalité, il invoquera les dispositions générales. En revanche, s'il redoute une atteinte à sa clientèle, à son crédit ou à sa réputation professionnelle, à ses affaires ou à ses intérêts économiques en général, il fondera sa requête sur la LCD (Bohnet, op. cit., n° 25 ad art. 266 CPC).
5.1.3 Aux termes de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD; il faut encore qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients, il doit influencer le jeu de la concurrence (ATF 132 III 414 consid. 3.1; 126 III 198 consid. 2c/aa), c'est-à-dire qu'il produise des effets sur le fonctionnement du marché suisse (Pichonnaz, Commentaire romand LCD, 2017, n° 46 et 47 ad art. 2 LCD).
5.1.4 Est déloyal le comportement de celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 al. 1 let d LCD).
Le comportement visé par cet article suppose qu'un risque de confusion soit créé dans la perspective du public entre deux prestations, par l'emprunt à la prestation originale d'un de ses signes distinctifs protégés (Kuonen, Commentaire romand LCD, 2017, n° 12 ad art. 3 al. 1 let. d LCD). Les signes distinctifs protégés par la disposition susvisée sont ceux qui permettent d'individualiser sur le marché la prestation et le prestataire de manière à les différencier des tiers. Tel est notamment le cas lorsque la prestation à laquelle renvoie le signe distinctif a pu s'imposer sur le marché, de sorte que le public considère une caractéristique de la prestation comme étant distinctive de celle-ci et se fonde exclusivement sur cette caractéristique pour démarquer la prestation d'une autre (Kuonen, op. cit., n° 18 et ss ad art. 3 al. 1 let. d LCD; Arpagaus, Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, Basler Kommentar, n° 44 et ss ad art. 3 al. 1 let. d LCD).
Cette disposition protège en particulier l'apparence du produit, à savoir la façon par laquelle un agent économique se présente sur le marché, son apparence, son image. Celle-ci remplit une fonction distinctive lorsqu'elle se caractérise par une originalité particulière ou s'est imposée. La condition préalable essentielle à la protection de l'apparence est la distinctivité de l'apparence dont la protection est recherchée. Il faut que l'acheteur moyen concerné voie dans l'apparence la désignation d'une origine particulière, d'un producteur déterminé (Kobel, Le parasitisme en droit suisse: entre Nachahmungsfreiheit (liberté d'imiter), Verwechslungsgefahr (risque de confusion) et Rufausbeutung (exploitation de la réputation), in Défis du droit de la concurrence déloyale, 2014, p. 108 à 111).
La notion de danger de confusion est identique dans l'ensemble du droit des biens immatériels (ATF 128 III 353 consid. 4). Le risque de confusion signifie qu'un signe distinctif, à considérer le domaine de protection que lui confère le droit des raisons de commerce, le droit au nom, le droit des marques ou le droit de la concurrence, est mis en danger par des signes identiques ou semblables dans sa fonction d'individualisation de personnes ou d'objets déterminés. Ainsi, des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (ATF 131 III 572 consid. 3).
Pour juger de ce danger de confusion, il faut prendre en considération l'impression globale que laissent les deux produits, comparés dans leur entier, auprès du public (ATF 122 III 369 consid. 1; 97 II 153 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2016 du 2 mai 2017 consid. 5.1).
Le comportement du prétendu "imitateur" ne peut être qualifié de déloyal s'il a pris les mesures que l'on pouvait attendre de lui pour exclure un risque de confusion auprès du public s'agissant de l'origine d'un produit, notamment si le produit renvoie clairement à son fabricant (ATF 116 II 471 consid. 3a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2016 précité consid. 5.1).
On ne peut pas, par le moyen des normes réprimant la loi sur la concurrence déloyale, interdire à autrui d'utiliser une désignation appartenant au domaine public. Chacun doit, en effet, avoir la faculté de désigner ses marchandises en se servant d'expressions qui en indiquent la nature ou les propriétés, sans en être empêché par le signe d'un autre. Sinon, on accorderait à celui-ci, par le détour de la loi sur la concurrence déloyale, une protection que la législation sur les marques lui refuse expressément. Il n'en demeure pas moins que des circonstances particulières peuvent faire apparaître l'imitation comme déloyale; tel est le cas si l'utilisateur est induit en erreur de façon évitable quant à la provenance du produit imité ou si l'imitateur exploite de façon parasite le renom des produits d'un concurrent (ATF 127 III 33 consid. 3b; 126 III 239 consid. 3b; 120 II 144 consid. 5b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_168/2010 du 19 juillet 2010 consid. 5.1).
5.1.5 Agit de façon déloyale celui qui exploite de façon indue le résultat d'un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans (art. 5 let. a LCD). Des listes de clients ou des bases de données peuvent également constituer le résultat d'un travail, pour autant qu'elles soient exploitables (Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, 2002, n° 9.07).
Pour que cette disposition soit applicable, il faut, d'une part, que le résultat d'un travail ait été confié à l'auteur et, d'autre part, que celui-ci l'utilise contrairement aux accords passés, qu'il le détourne de la destination convenue. Le caractère déloyal de l'acte réside dans la trahison de la confiance donnée (arrêt du Tribunal fédéral 6S.684/2001 du 18 janvier 2002 consid. 1.b).
5.1.6 Selon l'art. 9 al. 1 LCD, celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge de l'interdire, si elle est imminente (let. a), de la faire cesser, si elle dure encore (let. b) d'en constater le caractère illicite, si le trouble qu'elle a créé subsiste (let. c);
Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge que le jugement soit communiqué à des tiers ou publié (art. 9 al. 2 LCD).
5.1.7 Pour déterminer le contenu d'un contrat, le juge doit interpréter les manifestations de volonté (ATF 131 III 606 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3).
Il doit dans un premier temps s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (art. 18 al. 1 CO; interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 132 III 268 consid. 2.3.2). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 118 II 365 consid. 1).
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1) - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2).
5.2.1 En l'espèce, la requérante sollicite des mesures provisionnelles en faisant valoir une atteinte à sa clientèle, sa réputation professionnelle et ses intérêts économiques. Sa requête sera donc examinée sous l'angle de l'art. 261 CPC et non de l'art. 266 CPC, puisqu'elle n'invoque pas une atteinte à sa personnalité.
5.2.2 La requérante reproche à la citée de créer un risque de confusion par l'emprunt du terme "D______" dans le titre de son journal. A cet égard, elle soutient que ce terme est mis en évidence de façon identique dans "B______/D______" et dans "F______/D______", de sorte que les mots qui le précèdent, soit "B______" et " F______ ", s'effacent dans l'esprit des lecteurs et annonceurs, qui ne perçoivent que le terme "D______ ".
Le terme "D______" correspond toutefois à une désignation générique appartenant au domaine public, de sorte que la citée ne peut pas s'en prévaloir comme un signe distinctif protégé par l'art. 3 al. 1 let. d LCD. L'emploi de ce terme ne permet d'ailleurs pas d'individualiser la requérante sur le marché des médias. En effet, comme relevé par la citée, il existe d'autres journaux traitant [du secteur] D______, dans la région lémanique, qui utilisent ce terme dans leur titre, comme par exemple "M______" ou encore "N______".
Par ailleurs, la citée a intégré dans le titre de son journal la désignation "B______", soit un terme qui renvoi directement à sa raison sociale et son journal du même nom, qui bénéficie, depuis de nombreuses années, d'une certaine renommée dans le domaine des médias de la région lémanique. Il ne saurait donc être retenu, sous l'angle de la vraisemblance, que le terme "B______" s'efface dans l'esprit des lecteurs et des annonceurs.
L'emploi du terme "D______" dans les deux magazines concernés ne semble donc pas propre à créer un risque de confusion entre eux.
Il n'est d'ailleurs pas contesté que "B______/D______" constitue un supplément lié au journal "B______", qui compte déjà plusieurs suppléments abordant chacun un thème spécifique. Ainsi, seuls les abonnés audit journal ont accès à "B______/D______", alors que "F______/D______" est accessible à tous, en libre-vente dans des caissettes à journaux. Il s'ensuit que le fait que ces journaux soient tous deux publiés par encartage sur le site de la citée n'est pas suffisant pour retenir un risque de confusion, d'autant plus que "B______/D______" n'est publié que quatre fois par an, alors que "F______/D______" est publié une fois par semaine.
La requérante fait également valoir que la citée a repris le contenu rédactionnel de "F______/D______". Certes, à la lecture des magazines produits dans la présente procédure, ceux-ci traitent parfois de thèmes semblables liés [au secteur] D______, comme par exemple ______ ou ______ en cours dans la région lémanique, sans pour autant que les sujets abordés soient identiques. Dans la mesure où les deux publications traitent [du secteur] D______, il apparaît normal que des sujets similaires y soient abordés. Il n'apparaît donc pas que la citée emprunterait, de façon indue, le travail de la requérante. Il sied également de relever que "F______/D______" aborde d'autres thématiques, qui ne concernent pas D______, notamment l'économie, la sécurité ou encore des événements culturels. Celui-ci semble donc avoir une vocation plus généraliste que "B______/D______", qui se consacre exclusivement au domaine D______.
La mise en page des journaux concernés, en particulier celle de la couverture, n'apparait pas non plus identique, contrairement à ce que soutient la citée. En effet, les couvertures de "B______/D______" sont épurées et ne contiennent qu'une photographie [en lien avec le secteur] D______, alors que les couvertures de "F______/D______" sont plus fournies et contiennent diverses photographies et publicités.
Le fait que les deux magazines mentionnent, en bas de page et en majuscule, leur titre, ainsi que la date de parution, n'est pas suffisant pour retenir un risque de confusion. Il en va de même du fait que "B______/D______" publie des publicités des mêmes annonceurs que "F______/D______", tels G______ SA ou encore de I______ AG. En effet, "F______/D______" n'est vraisemblablement pas être doté d'une force distinctive suffisante, en ce sens que son apparence globale se distinguerait assez nettement des autres journaux traitant [du secteur] D______ sur le marché de la région lémanique, permettant ainsi une protection au sens de la LCD.
L'apparence globale des deux journaux n'étant pas similaire, il n'existe pas, sous l'angle de la vraisemblance, un risque de confusion entre ceux-ci pour les lecteurs ou les annonceurs au sens de l'art. 3 al. 1 let. d LCD ou encore une atteinte au travail de la requérante au sens de l'art. 5 let. a LCD.
5.2.3 Il n'est pas contesté que E______ SA est contractuellement liée à des annonceurs, tels G______ SA ou I______ AG, afin d'intégrer leurs publicités dans "F______/D______", ni que la constitution de cette clientèle résultait du travail fourni par la requérante.
Il n'est pas non plus contesté que les annonceurs susvisés ont également fait paraître des publicités dans "B______/D______".
Cela étant, ces éléments ne suffisent pas, même sous l'angle de la vraisemblance, à retenir que la citée aurait adopté un comportement déloyal à l'encontre de la requérante. En effet, le fait que la citée a, par courriel du 22 mai 2023, sollicité de la requérante la liste des annonceurs de "F______/D______" ne permet pas encore de retenir qu'elle aurait utilisé celle-ci pour démarcher des annonceurs en vue de la création de "B______/D______", paru pour la première fois en avril 2024, ce que cette dernière a contesté. A cet égard, elle a allégué que les annonceurs concernés étaient, au préalable, liés à elle et son journal "B______" et que c'était la citée qui les avait démarchés en proposant des "prix cassés", raison pour laquelle elle lui avait demandé des explications par courriel du 25 avril 2024.
Dans ces circonstances, il n'est pas rendu vraisemblable que la citée aurait repris le travail de la requérante en violation des règles de la bonne foi au sens de l'art. 5 let. a LCD.
En tous les cas, même à admettre que la citée aurait démarché des annonceurs liés contractuellement à E______ SA, il n'est pas rendu vraisemblable que cette démarche aurait porté préjudice à la requérante (cf. consid. 5.2.4 infra) et justifierait le prononcé des mesures provisionnelles requises.
5.2.4 La requérante n'a pas non plus rendu vraisemblable que la parution de "B______/D______" aurait eu des effets sur le marché des médias traitant du thème de D______ dans la région lémanique. En particulier, elle n'a pas démontré que les parutions d'avril, juin, novembre et décembre 2024 de ce journal auraient eu pour corollaire une diminution du chiffre d'affaires de E______ SA. En effet, au moment du dépôt de la requête, le chiffre d'affaires de celle-ci pour l'année 2024 n'était pas encore arrêté. Celui-ci est d'ailleurs en constante diminution depuis 2022, soit avant la parution de "B______/D______".
En tout état, "F______/D______" génère des revenus uniquement par le biais des annonceurs, qui paient pour diffuser leurs publicités dans celui-ci. Or, la requérante n'a pas allégué que, depuis la parution de "B______/D______", des annonceurs liés à E______ SA auraient résilié leur contrat dans le but d'en conclure un nouveau avec la citée.
Dans ces circonstances, la requérante ne subit vraisemblablement pas de préjudice économique lié à la parution de "B______/D______".
5.2.5 La requérante fait encore valoir que la citée aurait violé ses obligations contractuelles, soit les art. 1.2, 9.1 et 15.5.a du contrat du 7 septembre 2021, en lui faisant concurrence.
Comme retenu supra, il n'est pas rendu vraisemblable que la citée aurait repris la forme et le contenu rédactionnel de "F______/D______" et par conséquent violé l'art. 15.5.a dudit contrat, prohibant l'utilisation d'informations échangées entre les parties dans le cadre de l'activité de E______ SA.
La requérante n'a pas rendu vraisemblable que la citée aurait adopté un comportement déloyal à l'encontre de la requérante au sens de la LCD ou que la parution de "B______/D______" aurait eu une incidence sur le chiffre d'affaires de E______ SA. Ainsi, en faisant paraître un journal concurrent, la citée n'a pas, selon toute vraisemblance, nui au bon développement de "F______/D______" et donc violé les art. 1.2 et 9.1 du contrat liant les parties.
Par ailleurs, la requérante n'a pas non plus rendu vraisemblable que les parties auraient eu la réelle et commune intention d'exclure toute forme de concurrence entre elles. Au contraire, à teneur de l'art. 9.2 du contrat susvisé, les parties se sont expressément entendues sur des règles de comportement à adopter en cas d'"activités et projets dans des domaines proches, voire concurrents", à savoir notamment un devoir d'information à cet égard. Or, il n'est pas contesté que la citée a informé la requérante, en décembre 2023, de son projet d'éditer elle-même un supplément à son journal afférent [au secteur] D______, en partenariat avec un autre journal. Sur ce point, il n'est pas rendu vraisemblable que la citée se serait engagée envers la requérante à ce que ce supplément ne contienne pas de partie rédactionnelle, comme soutenu par celle-ci.
L'exercice d'une activité concurrente à l'édition de "F______/D______" ne semble donc pas avoir été prohibée par les parties dans le cadre du contrat du 7 septembre 2021.
Il s'ensuit que la citée n'a pas, sous l'angle de la vraisemblance, violé ses obligations contractuelles à l'encontre de la requérante.
5.2.6 Par surabondance, il sera relevé que la condition de l'urgence nécessaire au prononcé de mesures provisionnelles ne semble pas non plus remplie.
En effet, comme indiqué ci-dessus, la requérante a eu connaissance de la prétendue atteinte alléguée dès décembre 2023. Cette dernière s'est plainte auprès de la citée, le 20 février 2024, seulement de la volonté de celle-ci d'employer la désignation "B______" dans le titre du supplément litigieux. Celui-ci est paru, la première fois, le ______ avril 2024, ce que la requérante a déploré par courriels des 22 avril et 16 mai 2024, puis sa deuxième édition est datée du ______ juin 2024.
Or, la requérante a initié la présente procédure le 28 octobre 2024, soit, à tout le moins, plus de six mois après la découverte des événements justifiant, selon elle, le prononcé urgent de mesures.
Ce laps de temps ne rend pas vraisemblable la condition de l'urgence, d'autant plus que le rapport contractuel des parties a pris fin le 31 décembre 2024.
5.2.7 Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, en particulier à défaut de la vraisemblance d'une atteinte au droit invoqué et d'une urgence, les conditions cumulatives de l'art. 261 al. 1 CPC ne sont pas toutes remplies.
La requérante sera ainsi déboutée de sa requête en mesures provisionnelles.
6. Les frais judiciaires de la procédure, comprenant ceux de la décision rendue sur mesures superprovisionnelles, seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 26 RTFMC). Ils seront mis à la charge de la requérante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
La requérante sera également condamnée à verser à la citée 5'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens (art. 95 al. 3, 105 al. 2 CPC; art. 84, 85 et 88 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
Statuant en instance cantonale unique :
A la forme :
Déclare recevable la requête de mesures provisionnelles formée le 28 octobre 2024 par A______ SA.
Au fond :
Rejette cette requête.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires à 3'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense entièrement avec l'avance versée par celle-ci, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SA à verser à B______ SA 5'000 fr. à titre de dépens.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Laurent RIEBEN, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.