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Décisions | Chambre civile

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C/22540/2021

ACJC/62/2025 du 16.01.2025 sur JTPI/9141/2024 ( OO )

Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22540/2021 ACJC/62/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 16 JANVIER 2025

 

Entre

A______, sise ______ [GE], intimée et requérante sur requête de sûretés, représentée par Me Guillaume BRAIDI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Emirats Arabes Unis, appelant et cité sur requête de sûretés, représenté par Me Homayoon ARFAZADEH, avocat,
Valfor Avocats Sàrl, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1.

 


EN FAIT

A.       Par jugement JTPI/9141/2024 du 22 juillet 2024, le Tribunal de première instance a condamné A______ à payer à B______ la somme de 43'878.10 TRY avec intérêts à 5% dès le 9 avril 2021 (chiffre 1 du dispositif), écarté définitivement l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence de 7'670 fr. 45 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 41'200 fr., les a compensés avec les avances effectuées par B______ à hauteur de 40'200 fr. et par A______ à hauteur de 1'000 fr.; les a mis à la charge de B______ à concurrence de 37'080 fr. et à celle de A______ à hauteur de 4'120 fr. et a condamné en conséquence cette dernière à payer à B______ la somme de 3'120 fr. à titre de restitution de l'avance de frais fournie par celui-ci (ch. 3), a condamné B______ à payer la somme de 38'700 fr. TTC à A______ à titre de dépens (ch. 4), a condamné A______ à payer la somme de 4'300 fr. TTC à B______ à titre de dépens (ch. 5), ordonné en conséquence la libération des sûretés en faveur de A______ à concurrence de 34'400 fr. et la restitution du solde en 13'580 fr. 60 en faveur de B______ (ch. 6) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

Ce jugement faisait suite au dépôt devant le Tribunal, par B______, d'une demande en paiement dirigée contre A______ (ci-après : A______ ou la banque), concluant au paiement de la somme de 1'791'163.83 USD avec intérêts à 5% dès le 9 avril 2021 ainsi qu'à la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer notifié le 1er décembre 2021 à concurrence de 1'792'059 fr. 42 (contrevaleur du montant en USD susvisé); subsidiairement, les conclusions portaient sur le paiement, par la banque, de la somme de 13'576'643.83 TRY avec intérêts au 9 avril 2021, ainsi que sur la mainlevée de l'opposition formée par la banque au commandement de payer notifié le 1er décembre 2021 à concurrence de 727'833.58 (contrevaleur du montant en TRY susvisé). A l'appui de sa demande, B______ a invoqué une perte subie du fait de la vente tardive par la banque de 5'000 actions C______; il a également invoqué la perte subie du fait de la non-exécution par la banque de l'instruction du 9 avril 2021 de vendre l'intégralité de ses actions C______; subsidiairement, il a soutenu qu'il faudrait retenir la perte qu'il avait subie du fait de la non-exécution de son instruction de vente du 25 mai 2021.

Devant le Tribunal, la banque a sollicité le versement de sûretés en garantie de ses dépens, lesquelles ont été fixées à 47'980 fr. 60, dont B______ s'est acquitté.

B.       a. Le 16 septembre 2024, B______ a formé appel contre le jugement du 22 juillet 2024 auprès de la Cour de justice, concluant, au terme d'une écriture de 30 pages, à son annulation et à la condamnation de A______ à lui payer la somme de 1'791'163.83 USD avec intérêts à 5% dès le 9 avril 2021; subsidiairement, l'appelant a conclu à la condamnation de A______ à lui payer la somme de 1'126'135.07 USD avec intérêts à 5% dès le 25 mai 2021.

L'appelant a fait grief au Tribunal d'avoir ignoré l'existence d'instructions claires et incontestables qu'il soutient avoir données à la banque, que celle-ci n'avait pas respectées.

b. Le 30 septembre 2024, A______ a conclu à la condamnation de B______ à fournir des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 48'158 fr. 80 dans un délai de dix jours à compter du moment où le jugement sur sûretés sera devenu définitif.

Elle a allégué que l'appelant était domicilié à D______ (Emirats Arabes Unis), soit hors de Suisse au sens de l'art. 99 al. 1 let. a CPC, avec la précision qu'il n'existait aucun accord entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis en matière de procédure civile. Compte tenu de la valeur litigieuse de 1'792'059 fr. 41, il se justifiait de fixer les sûretés en garantie des dépens à hauteur du montant réclamé.

c. Dans son écriture du 27 novembre 2024, B______ ne s'est pas opposé au principe du versement de sûretés. Il a en revanche contesté le montant réclamé, le considérant "exorbitant" et a conclu à ce que les sûretés soient limitées à la somme de 13'106 fr. 83.

d. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

e. B______ a dupliqué et persisté dans les siennes.

f. Par avis du greffe de la Cour de justice du 9 janvier 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger sur requête de sûretés en garantie des dépens.

EN DROIT

1. 1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; ACJC/794/2017 du 16 juin 2017; ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid.2.5.1; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC) et le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. La requérante fonde sa requête sur l'art. 99 al. 1 let. a CPC, au vu du domicile à l'étranger du cité.

2.1 A teneur de l'art. 99 al. 1 let. a CPC – applicable en vertu de l'art. 11b LDIP –, le demandeur qui n'a pas de domicile ou de siège en Suisse doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens.

Certaines conventions internationales ou accords bilatéraux conclus entre la Suisse et un Etat dont le demandeur étranger serait résident ou ressortissant peuvent exclure le paiement de telles sûretés (art. 2 CPC). Tel n'est pas le cas entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis.

2.2 En l'espèce, le cité ne conteste pas le principe du versement de sûretés en garantie des dépens de sa partie adverse au vu de son lieu de domicile à l'étranger.

Le versement de sûretés en garantie des dépens doit donc être admis dans son principe.

3. Le montant desdites sûretés doit être fixé de la manière suivante.

3.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que l'appelant aurait à verser à l'intimé en cas de perte totale du procès (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 7 ad art. 100 CPC; Rüegg/Rüegg, op. cit., n. 5 ad art. 99 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a), le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

Le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'Etat, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC – E 1 05]). Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 LaCC).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10), le défraiement, sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 1'000'000 fr. et jusqu'à 4'000'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 31'400 fr., plus 1% de la valeur litigieuse dépassant 1'000'000 fr. (art. 85 RTFMC). Le défraiement peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'article 84 RTFMC.

Pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). La juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée, soit 8,1% (art. 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse pertinente admise par les deux parties pour le calcul des sûretés s'élève à 1'792'059 fr. 41.

En application de l'art. 85 RTFMC, le défraiement auquel la requérante pourrait prétendre en cas de gain du procès pour une telle valeur litigieuse serait, en chiffres ronds, de 39'320 fr. (31'400 fr. + 7'920 fr.).

Le litige porte certes sur des questions relatives à des opérations bancaires qui peuvent s'avérer complexes. Cela étant, les opérations en cause sont limitées et les griefs de l'appelant portent sur la question de savoir si la banque a, ou pas, respecté les instructions qu'il allègue lui avoir données, de sorte que la cause ne présente pas un degré de complexité particulier qui justifierait de majorer de 10% le montant précité en application de l'art. 85 al. 1 RTFMC.

Après réduction selon l'art. 90 RTFMC, le montant du défraiement est ainsi compris entre 13'107 fr. et 26'213 fr., auquel s'ajoutent les débours et la TVA, soit un montant compris entre 14'562 fr. et 29'123 fr.

Au vu de ce qui précède, le montant des sûretés en garantie des dépens sera fixé à 22'000 fr. compte tenu de l'ensemble des critères à prendre en compte et des circonstances du cas d'espèce, soit notamment la valeur litigieuse, la difficulté et l'ampleur du travail impliqué, étant relevé que l'écriture d'appel comportant 30 pages, le mémoire réponse sera vraisemblablement et à tout le moins de même ampleur et que la cause donnera lieu à un double échange d'écritures.

Les sûretés ainsi fixées devront être fournies par le cité en espèces, auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC).

Si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel (art. 101 al. 1 et 3 CPC).

4. La requérante obtient gain de cause sur le principe du versement de sûretés en garantie des dépens, auquel le cité ne s'est cependant pas opposé. Le montant à verser est par ailleurs fixé entre celui réclamé par la requérante et celui proposé par le cité. Les frais seront dès lors mis à la charge de chaque partie pour moitié.

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l’avance versée par la requérante, de sorte que le cité sera condamné à lui verser 500 fr.

Chaque partie supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens :

A la forme :

Déclare recevable la requête en constitution de sûretés en garantie des dépens formée le 30 septembre 2024 par A______ à l’encontre de B______, dans la cause C/22540/2021.

Au fond :

Impartit à B______ un délai de 30 jours dès notification du présent arrêt pour fournir aux Services financiers du Pouvoir judiciaire des sûretés d'un montant de 22'000 fr., en espèces ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.

Dit que si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour de justice n'entrera pas en matière sur l'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 1'000 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec l'avance versée par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 500 fr. à A______ à titre de frais judiciaires.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.