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Décisions | Chambre civile

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C/1705/2023

ACJC/1261/2024 du 01.10.2024 sur JTPI/6092/2024 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.298; CC.273
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1705/2023 ACJC/1261/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 1ER OCTOBRE 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 mai 2024, représentée par Me Pierre GASSER, avocat, Atlas Legal, boulevard des Philosophes 17, case postale 89, 1211 Genève 4,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, Rue Leschot 2, 1205 Genève,

2) La mineure C______, domiciliée ______, représentée par son curateur, Me D______, avocat.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6092/2024 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 21 mai 2024, le Tribunal de première instance a, entre autres, attribué à B______ la garde exclusive de l'enfant C______, née le ______ 2013 (ch. 3 du dispositif) ainsi que la jouissance exclusive du logement de la famille sis rue 1______ no. ______ à E______/GE (ch. 4), imparti à A______ un délai de 40 jours à compter l'entrée en force du jugement pour quitter le logement familial (ch. 5) et octroyé à celle-ci un droit de visite qui s'exercera, aussi longtemps qu'elle ne disposera pas d'un logement permettant d'héberger l'enfant C______, à raison d'un jour durant le week-end de 10 heures à 18 heures tous les deux week-end et, sitôt qu'elle disposera d'un tel logement, à raison d'un week-end sur deux du vendredi 18 heures au dimanche à 18 heures (ch. 7).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 juin 2024, A______ a appelé de ce jugement, qu'elle a reçu le 23 mai 2024, concluant à l'annulation des chiffres 3, 4, 5 et 7 de son dispositif et, cela fait, au renvoi de la cause au premier juge afin qu'il ordonne une expertise familiale comprenant les parents et toute la fratrie ainsi que l'audition de F______, intervenante en protection de l'enfant auprès du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : le SEASP), et de G______, curatrice de l'enfant au Service de protection des mineurs. Elle requiert, à titre subsidiaire, l'attribution en sa faveur de la jouissance exclusive du domicile familial, la fixation d'un délai à son époux pour quitter ledit logement, l'instauration d'une garde alternée sur la mineure C______ à raison de demi-semaines, soit du dimanche 18h au mercredi 18h chez sa mère, puis du mercredi 18h au vendredi 18h chez son père, puis des week-ends en alternance chez chacun des parents, ainsi que la moitié des vacances scolaires, sous réserve que le père dispose des conditions d'accueil adéquates pour la mineure, ou l'attribution en sa faveur de la garde de l'enfant et la réserve d'un droit de visite au père à raison de trois jours au minimum par semaine tant que le père ne réunit pas les conditions d'accueil pour l'enfant, la constatation que la mineure est domiciliée chez sa mère, que son entretien convenable est de 750 fr. par mois, hors allocations familiales et que celles-ci seront perçues par la mère, l'instauration d'une curatelle de surveillance des relations personnelles soient ordonnée et la compensation des dépens.

b. Sa requête tendant à la suspension du caractère exécutoire des chiffres 3, 4, 5 et 7 du dispositif du jugement entrepris a été admise par arrêt du 20 juin 2024.

c. Dans sa réponse du 21 juin 2024, B______ conclut à l'irrecevabilité de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens.

d. Dans ses déterminations du 28 juin 2024, le curateur de représentation de la mineure C______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Il a indiqué représenter également la mineure dans une procédure en cours devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection), avoir dans ce cadre rencontré sa protégée et ses parents à plusieurs reprises et avoir eu des contacts téléphoniques avec ces derniers. Sa protégée avait régulièrement, durant l'intégralité des entretiens qu'il avait eus avec celle-ci, manifesté le souhait de vivre avec son père. Il était ainsi convaincu qu'il était dans l'intérêt de la mineure d'être confiée à son père et d'entretenir des relations personnelles épanouies avec sa mère.

e. A______ a répliqué le 9 juillet 2024, persistant dans ses conclusions d'appel. Elle a fait valoir des faits nouveaux, alléguant que le père avait quitté Genève avec la mineure C______ pour se rendre au Liban du 3 au 23 juillet 2024 alors qu'elle-même avait prévu de partir avec sa fille en vacances du 10 au 17 juillet 2024 et qu'elle avait déjà acheté les billets. Elle considère que ces faits confirment l'attitude méprisante de son époux envers elle-même.

f. B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions. Il conteste les allégués nouveaux de son épouse, exposant quant à lui que son voyage au Liban était prévu de longue date et que son épouse y avait consenti, avant de réserver ses propres vacances avec la mineure, dans un but chicanier.

g. La cause a été gardée à juger le 20 août 2024.

C. Les faits suivants résultent de la procédure :

a. A______, née [A______] en 1978, et B______, né en 1966, tous deux originaires de E______, se sont mariés à H______/Italie le ______ 1998.

Ils sont les parents de I______, née en 2000, J______, né en 2001, tous deux majeurs, et de C______, née le ______ 2013.

b. Des mesures protectrices de l'union conjugale ont été prononcées par le Tribunal de première instance le 15 février 2021.

Les époux ont été autorisés à vivre séparés, le logement familial, sis rue 1______ no. ______ à E______, a été attribué à l'épouse et une garde alternée a été instaurée sur leur fille C______.

c. Les époux ont repris la vie commune peu après le prononcé de ce jugement. Ils se sont séparés à nouveau en avril 2022. Ils ont continué à occuper le même logement, mais ont vécu séparément, la mère séjournant dans la chambre parentale et le père dormant dans la chambre avec ses filles.

L'époux a quitté le domicile familial en mars 2023 et vit depuis lors à l'hôtel.

d. L'épouse a déposé plainte pénale contre son époux en mai 2022, lui reprochant d'avoir lancé un vase contre la télévision pour l'effrayer et l'avoir menacée de prendre la garde de leur fille mineure.

e. Le 1er février 2023, B______ a saisi le Tribunal de première instance d'une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant à la caducité des précédentes mesures ordonnées le 15 février 2021, à ce que les parties soient autorisées à vivre séparées, à l'attribution en sa faveur de la jouissance exclusive du logement de famille, à la fixation d'un délai de 30 jours à son épouse pour quitter le logement de famille, à l'attribution en sa faveur de la garde exclusive de l'enfant C______ et à l'octroi d'un droit de visite à la mère.

f. Lors de l'audience tenue le 22 mars 2023, le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

B______ a persisté dans sa requête.

A______ a conclu au rejet de celle-ci.

g. Le SEASP a rendu son rapport d'évaluation sociale le 3 juillet 2023, sous la signature de F______, intervenante en protection de l'enfant, après avoir entendu chacun des parents, les deux enfants majeurs du couple, la mineure C______, son enseignant ainsi que les intervenantes en protection du Service de protection des mineurs curatrices de l'enfant.

Ce service a recommandé l'instauration d'une garde alternée s'exerçant chez la mère du dimanche à 18h au mercredi à 18h, puis chez le père du mercredi à 18h au vendredi à 18h et chez chacune des parties un week-end sur deux ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, pour autant que le père dispose de conditions adéquates pour accueillir sa fille; à défaut de telles conditions d'accueil, le SEASP préconisait l'attribution de la garde de la mineure à sa mère et l'octroi au père d'un droit de visite de trois journées par semaine.

La situation familiale était préoccupante; le conflit parental était important. Les parents communiquaient suffisamment, étaient tous deux impliqués dans la scolarité de leur fille, qui évoluait favorablement. Le père ne reconnaissait en revanche pas de qualité à son épouse et exprimait un dénigrement massif à son encontre. Cette dernière valorisait en revanche son époux et lui reconnaissait des compétences. La mère manquait d'autorité et le père ne préservait pas l'enfant de ses appréciations. La relation entre la mère et sa fille mineure était fragile; l'enfant semblait s'allier à son père pour dénigrer sa mère. La fille majeure du couple avait intégré ce modèle et n'avait pas de nuance dans la perception qu'elle avait de sa mère; elle était très proche de son père, voulait vivre avec ce dernier et espérait que C______ vive avec eux. La mère était consciente des difficultés relationnelles avec sa fille et demandait de l'aide pour y pallier. Il était indispensable que l'enfant soit préservée des appréciations des adultes.

h. Par courrier du 10 octobre 2023, l'époux a sollicité l'audition de F______, auteure du rapport du SEASP. L'épouse ne s'y est pas opposée.

i. Lors de l'audience tenue le 6 décembre 2023, le curateur de représentation de la mineure a conclu à ce que la garde de sa protégée soit attribuée au père, pour autant que le logement familial lui soit attribué. Il considérait sa protégée comme une jeune fille très mature pour son âge : il n'avait pas l'impression qu'elle était manipulée par son père, et son discours ne semblait pas répété et appris à l'avance. Elle avait émis le souhait réfléchi de vivre avec son père, exposant ressentir plus d'amour et d'engagement dans sa prise en charge, se sentir plus en sécurité avec lui. Son père était plus strict que sa mère, mais elle désirait quand-même vivre avec lui. Le curateur a indiqué que la mère semblait avoir de la difficulté à imposer son autorité sur la mineure et à lui fixer un cadre, ce qui n'était pas propice à l'entrée en adolescence de sa fille. Ce manque d'autorité se manifestait par la manière irrespectueuse dont la mineure s'adressait à sa mère, alors qu'elle respectait parfaitement les règles qui lui étaient imposées à l'école ou dans ses activités extrascolaires. Le manque d'autorité de l'épouse se manifestait également par rapport à ses enfants aînés et à son époux, qui pouvait être intrusif, parfois de manière excessive. Le curateur estimait que la mère parviendrait à trouver sa place de mère à l'égard de la mineure de manière beaucoup plus harmonieuse dans le cadre d'un large droit de visite. Le père logeait à l'hôtel. Les frère et sœur aînés habitaient avec C______ et leur mère dans le logement familial, qui est trop petit pour la famille : C______ et sa sœur I______ se partageaient une chambre, son frère J______ occupait un coin du salon et la mère séjournait dans la chambre parentale. I______ était très présente pour soutenir C______ dans sa scolarité.

L'épouse a sollicité une expertise psychiatrique familiale, qu'elle indique avoir également requise dans le cadre de la procédure de protection en cours devant le Tribunal de protection. Elle a exposé que sa fille était manipulée par son père. Ce dernier venait les rejoindre dans le logement familial pratiquement tous les jours, sauf lorsqu'il était en voyage; il l'insultait devant les enfants.

L'époux s'est opposé à une telle expertise.

Le curateur de représentation s'y est également opposé, estimant que la mesure n'était pas nécessaire au regard des autres éléments au dossier.

j. Le Tribunal de protection est également saisi d'une procédure concernant la mineure C______.

Une curatelle ad hoc en vue d'assurer la mise en place et le suivi thérapeutique de la mineure et d'assistance éducative a été instaurée le 18 novembre 2022 sur mesures superprovisionnelles et confiée à K______ et G______, intervenantes en protection auprès du Service de protection des mineurs.

Par courriers adressés au Tribunal de protection le 29 septembre 2023, les curatrices de la mineure ont exprimé leurs inquiétudes s'agissant de l'évolution de l'enfant, qui était prise dans une dynamique familiale dysfonctionnelle. Les parents n'arrivaient pas à prendre conscience de l'impact de leur conflit sur leur fille. Le père était très présent au domicile malgré son engagement de le quitter et très en alliance avec ses trois enfants et semblant prendre toutes les décisions. La mère peinait à s'affirmer pour se protéger, et semblait craindre les réactions de son époux, qui était informé de tout ce qui se passait à la maison par le biais de ses enfants. La mère demandait de l'aide mais ne parvenait pas à s'investir dans le travail éducatif. La sœur aînée I______ prenait un rôle parentifié auprès de sa petite sœur.

Par courrier du 5 décembre 2023, les curatrices de la mineure ont recommandé au Tribunal de protection d'ordonner une expertise psychiatrique familiale afin de permettre de mieux comprendre les fonctionnements psychiques de chaque parent, leur capacités d'évolution et limites respectives, afin de déterminer la prise en charge répondant au mieux aux besoins de la mineure. La dynamique familiale n'avait pas évolué. Le père ne percevait pas l'importante responsabilité qu'il avait, de par son attitude, dans la dynamique familiale actuelle. Il était, malgré son engagement de quitter le logement familial, présent au quotidien et la mère était dans l'incapacité de se positionner. Les parents s'adressaient mutuellement des reproches sans parvenir à se centrer sur l'intérêt de leur fille mineure. La sœur aînée semblait également prise dans ce conflit et prendre parti pour son père, ce qui compliquait la dynamique familiale au domicile de la mère. La sœur aînée avait exprimé son souhait de se dégager de ce rôle parental.

Par courrier adressé le 10 janvier 2024 au Tribunal de protection, le Dr L______, psychiatre traitant de A______, a recommandé d'ordonner une expertise familiale, à tout le moins pour C______ et ses parents.

k. Les éléments suivants ressortent par ailleurs des pièces produites par l'épouse devant la Cour :

k.a Dans un document daté du 1er juin 2024, J______, le fils aîné des parties, a indiqué avoir pris connaissance du jugement attribuant la garde de sa petite sœur à son père, être convaincu que celle-ci souhaitera avec le temps avoir des liens avec sa mère et être persuadé qu'une garde alternée serait plus convenable pour elle.

k.b Le 3 mai 2024, A______ a acheté des billets d'avion pour elle-même et C______ en vue de se rendre en Turquie du 10 au 17 juillet 2024 avec des amis. Elle a, en date du 3 juillet 2024, adressé un courriel à l'intervenante en protection du Service de protection des mineurs pour se plaindre de ce que son époux était parti au Liban avec leur fille mineure du 3 au 23 juillet alors qu'il était au courant du voyage qu'elle avait prévu avec C______ du 10 au 17 juillet 2024.

l. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a refusé d'ordonner une expertise psychiatrique du groupe familial, compte tenu du temps nécessaire pour la réalisation d'une telle expertise et du fait qu'il disposait des éléments suffisants pour déterminer les capacités éducatives des parties sur la base du rapport d'évaluation sociale du SEASP du 3 juillet 2023, du courrier adressé par les curateurs de la mineure au Tribunal de protection le 5 décembre 2023 et de la détermination du curateur de représentation de celle-ci. Il a également renoncé à procéder à l'audition de la collaboratrice du SEASP ayant rédigé le rapport du 3 juillet 2023, qu'il n'estimait pas nécessaire dans la mesure où le rapport se suffisait à lui-même.

Sur le fond, le Tribunal a retenu que les capacités parentales des deux parents étaient réduites en ce qu'ils ne parvenaient pas à se centrer sur l'intérêt de leur fille mineure, mais qu'il était dans l'intérêt de cette dernière d'en confier la garde exclusive à son père, compte tenu du manque d'autorité de la mère sur l'enfant, son manque de collaboration avec les professionnels l'encadrant et le souhait de la mineure de cette dernière de vivre avec son père. Les relations tendues entre la mineure et sa mère, ainsi qu'entre les parents, ne permettaient pas d'envisager une garde alternée. Le logement familial devait ainsi être attribué au père puisque ce dernier se voyait attribuer la garde de l'enfant mineure. Enfin, un droit de visite devait être réservé à la mère à raison d'un jour tous les deux week-ends tant qu'elle ne disposait pas d'un logement pour accueillir sa fille, et d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires lorsqu'elle pourra accueillir sa fille durant la nuit.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté en l'espèce dans le délai utile de dix jours, (art. 142 al. 1 et 3, 271 let. a et 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale, dans une cause de nature non patrimoniale dans son ensemble, puisque portant notamment sur l'attribution de la garde d'un enfant mineur et la réglementation des relations personnelles (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2015 du 14 mars 2016 consid. 1 et 5A_331/2015 du 20 janvier 2016 consid. 1), l'appel dirigé contre les chiffres 6, 12, 1er par., et 13 du dispositif du jugement du 27 mars 2024 est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

La procédure sommaire étant applicable, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 II 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF
139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3).

2. La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les droits parentaux de l'enfant mineure (art. 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2) et l'attribution du logement conjugal dès lors que l'enfant est concernée par cette question (arrêt du Tribunal fédéral 5A_930/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.3.3. et 3.3.4).

3. Les éléments nouvellement fournis devant la Cour sont recevables, étant rappelé que dans les causes de droit de la famille concernant des enfants mineurs, tous les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis en appel, même si les conditions prévues par l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réalisées (ATF 144 III 349 consid. 4.2).

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir confié la garde de sa fille mineure à son époux.

4.1.1 En vertu de l'art. 176 al. 3 CC, relatif à l'organisation de la vie séparée, lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation.

Conformément à l'art. 298 al. 1 et 2 CC, le juge confie à l'un des parents l'autorité parentale exclusive si le bien de l'enfant le commande; le juge peut aussi se limiter à statuer sur la garde de l'enfant, ainsi que sur les relations personnelles ou la participation de chaque parent à sa prise en charge, en tenant compte du droit de l'enfant d'entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents. Même si l'autorité parentale demeure conjointe, il peut donc attribuer la garde des enfants à un seul des parents (arrêts du Tribunal fédéral 5A_382/2019 et 5A_502/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.1).

La règle fondamentale pour attribuer la garde est le bien de l'enfant, les intérêts des parents devant être relégués au second plan. Au nombre des critères essentiels, entrent en ligne de compte les relations personnelles entre parents et enfant, les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l'enfant personnellement, à s'en occuper, ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent, l'âge de l'enfant et son appartenance à une fratrie ou à un cercle social ainsi que le souhait exprimé par ce dernier s'agissant de sa propre prise en charge; il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3 et 3.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_382/2019 et 5A_502/2019 précités, ibidem).

4.1.2 L'art. 273 al. 1 CC prévoit que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances.

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu comme un droit-devoir réciproque, qui sert en premier lieu les intérêts de l'enfant (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3). A cet égard, il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de recherche d'identité de l'enfant (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2017 du 24 octobre 2017consid. 5.1).

L'importance et le mode d'exercice des relations personnelles doivent être appropriés à la situation, autrement dit tenir équitablement compte des circonstances particulières du cas. Le bien de l'enfant est le facteur d'appréciation le plus important (ATF 141 III 328 consid. 5.4) et les éventuels intérêts des parents sont à cet égard d'importance secondaire (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 131 III 209 consid. 5).

4.1.3 Pour trancher le sort des enfants, le juge peut avoir recours aux services de protection de l'enfant ou de la jeunesse pour demander un rapport sur la situation familiale, une enquête sociale pouvant avoir son utilité en cas de situation conflictuelle et de doute sur la solution adéquate pour les enfants (ATF
142 III 617 précité consid. 3.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_277/2021 du 30 novembre 2021 consid. 4.1.2; 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4.1).

Le juge n'est pas lié par les conclusions du SEASP ou du SPMi. Il peut s'en écarter à des conditions moins strictes que celles applicables lorsqu'il s'agit d'une expertise judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_373/2018 du 8 avril 2019 consid. 3.2.6; 5A_794/2017 du 7 février 2018 consid. 4.1; 5A_512/2017 précité consid. 3.4.3 in fine). Le rapport de ces services (lequel constitue une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC) est soumis, à l'instar des autres preuves, au principe de la libre appréciation consacré par l'art. 157 CPC (Hafner, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n° 4 ad art. 190 CPC; Weibel/Naegeli, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n° 8 ad art. 190 CPC).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que les relations tendues entre la mineure et sa mère, ainsi qu'entre les parents, ne permettaient pas d'envisager une garde alternée. Les capacités parentales des deux parents étaient réduites en ce qu'ils ne parvenaient pas à se centrer sur l'intérêt de leur fille mineure, mais qu'il était dans l'intérêt de cette dernière d'en confier la garde exclusive à son père, compte tenu du manque d'autorité de la mère sur l'enfant, de son manque de collaboration avec les professionnels l'encadrant et du souhait de la mineure de cette dernière de vivre avec son père.

L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle reproche au premier juge d'avoir statué sur la garde de sa fille mineure sans avoir au préalable procédé à l'audition de F______, collaboratrice du SEASP ayant rédigé le rapport d'évaluation sociale du 3 juillet 2023 et de G______, intervenante en protection du Service de protection des mineurs curatrice de la mineure : l'appelante n'explique pas en quoi leur audition par le Tribunal aurait apporté des éléments complémentaires à ceux évoqués dans leurs rapports et courriers figurant au dossier, qu'elle ne critique au demeurant pas.

L'appelante fait par ailleurs grief au Tribunal d'avoir refusé d'ordonner une expertise psychiatrique du groupe familial avant de trancher la question de la garde de l'enfant mineure. Il est vrai que les intervenantes en protection du Service de protection des mineurs curatrices de la mineure ont recommandé au Tribunal de protection d'ordonner une expertise psychiatrique familiale au regard de la dynamique familiale dysfonctionnelle, et que le médecin psychiatre de l'appelante en a fait de même dans son courrier du 10 janvier 2024. Le refus d'ordonner une telle expertise, dont la réalisation prend en règle générale de nombreux mois, dans le cadre de la présente procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, de nature sommaire et provisionnelle, apparaît toutefois opportun compte tenu des éléments dont disposait le Tribunal au regard du rapport d'évaluation sociale du SEASP du 3 juillet 2023, des courriers adressés par les intervenantes en protection du Service de protection des mineurs curatrices de la mineure au Tribunal de protection les 29 septembre et 5 décembre 2023 et des déterminations du curateur de représentation de la mineure. Il ressort en effet des observations effectuées par le SEASP et les intervenantes du Service de protection des mineurs que la dynamique familiale dysfonctionnelle, à laquelle le père contribue par son attitude de dénigrement à l'égard de la mère, n'est pas bénéfique pour le développement de la mineure; l'appelante, consciente de ses difficultés relationnelles avec sa fille mineure, demande de l'aide pour y pallier, mais ne s'investit pas dans le travail éducatif proposé par les professionnels encadrant la famille. L'appelante ne parvient enfin pas à exercer de l'autorité sur sa fille mineure ni à se positionner à l'égard de son époux et de ses enfants majeurs. Ces éléments conduisent la Cour à retenir, à l'instar du Tribunal, que le maintien d'une garde alternée telle qu'elle est exercée à l'heure actuelle n'est pas conforme au bien de l'enfant et qu'il convient de prononcer rapidement des mesures lui assurant un environnement plus serein et apaisé. Compte tenu des difficultés de l'appelante à exercer son autorité sur sa fille mineure, de la présence au quotidien de l'intimé au domicile familial alors qu'il s'était engagé à le quitter, de la difficultés de l'appelante à prendre position à l'égard de son époux et de ses enfants majeurs et enfin du souhait exprimé par la mineure de vivre avec son père, il apparaît en l'état dans l'intérêt de l'enfant que sa garde soit confiée à l'intimé, de manière à éviter les tensions résultant de la cohabitation des parents au sein du même logement et à maintenir l'enfant auprès du parent actuellement mieux à même d'exercer l'autorité sur celle-ci. Enfin, des relations personnelles exercées dans le cadre d'un droit de visite réservé à l'appelante devraient, comme l'a relevé le curateur de représentation de l'enfant, permettre à l'appelante de développer une relation plus harmonieuse avec sa fille.

L'attribution de la garde exclusive de la mineure à son père et l'octroi d'un large droit de visite à l'appelante tels que retenus par le Tribunal apparaissent ainsi conformes au bien de l'enfant. Ils seront donc confirmés.

5. 5.1 Si les époux ne parviennent pas à s'entendre au sujet de la jouissance de l'habitation conjugale, l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC prévoit que le juge attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_768/2019 du 31 mars 2022 consid. 5.2 et les références).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile, ce qui conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets, étant précisé à cet égard qu'entrent notamment en considération l'intérêt des enfants, confiés au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui leur est familier. Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances (état de santé, âge avancé, lien étroit, par exemple un lien de nature affective). Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_768/2019 du 31 mars 2022 consid. 5.2 et les références citées). Le bien de l'enfant est un critère prioritaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_188/2018 du 1er mars 2018 consid. 4).

5.2 En l'espèce, le Tribunal a attribué la jouissance du domicile conjugal à l'intimé en raison du fait que la garde exclusive de l'enfant mineure lui a été confiée.

Dès lors que l'attribution de la garde de l'enfant mineure au père est confirmée et que l'appelante ne critique pas la motivation du Tribunal reposant sur le critère de l'utilité en prenant en considération l'intérêt de l'enfant à pouvoir demeurer dans son environnement familier, l'attribution de la jouissance du domicile familial à l'intimé sera également confirmée.

Il se justifie en revanche de fixer à l'appelante un nouveau délai à fin décembre 2024 pour libérer le logement conjugal de sa personne et de ses effets personnels. Le chiffre 5 du dispositif entrepris sera par conséquent réformé en ce sens.

6. Les frais de l'appel seront fixés à 1'000 fr. (art. 5, 31 et 35 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié, compte tenu de la nature familiale ainsi que de l'issue du litige (art. 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC). Les parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais mis à leur charge seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 CPC et 19 du Règlement sur l'assistance juridique - RAJ - RS/GE E 2 05.04).

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/6092/2024 rendu le 21 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1705/2023.

Au fond :

Annule le chiffre 5 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau sur ce point :

Impartit à A______ un délai au 31 décembre 2024 pour quitter le logement familial.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Dit qu'ils seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'Assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.