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Décisions | Chambre civile

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C/25147/2017

ACJC/1004/2024 du 29.07.2024 sur JTPI/12214/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25147/2017 ACJC/1004/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 29 JUILLET 2024

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 octobre 2023, représentée par Me Dalmat PIRA, avocat, DN Avocats SNC, rue de Rive 4, 1204 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me C______, avocat.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/12214/2023 du 20 octobre 2023, notifié aux parties le 23 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ SÀRL à payer à B______ la somme de EUR 56'281.- avec intérêts à 5% l'an dès le 15 janvier 2016 (ch. 1 du dispositif), ainsi qu'à transmettre à B______ une copie du code source et des documents des projets D______ et E______ dans les 30 jours suivant l'entrée en force dudit jugement (ch. 2).

Le Tribunal a mis les frais judiciaires – arrêtés à 18'235 fr. – à la charge de A______ SÀRL (ch. 3 et 4), compensé partiellement ces frais avec les avances fournies par les parties (ch. 5), condamné A______ SÀRL à payer à B______ la somme de 5'740 fr. à titre de remboursement de son avance (ch. 6), condamné A______ SÀRL à payer à l'Etat de Genève un solde de 2'295 fr. (ch. 7), condamné A______ SÀRL à payer à B______ la somme de 17'620 fr. TTC à titre de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 22 novembre 2023, A______ SÀRL appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à ce que la demande formée le 8 octobre 2018 par B______ à son encontre soit déclarée irrecevable et à ce que celui-ci soit condamné à lui payer la somme de EUR 154'660.- plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2013 à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour ordonne l'interrogatoire des parties, ordonne l'audition des témoins F______, G______ et H______, ordonne l'expertise du code source de tout le projet NSA/I______, condamne B______ à lui payer la somme de EUR 154'660.- plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2013 à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat et déboute celui-ci de toute autre conclusion, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et au déboutement de A______ SÀRL de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties n'ont pas répliqué, ni dupliqué.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 16 mai 2024.


 

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______, de nationalité P______ et résident à Genève, est consultant en informatique.

Entre 1995 et 2009, il a travaillé comme directeur des services informatiques de l'Organisation internationale de normalisation (ci-après : l'ISO), dont le siège est à Genève.

L'ISO regroupe des organismes nationaux de normalisation dans le but d'élaborer des normes internationales qui établissent des spécifications pour les produits, services et systèmes afin de certifier de leur qualité, de leur sécurité et de leur efficacité.

b. A______ SÀRL est une société sise à Genève, dont le but est la fourniture de services liés au domaine informatique, la vente de matériel et de logiciels informatiques, la location de services et l'exploitation d'un centre de formation dans le domaine informatique.

J______ et K______ en sont respectivement l'associé et l'associé gérant, avec pouvoir de signature individuelle.

L______ en a été l'associé du 13 janvier 2010 au 4 novembre 2013, sans pouvoir de signature, aux côtés des précités.

c. L'ISO était une cliente de A______ SÀRL, qui lui fournissait divers services en relation avec ses systèmes informatiques. L______ a fait la connaissance de B______ lorsque celui-ci travaillait à l'ISO.

d. La National Standards Authority of I______ (ci-après : la NSA/I______) est l'organisme national de normalisation de I______, chargé de publier les normes de certification des produits.

En 2010, la NSA/I______ a souhaité se doter d'un nouveau programme de base de données afin de gérer les documents de standardisation de produits, telles les normes ISO, CEN (comité européen de normalisation), CENELEC (comité européen de normalisation en électronique et en électrotechnique) et IEC (commission électrotechnique internationale).

La NSA/I______ désirait un outil permettant de collaborer avec d'autres autorités nationales d'élaboration de standards.

e. Lors de son départ de l'ISO, B______ a proposé à A______ SÀRL de travailler sur le projet de la NSA/I______ et a apporté ce client à la société. Il a défini les besoins techniques nécessaires à la réalisation du projet.

Grâce à son expérience au sein de l'ISO et à ses nombreux contacts avec diverses entités nationales de certification, B______ a convaincu A______ SÀRL de soumettre une offre à la NSA/I______ et de saisir l'opportunité de réaliser des affaires avec ce projet.

L______ a notamment considéré que les développeurs de A______ SÀRL, correctement instruits par B______, pourraient travailler sur le projet, eu égard à son expérience en tant que directeur informatique de l'ISO.

f. B______ a rédigé une soumission pour un montant de EUR 248'250.-, que A______ SÀRL a présentée à la NSA/I______ le 31 août 2010. Le projet était scindé en quatre phases de développement, soit l'élaboration de deux applications logicielles : le D______ (phases 1a et 1b) et le E______ (phases 2a et 2b).

La NSA/I______ a accepté l'offre de A______ SÀRL dans les semaines suivantes.

g. Le 26 novembre 2010, B______ et A______ SÀRL ont conclu un contrat intitulé Long term business partnership agreement. Il y était indiqué que B______ était un consultant indépendant. En cette qualité, il développerait un programme informatique en collaboration avec A______ SÀRL, afin de le proposer à divers organismes de normalisation. Les parties mettaient en commun leurs compétences, leurs expériences et leurs ressources en vue de développer ce programme.

Ce contrat a été signé par L______ pour le compte de A______ SÀRL.

g.a Le contrat prévoyait plus particulièrement qu'il s'agissait d'un contrat cadre fixant les conditions de base des futurs projets de collaboration. Chaque projet ferait ensuite l'objet d'un addendum, soit d'un Consulting service order distinct (art. 2 let. c).

Les parties ont réglé la manière dont le produit du travail (resulting work) était partagé entre elles, notamment les codes sources, la documentation relative au logiciel, les documents d'analyse et de conception de l'application (art. 3 let. a).

Les aspects liés à la propriété intellectuelle étaient également réglés. A______ SÀRL était ainsi seule propriétaire du produit du travail qu'elle développait, tandis que B______ était propriétaire du produit du travail qu'il développait. Ce dernier s'engageait en outre à garantir un droit de licence à A______ SÀRL (art. 5).

g.b La rémunération de B______ pour le développement de projets était prévue de la manière suivante : une commission de 10% du montant total de toute transaction conclue sur la base de tout produit du travail, à l'exclusion d'éventuels frais de licence ; un partage par moitié du profit réalisé sur toute transaction conclue sur la base de tout produit du travail; une rémunération pour l'accomplissement des tâches assignées par A______ SÀRL. Les honoraires de consultant de B______ se basaient sur le plan du projet joint à l'accord (art. 7.1 et 7.2).

La facturation était établie après la finalisation de chaque ordre. La rémunération devait être versée dans les 30 jours suivant la date de l'émission de la facture de B______ ou de l'acceptation du produit par le client (art. 7.3).

g.c Une rémunération était également prévue pour la maintenance des produits. Cette rémunération était constituée d'une commission de 10% pour chaque contrat de maintenance conclu sur la base de tout produit du travail et un partage par moitié du profit réalisé sur les travaux de maintenance (art. 8).

Pour déterminer la rémunération due, les parties devaient s'informer en toute transparence de la gestion de tout contrat en relation avec le produit du travail (art. 8).

g.d L'article 9 du contrat prévoyait qu'il pouvait être résilié en tout temps par accord écrit des parties (let. a). Il pouvait également être unilatéralement résilié en informant l'autre partie par écrit avec un délai de préavis de trois mois (let. b).

Il était également possible de résilier le contrat avec effet immédiat si B______ ne fournissait pas les services requis dans les délais ou si la qualité de ceux-ci n'était pas satisfaisante (let. c).

Le contrat pouvait également se terminer automatiquement en cas de faillite, de cession de droits ou en cas de violation matérielle qui ne serait pas réparée dans les 30 jours suivant une mise en demeure (let. e).

En cas de résiliation, tous les ordres de service en cours devaient continuer à être développés jusqu'à leur réalisation (let. f).

g.e Enfin, le contrat prévoyait que les parties soumettraient tout litige à la médiation devant le centre d'Arbitrage et de Médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), en conformité avec les règles de la médiation de l'OMPI. Si le litige n'était pas résolu dans un délai de deux mois à compter du moment de sa survenance, les tribunaux de la République et Canton de Genève auraient la compétence exclusive de connaître du litige (art. 15 : "The parties agree to submit any dispute to mediation before the Arbitration and Mediation Center of the World Intellectual Property Organization, in accordance with the WIPO Mediation Rules. If the dispute is not settled within two months from the moment it arose, the Courts of the Republic and Canton of Geneva shall have exclusive jurisdiction over the dispute.").

h. Le 26 novembre 2010 également, les parties ont conclu un premier Consulting service order portant sur le développement de la première phase (1a) du projet de logiciel D______ à l'attention de la NSA/I______.

Ce contrat prévoyait que A______ SÀRL faisait appel aux services de B______ en tant que consultant pour l'analyse, la conception et la mise en œuvre de l'application nécessaire à cette fin.

h.a Le Consulting service order indiquait une liste des tâches requises de B______, une estimation du temps nécessaire à leur réalisation et le montant de ses honoraires, lequel était libellé en euros (art. 4).

Chaque tâche était présumée accomplie une fois acceptée par écrit par A______ SÀRL ou en l'absence d'avis de défaut sur un produit concret dans les trois semaines suivant la délivrance du produit (art. 2).

h.b Ce contrat a été signé par L______ pour le compte de A______ SÀRL.

i. Le 25 juillet 2011, A______ SÀRL et B______ ont signé un second Consulting service order, relatif à la phase 2a du projet E______.

Le contenu de ce contrat était similaire à celui du premier Consulting service order, en cela notamment qu'il précisait les tâches confiées à B______ et les honoraires prévus pour l'accomplissement desdites tâches.

Ce contrat était également signé par L______ pour le compte de A______ SÀRL.

j. B______ a travaillé sur les projet D______ et E______ et réalisé de nombreuses tâches, telles que des inventaires des types de documents et des structures de chaque source, des analyses et spécifications des métadonnées, des protocoles de téléchargement de chaque site, l'établissement de rapports, des analyses et spécifications de la structure de la librairie de documents pour chaque type, une validation et une adaptation du cahier des charges, l'identification des principales exigences de l'application, la finalisation du plan de développement détaillé, le développement de l'application et d'un plan d'évolution, la conception de la librairie de documents, l'établissement d'un plan de test et d'un guide d'utilisateur, les tests durant le développement, les essais d'acceptation des utilisateurs, ainsi que l'établissement d'un planning.

Ce faisant, il a notamment instruit, encadré et contrôlé le travail des employés de A______ SÀRL. Il n'a toutefois pas été en mesure d'encadrer seul le travail des différentes personnes ayant œuvré sur le projet. D'autres ressources ont été ajoutées au projet, dans le management et dans le développement de celui-ci.

k. Bien qu'étant considéré comme externe à la société, B______ a régulièrement travaillé dans les locaux de A______ SÀRL durant la période où il supervisait le projet de la NSA/I______. Il y disposait de sa propre place de travail.

Les parties ont échangé de nombreux courriels pendant les différentes étapes du développement du projet, que ce soit entre elles ou avec la NSA/I______. L'adresse électronique utilisée par B______ n'était pas une adresse de A______ SÀRL, mais son adresse privée B______@______.ch.

l. Lors de la conclusion du contrat cadre du 26 novembre 2010 et des deux premiers Consulting service orders, B______ bénéficiait d'indemnités de chômage. Arrivant en fin de droit à l'automne 2011, il a proposé à A______ SÀRL de l'engager formellement comme employé, afin de s'assurer une rémunération et de bénéficier d'allocations d'initiation au travail allouées par la Caisse de chômage.

Pour le compte de A______ SÀRL, L______ a accepté cette proposition afin d'éviter de perdre la participation de B______ au projet de la NSA/I______. Personne au sein de la société ne possédait alors de connaissances suffisantes pour mener à bien ledit projet sans sa collaboration.

m. Le 1er décembre 2011, A______ SÀRL et B______ ont ainsi conclu un contrat de travail, aux termes duquel celui-ci a été engagé en qualité de product manager. Son activité consistait à développer les produits existants et de nouveaux concepts de produits. Il était placé sous la supervision de L______, qui a signé le contrat pour le compte de A______ SÀRL.

Ce contrat prévoyait le paiement d'un salaire mensuel brut et d'une commission de 10% du chiffre d'affaires après déduction des dépenses directes externes liées aux affaires conclues et amenées par B______, une commission sur les affaires liées aux produits gérés par B______ mais qu'il n'avait pas initiées, ainsi qu'une commission pour les affaires qu'il avait initiées mais qui n'étaient pas liées aux produits qu'il gérait.

n. Avant comme après l'engagement de B______ en tant qu'employé, A______ SÀRL a comptabilisé les coûts du projet, soit les heures de travail des développeurs et celles de B______.

Elle a par ailleurs enregistré les commandes suivantes:

n.a Le 8 novembre 2010, la NSA/I______ a passé commande auprès de A______ SÀRL pour la phase 1a du projet, pour un montant de EUR 58'950.-.

n.b Le 29 mars 2011, la NSA/I______ a commandé la phase 2a du projet, pour un montant de EUR 50'160.-.

n.c Le 27 octobre 2011, la NSA/I______ a commandé auprès de A______ SÀRL les secondes phases des deux projets (1b et 2b), pour un montant de EUR 75'450.-

n.d L'une des tâches du projet, soit la réalisation de tests, a été confiée à la société tierce M______ LTD, qui a facturé un montant de EUR 20'000.- à la NSA/I______ le 13 décembre 2011.

A______ SÀRL a ensuite facturé EUR 19'000.- à M______ LTD pour avoir mis à sa disposition B______, qui l'avait assistée dans l'exécution du travail confié par la NSA/I______, celui-ci étant alors employé de A______ SÀRL.

n.e Le 25 janvier 2012, l'organisme P______ de normalisation a commandé à A______ SÀRL un module 1______ du projet élaboré pour la NSA/I______, pour un montant de EUR 12'756.-.

n.f Le 10 avril 2012, la NSA/I______ a passé une nouvelle commande pour corriger certains défauts dans le processus de chargement des documents, pour un montant de EUR 15'500.-.

o. Dès le printemps 2012, A______ SÀRL a rencontré des difficultés financières croissantes, qui risquaient selon elle de mettre en péril l'aboutissement des projets pour la NSA/I______.

Le 11 mai 2012, des collaborateurs de la NSA/I______ ont fait part aux employés de A______ SÀRL de leur inquiétude quant au fait que le budget était dépassé et que le projet avait pris du retard.

p. A______ SÀRL a alors cessé de recourir aux services de B______, considérant que celui-ci était responsable de ses difficultés.

Le 27 juillet 2012, A______ SÀRL a formellement licencié B______ pour le 31 août suivant, au motif que sa situation financière la contraignait à supprimer son poste.

q. Après le licenciement de B______, A______ SÀRL a informé la NSA/I______ que le projet ne pourrait pas être fini dans les temps. Elle a émis des propositions pour mettre fin au contrat.

Par courrier du 7 septembre 2012, la NSA/I______ a mis en demeure A______ SÀRL de finaliser le projet. Elle considérait inacceptable que A______ SÀRL ait cessé de travailler sur les logiciels, au regard du retard important pris dans leur élaboration.

Divers échanges ont ensuite eu lieu en vue de finaliser le projet et de s'accorder sur les prestations qui restaient à exécuter. A______ SÀRL et la NSA/I______ sont notamment parvenues à déterminer ce qui devait être complété.

r. Le 12 décembre 2012, A______ SÀRL et la NSA/I______ ont conclu un amendement à leur contrat du 8 novembre 2010. Il y était mentionné que les phases 1b et 2b n'avaient pas été livrées conformément à ce dernier contrat.

A______ SÀRL s'est engagée à livrer, installer et fournir les codes sources pour les phases 1a et 2a dans les sept jours suivants et à effectuer des tests. Il était prévu un échéancier de ce que devait livrer A______ SÀRL à la NSA/I______ concernant les phases 1b et 2b. Les produits à livrer devraient être similaires à ce qui avait été convenu dans le contrat originel. Toute modification devait être discutée entre A______ SÀRL et la NSA/I______ et formalisée par écrit.

s. A______ SÀRL a livré les projets D______ et E______ à la NSA/I______ dans le courant de l'année 2013. Elle a fourni à celle-ci un support informatique régulier jusqu'en 2015 au moins.

Entre le 8 novembre 2010 et le 26 septembre 2013, A______ SÀRL a adressé à la NSA/I______ des factures pour un montant total de EUR 248'250.-, conformément au budget devisé dans la soumission. La NSA/I______ s'est acquittée desdites factures.

t. Après l'achèvement du projet, A______ SÀRL a publié sur son site internet une annonce dans laquelle elle se prévalait de l'accomplissement de celui-ci, en indiquant ses spécificités.

La comparaison de cette annonce et des Consulting service orders révèle de nombreuses similitudes, telles que le fait que le produit soit un dépôt de standards internationaux, que l'application possède une capacité de stockage et d'indexation de projets de standards, ou que ces standards proviennent de diverses institutions (CEN, CENELEC, IEC et ISO).

u. Le 25 novembre 2015, B______ a envoyé une facture à A______ SÀRL pour les commissions et honoraires qu'il estimait lui être dus en vertu de leur contrat du 26 novembre 2010, pour un montant total de EUR 56'381.60. Il a corrigé ce montant à EUR 56'281.60 le 25 février 2016.

Ce dernier montant se décomposait comme suit :

-          EUR 5'895.- à titre de commission résultant du produit du travail effectué selon le Consulting service order du 26 novembre 2010;

-          EUR 24'100.- d'honoraires pour le travail effectué selon le Consulting service order du 26 novembre 2010;

-          EUR 5'016.- à titre de commission résultant du produit du travail effectué selon le Consulting service order du 25 juillet 2011;

-          EUR 9'000.- d'honoraires pour le travail effectué selon le Consulting service order du 25 juillet 2011;

-          EUR 7'545.- à titre de commission sur la commande passée par la NSA/I______ le 27 octobre 2011;

-          EUR 1'900.- à titre de commission sur la commande passée par la NSA/I______ à M______ LTD le 6 décembre 2011;

-          EUR 1'275.60 à titre de commission pour la commande [module] 1______ passée par l'organisme P______ de normalisation le 25 janvier 2012;

-          EUR 1'550.- à titre de commission pour la commande de la NSA/I______ du 10 avril 2012.

v. Dans un courriel du 12 janvier 2016, A______ SÀRL a prétendu tout ignorer du contrat dont se prévalait B______, ajoutant que L______ n'avait pas autorité pour signer un tel contrat au nom de la société. Le seul contrat signé était le contrat de travail auquel il avait été mis fin.

Par retour de courriel, B______ a répondu qu'il avait négocié l'affaire entre A______ SÀRL et la NSA/I______ et qu'il regrettait que A______ SÀRL ait voulu s'étendre à des marchés étrangers, alors qu'elle n'était pas en mesure d'engager les ressources nécessaires pour livrer le projet à la NSA/I______ dans les temps. Il avait proposé de finaliser le projet seul et à ses propres risques, ce que A______ SÀRL avait refusé.

D.           a. Par assignation déposée en vue de conciliation le 25 octobre 2017, déclarée non conciliée le 6 juin 2018 et introduite devant le Tribunal le 9 octobre 2018, B______ a formé contre A______ SÀRL une demande tendant au paiement de :

-          EUR 5'895.- "soit CHF 6'721.14 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 24'100.- "soit CHF 27'478.50 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 5'016.- "soit CHF 5'719.18 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 9'000.- "soit CHF 10'261.27 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 7'545.- "soit CHF 8'602.37 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 1'900.- "soit CHF 2'166.29 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 1'275.60 "soit CHF 1'453.69 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016;

-          EUR 1'550.- "soit CHF 1'767.20 au 8 octobre 2018" plus intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2016.

Il a également conclu à la condamnation de A______ SÀRL à lui transmettre une copie du code source et des documents des projets D______ et E______.

La demande indiquait en page de garde une valeur litigieuse de 64'169 fr. 64, correspondant à la somme des montants en francs suisses indiqués ci-dessus.

b. Dans sa réponse, A______ SÀRL a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande de B______ et subsidiairement à son rejet.

Reconventionnellement, elle a conclu à la condamnation de celui-ci à lui payer une somme de EUR 154'660.- avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2013 à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat.

A l'appui de sa demande reconventionnelle, elle a produit notamment un tableau établi par ses soins, intitulé "résumé financier du projet" et mentionnant les heures budgétées pour chaque phase, les heures réellement effectuées et la différence non facturée. Sur la base de ce tableau, elle a allégué avoir subi un déficit de EUR 154'660.-, par rapport au coût de EUR 248'250.- devisé dans la soumission.

A l'appui de plusieurs allégués, elle a offert à titre de preuves l'audition de N______, de O______, de F______, de G______ et/ou de L______, ainsi que l'interrogatoire de B______.

c. B______ a conclu au déboutement de A______ SÀRL des fins de sa demande reconventionnelle.

d. Devant le Tribunal, A______ SÀRL a sollicité des mesures probatoires supplémentaires, soit la mise en œuvre d'une expertise du code source de tout le projet et l'audition de deux témoins en remplacement de ceux cités dans sa réponse.

Plus précisément, elle a sollicité le remplacement de l'audition de N______ par celle de H______, déclarant renoncer en conséquence à l'audition du premier. Elle a par ailleurs exposé que le prénom "O______", dont l’audition était offerte à titre de preuve, était inexact et a sollicité qu'il soit remplacé par [le prénom] "J______". Elle a également déclaré renoncer à l'audition de la première.

A______ SÀRL a par ailleurs requis la limitation du litige à la question de savoir si l'autorisation de procéder était valable, étant donné que le litige n'avait pas été soumis préalablement à la médiation, et à la question de la compétence du Tribunal à raison de la matière, celui-ci étant incompétent si les parties étaient liées par un contrat de travail.

B______ s'est opposé à cette limitation.

e. Par ordonnance de preuve et décision sur limitation du litige ORTPI/1188/2019 du 3 décembre 2019, le Tribunal a notamment déclaré irrecevables les offres de preuve de A______ SÀRL tendant à l'audition de H______ et de J______, ainsi qu'à la mise en œuvre d'une expertise. Il a admis, au titre des moyens de preuve pour chacune des parties, l'interrogatoire ou la déposition de A______ SÀRL, soit pour elle L______, et refusé les autres mesures probatoires sollicitées par les parties.

Le Tribunal a notamment considéré que l'audition des témoins F______ et G______ ne concernaient que les allégués 153 à 155 de la demande reconventionnelle, selon lesquels F______ et un tiers avaient intégralement repensé l'architecture du projet sur la base de l'avenant conclu le 12 décembre 2012 entre la NSA/I______ et A______ SÀRL (all. 153), puis le développement du projet avait repris début 2013 sous la direction de F______ et de G______ (all. 154) et ce n'était qu'en 2013 que le projet avait pu être livré dans une version fonctionnelle (all. 155). Or, ces allégués étaient insuffisamment précis et n'apparaissaient pas concluants, même dans le cadre de la demande reconventionnelle, faute de pouvoir se rattacher au chiffrage du dommage ou à la violation par B______ de ses obligations contractuelles.

f. Par arrêt ACJC/211/2020 du 3 juillet 2020, statuant sur recours de A______ SÀRL, la Cour de justice a partiellement annulé cette ordonnance en tant qu'elle ordonnait la comparution de A______ SÀRL par L______ et déclarait irrecevable la requête tendant à l'audition de J______. Elle a renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision sur ces points.

La Cour a notamment considéré que L______, qui n'avait pas la qualité d'organe de la société, ne pouvait pas être interrogé comme représentant de A______ SÀRL, mais uniquement comme témoin, et que la requête tendant à auditionner J______ en tant que représentant de A______ SÀRL n'avait pas été formulée tardivement.

g. Entendu par le Tribunal, B______ a expliqué avoir été contacté par la NSA/I______ pour obtenir des conseils sur les spécifications du programme et sur les entreprises susceptibles de le développer. Il avait été sollicité pour examiner les candidatures après l'appel d'offre et avait estimé que celle de A______ SÀRL était la meilleure. Selon lui, la NSA/I______ n'avait jamais exprimé de doléances quant aux fonctionnalités du programme informatique. Les doléances portaient sur les données traitées par l'application qui n'avaient pas été importées de manière cohérente, soit la qualité des données. La responsabilité d'importer ces données incombait à A______ SÀRL et faisait partie des accords avec A______ SÀRL. Il n'y avait pas de lien entre les problèmes financiers de celle-ci et les problèmes de développement du projet. A______ SÀRL avait une politique d'expansion à l'étranger que son chiffre d'affaires ne permettait pas.

Entendu pour le compte de A______ SÀRL, J______ a confirmé les explications de B______ relatives à l'attribution du contrat de la NSA/I______, tout en précisant que celui-ci avait attiré l'attention de leur directeur de l'époque, L______, sur cet appel d'offre. J______ a expliqué qu'il ne s'était pas occupé de la gestion du projet à l'époque, de sorte qu'il n'était pas en mesure de répondre à certaines questions. Il n'était notamment pas au fait des questions techniques liées au projet. Selon lui, B______ devait recevoir un salaire et non des commissions. Lorsque B______ était arrivé en fin de droit au chômage, il avait été décidé de poursuivre le financement de son activité avec les allocations d'initiation au travail. Après la résiliation de son contrat, A______ SÀRL avait envoyé deux collaborateurs en I______ pendant une semaine afin de travailler sur la refonte du projet. Ce voyage faisait suite à un entretien avec la NSA/I______ dans les bureaux de A______ SÀRL lors duquel la NSA/I______ avait précisé que sans corrections de la solution livrée, elle demanderait la restitution des acomptes. Il y avait eu d'importants dépassements de budget et du retard dans la livraison des applications.

h. Au cours de l'interrogatoire des parties, le Tribunal a indiqué à B______ qu'il ne lui était pas loisible de confirmer les allégués de son conseil, qui lui étaient relus, tout en déclinant lesdits allégués en sous-question chaque fois qu'ils contenaient une notion indéterminée, ce qui revenait à élargir indûment le cadre des débats en violation de la maxime éventuelle.

Le Tribunal a également invité J______ à répondre aux questions sans s'aider du mémoire de réponse de A______ SÀRL. S'il n'était pas en mesure de répondre, il devait l'indiquer clairement, ce qui a été protocolé à plusieurs reprises.

i. A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai aux parties pour lui soumettre les propositions de contre-questions qu'elles estimeraient encore nécessaire de poser à leur partie adverse ou auxquelles elles souhaiteraient répondre.

Dans le délai imparti, B______ a soumis au Tribunal deux contre-questions auxquelles il se proposait de répondre, tandis que A______ SÀRL a soumis onze contre-questions à l'intention de B______ et cinq à l'intention de son représentant.

j. Par ordonnance d'instruction du 29 juin 2022, le Tribunal a refusé l'intégralité des contre-questions proposées, dit que l'interrogatoire des parties était terminé et ordonné la convocation du témoin L______.

A l'appui de cette décision, il a considéré que les contre-questions proposées relevaient soit d'une reformulation de questions déjà posées, soit de questions sortant du cadre de l'instruction, tel que défini par une précédente ordonnance. Après l'ouverture des débats principaux, les parties ne pouvaient cependant pas, sous couvert de contre-questions, s'affranchir des règles sur la maxime éventuelle et l'interdiction des nova pour élargir le champ des faits sur lesquels elles pouvaient être interrogées. Elles n'étaient pas davantage fondées à poser une même question à plusieurs reprises, ni à doubler l'interrogatoire du Tribunal.

k. Le Tribunal a entendu L______ en qualité de témoin. Celui-ci a confirmé avoir été directeur général de A______ SÀRL jusqu'en 2012, avant de créer une succursale de A______ SÀRL au Royaume-Uni, qu'il avait quittée en 2014.

S'agissant de la rémunération de B______, il y avait deux volets. D'une part, celui-ci s'était vu attribuer un certain nombre d'heures dans l'allocation du coût du projet et, d'autre part, il était prévu un intéressement au bénéfice du projet. La différence entre ce qui était encaissé du client et les coûts internes constituaient le bénéfice dont B______ devait percevoir un certain pourcentage, que le témoin ne pouvait plus préciser. En l'occurrence, le projet avait perdu de l'argent et aucun bénéfice n'avait été distribué. Il n'avait pas été possible de livrer les modules 1a et 1b à temps. Ceux-ci nécessitaient encore beaucoup de développements. B______ avait très largement sous-estimé la complexité du projet. A______ SÀRL avait ensuite alloué davantage de ressources à B______ sur le projet. Il s'agissait de collaborateurs et de temps supplémentaires, réservés pour le développement du projet. Ceci avait naturellement entraîné des coûts supplémentaires pour A______ SÀRL. Il s'agissait de coûts internes, celle-ci n'ayant pas fait appel à des ressources externes. L______ ne pouvait dire quel impact ces ressources supplémentaires avaient eu sur le développement du projet, ni combien cela avait coûté, car il était parti au Royaume-Uni à la même époque. Il savait seulement que le projet avait été livré avec retard et qu'il n'avait pas permis de réaliser un bénéfice.

l. Les parties ont persisté dans leurs conclusions à l'audience de plaidoiries finales du 29 juin 2023, à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le fait pour B______ d'indiquer dans ses conclusions la contrevaleur en francs suisses de ses prétentions en euros n'affectait pas la recevabilité desdites conclusions, dès lors que la demande se référait exclusivement à des sommes en euros et qu'il n'en résultait aucune ambiguïté quant aux montants réclamés. La mention de francs suisses représentait seulement une information supplémentaire de la valeur litigieuse, aux fins de déterminer la procédure applicable et le montant de l'avance de frais.

Le fait que B______ n'ait pas préalablement mis en œuvre la médiation prévue par l'accord du 26 novembre 2010 n'entraînait pas davantage l'irrecevabilité de la demande, dès lors que A______ SÀRL avait contesté être liée par ledit accord et s'était prévalue de la conclusion d'un seul contrat de travail. B______ pouvait dans ces conditions légitimement penser qu'une médiation serait vaine et le fait d'invoquer aujourd'hui un tel motif relevait pour A______ SÀRL de l'abus de droit.

La compétence ratione materiae du Tribunal devait par ailleurs être admise, dès lors que la qualification des relations des parties n'était pas immédiatement évidente et que les faits permettant de retenir l'existence éventuelle d'un contrat de travail, plutôt que celle d'un contrat de mandat ou d'entreprise, étaient doublement pertinents. En l'occurrence, A______ SÀRL était valablement liée par l'accord du 26 novembre 2010 et les relations des parties devaient être globalement soumises aux règles du mandat. Le contrat de travail conclu le 1er décembre 2011 était quant à lui un acte simulé, puisque les parties n'avaient pas l'intention de modifier par ce biais les termes de leur collaboration, mais seulement de permettre à l'une d'elles de continuer à bénéficier de prestations sociales, ce qu'il valait mieux s'abstenir de qualifier.

B______ pouvait ainsi prétendre à la rémunération prévue par l'accord du 26 novembre 2010. Si le développement des projets avait certes pris du retard, il n'était pas établi que ce retard lui fût imputable, ni que ses prestations n'aient pas été exécutées avec la diligence requise. A______ SÀRL échouait notamment à démontrer que les logiciels finalement livrés à la NSA/I______ avaient dû être substantiellement modifiés après le départ de l'intéressé et celle-ci ne s'était pas plainte de la qualité des produits livrés. Les différents montants réclamés par B______ correspondaient par ailleurs au travail effectué et aux commandes effectivement passées; le prénommé était également en droit d'obtenir une copie du code source et de la documentation relative aux projets D______ et E______ selon les termes du contrat.

S'agissant des prétentions reconventionnelles de A______ SÀRL, la seule pièce supposée établir le dommage subi était un tableau interne des heures consacrées par ses employés au développement du projet, soit un document rédigé par la société elle-même. Le contenu de ce tableau n'était cependant corroboré par aucun autre élément et celui-ci ne suffisait pas à établir la réalité des dépassements allégués, ni leur imputabilité à B______. A______ SÀRL devait donc être déboutée de ses prétentions reconventionnelles.

 

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à EUR 154'660.- (cf art. 94 al. 1 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir déclaré irrecevable la demande de l'intimé pour violation du préalable de médiation. Ce moyen étant susceptible de sceller l'issue du litige, il convient de l'examiner en priorité.

2.1 L'art. 213 al. 1 CPC prévoit que si toutes les parties en font la demande, la procédure de conciliation est remplacée par une médiation.

Le remplacement de la procédure de conciliation par une médiation suppose une requête en ce sens, et donc un accord entre les parties. Le fait de joindre à la requête le contrat sur lequel le demandeur fonde ses prétentions et qui contient une clause de médiation ne suffit pas à remplacer la conciliation par une médiation. Il faut en effet une véritable requête des parties et une partie peut à tout moment déclarer ne plus vouloir être liée par une telle clause. Le défendeur qui aurait refusé la médiation se comporterait de manière contraire au principe de la bonne foi s’il invoquait ensuite l’absence de médiation préalable devant le tribunal (Bohnet in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 8 ad art. 213 CPC).

La question de savoir si une clause contractuelle de médiation (dite clause de médiation) est contraignante est controversée dans la doctrine. Compte tenu du principe du caractère volontaire de la médiation, l'exécution de la médiation en présence d'un accord de médiation ne constitue pas, selon la doctrine majoritaire, une condition de recevabilité de l'instance. Une partie peut déclarer à tout moment qu'elle ne souhaite plus être liée par la clause de médiation. Dans ce cas, l'autorité de conciliation doit la convoquer à une tentative de conciliation (Liatowitsch/Mordasini-Rohner in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger (éd.), 3ème  éd. 2016, n. 42b ad art. 213 CPC).

2.2 En l'espèce, le contrat cadre conclu par les parties le 26 novembre 2010 prévoyait une clause de médiation en faveur du centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI.

Devant le juge conciliateur, aucune des parties ne s'est cependant prévalue de cette clause. Il faut donc admettre que les parties ont, d'un commun accord et par actes concluants, renoncé à la médiation initialement prévue, au profit d'une procédure de conciliation ordinaire, telle que prévue par le CPC. Un tel procédé est admissible au regard des principes rappelés ci-dessus, qui prévoient qu'une partie peut en tout temps déclarer qu'elle ne souhaite plus être liée par une clause de médiation. Contrairement à ce que semble soutenir l'appelante, ce procédé n'a pas eu pour effet de la priver de toute tentative préalable de conciliation, puisqu'une telle tentative a précisément eu lieu. En cela, le cas d'espèce diffère notamment de celui examiné dans l'ATF 142 III 296, auquel elle se réfère. Dans cette affaire, une partie ayant déposé une requête d'arbitrage n'avait pas respecté le préalable obligatoire de conciliation prévu par le règlement arbitral applicable, avant de saisir les arbitres. Aucun essai préalable de conciliation n'avait alors eu lieu, ce qui n'était pas admissible. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevable la demande pour ce motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si un abus de droit peut, en sus, être reproché à l'appelante, comme l'a retenu le Tribunal.

A cela s'ajoute en l'espèce que la clause de médiation litigieuse prévoyait, comme le relève l'intimé, que les tribunaux genevois pourraient en tous les cas être saisis si le litige n'était pas résolu dans les deux mois à compter du moment où il avait surgi, et non à compter du moment où la tentative de médiation était engagée. En l'occurrence, il faut admettre avec l'intimé que le litige est né au plus tard au mois de janvier 2016, lorsque les parties se sont opposées sur le règlement de sa facture du 25 novembre 2015. Au mois d'octobre 2017, soit largement plus de deux mois après la survenance du litige, l'intimé était donc libre de saisir les tribunaux genevois comme il l'a fait, et ce que la médiation prévue par le contrat ait été préalablement intentée ou non. Pour ce motif également, le grief tiré de l'absence du préalable de médiation sera rejeté.

3.             L'appelante reproche ensuite au Tribunal de ne pas avoir déclaré irrecevables les conclusions en paiement de l'intimé, au vu de leur formulation en euros et en francs suisses.

3.1 A teneur de l'art. 84 CO, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. Selon l'art. 58 al. 1 CPC, le juge du procès civil est lié par les conclusions articulées devant lui, en ce sens qu'il ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé.

3.1.1 Le dispositif d'une décision par laquelle le juge reconnaît une prétention en argent ne peut être libellé que dans la monnaie effectivement due au créancier. Si le juge est saisi de conclusions libellées en francs, il n'est pas autorisé à allouer une prétention dans la monnaie étrangère qui est effectivement due selon le droit des obligations (ATF 134 III 151 consid. 2.4 et 2.5; arrêts du Tribunal fédéral 4A_265/2017 du 13 février 2018 consid. 5; 4A_391/2015 du 1er octobre 2015 consid. 3). Ainsi, la partie qui fait valoir en Suisse une prétention qui doit être exprimée en monnaie étrangère a l'obligation de prendre des conclusions en paiement dans cette monnaie. Si elle requiert à tort une condamnation en francs suisses, sa demande doit être rejetée, ne serait-ce que parce que le débiteur ne peut pas être condamné à une autre prestation que celle qu'il doit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_206/2010 du 15 décembre 2010 consid. 4.1 non publié aux ATF 137 III 158, SJ 2011 I 155).

Dans l'arrêt 4A_265/2017 cité ci-dessus, le Tribunal fédéral a considéré que des conclusions tendant à la condamnation de la partie défenderesse à "payer 158'500 euros, soit 195'333 fr. 80" étaient "peu claires" au sens de l'art. 56 CPC. Le premier juge était en conséquence fondé à demander à la partie demanderesse, en application de cette disposition, de préciser si elle réclamait des euros ou des francs suisses. Cela fait, ladite partie ne pouvait plus revenir sur son choix, sauf à modifier ses conclusions aux conditions prévues à l'art. 230 CPC, lesquelles n'étaient pas réunies in casu. L'action ne pouvait donc aboutir que dans la mesure où la partie défenderesse était débitrice d'une somme dans la monnaie indiquée, ce qui n'était pas le cas.

3.1.2 Selon la jurisprudence, les conclusions doivent être précises et être libellées de manière à pouvoir être reprises telles quelles dans le dispositif, afin de pouvoir être exécutées sans qu'une clarification soit nécessaire. Ceci permet de prendre des conclusions principales et subsidiaires, mais en principe pas alternatives. Des conclusions pécuniaires doivent être chiffrées. Cette exigence découle aussi du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC), qui interdit au juge d'allouer plus que ce qui est réclamé (ATF 137 III 617 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_60/2022 du 21 mars 2023 consid. 7.3.1 et les références doctrinales citées).

Les conclusions s'interprètent selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation qui les sous-tend. Vu l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst), il suffit que l'on comprenne, à la lecture du mémoire, ce que le justiciable requiert, respectivement quel montant il réclame (ATF 137 III 617 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_60/2022 du 21 mars 2023 consid. 7.3.1; 5A_65/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.3.1).

3.2 En l'espèce, les conclusions pécuniaires prises par l'intimé dans sa demande tendaient au paiement de diverses sommes en euros, "soit [leur contrevaleur en francs suisses] au 8 octobre 2018", plus intérêts. De telles conclusions alternatives ne sont en principe pas admissibles, ainsi qu'il découle des considérants ci-dessus.

Comme l'a relevé le Tribunal, la demande elle-même ne se référait cependant qu'à des montants en euros, correspondant à ceux indiqués dans la facture de l'intimé du 25 novembre 2015. Le total des contrevaleurs indiquées en francs suisses, au jour du dépôt de la demande, correspondait quant à lui à la valeur litigieuse indiquée en page de garde de la demande. Dans ces conditions, il était clair pour le premier juge, comme celui-ci l'a effectivement compris, que l'intimé réclamait le paiement de sommes en euros et que l'indication de contrevaleurs en francs suisses ne visait qu'à renseigner le Tribunal sur la valeur litigieuse, aux fins de déterminer notamment la procédure applicable et le montant prévisible des frais.

A aucun moment, l'appelante et le premier juge n'ont pu avoir de doute sur la nature, la cause ou la quotité des montants réclamés, de sorte que le Tribunal pouvait effectivement se dispenser d'interpeller l'intimé à ce sujet. Les intentions de l'intimé étant au contraire parfaitement compréhensibles, jusqu'à la monnaie dans laquelle les sommes réclamées étaient dues, ce serait faire preuve de formalisme excessif que de déclarer les conclusions de l'intimé irrecevables. Le premier juge pouvait, voire devait, interpréter lesdites conclusions selon le principe de la confiance et n'allouer les sommes éventuellement dues qu'en euros, ce qu'il a effectivement et correctement fait.

Par conséquent, le grief sera également rejeté.

4.             Invoquant ensuite une violation de son droit d'être entendue, l'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé correctement à l'interrogatoire des parties, d'avoir écarté l'audition de certains témoins et d'avoir refusé d'ordonner une expertise du code source du projet litigieux. Elle conclut subsidiairement à ce que la Cour remédie elle-même à ces carences.

4.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable ancrée à l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. englobe notamment le droit à la preuve (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2).

4.1.1 Le droit à la preuve, qui se déduit aussi de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.1.1; 5A_926/2021 du 19 mai 2022 consid. 4.1.1), implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2; art. 152 al. 1 CPC).

En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

4.1.2 Selon l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire de l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue en première instance, ou si, par une appréciation anticipée des preuves, elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis, ou encore, en vertu du principe de la bonne foi (art. 52 CPC), si la partie a renoncé à l'administration d'un moyen de preuve régulièrement offert en première instance, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (ATF 138 III 374 consid. 4.3).

4.2 En l'espèce, le grief de l'appelante porte sur trois points distincts :

4.2.1 S'agissant de l'interrogatoire des parties, il n'est pas contesté que celles-ci ont eu l'occasion de s'exprimer sur l'intégralité des allégués au sujet desquels leur audition était proposée dans leurs écritures de première instance. Le seul fait que le représentant de l'appelante n'ait pas été en mesure de répondre à toutes les questions qui lui étaient posées, parce qu'il ne possédait pas personnellement une connaissance suffisante des faits sur lesquels portaient lesdites questions, ne permet pas de retenir une violation du droit d'être entendue de celle-ci.

S'il est vrai que le premier juge a finalement écarté, par ordonnance d'instruction du 29 juin 2022, les contre-questions complémentaires que les parties ont proposées par écrit après leur audition, l'appelante n'expose pas, ni ne démontre concrètement, en quoi la constatation du Tribunal selon laquelle lesdites contre-questions relevaient soit d'une reformulation de questions déjà posées, soit de questions sortant du cadre de l'instruction, serait erronée. En particulier, l'appelante ne précise pas dans son appel sur quels points de fait lesdites contre-questions seraient susceptibles d'apporter un "éclairage différent" de celui articulé dans les écritures des parties, selon ses propres termes, ni en quoi les réponses auxdites contre-questions auraient pu influer sur le sort du litige. Elle se contente de contester de façon purement abstraite la façon dont a procédé le Tribunal, en laissant entendre de façon infondée que celui-ci n'aurait pas donné aux parties l'occasion de s'exprimer librement par oral, ce qui n'est pas admissible et ne suffit pas à établir une violation de son droit à la preuve.

Par conséquent, le grief sera rejeté et il n'y a pas lieu pour la Cour de céans de procéder elle-même à une nouvelle audition des parties, ni de renvoyer la cause au Tribunal à cette fin.

4.2.2 Concernant l'audition de témoins, on relèvera tout d'abord que l'appelante a expressément renoncé devant le Tribunal aux dépositions de N______ et de O______, qu'elle offre encore comme moyens de preuve dans son écriture d'appel. Aucune violation de son droit à la preuve ne peut donc être retenue en relation avec le fait que les précités n'ont pas été entendus par le Tribunal.

4.2.2.1 Avec l'intimé, la Cour constate ensuite que l'appelante ne précise à aucun moment, dans son appel, les faits au sujet desquels le Tribunal aurait omis d'entendre la témoin H______. L'audition de celle-ci n'était notamment pas proposée à l'appui des allégués de fait soumis par l'appelante au Tribunal dans sa réponse et demande reconventionnelle. La seule affirmation de l'appelante, dans son grief d'appel, que l'intéressée aurait pu "livrer sa perception de l'exécution du contrat confié par la NSA/I______" ne suffit pas à établir le caractère probant de son audition, étant précisé que l'appelante n'allègue pas quelles étaient la position ou les qualifications particulières de la personne concernée au moment des faits, ni en quoi elle aurait été directement témoin de faits pertinents. Par conséquent, le Tribunal pouvait valablement renoncer à l'audition de la prénommée sans violer le droit à la preuve de l'appelante et il n'y a pas lieu pour la Cour de procéder elle-même à cette audition, ni de renvoyer la cause au Tribunal à cette fin.

4.2.2.2 S'agissant des témoins F______ et G______, on relèvera tout d'abord que l'intimé ne conteste pas que les précités aient repris le développement du projet au début de l'année 2013, ni que le projet ait été livré à la NSA/I______ sous leur direction dans le courant de cette même année, faits retenus dans la mesure utile ci-dessus. L'audition des précités n'aurait donc pour but que de vérifier l'allégué de l'appelante selon lequel ceux-ci auraient "intégralement repensé l'architecture du projet" dès la fin de l'année 2012, sur la base de l'avenant conclu avec la NSA/I______ (allégué 153 de la réponse et de l'appel). Comme le Tribunal, la Cour constate que l'appelante échoue à démontrer en quoi cet allégué, de nature imprécise, serait pertinent pour l'issue du litige. A supposer que les personnes concernées aient effectivement repensé tout ou partie de l'architecture du projet litigieux après le départ de l'intimé, cela ne permettrait pas nécessairement de conclure que la précédente structure du projet était défectueuse, comme le soutient l'appelante aujourd'hui, ni qu'un éventuel défaut à ce niveau résultait d'un manquement de l'intimé à ses obligations. Les prénommés ont notamment pu modifier la conception du projet parce qu'ils n'en avaient pas la même vision que l'intimé, ni ne disposaient des mêmes compétences que celui-ci, sans que cela signifie que l'appelant ait nécessairement manqué à ses obligations de diligence et de fidélité. Comme l'a relevé le Tribunal, l'appelante reproche avant tout à l'intimé de ne pas avoir correctement estimé le temps et le coût de développement du projet. La question de savoir si l'architecture du projet a en outre été modifiée après son départ n'apparaît pas pertinente de ces points de vue et le Tribunal n'a donc pas violé le droit à la preuve de l'appelante en renonçant à l'audition des témoins précités. Le grief sera dès lors également rejeté.

4.2.3 Concernant enfin l'expertise du code source du projet litigieux, l'appelante ne précise encore une fois nullement, dans son appel, les allégués de faits à l'appui desquels une telle mesure est invoquée et dont celle-ci permettrait de vérifier le bien-fondé.

A supposer que l'expertise requise doive démontrer que les modules développés par l'intimé ne fonctionnaient pas, comme le soutient l'appelante, celle-ci semble perdre de vue que l'intimé n'était pas chargé de l'écriture du code source du programme informatique litigieux, mais seulement de l'analyse, de la conception et de la mise en œuvre de l'application projetée, selon les termes des différents Consulting services orders conclus par les parties (cf. en fait, consid. C let. h). La rédaction du code source n'a pas non plus fait partie des tâches effectivement réalisées par l'intimé (cf. en fait, consid. C let. j), cette rédaction étant manifestement confiée aux développeurs de l'appelante (cf. en fait, consid. C let. e). Dès lors, dans l'hypothèse où l'expertise requise par l'appelante révélerait que les modules ne fonctionnaient pas parce que leur code source était défectueux, rien ne permettrait d'affirmer que cela traduirait nécessairement un manquement de l'intimé à ses obligations. Si le code source qui lui était fourni était défectueux, l'intimé ne pouvait manifestement que demander aux développeurs de l'appelante de le réécrire ou de le corriger, mais il ne pouvait en aucun cas éviter les retards ou les surcoûts en découlant.

L'appelante n'explique par ailleurs pas davantage pour quelle raison il serait nécessaire de mettre en œuvre une expertise du code source du projet, par essence coûteuse et chronophage, pour démontrer la différence d'architecture ou de conception qui existe selon elle entre le projet développé par l'intimé et celui qui a été finalement livré à la NSA/I______. En l'absence d'explications précises, on ne voit notamment pas pourquoi l'appelante ne pourrait pas démontrer l'existence d'une telle différence par la seule analyse des travaux effectivement réalisés par l'intimé, notamment des plans et des rapports établis par celui-ci, sans qu'il soit nécessaire de déchiffrer le code source du programme informatique rédigé sur la base desdits travaux.

Par conséquent, l'expertise du code source requise par l'appelante n'apparaît ni nécessaire, ni pertinente, et le premier juge n'a pas violé le droit à la preuve de l'appelante en renonçant à ordonner une telle mesure. Celle-ci ne sera pas davantage administrée aujourd'hui et l'appelante sera déboutée de l'ensemble de ses conclusions en relation avec la violation alléguée de son droit d'être entendue.

5.             Sur le fond, l'appelante ne conteste plus avoir valablement été engagée vis-à-vis de l'intimé par son ex-associé L______, ni que les relations des parties ne relevaient pas du contrat de travail, mais du contrat de mandat.

Elle reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que l'intimé avait gravement manqué à ses obligations de mandataire, ce qui devait non seulement conduire au déboutement de celui-ci de ses prétentions à la rémunération réclamée, mais justifiait également de faire droit à sa propre demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts.

5.1 A teneur de l'art. 394 al. 1 CO, le mandat est un contrat par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis (art. 394 al. 1 CO).

Une rémunération est due au mandataire si la convention ou l'usage lui en assure une (art. 394 al. 3 CO). Lorsque les services sont fournis à titre professionnel, le mandat est onéreux en vertu de l'usage (ATF 139 III 259 consid. 2.1).

Les honoraires dus à un mandataire sont fixés en première ligne d'après la convention des parties (ATF 101 II 109 consid. 2). Il est loisible aux parties de fixer les honoraires selon un forfait convenu à l'avance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_287/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2).

5.1.1 Même lorsque les honoraires ont été fixés de manière forfaitaire, le mandataire ne peut prétendre à des honoraires que s'il a exécuté correctement sa prestation, ce qu'il lui incombe de démontrer (art. 8 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_287/2015 du 22 juillet 2015 consid. 2.1; 4A_444/2019 du 21 avril 2020 consid. 3.2.2).

Cela étant, la situation se présente différemment lorsque le comportement du mandant autorise à conclure qu'il considère la prestation comme suffisante. Il serait alors contradictoire de lui permettre de soutenir ensuite que la prestation est incomplète et de forcer le mandataire à prouver qu'il s'est exécuté. Il s'ensuit qu'une acceptation sans réserve de la prestation conduit à un renversement du fardeau de la preuve : le mandant doit alors prouver que le mandataire ne s'est pas correctement exécuté. Une acceptation survient notamment lorsque le comportement du mandant laisse entendre qu'il accepte pour l'essentiel la prestation; il en va notamment ainsi lorsque le mandant reste muet pendant longtemps (ATF 128 III 271 consid.2a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2009 du 31 août 2010 consid. 3.2; Fellmann, Berner Kommentar - Der einfache Auftrag, 1992, n. 489 et suivantes ad art. 394 CO; Walter, Berner Kommentar - Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Einleitung und Personenrecht, 2012, n. 590).

5.1.2 Pour que le mandataire ait droit à une rémunération, il n'est pas nécessaire qu'il ait eu les meilleures idées qui puissent se concevoir et qu'il ait eu les meilleures réactions possibles; il suffit qu'il ait fourni de bonne foi les services promis, en suivant les instructions du mandant et en respectant les règles communément admises pour l'activité en cause (arrêts du Tribunal fédéral 4A_267/2010 du 28 juillet 2010 consid. 3; 4C.323/1999 du 22 décembre 1999 consid. 1b, in SJ 2000 I p. 485).

Le mandataire qui ne rend pas les services promis, c'est-à-dire qui demeure inactif ou n'agit pas avec le soin requis, ne peut prétendre à l'entier des honoraires convenus ou à la même rémunération qui serait équitablement due à un mandataire diligent (ATF 124 III 423 consid. 3b). En cas d'exécution défectueuse du mandat, le mandataire a droit à des honoraires pour l'activité qu'il a exercée en conformité avec le contrat; dans le cas où l'exécution défectueuse du mandat est assimilable à une totale inexécution, se révélant inutile ou inutilisable, le mandataire peut perdre son droit à la rémunération (ATF 124 III 423 consid. 4a).

5.1.3 Selon l'art. 398 al. 1 CO, qui renvoie à l'art. 321e al. 1 CO, le mandataire répond du dommage qu'il cause au mandant intentionnellement ou par négligence.

Le mandataire ne répond pas d'un résultat, mais de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). Il découle de cette disposition que l'échec de la mission assumée n'est pas suffisant pour engager la responsabilité du mandataire. Ce dernier doit seulement réparer les conséquences d'actes ou d'omissions contraires à son devoir de diligence. L'étendue de ce devoir se détermine, en principe, selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes, car la qualité des services que le mandant peut attendre du mandataire dépend des circonstances et du degré des difficultés auxquelles celui-ci est confronté (arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2017 du 13 novembre 2018 consid. 4.2).

Outre la violation de son obligation de diligence, la responsabilité du mandataire requiert un dommage, une relation de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir de diligence et le dommage survenu, ainsi qu'une faute (art. 97 al. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2017 précité). Il appartient au mandant d'apporter la preuve des faits permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC), sauf pour la faute qui est présumée (ATF 133 III 121 consid. 3.1).

5.2 En l'espèce, l'appelante ne conteste pas que les différentes sommes réclamées par l'intimé correspondent aux commissions et à la rémunération prévues en faveur de celui-ci par le contrat de base du 26 novembre 2010, calculées en fonction des transactions passées par l'appelante entre le 8 novembre 2010 et le 10 novembre 2012 (cf. en fait, consid. C let. n.a à n.f). Elle soutient toutefois qu'en raison du retard et des surcoûts rencontrés dans le développement du projet confié à l'intimé, celui-ci ne pourrait pas prétendre à la rémunération convenue.

5.2.1 En l'occurrence, le fait que le développement du projet ait connu du retard a été confirmé par le seul témoin entendu au cours de la procédure. Ledit témoin n'a cependant pas précisé que l'intimé aurait été en retard par rapport à ce qui était attendu de lui. Dans le cas d'espèce, ni le contrat de base du 26 novembre 2010, ni les différents Consulting service orders ne prévoyaient un quelconque calendrier ou d'éventuelles échéances que l'intimé aurait été tenu de respecter. De telles échéances n'avaient apparemment été convenues qu'entre l'appelante et la NSA/I______, comme en témoigne le fait que ce sont les collaborateurs de cette dernière qui se sont d'abord plaints de retard, avant que l'appelante n'en fasse le reproche à l'intimé (cf. en fait, consid. C let. o et p). Rien n'indique cependant que les accords passés entre la NSA/I______ et l'appelante fussent opposables à l'intimé. Tout au plus celui-ci devait-il déployer une activité diligente, en vue de mener à bien le projet dans des délais raisonnables. En l'occurrence, le témoin susvisé a certes également déclaré que l'intimé avait considérablement sous-estimé la difficulté du projet litigieux. Il n'est cependant pas établi, ni notoire, qu'il aurait été possible d'estimer plus précisément cette difficulté en l'espèce, notamment en termes de temps de développement, et ce compte tenu des particularités dudit projet, de sa complexité et du fait que les parties n'avaient jamais collaboré au préalable. Dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir que le retard susvisé constituerait un manquement de l'intimé à ses obligations contractuelles.

5.2.2 Le raisonnement qui précède s'applique également, mutatis mutandis, aux dépassements de budget invoqués par l'appelante. En l'occurrence, ni le contrat du 26 novembre 2010, ni les Consulting service orders ne mentionnaient un budget précis que l'intimé aurait été tenu de respecter. La soumission acceptée par la NSA/I______ proposait certes un prix (que l'appelante chiffre à EUR 248'250.-, sans le démontrer) impliquant que l'appelante ne réaliserait pas le bénéfice escompté, mais éventuellement des pertes, si les coûts de développement du projet dépassaient ledit prix. Cette soumission n'était cependant pas intégrée aux relations contractuelles entre les parties. Dès lors, si le témoin entendu au cours du procès a certes confirmé que le projet litigieux s'était avéré déficitaire pour l'appelante, il n'apparaît pas que ceci puisse être reproché à l'intimé, ni qu'une mauvaise exécution par celui-ci des tâches qui lui étaient confiées soit à l'origine des dépassements de budget enregistrés. Il convient également d'observer que les bénéfices que l'appelante escomptait tirer du projet litigieux ne se limitaient manifestement pas à ceux que pouvait lui procurer le contrat passé avec la NSA/I______, mais comprenaient également ceux liés à l'expérience acquise par son personnel dans le cadre de l'exécution dudit contrat, voire ceux que les parties pourraient tirer de la vente ou de la licence à d'autres organismes étatiques que la NSA/I______ de tout ou partie des modules développés, comme en témoigne le fait que l'appelante s'est prévalue de la réalisation du projet litigieux sur son site internet aux fins de promouvoir ses services. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de considérer que l'intimé fût tenu de faire en sorte que le coût de développement du projet ne dépasse pas le prix de la soumission acceptée par le premier client de l'appelante, soit la NSA/I______, et le fait que cet objectif n'ait pas pu être atteint ne constitue pas un manquement de l'intimé à ses obligations.

5.2.3 Il n'est au surplus pas établi que l'application dont l'intimé assurait le développement ait été défectueuse, comme le soutient l'appelante. Celle-ci ne soutient notamment pas avoir adressé à l'intimé l'un des avis de défaut prévus par le contrat du 26 novembre 2010. L'appelante ne démontre pas non plus que la NSA/I______ se serait plainte auprès d'elle d'éventuelles carences du logiciel fourni, indépendamment ou en sus de retards et/ou de surcoûts. Comme indiqué ci-dessus, le seul fait que des développeurs de l'appelante aient pu revoir la structure ou l'architecture du projet après le départ de l'intimé ne signifie pas nécessairement que les prestations fournies par celui-ci étaient défectueuses, ni que le système développé par ses soins n'aurait pas fonctionné comme prévu si l'intimé avait pu le mener à son terme. Comme l'a relevé le Tribunal, le logiciel effectivement livré par l'appelante à la NSA/I______ présentait notamment de nombreuses similitudes avec les tâches réalisées par l'intimé selon les termes des Consulting service orders conclus par les parties (cf. en fait, consid. C let. t). De même, le fait que certains modules conçus par l'intimé n'aient par hypothèse pas fonctionné immédiatement comme prévu ne signifie pas nécessairement que l'intimé aurait mal exécuté les tâches qui lui étaient confiées, dès lors que les développeurs de l'appelante étaient également impliqués dans la réalisation desdits modules, notamment dans la rédaction de leur code source.

L'appelante, qui admet aujourd'hui que les relations contractuelles des parties relevaient du mandat, semble par ailleurs perdre de vue qu'en tant que mandataire, l'intimé n'était pas tenu de lui livrer un résultat sous la forme d'un ouvrage fini et fonctionnel, comme l'aurait été un entrepreneur, mais seulement de fournir les efforts que l'on pouvait attendre de lui en vue d'atteindre un tel but. En l'occurrence, il n'est pas démontré que l'intimé n'aurait pas fourni de tels efforts, celui-ci s'étant au contraire acquitté d'un nombre de tâches important selon les faits constatés ci-dessus (en fait, consid. C let. k).

5.2.4 Il s'ensuit que les reproches adressés par l'appelante à l'intimé sont infondés et qu'aucun manquement de celui-ci à ses obligations, susceptible de justifier une réduction de sa rémunération, n'est établi à satisfaction de droit. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en tant qu'il a considéré que l'intimé pouvait prétendre à l'intégralité de cette rémunération.

5.3 L'absence de toute violation établie par l'intimé de ses devoirs contractuels a également pour conséquence que l'intimée doit être déboutée des fins de ses prétentions reconventionnelles en réparation du dommage qu'une telle violation pourrait lui avoir causé.

En l'occurrence, on relèvera également que l'étendue du dommage que l'appelante allègue avoir subi n'est elle-même nullement établie. Plus particulièrement, le déficit de EUR 154'660.- qu'elle invoque ne ressort que d'un tableau établi par ses soins, qui n'a pas plus de valeur probante que ses seules allégations. Aucun autre élément ne permet d'en vérifier la teneur et le seul témoin entendu au cours du procès n'a pas confirmé les chiffres qui y sont indiqués. Celui-ci a au contraire déclaré qu'il ne pouvait pas mesurer l'impact que les ressources supplémentaires consacrées au projet avaient eu sur le développement de celui-ci, notamment en termes de temps et d'argent.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il a débouté l'appelante des fins de sa demande reconventionnelle, en sus de faire droit aux conclusions en paiement de l'intimé.

6.             Pour le surplus, l'appelante ne critique pas la décision du premier juge lui ordonnant de transmettre à l'intimé une copie du code source et des documents relatifs au projet litigieux, conformément aux dispositions contractuelles convenues.

Le jugement entrepris sera dès lors intégralement confirmé.

7.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 105 al. 1 art. 106 al. 1 CPC). Ils seront intégralement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à verser à l'intimé la somme de 9'500 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC; art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 novembre 2023 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/12214/2023 rendu le 20 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25147/2017.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de A______ SÀRL et les compense intégralement avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SÀRL à payer à B______ la somme de 9'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.