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Décisions | Chambre civile

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C/18738/2022

ACJC/997/2024 du 16.08.2024 sur OTPI/416/2024 ( SDF )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18738/2022 ACJC/997/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 16 AOÛT 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 juin 2024, représentée par Me Vanessa FROSSARD, avocate, Stralta Avocats, rue Emile-Yung 6, 1205 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Magda KULIK, avocate, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève.

 


Attendu, EN FAIT, que par ordonnance OTPI/416/2024 du 28 juin 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a annulé les points suivants du dispositif de l'arrêt ACJC/1206/2020 de la Cour de Justice, avec effet au 1er octobre 2022, condamnant B______ à payer à A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, pour l'entretien de C______, les sommes de 1'495 fr. du 1er janvier au 31 décembre 2019 et de 1'820 fr. dès le 1er septembre 2019, sous déduction du montant de 23'400 fr. déjà versé au 28 février 2020, pour l'entretien de D______, les sommes de 1'345 fr. du 1er janvier au 31 août 2019 et de 1'670 fr. dès le 1er septembre 2019, sous déduction du montant de 20'800 fr. déjà versé au 28 février 2020 et, pour l'entretien de A______, les sommes de 14'700 fr. du 1er janvier au 31 décembre 2019 et de 15'200 fr. dès le 1er janvier 2020, sous déduction du montant de 130'000 fr. déjà versé au 28 février 2020 (chiffre 1 du dispositif);

Que, cela fait, le Tribunal a condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales et/ou d'études non comprises, le montant de 1'570 fr. pour l'entretien de C______ du mois d'octobre 2022 au mois de décembre 2024, puis de 1'000 fr. dès le mois de janvier 2025 (ch. 2), le montant de 1'660 fr. pour l'entretien de D______ du mois d'octobre 2022 au mois de décembre 2024, puis de 1'100 fr. dès le mois de janvier 2025 (ch. 3), ainsi que les sommes de 11'300 fr. pour l'entretien de A______ du mois d'octobre 2022 au mois de décembre 2024, puis de 8'675 fr. dès le mois de janvier 2025 (ch. 3), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7);

Que par acte expédié le 12 juillet 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre cette ordonnance, concluant à l'annulation des chiffres 1, 2, 3 et 4 du dispositif de celle-ci et à l'annulation des points du dispositif de l'arrêt ACJC/1206/2020 de la Cour de justice du 1er septembre 2020 précités;

Que, cela fait, elle a conclu à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, pour l'entretien de C______, le montant de 1'670 fr. du 1er août au 31 décembre 2024, puis de 2'190 fr. dès le 1er janvier 2025 et pour l'entretien de D______, le montant de 1'660 fr. du 1er août au 31 décembre 2024, puis de 2'180 fr. dès le 1er janvier 2025 ainsi que, par mois et d'avance, la somme de 12'690 fr. pour son propre entretien du 1er août au 31 décembre 2024, puis de 12'790 fr. dès le 1er janvier 2025, sous suite de frais judiciaires et dépens;

Qu'à titre préalable, elle a requis la suspension du caractère exécutoire des chiffres 1, 2, 3 et 4 de l'ordonnance contestée, portant sur la période antérieure au 1er août 2024;

Qu'elle a fait valoir que la décision entreprise, qui avait pour conséquence une diminution des contributions d'entretien dues par B______ pour son entretien et celui des enfants mineurs, à hauteur de 4'160 fr. par mois avec effet au 1er octobre 2022, impliquait qu'elle serait redevable envers celui-ci d'une somme de 91'520 fr. sur la période antérieure au 1er août 2024, qu'elle n'avait pas les moyens de payer;

Qu'elle n'avait sur ses comptes bancaires que "quelques dizaines de milliers de francs", destinés au paiement d'arriérés d'impôts pour la période 2018 à 2024, estimés à environ 150'000 fr. à 200'000 fr., montant supérieur à celui dont elle disposait, ayant pris la décision au moment de la séparation en 2018, afin de parer à d'éventuelles dépenses imprévues et difficultés de recouvrement des pensions dues par son époux, de ne payer ses impôts qu'au moment de la réception des avis de taxation;

Qu'elle avait reçu une taxation d'office pour l'année 2022 lui permettant d'estimer à 40'000 fr. par an le montant qu'elle devait aux impôts depuis 2018;

Qu'au surplus elle avait reçu de ses proches une somme de 22'600 fr., qu'elle remboursait;

Que refuser l'effet suspensif reviendrait à permettre à B______ d'exiger de sa part qu'elle lui verse immédiatement la somme de 91'520 fr. en remboursement d'une partie des contributions perçues au cours des deux dernières années, ce qui lui causerait un préjudice difficilement réparable, l'empêchant de rembourser ses dettes et de faire face à ses dépenses courantes et à celles de ses enfants;

Qu'à l'inverse, B______ disposait sur ses comptes bancaires d'économies substantielles, totalisant un montant de l'ordre de 1'700'000 fr., et de revenus sensiblement supérieurs à ceux retenus par le Tribunal, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucun intérêt à recevoir le remboursement des éventuels montants versés en trop au cours des deux dernières années, n'en ayant pas besoin pour payer ses charges courantes;

Qu'attendre l'issue de la procédure ne lui causerait ainsi aucun préjudice;

Qu'invité à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, B______ s'est opposé à l'octroi de l'effet suspensif pour les arriérés de contributions d'entretien, faisant valoir qu'il ne saurait pâtir du choix fait par A______ de ne pas avoir payé d'acomptes d'impôts depuis la séparation des parties, alors que la contribution qu'il lui avait versée comprenait une part d'impôts estimée à 5'000 fr. par mois par la Cour de justice (ACJC/1206/2020);

Qu'au surplus, A______ ne démontrait ni les montants des impôts qui seraient dus ni qu'elle ne disposerait pas de moyens suffisants pour les acquitter, au contraire puisqu'elle disposait d'une somme de 136'189 fr. sur ses comptes bancaires, selon les pièces à disposition, montant suffisant pour lui rembourser le trop-perçu;

Que, par ailleurs, le remboursement des prêts allégués par A______, de même que l'achat d'un véhicule, ne sauraient être pris en considération pour octroyer l'effet suspensif;

Que, si la situation financière de A______ était obérée, comme elle le prétendait, alors même qu'elle avait reçu une contribution d'entretien de 224'280 fr par an, le risque que B______ ne puisse pas récupérer la somme perçue était important;

Que l'octroi de l'effet suspensif violerait ainsi le principe du "clean break", la séparation des parties datant de 2018 et l'intéressée devant s'attendre, suite au renvoi de la cause au Tribunal afin de revoir l'ensemble des contributions d'entretien en tenant compte de la situation réelle de B______, à une réduction des contributions d'entretien initialement fixées;

Que la pesée des intérêts de chacune des parties faisait clairement pencher la balance en faveur de B______, de sorte que l'effet suspensif ne devait pas être accordé pour les arriérés de contribution.

Que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif le 13 août 2024.

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Que selon l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution des mesures provisionnelles peut toutefois être exceptionnellement suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable; que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références).

Que selon les principes généraux applicables en matière d'effet suspensif, le juge procèdera à une pesée des intérêts en présence et se demandera en particulier si sa décision est de nature à provoquer une situation irréversible; il prendra également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_674/2014 du 19 février 2015 consid. 5; 4A_337/2014 du 14 juillet 2014, consid. 3.1);

Que s'agissant du paiement de sommes d'argent, il appartient à la partie recourante qui requiert la restitution de l'effet suspensif de démontrer qu'à défaut de son prononcé elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond
(ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 137 III 637 consid. 1.2);

Que, toutefois, le Tribunal fédéral accorde généralement l'effet suspensif pour le paiement des arriérés de pensions (arrêts du Tribunal fédéral 5A_954/2012 du
30 janvier 2013 consid. 4; 5A_783/2010 du 8 avril 2011 let. D);

Que l'autorité cantonale doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5);

Qu'en l'espèce, l'appelante ne sollicite pas l'effet suspensif pour le paiement des contributions d'entretien courantes, mais uniquement pour le remboursement par ses soins de l'arriéré des contributions d'entretien pour elle-même et les enfants couvrant la période d'octobre 2022 à juillet 2024, qu'elle devrait à l'intimé si l'ordonnance était confirmée;

Qu'elle soutient qu'elle ne dispose pas de moyens suffisants pour rembourser la somme de 91'520 fr. de trop perçu;

Que les relevés de ses comptes bancaires en mars 2024, respectivement fin décembre 2023 (pièces 408 à 410 appelante), font toutefois apparaître qu'elle dispose d'une somme suffisante de 130'400 fr., supérieure au montant du trop-perçu;

Qu'elle se prévaut cependant du fait qu'elle doit un important arriéré d'impôts, supérieur au montant qu'elle a économisé, l'intimé rétorquant qu'il ne doit pas pâtir du choix qu'elle a fait de différer le paiement d'acomptes provisionnels, le montant desdits impôts n'étant, quoi qu'il en soit, pas prouvé;

Que, si certes la dette d'impôts n'est pas déterminée, il est indéniable que l'appelante aura une somme importante d'arriérés à acquitter, cependant moindre que celle initialement projetée, compte tenu de la baisse des contributions reçues sur la période concernée;

Qu'elle n'apporte cependant pas la preuve du montant dû à ce titre et pourra vraisemblablement obtenir des arrangements de paiement avec l'Administration fiscale, de sorte que le versement du trop-perçu ne lui causerait pas un préjudice difficilement réparable à ce titre;

Que les frais supérieurs à ceux retenus par le Tribunal, allégués par l'appelante (notamment le remboursement de prêts personnels à sa famille), ne sauraient justifier de suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise;

Qu'au surplus, comme le soulève l'intimé, l'appelante devait s'attendre à une réduction des contributions d'entretien suite au renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il tienne compte, non pas d'un revenu hypothétique pour l'intimé, mais de son revenu réel, inférieur à celui retenu par le premier juge dans sa première décision;

Que ces considérations conduiraient, à elles seules, à rejeter la requête de l'appelante;

Que la pesée des intérêts des parties en présence conduit cependant à une autre appréciation;

Qu'en effet, l'intimé ne justifie pas d'un intérêt à recevoir le montant trop perçu par l'appelante pour couvrir ses charges, disposant de revenus suffisants pour ce faire (salaire de 26'770 fr. retenu par le Tribunal), alors que l'appelante ne dispose d'aucun revenu et dépend des contributions d'entretien versées pour elle et les deux enfants mineurs du couple;

Que la fortune mobilière de l'intimé, estimée à 1'700'000 fr. par l'appelante, non contestée par l'intimé dans sa réponse sur effet suspensif, est largement supérieure à celle de l'appelante d'environ 130'400 fr.;

Que l'intimé peut donc souffrir d'attendre l'issue de la procédure afin de recouvrer la somme trop perçue par l'appelante, sa situation financière étant largement meilleure à celle de l'appelante;

Qu'il n'invoque aucun préjudice difficilement réparable à ne pas recevoir cette somme immédiatement, si ce n'est des difficultés éventuelles de recouvrement, au vu précisément des dettes d'impôts de l'appelante;

Que rien ne permet cependant de retenir qu'il ne pourrait pas recouvrer les contributions d'entretien trop perçues, l'appelante ayant déjà économisé, et continuant à le faire, et pouvant solliciter des arrangements de paiement, le moment venu, à l'Administration fiscale;

Qu'ainsi, au vu des situations financières respectives des parties, il se justifie de suspendre le caractère exécutoire des chiffres 1, 2, 3 et 4 de l'ordonnance, en tant qu'ils portent sur la période antérieure au 1er août 2024, ce d'autant que la procédure devant la Cour devrait être d'une durée limitée;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée :

Suspend le caractère exécutoire des chiffres 1, 2, 3 et 4 de l'ordonnance OTPI/416/2024 rendue le 28 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18738/2022, en tant qu'ils portent sur la période antérieure au 1er août 2024.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.