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Décisions | Chambre civile

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C/15153/2020

ACJC/819/2024 du 21.06.2024 sur JTPI/2657/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15153/2020 ACJC/819/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 21 JUIN 2024

 

Entre

A______ SARL, sise c/o B______ SA, ______, appelante d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 février 2023, représentée par Me Fabio SPIRGI, avocat, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6,

et

C______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Adriano ANTONIETTI, avocat, Walder Wyss SA, rue du Rhône 14, case postale, 1211 Genève 3.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/2657/2023 du 28 février 2023, reçu par A______ SARL le 2 mars 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté celle-ci des fins de sa demande en paiement contre C______ SA (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 20'200 fr. – à sa charge, les compensant avec les avances de frais qu'elle avait fournies et ordonnant la restitution en sa faveur de 10'000 fr. (ch. 2), condamné A______ SARL à payer à C______ SA 31'066 fr. 70 au titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié le 5 avril 2023 au greffe de la Cour civile, A______ SARL appelle de ce jugement dont elle sollicite l'annulation, avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instance.

Cela fait, elle conclut, préalablement, à ce que la Cour ordonne à C______ SA de produire toute la correspondance intervenue entre celle-ci et l'assureur D______ entre le 1er avril 2018 et le 24 mai 2021 dans le contexte du traitement de son dossier. Principalement, elle conclut à ce que la Cour condamne C______ SA à lui payer 777'591 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 juillet 2018. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Elle produit deux pièces à l'appui de son appel, soit son bilan et compte de pertes et profits 2019 et 2020 et son bilan, compte de pertes et profits et annexe au 31 décembre 2022.

b. Dans sa réponse, C______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par plis du greffe de la Cour du 5 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SARL (ci-après également : la société) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce genevois ayant pour but la détention et gestion de participations, achat, détention et location de biens immobiliers.

Son associé gérant président et détenteur de l'ensemble des parts de la société est E______. Il a une formation d'expert-comptable français et a occupé divers postes de directeur financier. Ce poste implique la gestion des finances et notamment des tâches de comptabilité, trésorerie, cross control, droit, fiscalité et financement. Il possède de larges connaissances dans le domaine des sociétés et de leur gestion au sens large, y compris en droit fiscal suisse.

b. C______ SA (ci-après également : la fiduciaire) est une société anonyme dont le siège est à Genève, ayant pour but de fournir des prestations de services entrant dans le cadre des activités d'une société fiduciaire, à l'exclusion de mandats dans le domaine de la révision.

F______ en est l'un des administrateurs et G______ l'un des directeurs.

c. En 2018, les animateurs de A______ SARL et de C______ SA ont conclu oralement un contrat de mandat portant sur la tenue de la comptabilité et le suivi de la situation fiscale de la première, y compris la préparation et le dépôt de la déclaration d'impôts.

d. Les sociétés précitées ont également conclu un contrat de domiciliation de A______ SARL auprès de la fiduciaire.

e. Au sein de C______ SA, H______, principalement, et I______, en remplacement ou complément de la première, étaient en contact avec E______.

f. Jusqu'en 2017, le principal actif de A______ SARL consistait en une participation à hauteur de 39'322 actions dans la société J______ BV.

g. Le 10 août 2017, A______ SARL a vendu cette participation et réalisé à ce titre un bénéfice de 10'550'706 fr.

h. Dans le cadre de l'établissement de la déclaration d'impôts de l'année 2017, C______ SA a proposé à A______ SARL de tenter de faire valoir une réduction pour participations au sens des articles 69 et 70 LIFD.

E______, entendu en qualité de représentant de A______ SARL, a déclaré que c'était C______ SA qui avait eu l'idée de tenter d'obtenir une réduction pour participations. Il lui avait été exposé qu'il était possible que l'Administration fiscale la refuse. C'était la raison pour laquelle la société avait payé des acomptes d'impôts qui correspondaient plus ou moins à ce qu'elle aurait dû payer en cas de refus. Aucun autre risque ne lui avait été signalé.

F______, entendu en qualité de représentant de C______ SA, a déclaré qu'il avait proposé à E______ d'essayer de faire valoir une réduction pour participations, soit un traitement privilégié sur l'impôt portant sur le bénéfice résultant de la vente. Il l'avait informé qu'il y avait un risque que cette réduction pour participations soit refusée par l'Administration fiscale. Le risque était que l'on en revienne à une taxation ordinaire. F______ n'avait expliqué personnellement à A______ SARL ni le mécanisme de la réduction pour participations ni l'influence de cette question sur la provision pour impôts mais H______ et I______ l'avaient fait.

I______, entendue en qualité de témoin, a déclaré qu'elle ne se souvenait pas d'avoir expliqué à E______ le mécanisme de réduction pour participations et les risques que l'Administration fiscale ne l'applique pas, mais elle partait du principe qu'elle l'avait fait. Elle n'avait pas été directement en charge du dossier de A______ SARL. C'était H______ qui l'avait été. Cette dernière l'avait toutefois consultée s'agissant du volet fiscal.

i. Par courrier du 30 avril 2018, C______ SA a transmis à A______ SARL la déclaration d'impôts concernant l'année 2017 ainsi que les comptes annuels, lui demandant de les signer. Elle l'informait que l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) devrait s'élever à 676'800 fr. et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) à 249'000 fr., sur la base de la déclaration fiscale et sous réserve de reprise par l'autorité fiscale. La société avait versé des acomptes provisionnels de 2'500'000 fr. pour l'ICC et de 1'000'000 fr. pour l'IFD.

Le courrier précisait que, avec l'accord de A______ SARL, C______ SA avait tenté de demander la réduction pour participations en mentionnant que la valeur vénale des titres était supérieure à 1'000'000 fr. Il n'était toutefois pas exclu que l'Administration fiscale refuse l'application de la réduction pour participations. Le paragraphe se terminait par la phrase suivante : "Dans ce cas, les conséquences sur les montants d'impôts dus [seraient] assez importantes".

Pour conclure, C______ SA requérait de A______ SARL qu'elle lui fasse parvenir, dès réception, les bordereaux de taxation et les enveloppes d'expédition, précisant qu'une éventuelle réclamation contre une taxation erronée devait être déposée dans un délai de 30 jours suivant la notification des bordereaux.

i.a En page 13 de la déclaration fiscale figurait la rubrique "réduction pour participations" dans laquelle était indiqué un rendement net des participations de 10'787'666 fr. et une réduction pour participations de 78,646%.

i.b Les états financiers annexés faisaient état d'une provision pour impôts 2017 de 925'941 fr., calculée en tenant compte de la réduction pour participations.

j. Par bordereaux de taxation du 7 juin 2018, l'Administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a fixé l'ICC et l'IFD à un total de 925'702 fr. en tenant ainsi compte de la réduction pour participations sollicitée.

k. Par courriel du 8 juin 2018, H______ a transmis à A______ SARL les bordereaux notifiés l'informant toutefois qu'une rectification de la part de l'AFC pouvait encore intervenir dans un délai de 30 jours.

l. Le 20 juin 2018, l'AFC a transmis à C______ SA de nouveaux bordereaux de taxation de A______ SARL au motif que ceux datés du 7 juin 2018 étaient inexacts. Ainsi, elle a refusé la réduction pour participations au motif que les conditions énoncées aux articles 21 LIPM, 69 et 70 LIFD n'étaient pas remplies. En effet, si A______ SARL avait aliéné une participation d'une valeur de plus de 1'000'000 fr. dans J______ BV, cette participation représentait moins de 10% du capital de la société.

Ainsi, le montant total des impôts était de 4'236'431 fr. 50. Les bordereaux indiquaient la possibilité d'adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivaient sa notification.

m. Par courriel du 5 juillet 2018, I______ a informé A______ SARL avoir reçu une taxation rectificative concernant l'année 2017, l'AFC n'ayant pas admis la réduction pour participations au vu de la détention par A______ SARL de moins de 10% du capital social de J______ BV. Après vérification, la taxation pouvait être considérée "comme exacte au vu des acomptes préparés". L'AFC réclamait ainsi un complément d'impôts total de 755'063 fr. 75. Ceci était dû au fait que "les impôts provisionnés sur l'exercice 2017 tenaient compte de la réduction pour participations non accordée, la provision pour impôts étant donc de 925'921 fr. Or, les impôts se [montaient] finalement à 4'236'431 fr. 50 pour 2017. La différence d'impôts [serait] une charge sur exercices antérieurs en 2018. Si l'exercice 2018 devait se solder par une perte, celle-ci serait reportable pendant 7 exercices".

Lors de son audition en qualité de témoin, I______ a déclaré qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait voulu indiquer dans ce courriel. Elle comprenait toutefois à la lecture de ce qu'elle avait écrit qu'elle considérait que la taxation était correcte, même si elle pouvait faire l'objet d'une reprise conformément à la loi. La taxation était correcte, mais si la provision n'avait pas été modifiée, elle ne l'était en réalité pas à 100%.

n. Le même jour, E______ a répondu à C______ SA que ce n'était effectivement "pas une bonne nouvelle même si c'était prévisible. En revanche la mauvaise nouvelle [était] d'avoir un complément d'impôts à payer si important et [il n'était] pas sûr de comprendre l'origine". Il relevait également le taux d'impôts de 29%, lequel était nettement plus élevé que les 24-25% annoncés précédemment et supérieur au taux de droit commun et demandait d'en connaître la raison.

Lors de son audition par le Tribunal, E______ a déclaré que C______ SA n'avait jamais évoqué l'hypothèse de former une réclamation. Il savait toutefois qu'il était possible de former une réclamation dans les 30 jours contre tout bordereau de taxation. Cela avait été évoqué dans les discussions précédant l'envoi de la déclaration d'impôts en lien avec la réduction pour participations. A réception du courriel du 5 juillet 2018 de I______, il avait eu le sentiment que la taxation était exacte. Il ne s'était pas interrogé plus que cela. Le refus de l'AFC impliquait, selon lui, seulement une taxation correspondant à ce qui avait été payé par la société. Il s'attendait à recevoir une taxation ordinaire exacte.

o. Par courriel du 11 juillet 2018, H______ a répondu à E______ que la différence provenait du calcul de la provision d'impôts (incluant la réduction pour participations) engendrant un décalage au niveau des taxations, soit une augmentation des impôts en 2017 et une diminution des impôts les exercices suivants. En 2018 et les années suivantes (jusqu'à 7 années), la société pourrait déduire la différence de charge d'impôts.

Entendu par le Tribunal, F______ a déclaré que A______ SARL n'avait pas donné suite au courriel du 11 juillet 2018. Il avait interprété ce silence comme un signe de satisfaction de la société, laquelle n'entendait entreprendre aucune démarche pour faire modifier la décision de taxation.

p. Par courriel du vendredi 24 août 2018, après avoir reçu, la veille, un rappel de C______ SA pour le paiement du complément d'impôts, E______ a demandé à H______ de pouvoir en discuter la semaine suivante. Celle-ci lui a communiqué le jour-même sa disponibilité les lundi et mardi 27 et 28 août 2018.

q. Par courriel interne du 18 septembre 2018, H______ a écrit à F______ et I______ pour les informer qu'elle avait reçu un appel de E______ qui estimait ne pas avoir à payer un complément d'impôts de 780'000 fr., même si l'année suivante il pourrait déduire cette différence d'impôts. Cela ferait une charge sur exercices antérieurs de 3'310'490 fr. et il n'arriverait pas à dégager autant de bénéfice sur les sept prochaines années malgré les revenus sur les titres, de sorte qu'une partie serait perdue. Il souhaitait que C______ SA trouve une solution.

Entendu par le Tribunal, E______ a confirmé qu'il avait réalisé qu'il y avait un problème lorsqu'il avait dû faire un paiement additionnel car le montant lui paraissait trop élevé. Il avait commencé à poser des questions. Il a précisé qu'il était parti en congé aux alentours du 10 juillet 2018 mais "qu'il n'y avait pas de vacances lorsque l'on était CFO" (i.e. Chief financial officer, soit directeur financier).

r. Une demande de révision des taxations ICC et IFD 2018 a ainsi été formée par C______ SA auprès de l'AFC pour le compte de A______ SARL le 19 septembre 2018.

C______ SA a fait valoir que A______ SARL n'avait provisionné qu'un montant réduit d'impôts dans son bilan en se basant sur le fait que la réduction pour participations serait accordée. Tel n'ayant pas été le cas, A______ SARL devrait provisionner dans les charges de l'exercice suivant, soit 2018, une charge exceptionnelle d'impôts de 3'310'729 fr. 50 alors qu'elle aurait dû être imputée à l'exercice 2017.

Elle sollicitait ainsi de l'AFC qu'elle révise la taxation 2018 de A______ SARL en tenant compte des nouveaux comptes annuels au 31 décembre 2017 incluant une provision pour impôts de 3'449'941 fr. qui correspondrait aux impôts réellement dus par la société sur l'exercice 2017. Ceci aurait pour effet de réduire les impôts 2017 de 786'490 fr. 50.

F______ a déclaré au Tribunal que cette démarche avait été effectuée à bien plaire par C______ SA.

s. Les comptes 2018 de A______ SARL ont abouti à une perte de 4'852'504 fr. comprenant la charge exceptionnelle d'impôts 2017 d'un montant de 3'311'968 fr.

t. Par décisions du 17 janvier 2019, l'AFC a rejeté la demande de révision des taxations ICC et IFD 2018, faisant valoir que la révision était exclue lorsque le requérant invoquait des motifs dont il aurait pu se prévaloir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait être raisonnablement exigée de lui, ce qui était le cas en l'espèce.

G______, entendu par le Tribunal en qualité de représentant de C______ SA, a déclaré que l'AFC aurait en tout état refusé la réclamation visant à modifier la provision pour impôts si elle avait été formée dans le délai. Elle aurait également refusé de revoir la taxation si de nouveaux comptes mentionnant la provision adaptée avaient été déposés dans le délai de réclamation. C'était donc à bon droit que l'AFC avait refusé de prendre en considération une provision pour impôts modifiée pour adapter la taxation. Il y aurait en outre eu un risque à former une réclamation dans le délai car le dépôt d'une réclamation rouvrait tous les droits tant en faveur qu'en défaveur du contribuable. G______ a ensuite nuancé ses propos en expliquant que si A______ SARL avait établi de nouveaux comptes et les avait présentés à l'AFC, celle-ci n'aurait pas été obligée de les accepter mais, en pratique, il était déjà arrivé, certes rarement, que l'AFC accepte les nouveaux comptes.

Lors de son audition par le Tribunal, E______ a déclaré que l'impossibilité de rectifier les impôts n'avait jamais été évoquée.

u. Le 18 février 2019, C______ SA a déposé une réclamation à l'encontre des deux décisions du 17 janvier 2019 en reprenant les arguments soulevés dans le cadre de la demande de révision.

v. Par décision du 14 mai 2019, l'AFC a rejeté la réclamation formée par C______ SA pour le compte de A______ SARL pour le même motif que celui exposé dans ses décisions du 17 janvier 2019.

w. Le 14 juin 2019, C______ SA a déposé un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), pour le compte de A______ SARL.

En substance, elle a exposé que la provision d'impôts inscrite au bilan de A______ SARL aurait dû s'élever, sans réduction pour participations, à 3'458'840 fr. au lieu de 925'941 fr., laissant ressortir une insuffisance de 2'533'138 fr. Les taxations ICC et IFD 2018 rectifiées le 20 juin 2018 faisaient apparaître un montant total d'impôts de 4'236'431 fr., ce qui avait engendré des impôts supplémentaires de 777'591 fr. (4'236'431 fr. – 3'458'840 fr.) à charge de A______ SARL, représentant un trop-perçu par l'administration. La société ne serait pas en mesure de dégager un bénéfice suffisant durant les sept prochaines années pour recouvrer la perte fiscale subie sur l'exercice 2017. En outre, même si tel devait être le cas, le taux effectif d'imposition du bénéfice dans le cadre de la réforme de la fiscalité et du financement de l'AVS allait diminuer de 24,16% à 13,99% représentant une perte additionnelle de 264'944 fr.

x. Dans sa réponse au recours, l'AFC a fait valoir qu'elle n'avait pas procédé à une correction de bilan, mais simplement appliqué la disposition légale afférent à la réduction pour participations dont A______ SARL ne remplissait pas les conditions. Elle avait ainsi appliqué le droit sans procéder à une reprise de bénéfice. Partant, elle n'était pas tenue d'ajuster la provision pour impôts, puisqu'aucune règle impérative du droit commercial n'avait été violée. En outre, la votation du 19 mai 2019 ne constituait pas un fait nouveau survenu antérieurement dont A______ SARL aurait été empêchée, sans sa faute, de faire état dans la procédure ordinaire.

y. Par jugement JTAPI/1050/2019 du 25 novembre 2019, le TAPI a rejeté le recours, retenant, en substance, qu'après notification des bordereaux d'impôts rectificatifs du 20 juin 2018, supprimant complètement la réduction pour participations, le supplément d'impôts s'était élevé à plus de 3'300'000 fr., ce qui, à l'évidence, ne correspondait plus au montant de la provision pour impôts figurant dans les comptes. Toutefois, si la contribuable estimait que cette provision pour impôts devait être corrigée d'office par l'AFC suite au refus de la réduction pour participations, il lui incombait de déposer une réclamation dans ce sens dans le délai légal de trente jours. En s'en abstenant, elle n'avait pas fait preuve de toute la diligence que l'on pouvait attendre de sa part. En outre, le TAPI ne voyait pas en quoi la votation fédérale du 19 mai 2019 constituait un "fait nouveau ancien" qui justifierait une révision de la taxation litigieuse. Le principe de la capacité contributive aurait également pu être invoqué dans le cadre de la procédure ordinaire de réclamation, si A______ SARL avait fait preuve de toute la diligence que l'on pouvait attendre de sa part.

z. Après avoir pris contact avec son assureur responsabilité civile, C______ SA a informé A______ SARL par courriel du 18 décembre 2019 qu'un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice n'était pas judicieux au vu des très faibles chances de succès. Elle souhaitait toutefois connaître sa détermination.

aa. Par courriel du lendemain, A______ SARL a répondu à C______ SA que, dans la mesure où c'était la fiduciaire qui portait la responsabilité de la situation dans laquelle elle se trouvait, il lui appartenait de définir et de décider de la stratégie à adopter afin d'assurer la meilleure défense possible.

bb. Le 20 décembre 2019, C______ SA a, pour le compte de A______ SARL, interjeté recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice.

cc. Le 29 janvier 2020, A______ SARL a reçu un courrier de l'assureur responsabilité civile de C______ SA l'informant que cette dernière niait toute responsabilité dans le cadre de l'affaire les opposant et qu'aucune suite ne serait donnée aux prétentions de A______ SARL.

Lors de son audition par le Tribunal en qualité de représentant de C______ SA, F______ a déclaré que la fiduciaire n'avait jamais reconnu sa responsabilité. Son assureur responsabilité civile avait été avisé parce qu'il avait été convenu avec celui-ci que la fiduciaire l'informerait immédiatement de l'existence d'un litige. Les démarches effectuées en vue de réviser la taxation 2018, y compris la saisine du TAPI et de la Cour de justice, n'avaient pour l'heure pas été facturées pas plus que les frais judiciaires. Il était déjà arrivé à C______ SA de ne pas facturer ce genre d'activité.

dd. Par arrêt ATA/1106/2020 du 3 novembre 2020, la Chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours.

En substance, elle a retenu que les motifs invoqués, en particulier la correction de la provision pour impôts, auraient pu être soulevés au cours de la procédure ordinaire si la contribuable avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d'elle. Rien, en effet, ne l'empêchait de former réclamation dans le délai légal en invoquant ces deux griefs, la procédure ordinaire permettant de rétablir une situation conforme au droit en cas d'admission de l'un ou l'autre de ces griefs.

e.e F______ a déclaré, lors de son audition par le Tribunal, que C______ SA, d'entente avec son assureur, avait pris la décision de ne pas saisir le Tribunal fédéral et que A______ SARL n'avait pas été consultée.

G______ a déclaré au Tribunal que cet arrêt n'était pas en contradiction avec le fait qu'une réclamation aurait été rejetée par l'AFC. L'arrêt concernait la demande de révision que C______ SA avait formée. L'AFC et la Cour de justice avaient retenu que les griefs formulés dans ce contexte auraient dus l'être dans le cadre d'une réclamation, mais elles n'avaient pas dit que ces griefs auraient alors été admis.

D.           a. Par demande déposée en conciliation le 4 août 2020, déclarée non conciliée le 5 octobre 2020 et introduite au Tribunal le 27 novembre 2020, A______ SARL a assigné C______ SA en paiement de 777'591 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 juillet 2018, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, C______ SA a conclu au déboutement de A______ SARL de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué.

A______ SARL a ajouté une conclusion préalable, à savoir que le Tribunal ordonne, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à C______ SA de produire toute la correspondance (courriers, fax, emails, note d'entretien, messages téléphoniques écrits, etc.) intervenue entre C______ SA et l'assureur D______ entre le 1er avril 2018 et le 24 mai 2021 dans le contexte du traitement de son dossier.

En substance, elle a invoqué que cette correspondance permettrait de démontrer que C______ SA aurait reconnu auprès de son assureur être responsable d'un dommage causé à A______ SARL, aurait introduit une procédure de révision de sa propre initiative ou à celle de son assureur et aurait défini seule ou avec ce dernier la stratégie à adopter pour "rattraper le coup".

Pour le surplus, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par ordonnance de preuve du 12 octobre 2021, le Tribunal a rejeté la conclusion préalable de A______ SARL, considérant que cette correspondance n'était pas pertinente quant à l'issue du litige, la question de savoir si C______ SA avait violé ses obligations contractuelles était précisément celle que A______ SARL avait soumise au Tribunal, cette question étant liée aux actes et omissions imputables aux organes et employés de C______ SA jusqu'à l'échéance du délai de réclamation contre les décisions de taxations notifiées le 20 juin 2018. Avant l'écoulement de ce délai, il n'y avait pas de raison que la fiduciaire ait annoncé le cas à son assureur et après ce délai, les actes et omissions des organes et employés de C______ SA, respectivement l'opinion de son assureur, n'étaient pas susceptibles de fonder une violation d'une obligation contractuelle, respectivement de permettre de l'écarter.

e. Les parties se sont encore déterminées les 1er et 15 novembre 2021 et 3 décembre 2021.

f. Les parties ont adressé au Tribunal leurs plaidoiries finales écrites le 2 mai 2022, persistant dans leurs conclusions.

f.a A______ SARL a fait valoir la violation de trois obligations contractuelles par C______ SA. La première consistait en une violation du devoir d'information en ce sens que la fiduciaire avait indiqué dans son courriel du 5 juillet 2018 que la taxation était exacte alors que tel n'était pas le cas puisque la provision pour impôts n'avait pas été modifiée à la suite du refus par l'AFC d'accorder la réduction pour participations. La deuxième consistait en une violation du devoir de diligence en ce sens que C______ SA avait omis de former, même spontanément, une réclamation pour contester la taxation rectificative litigieuse. La troisième consistait en une autre violation du devoir d'information puisque la fiduciaire n'avait jamais expliqué à la société qu'elle risquait de perdre un montant substantiel en tentant d'obtenir une réduction pour participations.

f.b C______ SA a fait valoir que E______ avait été informé des risques encourus par la tentative d'obtention d'une réduction pour participations. Il savait qu'il était possible de former une réclamation dans un délai de 30 jours mais n'avait donné aucune suite au courriel du 11 juillet 2018 de H______ lequel lui expliquait les raisons du complément d'impôts à payer, de sorte que C______ SA avait cru de bonne foi qu'il se satisfaisait de la situation et du conseil prodigué. A ce titre, C______ SA n'avait jamais affirmé ni laissé croire à E______ qu'elle formerait automatiquement et spontanément réclamation à l'encontre des bordereaux. Au demeurant, une réclamation n'aurait pas permis d'obtenir une modification de la provision pour impôts. Les autorités successives qui s'étaient prononcées dans la procédure de révision ne l'avaient pas non plus affirmé puisqu'elles s'étaient bornées à indiquer que ces griefs auraient dû être formulés dans le cadre d'une réclamation.

g. A______ SARL a répliqué le 7 juin 2022, persistant dans ses conclusions. C______ SA n'ayant pas dupliqué, le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que C______ SA n'avait violé aucune obligation contractuelle. La taxation rectificative du 20 juin 2018 ne pouvait être qualifiée d'incorrecte puisqu'elle se basait sur le bilan soumis à l'AFC par la fiduciaire. La question de la correction d'office par l'AFC de la provision pour impôts en cas de refus d'application de la réduction pour participations n'avait jamais été tranchée. Aucune règle de droit claire, unanimement admise par la doctrine et la pratique, ne permettait de conclure que l'affirmation de C______ SA tendant à dire que la taxation était correcte, n'était pas appropriée. De même, il ne pouvait être reproché à la fiduciaire de n'avoir pas formé spontanément une réclamation. Une modification de bilan dans le cadre de la réclamation aurait uniquement eu pour but de corriger une mauvaise appréciation juridique des chances d'obtenir la réduction pour participations et ainsi réaliser des économies d'impôts, de sorte que l'AFC ne l'aurait pas acceptée. Il ne s'agissait pas non plus d'un cas de modification de bilan acceptable durant la procédure de taxation (i.e. erreur excusable). Les auditions des parties et du témoin n'avaient pas permis de constater un défaut d'information de C______ SA quant aux risques encourus par la société en cas de refus par l'AFC d'appliquer la réduction pour participations. Le courrier du 30 avril 2018 de la fiduciaire indiquait en revanche expressément à A______ SARL que "les conséquences [d'un refus par l'AFC] sur les montants d'impôts dus [seraient] assez importantes". Cette phrase était suffisante pour retenir que les conséquences financières avaient été discutées entre les parties. Aux dires de E______, la conséquence du refus aurait été une taxation ordinaire exacte correspondant au montant des acomptes payés, montant indiqué dans ledit courrier. Les "conséquences […] assez importantes" mentionnées dans ce courrier concernaient dès lors nécessairement le fait que, en cas de refus, les impôts seraient calculés sur la base du bilan remis et non corrigé d'office par l'AFC, engendrant des impôts plus élevés que ceux provisionnés. Faute de violation d'une obligation contractuelle, A______ SARL devait être déboutée des fins de sa demande.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). L'appelant a en effet le fardeau d'expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié. Un simple renvoi aux écritures et pièces de première instance n'est pas conforme à l'exigence de motivation. L'instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché au premier juge, sans avoir à chercher des griefs par elle-même (arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 3 ad art. 311).

La Cour contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et art. 58 al. 1 CPC).

2. L'appelante a produit deux pièces à l'appui de son appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et qu'il ne pouvait l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

S'agissant des vrais nova ("echte Noven"), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 et les références citées). Un vrai nova est introduit sans retard s'il l'est dans un délai de dix jours, respectivement d'une à deux semaines (arrêt du Tribunal fédéral 4A_707/2016 du 29 mai 2017 consid. 3.3.2). Une partie qui dispose déjà d'un délai pour déposer un mémoire peut attendre la fin de ce délai, car la procédure ne s'en trouve pas retardée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_790/2016 du 9 août 2018 consid. 3.4; 4A_707/2016 précité consid. 3.3.2).

Les pseudo nova sont des faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance. Leur recevabilité en appel est largement limitée, en ce sens qu'ils sont exclus lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient pu être présentés en première instance déjà. S'il introduit des pseudo nova, l'appelant doit notamment exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le fait ou le moyen de preuve en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, le bilan et compte de pertes et profits 2019 et 2020 figure déjà au dossier. Il ne s'agit pas d'une nouvelle pièce, de sorte que celle-ci est recevable.

S'agissant du bilan, compte de pertes et profits et annexe au 31 décembre 2022, il s'agit d'un vrai novum puisque cette pièce est postérieure à la mise en délibération de la cause en première instance. Produite à l'appui de l'appel, elle a été versée au dossier en temps utile. Elle est dès lors également recevable.

3. L'appelante reprend en appel sa conclusion préalable tendant à la production par l'intimée de la correspondance entre cette dernière et son assureur responsabilité civile intervenue entre le 1er avril 2018 et le 24 mai 2021 dans le contexte du traitement de son dossier.

3.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable ancrée à l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. englobe notamment le droit à la preuve. Celui-ci, qui se déduit aussi de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_397/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.1.1 et 5A_926/2021 du 19 mai 2022 consid. 4.1.1), implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2; art. 152 al. 1 CPC).

En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves. Le juge peut, par une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, refuser d'administrer une preuve supplémentaire offerte par une partie s'il considère que celle-ci serait impropre à ébranler sa conviction (ATF 141 I 60 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2022 du 26 avril 2022 consid. 5.1 et les références citées).

L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

3.2 En l'espèce, l'appelante soutient que l'intimée aurait reconnu sa responsabilité par acte concluant en entreprenant auprès des autorités administratives genevoises, de sa propre initiative et gratuitement, toutes les démarches qu'elle avait jugé nécessaires pour tenter de "rattraper le coup". Ces démarches auraient été discutées avec l'assureur de l'intimée, raison pour laquelle l'appelante "réitérait en tête de son mémoire les conclusions en production de titre que le premier juge avait rejetées par ordonnance du 12 octobre 2021".

Tout d'abord, l'intimée ne conteste pas avoir entrepris lesdites démarches ni de ne pas avoir facturé ses services. Il ne s'agit ainsi pas de faits contestés nécessitant l'administration de preuves.

Par ailleurs, le Tribunal a statué sur la réquisition de production de pièce dans l'ordonnance du 12 octobre 2021. L'appelante ne critique pas, dans le cadre de son mémoire d'appel, les motifs exposés dans ladite ordonnance. Le seul renvoi aux écritures de première instance n'étant pas conforme aux exigences de motivation, la requête de réquisition de production de pièce en appel est insuffisamment motivée (cf. consid. 1.3 supra).

Pour ces motifs, la conclusion préalable de l'appelante sera rejetée.

4. L'appelante reproche à l'instance précédente d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a été modifié et complété dans la mesure utile, sur la base des actes et des pièces de la présente procédure, de sorte que le grief de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

5. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que l'intimée aurait violé ses devoirs d'information et de diligence dans le cadre du mandat qui lui avait été confié.

5.1 Le contrat liant la société fiduciaire au contribuable est un contrat de mandat, régi par les art. 394 ss CO (ATF 145 II 201 consid. 5.1).

Le contrat de mandat est celui par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis (art. 394 al. 1 CO). Le mandataire doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son cocontractant (art. 321a al. 1 CO applicable par le renvoi de l'art. 398 al. 1 CO). Il est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution de sa mission (art. 398 al. 2 CO). Le mandataire est de manière générale tenu à des devoirs de diligence, d'information et de conseil (ATF 115 II 62 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_111/2019 du 23 juillet 2019 consid. 3.1; 4C.398/2006 du 13 février 2007 consid. 3; Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, n° 4465 ss; Werro, Commentaire romand, Code des obligations I, 2012, n° 13 ad art. 398 CO).

5.1.1 Selon l'art. 396 al. 1 CO, l'étendue du mandat est déterminée, si la convention ne l'a pas expressément fixée, par la nature de l'affaire à laquelle il se rapporte. En particulier, le mandat comprend le pouvoir de faire les actes juridiques nécessités par son exécution (art. 396 al. 2 CO), cette disposition n'exigeant pas du mandataire qu'il attende une autorisation spéciale expresse de son client avant d'effectuer toute démarche judiciaire nécessaire à l'accomplissement de l'affaire confiée. Le mandataire doit ainsi informer son mandant sans délai des décisions qui lui ont été notifiées et lui faire part des diverses solutions envisageables. Dans l'hypothèse où la décision est défavorable au mandant, il doit également, dans le délai de recours, s'assurer de la volonté de celui-ci de ne pas recourir (ATF 110 IB 94 consid. 2 et la référence citée). S'il y a péril en la demeure, par exemple pour interrompre une prescription ou requérir des mesures provisoires, le mandataire doit en principe entreprendre les démarches nécessaires, même s'il n'a pas pu obtenir préalablement l'aval de son mandant. La présomption selon laquelle le mandat comprend pour le mandataire le pouvoir de faire tous les actes juridiques nécessités par son exécution vaut tant dans les rapports internes que dans les rapports externes (ATF 145 II 201 consid. 5.1).

Le devoir de diligence d'une fiduciaire vis-à-vis de son client consiste également à déterminer les règles légales ou jurisprudentielles applicables à la situation de son mandant, et, le cas échéant, la pratique administrative. La fiduciaire doit en tous les cas répondre aux exigences que l'on peut attendre d'un membre compétent de sa profession (ATF 122 III 22 consid. 2c; Facincani/Sutter, La responsabilité du fiduciaire, in TREX 2019 p. 217 ss, p. 2018).

Le mandataire doit ainsi agir comme le ferait toute personne diligente placée dans la même situation. Pour juger du niveau des exigences et déterminer l'étendue du devoir de diligence qui incombe au mandataire, on tiendra compte de critères objectifs. Les exigences dépendent ainsi de la nature des activités prévues par le mandat, analysées en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce, notamment de la difficulté du service, du temps à disposition du mandataire, des moyens disponibles, de la marge d'appréciation, du caractère habituel ou inhabituel de l'affaire, de l'importance de l'affaire et de la qualification des parties, en particulier des aptitudes, connaissances techniques et capacités du mandataire que le mandant connaît ou aurait dû connaître (ATF 134 III 534 consid. 3.2.2; 127 III 357 consid. 1c in JdT 2002 I 192; 124 III 155 consid. 3 in JdT 1999 I 125; 105 II 284 consid. 1; Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 4436; Werro, op. cit., n. 14 ad art. 398 CO).

5.1.2 Le devoir d'information implique pour le mandataire d'aviser l'autre partie de tout ce qui est important pour cette dernière en relation avec l'exécution du contrat (ATF 115 II 62 consid. 3). Afin d'être utile au mandant, l'information doit être complète, exacte et dispensée à temps. Le mandataire doit notamment renseigner le mandant sur les risques (y compris les risques financiers) et avantages des mesures et des actes envisagés, ou sur l'exécution du mandat en général. L'information doit ainsi rendre le mandant à même de dispenser des instructions adéquates, lui permettre de vérifier si les activités du mandataire correspondent à une bonne et fidèle exécution du mandat (ATF 139 III 49 consid. 4.1.2; 110 II 181 consid. 2; Werro, op. cit., n° 17 ad art. 398 CO) et, le cas échéant, lui permettre de réclamer des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité du mandataire. Elle est également nécessaire pour que le mandant puisse exiger la restitution (ATF 110 II 181 consid. 2; 138 III 425 consid. 6.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_191/2015 du 16 décembre 2015 consid. 4.2.1; 4A_413/2007 du 10 décembre 2007 consid. 3.3; Werro, op. cit., n. 4, 7 et 8 ad art. 400 CO). L'étendue du devoir d'information varie en fonction des connaissances et de l'expérience du mandant; la responsabilité du mandataire n'est ainsi pas la même selon qu'il a à faire ou non à une personne expérimentée (ATF 119 II 333 consid. 5a et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_111/2019 du 23 juillet 2019 consid. 3.1).

5.1.3 A teneur de l'art. 397 al. 1 CO, le mandataire qui a reçu des instructions précises ne peut s'en écarter qu'autant que les circonstances ne lui permettent pas de rechercher l'autorisation du mandant et qu'il y a lieu d'admettre que celui-ci l'aurait autorisé s'il avait été au courant de la situation.

Les instructions sont des manifestations de volonté sujettes à réception, par lesquelles le mandant indique au mandataire comment exécuter les services promis. Si les instructions existent mais ne sont pas claires, il appartient au mandataire de demander au mandant de les préciser. En cas de litige sur le sens d'une instruction, celle-ci doit être interprétée conformément aux principes ordinaires (cf. art. 18 CO), notamment au principe de la confiance (Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 4450). Le mandant peut librement révoquer ses instructions, aussi longtemps qu'elles n'ont pas été exécutées (Tercier/Bieri/Carron, op. cit., n. 4451).

5.1.4 La responsabilité du mandataire suppose la réunion de quatre conditions cumulatives: une violation d'un devoir de diligence, une faute, un préjudice et une relation de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir de diligence et le préjudice survenu; il appartient au demandeur d'apporter la preuve des faits permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC), sauf pour la faute qui est présumée (art. 97 al. 1 CO; ATF 133 III 121 consid. 3.1; 132 III 379 consid. 3.1). La preuve de la mauvaise exécution du contrat par le mandataire incombe en effet au mandant, qui veut réclamer des dommages-intérêts (art. 8 CC). Cette règle s'applique également lorsque la preuve porte sur des faits négatifs; cette exigence est toutefois tempérée par les règles de la bonne foi, qui obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire, notamment en offrant la preuve du contraire (ATF 119 II 305; 106 II 29 consid. 2 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_111/2019 du 23 juillet 2019 consid. 3.4).

5.2 En l'espèce, les violations des obligations contractuelles reprochées à l'intimée sont étroitement liées les unes aux autres. Elles seront examinées ci-après dans l'ordre chronologique.

5.2.1 L'appelante soutient tout d'abord que l'intimée aurait violé son devoir d'information. Elle n'aurait pas été informée du risque d'être taxée sur la base d'un bilan erroné en cas de refus par l'AFC d'appliquer la réduction pour participations puis lui aurait affirmé de manière erronée, dans son courriel du 5 juillet 2018, que les décisions de taxations rectificatives étaient correctes et ne lui aurait pas indiqué la possibilité de former une réclamation contre lesdites taxations.

Après avoir informé E______ de la possibilité que l'AFC refuse d'appliquer la réduction pour participations, F______ a précisé qu'il n'avait pas personnellement informé sa cliente du mécanisme de la réduction pour participations et de l'influence de cette question sur la provision pour impôts mais que les collaboratrices en charge du dossier l'avaient fait. L'une d'elle, la seule entendue en qualité de témoin, n'a toutefois pas été catégorique à ce propos. Les déclarations de l'intimée et du témoin I______ n'établissent ainsi pas que l'intimée aurait exposé à l'appelante le risque que celle-ci encourait de devoir payer un impôt supérieur aux acomptes qu'elle avait versés. En outre, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, le courriel du 30 avril 2018 dont résulte l'explication qu'en cas de refus par l'AFC d'appliquer la réduction pour participations, les conséquences sur le montant des impôts seraient "assez importantes", ne suffit pas non plus pour démontrer que le risque consistant en une taxation plus élevée que la taxation ordinaire aurait été discuté entre les parties. En effet, la formulation utilisée peut être comprise dans le sens qu'en cas de refus par l'AFC d'appliquer la réduction pour participations, l'appelante serait taxée de manière ordinaire, conformément aux acomptes versés. Certes, cette hypothèse n'aurait pas engendré de paiement supplémentaire de la part de l'appelante mais aurait impliqué tout de même qu'aucun des acomptes versés n'aurait pu lui être restitué. Or, il s'agit d'un montant de 2'574'059 fr. (925'941 fr. - 3'500'000 fr.), soit la différence entre les impôts dus en cas d'application de la réduction pour participations et ceux dus en cas de taxation ordinaire, ce qui peut raisonnablement être qualifiée "d'assez important". La formulation choisie par l'intimée dans son courriel ne démontre dès lors pas qu'était visé par les "conséquences assez importantes" le supplément d'impôts. Aucun autre élément au dossier ne permet de constater que l'intimée aurait fourni des informations plus détaillées à l'appelante sur le risque pour celle-ci d'être taxée non seulement de manière ordinaire mais en outre sur la base d'un bilan erroné, non modifiable, engendrant un surplus d'impôts.

D'ailleurs, E______, tant dans son courriel du 5 juillet 2018 à l'intimée que dans ses déclarations devant le Tribunal, a exprimé qu'il n'avait pas compris l'origine du complément d'impôts. Cela démontre clairement que l'appelante n'avait pas été informée par l'intimée de la possibilité de devoir s'acquitter d'un montant d'impôts supérieur aux acomptes versés.

A réception des décisions de taxation litigieuses, l'intimée a procédé à la comparaison desdites décisions avec la déclaration fiscale déposée et a constaté que celles-là correspondaient à ce qui figurait dans celle-ci, ce qu'a attesté le témoin I______, auteur du courriel de l'intimée à l'appelante du 5 juillet 2018. Le fait d'indiquer dans ce courriel que les décisions de taxation litigieuses sont correctes est étroitement lié à l'omission d'expliquer le risque encouru qui s'est ensuite réalisé. Ainsi, la précision apportée par le témoin lors de son audition, à savoir que la taxation, bien que correcte, ne l'était pas à 100% puisque la provision n'avait pas été modifiée dans le bilan avant que l'AFC procède à la taxation, n'y change rien.

En revanche, il ne saurait être reproché à l'intimée de ne pas avoir rappelé à l'appelante qu'une réclamation dans un délai de 30 jours aurait pu être formée contre les décisions de taxation rectificatives. En effet, l'intimée lui avait mentionné cette possibilité dans son courrier du 30 avril 2018, laquelle figurait également dans les décisions litigieuses, et E______ a lui-même admis qu'il était au courant de cette possibilité.

Enfin, la violation du devoir d'information s'examinant également à la lumière des connaissances de l'intimée, il y a encore lieu de relever que l'associé gérant de l'appelante, bien que rompu aux affaires – puisqu'il était directeur financier au sein de plusieurs entreprises et disposait de connaissances dans le domaine des sociétés et de leur gestion au sens large – ne pouvait s'attendre à ce que l'appelante soit taxée sur la base d'un bilan erroné en cas de refus par l'AFC d'appliquer la réduction pour participations.

A la lumière des éléments qui précèdent, l'information fournie par l'intimée était lacunaire et ne saurait être considérée suffisante de la part d'une fiduciaire, spécialiste en matière de comptabilité et de fiscalité, au bénéfice d'un mandat global, ce nonobstant les connaissances de l'intimée dans ce domaine.

Partant, l'appelante a démontré que l'intimée avait violé son devoir d'information.

5.2.2 L'appelante soutient ensuite que l'intimée aurait violé son devoir de diligence puisqu'elle aurait dû former une réclamation, même spontanément, contre les décisions de taxation rectifiées du 20 juin 2018.

A réception des décisions de taxation litigieuses, celles-ci ayant été défavorables à l'appelante, l'intimée devait, dans le délai de réclamation, s'assurer de la volonté de sa cliente de ne pas les contester. Or, l'appelante, bien qu'informée tant de la possibilité de former une réclamation contre ces décisions que du délai pour ce faire, n'a pas expressément instruit l'intimée dans ce sens. Elle n'a pas non plus exprimé à l'intimée une intention contraire. Elle s'est limitée à poser des questions à l'appelante par courriel à propos de l'origine du supplément d'impôts qui était réclamée d'elle par l'AFC puis est restée silencieuse. L'appelante n'allègue au demeurant pas avoir été empêchée de communiquer ses instructions à l'intimée.

Ainsi, demeure la question de savoir si l'intimée pouvait déduire du silence de l'appelante une renonciation à contester les décisions de taxation litigeuses ou si elle devait, dans le doute, déposer, de sa propre initiative, une réclamation contre dites décisions. Cette question souffre de demeurer indécise.

En effet, comme il sera exposé ci-dessous (cf. consid. 6.2.2 infra), même à supposer que l'intimée aurait dû former une réclamation spontanément contre les décisions de taxation litigieuses, conformément à son devoir de diligence, la condition du lien de causalité entre cette omission et le prétendu dommage subi par l'appelante ne serait pas réalisée.

6. L'appelante soutient qu'il existerait un lien de causalité entre les violations contractuelles et le dommage qu'elle allègue subir.

6.1 Il y a causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit (arrêts du Tribunal fédéral 4A_133/2021 du 26 octobre 2021 consid. 9.1.1; 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.2; 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4.1.2).

Lorsque le manquement reproché au mandataire est une omission, le rapport de causalité doit exister entre l'acte omis et le dommage. Entre celui-ci et celui-là, le rapport de cause à effet est nécessairement hypothétique (une inaction ne pouvant pas modifier le cours extérieur des événements), de sorte qu'à ce stade déjà, il faut se demander si le dommage aurait été empêché dans l'hypothèse où l'acte omis aurait été accompli; dans l'affirmative, il convient d'admettre l'existence d'un rapport de causalité entre l'omission et le dommage (ATF 122 III 229 consid. 5a/aa; arrêts du Tribunal fédéral précités 4A_349/2022 du 14 février 2023 consid. 4.1.2; 4A_133/2021 consid. 9.1.3; 4A_350/2019 consid. 3.2.2; 4A_175/2018 consid. 4.1.2).

Le rapport de causalité étant hypothétique, le juge se fonde sur l'expérience générale de la vie et émet un jugement de valeur; ce faisant, il élimine d'emblée certains scénarios comme improbables d'après cette même expérience. Il suffit qu'il se convainque que le processus causal est établi avec une vraisemblance prépondérante (ATF 132 III 715 consid. 3.2; 115 II 440 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_133/2021 consid. 9.1.3).

En règle générale, lorsque le lien de causalité hypothétique entre l'omission et le dommage est établi, il ne se justifie pas de soumettre cette constatation à un nouvel examen sur la nature adéquate de la causalité (ATF 115 II 440 consid. 5a). Ainsi, lorsqu'il s'agit de rechercher l'existence d'un lien de causalité entre une ou des omissions et un dommage, il convient de s'interroger sur le cours hypothétique des événements (arrêt du Tribunal fédéral 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 3.2).

6.1.1 L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l'autorité du bilan commercial ("Massgeblichkeitsprinzip"), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité fiscale peut donc s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 141 II 83 consid. 3.1; 137 II 353 consid. 6.2; 132 I 175; arrêts du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.1; 2C_911/2013 du 26 août 2014 consid. 6.1.1; 2C_787/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.2, in StE 2013 B 72.11 n° 23 et RDAF 2013 II 380). Selon ce principe, le contribuable est lié à la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu'elle ressort des livres de compte régulièrement établis (arrêts du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.1; 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 6.1 in RDAF 2015 II 267).

6.1.2 De manière générale, la doctrine et la jurisprudence font une distinction entre les corrections du bilan (Bilanzberichtigung) et les modifications du bilan (Bilanzänderung). La correction du bilan consiste à remplacer une valeur contraire au droit commercial par une valeur conforme au droit commercial, tandis que la modification du bilan consiste à remplacer une valeur conforme au droit commercial par une autre valeur également conforme au droit commercial (ATF 141 II 83 consid. 3.3 et les références citées).

Des corrections du bilan peuvent toujours être effectuées – tant qu'il n'existe pas de taxations entrées en force – et doivent être réalisées d'office, car elles permettent d'obtenir la rectification d'une position du bilan qui contrevient à des prescriptions impératives du droit commercial. Elles sont prises en compte d'office par les autorités fiscales dans le bilan fiscal. Les corrections du bilan peuvent avoir des effets en faveur ou en défaveur des personnes morales assujetties à l'impôt. En revanche, si la taxation est entrée en force, une correction du bilan n'est admissible qu'en présence d'un motif de révision (en faveur du contribuable) ou en cas de procédure de rappel d'impôts (ATF 141 II 83 consid. 3.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 2C_576/2020 du 17 août 2020 consid. 2.2.2).

Il en va autrement des modifications du bilan. Il faut ici partir du principe que le bilan est définitif à partir d'un certain moment et que des modifications ultérieures ne peuvent plus être apportées. Selon la jurisprudence, une modification du bilan n'est autorisée que jusqu'au dépôt de la déclaration d'impôts. Une modification du bilan par la société contribuable au cours de la procédure de taxation n'est en principe admissible que s'il apparaît que la société a passé certaines écritures alors qu'elle se trouvait dans une erreur excusable s'agissant des conséquences fiscales que cela générait (ATF 141 II 83 consid. 3.4 et les références citées). Une "erreur excusable" se fonde sur les circonstances de fait et non sur la situation juridique ("ne pas savoir ne protège pas"; arrêts du Tribunal fédéral 2C_576/2020 du 17 août 2020 consid. 2.2.1; 2C_859/2019 du 14 novembre 2019 consid. 3.2.2).

Sont en revanche exclues, en règle générale, les modifications du bilan par lesquelles des changements de valeur sont effectués pour équilibrer des compensations dans la procédure de taxation ou qui sont effectuées uniquement pour des raisons d'économies d'impôts. Les "corrections du bilan" pour de tels motifs précités ne doivent également être reconnues qu'avec une extrême réserve (ATF 141 II 83 consid. 3.4 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 2C_576/2020 du 17 août 2020 consid. 2.2.1).

6.2 En l'espèce, dans la mesure où la violation précitée du devoir d'information et la potentielle violation du devoir de diligence constituent des omissions, il y a lieu de déterminer si la condition de la causalité hypothétique entre lesdites omissions et le dommage allégué est réalisée. En d'autres termes, il s'agit de répondre à la question de savoir si le prétendu dommage, à savoir un appauvrissement de l'appelante à hauteur du supplément d'impôts réclamés par l'AFC, aurait été empêché dans l'hypothèse où l'intimée aurait informé l'appelante du risque qu'elle encourrait en tentant de faire appliquer la réduction pour participations (cf. consid. 6.2.1 infra) et dans l'hypothèse où l'intimée aurait formé spontanément une réclamation contre les décisions de taxation du 20 juin 2018 (cf. consid. 6.2.2 infra).

6.2.1 S'agissant de la première omission, il y a lieu de retenir que l'explication à l'appelante du risque encouru n'aurait eu aucune influence sur sa décision de tenter, tout de même, de faire appliquer la réduction pour participations.

En effet, selon l'expérience générale de la vie, une prise de risque telle que celle de devoir payer des impôts complémentaires de l'ordre de 750'000 fr., en cas de refus de la réduction pour participations, est envisageable, sachant qu'en cas d'admission de ladite réduction, une économie d'impôts de plus de 2'500'000 fr. peut être réalisée. C'est d'autant plus vrai que l'éventuelle perte au bilan 2018 consécutive à ce surplus d'impôts peut être reportée pendant sept exercices, de sorte que les effets négatifs de la réalisation du risque sont encore plus atténués dans la balance risque/bénéfice. L'appelante ne prétend pas qu'elle n'aurait pas donné son accord à la prise de ce risque.

Le lien de causalité entre la violation du devoir d'information et l'éventuel dommage causé à l'appelante n'est ainsi pas établi.

6.2.2 En ce qui concerne la seconde omission, il faut déterminer si la réclamation aurait eu des chances de succès d'aboutir à une modification des taxations en faveur de l'appelante. Or, il ressort de la procédure et de la jurisprudence précitée que l'AFC n'aurait, selon une vraisemblance confinant à la certitude, pas accepté de revoir la taxation litigieuse dans le cadre d'une réclamation si des comptes corrigés lui avaient été remis.

En effet, la rectification litigieuse du bilan consiste en un remplacement d'une valeur conforme au droit commercial par une autre valeur également conforme au droit commercial (Bilanzänderung ou "modification du bilan"). De telles modifications ne peuvent avoir lieu, durant la procédure de taxation (i.e. avant qu'elle ne soit définitive), qu'en cas d'erreur excusable du contribuable. En d'autres termes, lorsque l'erreur est excusable, l'AFC entre en matière sur la réclamation après que le contribuable lui a remis des comptes modifiés. Or, dans le cas d'espèce, il ne saurait être retenu que l'intimée se trouvait dans une erreur excusable. L'intimée savait que les conditions pour l'application de la réduction pour participations n'étaient pas remplies mais a tenté, avec l'accord de l'appelante, de la faire appliquer, ce qu'elle admet au demeurant. L'intimée n'avait ainsi pas inscrit dans les comptes de l'appelante une provision pour impôts de 3'458'840 fr. – qui devait y figurer – mais un montant de 925'941 fr. – correspondant aux montants des impôts attendus en application de la réduction pour participations. A l'instar de ce qu'a retenu le premier juge, il convient de considérer qu'une modification de bilan dans le cadre de la réclamation, tendant à augmenter la provision pour impôts de 925'941 fr. à 3'458'840 fr., aurait uniquement eu pour but de corriger une mauvaise appréciation juridique des chances d'obtenir la réduction pour participations et ainsi réaliser des économies d'impôts, modification qui est exclue. Le seul fait que G______, représentant l'intimée, ait déclaré que, à de rares occasions, l'AFC avait accepté d'établir une nouvelle taxation sur la base de nouveaux comptes, alors qu'elle n'en avait aucune obligation, n'est pas suffisant pour retenir une pratique généralisée permettant de constater qu'une réclamation aurait abouti en faveur de l'appelante.

Partant, l'AFC ne serait pas entrée en matière sur la réclamation, de sorte que le lien de causalité entre l'absence de réclamation spontanément formée par l'intimée contre les décisions de taxation litigieuses et le dommage prétendu de l'appelante n'est pas établi.

Faute de lien de causalité réalisé, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres conditions de l'action en responsabilité du mandataire.

A la lumière des éléments qui précèdent, la responsabilité de l'intimée n'est pas engagée. Le jugement entrepris sera donc confirmé par substitution de motif.

7. 7.1 L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires d'appel. Ceux-ci seront arrêtés à 27'000 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC et 106 al. 1 CPC), compte tenu des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle a impliqué. Ces frais seront compensés avec l'avance de frais de 27'000 fr. que la précitée a versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

7.2 L'appelante sera en outre condamnée à verser à sa partie adverse le montant de 21'000 fr. au titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 avril 2023 par A______ SARL contre le jugement JTPI/2657/2023 rendu le 28 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15153/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 27'000 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance de frais fournie par celle-ci qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à verser 21'000 fr. à C______ SA au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.