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Décisions | Chambre civile

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C/14729/2020

ACJC/207/2024 du 30.01.2024 sur JTPI/12432/2022 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14729/2020 ACJC/207/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 30 JANVIER 2024

 

Entre

REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, sise Chancellerie d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Genève 3, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 octobre 2022, représentée par Me Grégoire AUBRY, avocat, rue de l'Hôpital 12, case postale 96, 2501 Bienne,

et

Madame A______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Didier BOTTGE, avocat, Bottge & Associés SA, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12432/2022 du 18 octobre 2022, notifié à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE le 20 octobre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a condamné la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à payer à A______ un montant de 110'143 fr. 50, avec intérêts à 5 % dès le 25 avril 2019 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 10'640 fr., compensés à due concurrence avec les avances fournies par les parties et mis à la charge de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, condamné en conséquence la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à payer à A______ un montant de 10'640 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires, ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ un montant de 260 fr. et à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE un montant de 100 fr. (ch. 2), condamné la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à payer à A______ la somme de 14'400 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 16 novembre 2022 au greffe de la Cour de justice, la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, au rejet de la demande dans toutes ses conclusions.

b. A______ conclut, avec suite de frais, au rejet de l'appel formé par la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis du 30 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. "B______" est un bateau motorisé, de marque C______, immatriculé GE 1______ pour la première fois le 3 juillet 1956. Il mesure 8 mètres de long et 2,3 mètres de large. Sa coque est en acajou et le pont en cèdre jaune. Il dispose de huit places à bord.

Il a été restauré et reconstruit entre 2015 et 2019 par D______ SA, administré par E______. D______ SA avait initialement acquis ce bateau pour lui-même, sans avoir d'acheteur.

D______ SA a certifié, le 15 mars 2019, "l'état irréprochable" de toutes les parties en bois et des vernis et le fait que le bateau avait été remis à l'eau "à l'état de neuf".

Selon F______, expert naval, la rénovation complète du bateau a nécessité plus de 2'500 heures de travail.

b. A______ a acquis B______ en 2019. Elle en est depuis lors la détentrice.

c. B______ était assuré en responsabilité civile auprès de [la compagnie d'assurances] G______. La couverture d'assurance casco n'était toutefois pas encore effective au moment des faits décrits ci-dessous, dès lors que l'expert de l'assurance n'avait pas encore vu et estimé le bateau.

d. L'Office cantonal des véhicules (ci-après : l'OCV) a convoqué D______ SA le 11 avril 2019 pour mesurer le bruit de B______ en vue de la délivrance du permis de navigation.

Le bateau devant naviguer à plus de 30 km/h, le test ne pouvait être effectué dans la rade, soit la zone située en aval d'une ligne reliant le Port-Noir à la Perle du Lac, où la vitesse maximale est de 10 km/h. Il devait se dérouler en dehors de la zone riveraine de 300 mètres, soit après le parc Mon Repos.

e. Compte tenu des conditions météorologiques défavorables le 11 avril 2019, le test a été reporté au 25 avril 2019.

f. Le 24 avril 2019, le canton de Genève a subi de puissantes rafales de vent qui ont provoqué des chutes d'arbres et de branches. Une dizaine de véhicules ont notamment été endommagés.

g. Le 25 avril 2019, H______, qui s'occupait de l'administration de D______ SA et représentait A______, s'est rendu au test de bruit avec I______, employé de D______ SA. Tous deux avaient préalablement sorti B______ de son hangar et contrôlé l'état de la carène avant de le mettre à l'eau.

Ils ont navigué jusqu'au lieu de rendez-vous, où ils étaient attendus par J______, inspecteur de l'OCV (ci-après également "l'inspecteur").

h.a Aux termes de sa demande du 29 juillet 2020 (cf. ci-dessous, let. D.a), A______ a notamment allégué et offert de prouver ce qui suit (allégués 15-17 dem.) :

15. Le 25 avril 2019, des grumes de bois étaient notamment visibles sur le lac.

Preuve: Audition de témoins.

16. Ce, sans compter que des objets de la nouvelle plage de Genève en construction purent notamment être transportés par le vent.

Preuve: Par appréciation.

17. Néanmoins, le test de bruit se tint en date du 25 avril 2019 à 9h55 au milieu de la rade.

Preuve: Audition des parties;

Audition de témoins.

h.b Dans sa réponse du 23 juin 2021 (cf. ci-dessous, let. D.b), la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE s'est déterminée comme suit sur ces allégués :

Ad allégué 15: Contesté, étant par ailleurs précisé que le lac Léman a une surface de 582 km2, de sorte qu'il ne peut être exclu la présence de grumes à un endroit ou l'autre du lac le 25 avril 2019 comme tout autre jour de l'année.

Ad allégué 16: Contesté.

Ad allégué 17: Admis la date du test, contesté le terme "néanmoins" utilisé en début d'allégué 17 pour le lier aux allégués 13 à 16.

h.c Dans ses allégués propres, la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE a notamment fait valoir que les conditions météorologiques du 25 avril 2019 étaient favorables à la réalisation du test de bruit (all. 101 déf.) et qu'aucune des personnes ayant assisté audit test n'avait émis de réserve sur la date retenue (all. 102 déf.), notamment en lien avec l'orage survenu la veille (all. 103 déf.). Aucun des protagonistes n'avait constaté la présence de grumes de bois ou d'autres objets à l'endroit prévu pour la réalisation du test (all. 105 déf.).

Sept autres tests de bruit avaient par ailleurs été effectués le même jour, au même endroit, sans qu'aucune des personnes y ayant participé ou assisté ne constate la présence de grumes de bois ou n'émette de réserve par rapport à l'orage survenu la veille, et sans qu'aucun problème ne survienne (all. 106 déf.).

La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE a offert en preuve l'audition de J______ en relation avec les allégués susmentionnés.

i.a A la question de savoir s'il se souvenait avoir vu des morceaux de bois sur le lac le jour du test, H______, entendu comme témoin par le Tribunal, a déclaré que la veille, soit le 24 avril 2019 vers 17h, alors qu'il s'était rendu en ville, il y avait eu un tel orage qu'il avait dû fermer son parapluie pour éviter qu'il ne se casse. Il savait, en tant que marin aguerri avec 35 ans d'expérience, que le lendemain d'un tel orage, les rivières adjacentes allaient transporter des morceaux de bois et qu'il y en aurait sur le lac, au même titre que les routes étaient glissantes s'il avait neigé durant la nuit. Parfois, il pouvait même y avoir des communications de la police. C'était en raison de ces circonstances qu'il s'était rendu au test de bruit avec I______.

i.b Interrogé en tant que témoin, E______ a déclaré qu'il se rappelait d'un gros orage la veille du test et qu'il savait qu'en cas d'orage les rivières augmentaient, ce qui amenait beaucoup de bois.

i.c Entendu comme témoin, J______ a quant à lui déclaré que les conditions météorologiques étaient tout à fait favorables le 25 avril 2019. Il ne se rappelait pas si un orage avait éclaté la veille. Il a cependant indiqué qu'à 7h30, lors de la mise en route du test, les inspecteurs de l'OCV consultaient la police du lac pour savoir si les conditions étaient favorables et réalisaient le test en fonction des indications que celle-ci leur donnait. Ils regardaient alors la météo et l'anémomètre. Si la force du vent était supérieure à 5 mètres/seconde, ils n'effectuaient pas le test. En l'occurrence, ils avaient reçu l'aval de la police du lac.

Il a ajouté qu'à sa connaissance, il n'y avait pas de grumes de bois sur le lac le 25 avril 2019. Les inspecteurs de l'OCV avaient effectué huit tests de bruit et celui de B______ était le septième. Il n'y avait eu aucun problème avec les sept autres tests effectués ce jour-là. Aucune des personnes présentes n'avait en outre émis de réserve quant à la praticabilité du lac ou à l'orage de la veille.

i.d Auditionné en qualité de témoin, I______ a enfin déclaré qu'il ne se rappelait pas s'il y avait des grumes sur le lac le 25 avril 2019, mais qu'il était courant d'y trouver des morceaux de bois.

j. Après l'arrivée de H______ et I______ au lieu de rendez-vous, J______ est monté à bord de B______ avec le premier, tandis que le second a pris place avec un garde-port sur un canot semi-rigide équipé d'un sonomètre.

k. J______ a pris les commandes de B______ et a fait un premier passage à plein gaz, soit un régime de 5'000 tours par minute (ci-après : tr/min), devant le sonomètre. La valeur mesurée était alors de 69 décibels, le maximum autorisé étant de 72 décibels.

l. Lors du second passage, les passagers de B______ ont entendu un bruit sourd, le bateau étant entré en collision avec un objet flottant non identifié.

I______ a pu voir que B______ avait ralenti et qu'il commençait à s'enfoncer.

m. H______ a sur ce repris les commandes du bateau. I______ l'a rejoint à bord, tandis que J______, s'est installé sur le canot semi-rigide.

n. H______ a tenté de conduire B______ le plus rapidement possible au port de la Nautique qui était le plus proche. Il a déclaré qu'à ce stade il avait de l'eau jusqu'à la taille.

Les pompes de cale ne suffisant pas à étaler l'eau, le moteur a été submergé et le bateau a commencé à sombrer.

o. H______ a dès lors tracté B______ à l'aide du canot semi-rigide dont il avait pris les commandes en direction du port de la Nautique afin de ne pas le perdre. Quant à I______, il est resté sur le bateau qui coulait.

Arrivés dans le port de la Nautique, B______ a coulé à la verticale, étant précisé que la proue est restée hors de l'eau puisque la profondeur du port est de six mètres et la longueur du bateau de huit mètres.

p. Le bateau a été sorti de l'eau à l'aide d'une grue, d'un plongeur et d'une barge, grâce au soutien des garde-ports de la Nautique et de l'équipe de D______ SA. Des pompiers et des officiers de police se sont rendus sur place.

q. Dans son rapport écrit daté du jour de l'accident, H______ a mentionné que la personne aux commandes de B______ n'avait pas vu ou pas pu voir un objet (grume provenant des orages du soir précédent) et l'avait tapé avec l'étrave qui avait ensuite défoncé la carène côté tribord.

r. Par courriel du 30 avril 2019, l'OCV a affirmé que l'inspecteur n'avait commis aucune faute ou négligence grave et informé le courtier en assurances de A______ qu'il avait transmis l'affaire à K______, son assurance RC.

s. Dans son rapport d'expertise du 11 mai 2019, F______, expert naval mandaté par K______, a constaté les dommages suivants : trois bords cassés net entre deux courbes à environ 3,5 mètres de l'étrave côté bâbord, trois courbes descellées (rivets cassés), marque de choc d'environ 1,5 centimètres sur la ferrure d'étrave au niveau du brion à bâbord, diverses marques et rayures superficielles sur le vernis au niveau du franc-bord et du cale-pied du pont avant bâbord, moteur totalement immergé et grippé, électricité et réservoirs d'essence immergés, et totalité de la sellerie immergée et souillée par les remontées d'huile du moteur lors du naufrage.

D'après "les marques de frottement au niveau de la rupture des bordés, il s'agi[ssait] très probablement d'un choc ou collision avec un objet flottant non identifié".

Selon l'expert, cet objet pouvait être "un élément en bois ou un autre objet flottant entre deux eaux, objets qui souvent sont peu ou pas visibles car tel un iceberg, la partie la plus volumineuse se trouve souvent sous l'eau ne laissant apparaître à fleur d'eau qu'une petite partie de l'objet. Ce cas de figure arrive très souvent dans le haut-lac près de l'embouchure du Rhône après un orage. En revanche, une telle collision est beaucoup plus rare, voire très rare dans la rade de Genève mais ceci s'explique très probablement en raison du violent orage qui s'est abattu en fin d'après-midi du jour précédent le sinistre. Ce violent orage a probablement ramené des grosses branches ou éléments en bois voire des objets flottants provenant du chantier de la nouvelle plage de Genève. Ceci est l'explication la plus plausible car les fonds ont été entièrement contrôlés et rénovés par [D______ SA]. Le bois est sain et la construction solide, cependant compte tenu de l'ancienneté du bateau, il n'est pas improbable que le bois constituant les bordés soit affaibli par le temps".

L'expert a conclu que J______ avait scrupuleusement respecté le protocole qui lui était imposé par l'autorité, de sorte que la responsabilité de l'inspecteur ne semblait pas engagée. Ce dernier n'avait pas piloté de manière dangereuse et/ou inattentive. Le lac était calme et il n'y avait pas de vagues qui pouvaient entraîner la rupture des fonds.

t. Les dommages mis en évidence par F______ ont également été constatés par H______.

E______ a déclaré au Tribunal, s'agissant de l'état du bois, que F______ avait demandé au D______ SA de démonter un morceau de la pièce qui avait cassé sous le bateau. Il avait pu être constaté que le bois était parfaitement sain car le bateau avait été stationné dans un hangar privé en dehors de l'eau.

u. A______ a allégué dans la demande, sous le titre "Des échanges subséquents au dommage", qu'elle avait, par pli du 24 mai 2019 adressé à l'OCV, contesté le rapport d'expertise du 11 mai 2019 niant la responsabilité de l'inspecteur (all. 47 dem.).

Elle a reproduit, à l'allégué 48 de la demande, de larges extraits de son courrier du 24 mai 2019, soit : le bateau – rare et d'une valeur importante – devait être manié avec une vigilance particulièrement élevée compte tenu des conditions météorologiques de la veille et du fait que le test de bruit nécessitait de naviguer à grande vitesse; l'inspecteur aurait dû redoubler d'attention dans ces circonstances et adapter sa vitesse aux conditions, ou prendre les précautions nécessaires afin de préserver le bateau piloté; il aurait même dû renoncer au test le jour en question au vu de ces circonstances.

La preuve offerte en relation avec cet allégué était la pièce 17 dem., à savoir le courrier du 24 mai 2019 mentionné ci-dessus.

La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE s'est déterminée sur l'allégué 48 par la mention "Rapport soit au contenu des pièces". Elle a précisé admettre ainsi que tel était le contenu de la pièce concernée, ledit contenu étant toutefois contesté.

v. Le 7 juin 2019, A______ a transmis à l'OCV une liste des dépenses qu'elle avait assumées à la suite du naufrage, lesquelles s'élevaient à 34'454 fr. 85.

w. Par pli du 21 juin 2019 adressé à A______, K______ a retenu qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'inspecteur dans le cadre de la survenance du sinistre. Il n'était par ailleurs pas improbable que le bois constituant les bordés ait été affaibli par le temps, de sorte que l'incident aurait pu survenir à n'importe quel moment, lors d'une autre sortie du bateau.

x. A______ a allégué qu'elle avait, par pli du 18 juillet 2019, contesté les hypothèses de K______ relatives à l'état de conservation du bois, et mis en doute les compétences de l'inspecteur au vu de son manque de diligence et de son comportement lors du naufrage. Son état de désorientation au moment du sauvetage laissait supposer qu'il manquait des aptitudes professionnelles nécessaires à l'exécution du test de bruit (all. 60-61 dem.).

La preuve offerte en relation avec ces allégués était la pièce 19 dem. (recte: pièce 20 dem.), à savoir le courrier du 18 juillet 2019 mentionné ci-dessus.

La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE s'est déterminée sur l'allégué 60 par la mention "Rapport soit au contenu des pièces", précisant admettre que tel était le contenu de la pièce concernée, ledit contenu étant toutefois contesté.

Elle a contesté l'allégué 61 en relevant que celui-ci ne reposait sur aucun élément ou moyen de preuve.

y. Par pli du 13 septembre 2019, A______ a fait parvenir à K______ une nouvelle facture relative à la réparation du bateau, d'un montant de 13'387 fr. 10.

z. A______ a allégué qu'elle avait, par pli du 25 septembre 2019, contesté la prétendue diligence de l'inspecteur et souligné la conduite largement imprudente de ce dernier au vu des circonstances météorologiques de la veille, de la grande vitesse de navigation, de la valeur du bateau et des débris obstruant le lac (all. 67 dem.).

La preuve offerte en relation avec cet allégué était la pièce 25 dem., à savoir le courrier du 25 septembre 2019.

La REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE s'est déterminée sur l'allégué 67 par la mention "Rapport soit au contenu des pièces".

aa. Un second test de bruit a eu lieu le 12 septembre 2019. Il a été effectué par un inspecteur de l'OCV autre que J______, lequel a renoncé à prendre les commandes de B______ et laissé celles-ci aux employés de D______ SA.

ab. Par courrier du 12 novembre 2019 adressé à A______, K______ a confirmé qu'aucune faute ne pouvait être imputée à J______, lequel avait respecté le protocole relatif au test de bruit.

D. a. Par demande expédiée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2020 en vue de conciliation et introduite au fond le 29 avril 2021, A______ a conclu à la condamnation de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à lui payer la somme de 135'243 fr. 50 avec intérêts à 5 % dès le 25 avril 2019, avec suite de frais.

Elle a allégué que son dommage se composait des frais de sauvetage et de réparation de B______, à savoir :

-         2'606 fr. 35 pour le déploiement d'une grue, d'un plongeur et la main d'œuvre nécessaire;

-         11'550 fr. 85 pour le sauvetage, les mesures de sauvegarde et le démontage du bateau;

-         50 fr. 05 pour l'intervention du Département de l'environnement urbain et de la sécurité;

-         20'247 fr. 60 pour le remplacement du moteur;

-         22'891 fr. 65, 22'710 fr. 70, 13'387 fr. 10 et 12'465 fr. 20 pour les quatre phases de réparation du bateau;

-         4'234 fr. correspondant à la facture finale de D______ SA du 4 octobre 2019.

Ces montants ne sont pas contestés au stade de l'appel.

A______ estimait en outre la remise en état de certaines zones de vernis du bateau à 25'000 fr. Le Tribunal a écarté ce poste du dommage au motif qu'il n'avait pas été démontré que ces réparations étaient nécessaires, ni qu'elles allaient être entreprises à l'avenir. Ce point n'est pas litigieux devant la Cour.

A______ a fait valoir, dans la partie "En Droit" de la demande, qu'en raison du violent orage survenu à Genève le 24 avril 2019, de nombreuses branches de bois flottant étaient visibles sur le lac, ainsi que vraisemblablement des objets provenant de la nouvelle plage de Genève. En dépit de ces circonstances, l'inspecteur avait préféré maintenir le test de bruit, manquant ainsi à son devoir de vigilance et de prudence. Il avait ensuite conduit à grande vitesse et de manière imprudente sur un plan d'eau obstrué d'objets flottants, causant ainsi le naufrage du bateau et violant ses obligations de vigilance et de diligence. Or, dès lors qu'il était censé être un professionnel en matière de navigation, il lui appartenait de s'assurer que la navigation un lendemain d'orage était sans danger et, cela fait, de renoncer au test de bruit ou de prendre toutes les mesures de précaution utiles avant de se lancer à pleins gaz sur le lac. En n'agissant pas de la sorte, il avait commis une faute, laquelle se trouvait à l'origine du dommage subi.

b. Par réponse du 23 juin 2021, la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE a conclu au rejet de la demande, avec suite de frais.

c. Par ordonnance du 25 juin 2021, le Tribunal a transmis la réponse et les pièces de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à A______ et appointé une audience de débats d'instruction au 6 septembre 2021.

d. Lors de ladite audience, A______ a déposé des déterminations spontanées, dans lesquelles elle s'est limitée à contester l'ensemble des allégués de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE. Elle ne s'est pas exprimée plus avant sur les allégués en question lors de l'audience, ni n'a offert de préciser ses propres allégués à cette occasion.

Elle a déposé une liste de témoins, dans laquelle elle a notamment offert en preuve l'audition de H______ en relation avec les allégués 60 et 61 de la demande.

e. Par ordonnance de preuves du 15 septembre 2021, le Tribunal a admis la preuve par l'audition de témoins, notamment pour les allégués 15 à 17, 60 et 61 de la demande.

f.a Le témoin H______ a déclaré qu'il s'occupait de l'administration de D______ SA même s'il n'était pas lui-même administrateur. Il connaissait B______ car il s'était occupé de son acquisition et de sa restauration. Avant de partir au test, il avait contrôlé le bateau, étant précisé que celui-ci n'était pas dans l'eau.

Lors du test, il était placé derrière l'expert, en diagonale, dans la semi-cabine. C'était la seule fois de sa vie qu'il avait dû confier les commandes à quelqu'un qui lui avait demandé où se trouvait la manette des gaz. Il avait demandé à l'inspecteur s'il allait vraiment conduire, alors qu'il ne savait pas où se trouvait la manette des gaz, et celui-ci ne lui avait pas répondu. Il avait déjà demandé à l'inspecteur s'il allait conduire lorsqu'il était monté sur le bateau car il avait constaté que celui-ci n'avait pas le "pied marin". L'inspecteur lui avait répondu qu'il représentait l'autorité et qu'il allait conduire.

H______ ne se souvenait pas si la première mesure était dans la norme et si le bateau avait fait deux ou trois passages, mais le bateau avait réussi le test de bruit. Lors du dernier passage, il y avait eu un énorme choc et le bateau avait commencé à prendre 500 litres toutes les 5 à 10 secondes. Le trou, qui n'était pas visible, mesurait 40 centimètres de côté. Les occupants du bateau avaient de l'eau jusqu'aux genoux.

Selon H______, l'inspecteur était prostré, sous le choc, ne bougeant plus et poussant de petits cris. Il avait dû le prendre pour le sortir de la semi-cabine. Heureusement que I______, qui l'avait accompagné, avait vu ce qui s'était passé et avait dirigé le canot des garde-ports pour venir débarquer l'inspecteur. B______ était resté en marche pour éviter qu'il ne coule et ne s'était arrêté que lorsque le moteur s'était noyé.

A la question de savoir s'il était exact que l'inspecteur n'avait pas piloté de manière dangereuse et/ou inattentive et s'il était concentré sur sa mission comme cela résultait de l'expertise F______, H______ a répondu qu'un professionnel n'aurait, à son sens, pas piloté de cette manière. Le test de bruit mené l'année suivante ne l'avait pas du tout été de cette manière. L'inspecteur alors en charge avait en effet bien compris que sur B______, il était impossible de regarder à la fois le compte-tours et devant soi.

H______ a déclaré que D______ SA avait utilisé un gros ciseau à bois extrêmement aiguisé et un gros marteau de charpentier pour tester la solidité du bois aux endroits de la rupture. Le bois était extrêmement solide, ce dont il avait même été étonné.

S'agissant des travaux de réparation, il avait fallu vider le bateau, démonter les toilettes, les composants électriques et mécaniques, les vaigrages, les ameublements et, de manière générale, tout ce qui était démontable. Cela avait constitué "un travail de titan". Il avait fallu changer la moitié des éléments et tout commander, y compris un moteur aux Etats-Unis, refaire les vernis, les peintures, les vaigrages ainsi que toute l'électricité sur mesure, et tout remonter.

f.b Le témoin E______ a déclaré avoir travaillé durant 52 ans dans le domaine de la restauration et la construction de bois. Il avait restauré une quarantaine de bateaux en bois et construit une vingtaine de bateaux en bois à neuf. Il avait accepté la restauration de B______ car il savait que c'était le dernier bateau qu'il allait restaurer, qu'il disposait du temps nécessaire et n'avait pas la pression d'un client, ce qui lui permettait de travailler dans de bonnes conditions.

Il avait rénové le bateau durant deux ans. D______ SA avait décapé toutes les peintures, ce qui permettait de voir l'état du bois et de changer celui qui n'était pas en bon état. Il avait repeint le bateau et refait les ferrures. Il avait changé la sellerie et le moteur pour mettre de nouveaux réservoirs. A la fin de la rénovation, le bateau était en meilleur état qu'auparavant.

Après l'accident, il avait fallu ramener le bateau au chantier, le sécher et l'expertiser. Il s'était remis en question en se disant que D______ SA avait peut-être oublié de changer une pièce défectueuse, ce qu'il ne pouvait voir qu'en démontant ce qui était cassé. Il s'était rendu compte que tout était en bon état; le bateau avait manifestement coulé à la suite d'un choc.

Le témoin a confirmé que la résistance mécanique du bois avait été testée à l'aide d'un ciseau à bois avant le démontage du bateau. Il n'était pas parvenu à traverser le bois avec ce ciseau, de sorte que l'accident ne provenait pas du fait que le bois n'était pas sain.

Concernant la remise en état après l'accident, D______ SA avait réparé ce qui avait été cassé; il avait donc fallu démonter toutes les ferrures, refaire toutes les peintures et la sellerie, changer le moteur et tout le faisceau électrique, ce qui avait occasionné beaucoup de travail.

Le témoin a confirmé que les pièces 33 à 36 dem. correspondaient aux travaux effectués et facturés par D______ SA durant les quatre phases et en a confirmé les coûts. Il s'agissait des travaux nécessaires pour remettre le bateau exactement dans l'état qui était le sien avant l'accident, étant rappelé que D______ SA était à quelques heures de la livraison au moment du naufrage. Ces factures avaient été réglées.

f.c Le témoin L______ a déclaré qu'il gérait le Family Office de A______ et qu'il avait traité le dossier en lien avec l'accident de B______. Il n'avait pas assisté au naufrage du bateau mais s'était occupé de sa rénovation et de son achat. Il avait également géré les suites du sinistre et participé aux discussions y relatives. Il était intervenu lorsqu'il avait fallu choisir, avec D______ SA, quels éléments du bateau pouvaient être sauvés ou non, s'agissant notamment des tissus, de l'électricité et de la mécanique. Le coût total du dommage, qui avait été entièrement payé, s'élevait à 135'000 fr. environ, soit 110'000 fr. de réparation et 25'000 fr. de sauvetage et renflouage.

f.d A la question de savoir pour quelle raison il avait pris les commandes du bateau lors du test, le témoin J______ a répondu que cela faisait partie de ses fonctions et que les inspecteurs de l'OCV procédaient toujours ainsi. En revanche, il ne se souvenait pas avoir demandé à l'autre personne présente sur le bateau où se trouvait la manette des gaz. Lors du test, il regardait l'eau devant lui.

Il ne se souvenait pas s'il avait effectué le test à 5'000 tr/min mais ce chiffre ne lui semblait pas absurde. Il ne se rappelait pas non plus si la poignée des gaz était en butée ou pas. Cependant, à 5'000 tr/min, la poignée de gaz était pratiquement au fond. Il ne pouvait pas se fier à son oreille, de sorte qu'il regardait le compte-tours du bateau. A la question de savoir quelle avait été sa réaction suite à l'incident, il a déclaré avoir été au plus près du bateau du garde-port pour pouvoir sortir du bateau qui était endommagé.

f.e Le témoin I______ a déclaré qu'il était employé de D______ SA à l'époque des faits. Il était en outre marin professionnel et passait à ce titre 100 à 150 jours par an à naviguer sur le lac. Selon son souvenir, après le premier passage de B______ devant le sonomètre, il avait demandé à l'inspecteur si la mesure était bonne. Celui-ci lui avait répondu par l'affirmative et ajouté qu'il fallait faire un deuxième passage. B______ avait fait demi-tour et accéléré sur environ 200 mètres, avant de ralentir et de commencer à s'enfoncer. L'inspecteur avait été complètement désorienté et était resté passif au moment du naufrage.

g. A l'issue de l'audience du 13 juin 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, puis la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel a été interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 CPC). Il est dès lors recevable.

1.2 Sont également recevables la réponse, ainsi que les réplique et duplique respectives, déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. L'appelante reproche en premier lieu au Tribunal d'avoir violé la maxime des débats en retenant que l'intimée avait correctement allégué la faute qu'elle reprochait à l'inspecteur de l'OCV et proposé des moyens de preuve pertinents en lien avec ces allégués.

A supposer que l'intimée ait satisfait à ces exigences, il ne résultait quoi qu'il en soit pas du dossier que des grumes de bois aient été visibles en rade de Genève le 25 avril 2019, ni que leur présence ait été prévisible. Il n'avait pas non plus été démontré que l'inspecteur avait piloté le bateau de manière imprudente compte tenu des conditions de navigation prévalant ce jour-là. L'existence d'un lien de causalité entre une prétendue faute de l'inspecteur et la collision n'avait pas été davantage établie. L'intimée avait dès lors échoué à prouver les faits permettant d'engager la responsabilité de l'appelante.

2.1.1 L'Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'exercice de leurs fonctions ou dans l'accomplissement de leur travail (art. 2 al. 1 LREC). Les règles générales du Code civil s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, selon l'art. 6 LREC.

La LREC n'institue pas une responsabilité de type objectif ou causal, mais une responsabilité pour faute dont les conditions correspondent à celles de l'art. 41 CO, ce qui implique la réalisation des quatre conditions cumulatives suivantes : un acte illicite commis par un agent ou un fonctionnaire, une faute de la part de celui-ci, un dommage subi par un tiers et un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte illicite et le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1150/2014 du 9 juin 2015 consid. 3.2; 4A_329/2012 du 4 décembre 2012 consid. 2.1 et 4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 2.1).

Les principes découlant des art. 41 ss CO sont ainsi applicables et il revient à la partie demanderesse, selon l'art. 8 CC, de rapporter la preuve de l'existence d'un acte illicite, d'une faute et d'un dommage se trouvant, par rapport à l'acte concerné, dans une relation de causalité adéquate (arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2011 précité consid. 3.5).

2.1.2 La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit public cantonal de la responsabilité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 3.1). L'acte illicite se définit comme la violation d'une norme protectrice des intérêts d'autrui, en l'absence de motifs justificatifs. Il peut résulter de l'atteinte à un droit absolu de la victime ou de la violation d'une norme de comportement destinée à protéger le lésé contre le type de dommage qu'il subit (ATF 132 III 122 consid. 4.1).

En vertu de l'art. 22 de la loi fédérale du 3 octobre 1975 sur la navigation intérieure (LNI; RS 747.201), le conducteur de bateau doit prendre toutes les précautions que commandent le devoir général de vigilance et la pratique de la navigation pour éviter de mettre en danger des personnes, de causer des dommages aux choses des tiers, d'entraver la navigation et de troubler l'environnement.

Aux termes de l'art. 5 let. a de l'ordonnance du 8 novembre 1978 sur la navigation dans les eaux suisses (Ordonnance sur la navigation intérieure; ONI; RS 747.201.1), le conducteur s'assure que la navigation sur le plan d'eau est possible sans danger. Il adapte la route aux conditions locales et prend toutes les mesures de précaution que commande le devoir de vigilance, en vue notamment d'éviter de mettre en danger ou d'incommoder des personnes.

2.1.3 La faute suppose que l'acte illicite ait été commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, l'art. 2 al. 1 LREC reprenant en cela le texte de l'art. 41 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 3.3).

On définit en général la faute comme un manquement de la volonté au devoir imposé par l'ordre juridique. Il peut s'agir d'une faute intentionnelle ou d'une négligence. Traditionnellement, on considère que la faute représente l'aspect subjectif de la responsabilité alors que l'illicéité en constitue l'aspect objectif. Dans l'analyse de la négligence, le manquement est cependant objectivé : le responsable commet une faute lorsqu'il manque à la diligence dont aurait fait preuve une personne de la catégorie à laquelle il appartient. Pour choisir la catégorie déterminante, on prend toutefois en compte des éléments subjectifs tels que la formation, les connaissances techniques particulières, l'âge ou le sexe de l'auteur (Werro/Perritaz, in Commentaire romand, CO I, 2021, 2ème éd., n. 56-57 ad art. 41 CO).

La faute objective consiste dans le manquement à la diligence qu'on pouvait raisonnablement attendre de l'auteur dans les circonstances de temps et de lieu où il s'est trouvé. Pour décider de la diligence requise, le juge doit comparer le comportement qu'a eu l'auteur à celui qu'une personne raisonnable aurait eu dans les mêmes circonstances (Werro/Perritaz, op. cit., n. 61 ad art. 41).

Le degré de la faute n'est pas décisif pour déterminer si la responsabilité de l'auteur est engagée. Il peut en revanche jouer un rôle dans la fixation de l'indemnité (Werro/Perritaz, op. cit., n. 68 ad art. 41).

2.1.4 Il existe un lien de causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte préjudiciable, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1; 133 III 462 consid. 4.4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2018 du 3 avril 2019 consid. 5.6.1.1).

Le rapport de causalité est adéquat lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit. Pour savoir si un fait est la cause adéquate d'un préjudice, le juge procède à un pronostic rétrospectif objectif: se plaçant au terme de la chaîne des causes, il lui appartient de remonter du dommage dont la réparation est demandée au chef de responsabilité invoqué et de déterminer si, dans le cours normal des choses et selon l'expérience générale de la vie humaine, une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 129 II 312 consid. 3.3 et les références). Pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Si un événement est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui est survenu, même des conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires, peuvent constituer des conséquences adéquates de cet événement (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2; 119 Ib 334 consid. 5b). Lorsqu'il s'agit de juger de l'existence d'un lien de causalité adéquate entre une ou des omissions et un dommage, il convient de s'interroger sur le cours hypothétique qu'auraient pris les événements si le défendeur avait agi conformément à ses devoirs (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2 in fine; 127 III 453 consid. 5d). Le lien de causalité n'est pas donné si un comportement conforme aux devoirs n'aurait pas empêché la survenance du dommage. Cependant, la simple hypothèse que le dommage ne serait pas survenu ne suffit pas à exclure la causalité. Le fait que le dommage serait en tout état de cause survenu doit bien plutôt être établi avec certitude ou, à tout le moins, avec un haut degré de vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2018 précité consid. 5.6.1.2 et les arrêts cités).

2.1.5 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC) – comme c'est en l'espèce le cas –, il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.1). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid. 4.1). Le demandeur, qui supporte le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve (art. 8 CC), en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence d'allégation de ce fait, respectivement celles de l'absence de preuve de celui-ci, a évidemment toujours intérêt à l'alléguer lui-même, ainsi qu'à indiquer au juge les moyens propres à l'établir (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2019 du 17 février 2020 consid. 6.1.1 et les arrêts cités).

Les faits sur lesquels le demandeur fonde ses prétentions et qui doivent être allégués sont les faits pertinents (cf. art. 150 al. 1 CPC), c'est-à-dire les éléments de fait concrets correspondant aux faits constitutifs de la règle de droit applicable dans le cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2019 précité consid. 6.1.2 et les références).

Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que, d'une part, le défendeur puisse dire clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que, d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (art. 150 al. 1 CPC;
ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1, 67 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2019 précité consid. 6.1.3).

Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure: dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la règle de droit matériel au cas particulier
(ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1; 127 III 365 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2019 précité, ibidem).

2.1.6 Même lorsque la maxime des débats est applicable, il n'est pas nécessaire qu'une allégation de fait contienne tous les détails; il suffit que les faits soient allégués dans leur cours ou leurs contours essentiels, d'une manière correspondant aux usages de la vie courante, de sorte qu'une contestation motivée soit possible ou que la preuve contraire puisse être présentée. Une présentation des faits est considérée comme concluante lorsque, supposé qu'elle soit vraie, elle permet de conclure à la conséquence juridique souhaitée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_178/2013 du 31 juillet 2013 consid. 2.3.3, résumé in CPC Online, art. 221 let. d, ch. 4 CPC; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4A_409/2022 du 19 septembre 2023 consid. 8.3.3).

S'il estime que l'allégation est suffisante, le juge peut prendre en considération d'autres faits, révélés par l'administration des preuves (faits dits "exorbitants"), si ceux-ci concrétisent l'allégation déjà formulée, de sorte qu'ils sont "couverts" par cette dernière. Si en revanche, les faits révélés par l'administration des preuves n'ont nullement été allégués auparavant – et s'ils ne peuvent pas non plus l'être par la suite, en tant que nova admissibles au sens de l'art. 229 al. 1 CPC –, le juge ne peut pas les prendre en considération pour appliquer d'office le droit. L'absence d'allégués sur un point exclut par ailleurs l'administration de la preuve sur ce point (ATF 142 III 462 consid. 4.3-4.4, Note Bastons Bulletti in CPC Online, Newsletter du 14 juillet 2016).

2.1.7 En vertu de l'art. 221 al. 1 let. e CPC, la demande contient l'indication, pour chaque allégation, des moyens de preuves proposés. Le but de cette exigence est, notamment, que le tribunal puisse reconnaître sur quels faits se fonde le demandeur et avec quoi il entend les prouver (arrêt du Tribunal fédéral 5A_822/2022 du 14 mars 2023 consid. 6.3.2.2, résumé in CPC Online, art. 221 al. 1 let. e CPC).

Un moyen de preuve ne doit être considéré comme régulièrement offert que lorsque l'offre de preuve peut être reliée sans équivoque à l'allégation de fait qui doit ainsi être prouvée, et inversement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 4 résumé in CPC Online, art. 221 al. 1 let. e CPC). Cette exigence résulte du texte de l'art. 152 CPC en lien avec l'art. 221 al. 1 let. e CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_452/2013 du 31 mars 2014 consid. 2.1 résumé in CPC Online, art. 221 al. 1 let. e). En l'absence d'offres de preuves régulières, il peut être renoncé à la procédure probatoire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2015 du 6 janvier 2016 consid. 5.2 ss, résumé in CPC Online Online, art. 221 al. 1 let. e CPC).

En résumé, la procédure probatoire ne sert pas à remplacer ou à compléter l'absence d'allégations, mais au contraire, elle suppose ces dernières (arrêts du Tribunal fédéral 4A_113/2017 du 6 septembre 2017 consid. 6.1.1 in fine et 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.4, résumés in CPC Online, art. 221 al. 1 let. d, ch. 5).

2.2.1 En l'espèce, le Tribunal a considéré, en substance, que l'inspecteur avait violé les art. 22 LNI et 5 ONI de manière fautive à deux égards. Alors que la présence de grumes dans la rade était prévisible compte tenu du violent orage qui avait éclaté la veille, il n'avait pas suffisamment vérifié que les conditions de navigation permettaient d'effectuer le test en toute sécurité. Il avait en outre conduit de manière imprudente, ne remarquant pas qu'il ne pouvait pas regarder simultanément le compte-tours et devant lui pour piloter.

Or, les pièces versées au dossier et les enquêtes menées par le Tribunal n'ont pas permis d'établir que des grumes ou d'autres objets flottants se seraient trouvés dans la zone d'exécution du test de bruit le 25 avril 2019, étant rappelé que celle-ci ne se situait pas dans la rade de Genève, située en aval du Port-Noir et de la Perle du Lac, mais à l'intérieur d'un périmètre situé en amont du parc Mon Repos, en dehors de la zone riveraine de 300 mètres (ci-après : la zone ou le périmètre du test de bruit).

Bien que questionné expressément sur ce point, aucun des témoins auditionnés n'a confirmé avoir vu de tels objets flotter à la surface de l'eau dans la zone en question. Il n'a pas non plus été établi, ni même allégué, que la police aurait émis une mise en garde à ce sujet, alors qu'il lui était arrivé de le faire (cf. témoignage H______, p. 5, let. C.i.a). Les rapports établis le lendemain du naufrage par les témoins H______ et I______ ne font pas davantage état de la présence de grumes sur le lac. Le Tribunal n'a lui-même pas retenu que des branches de bois auraient été aperçues le 25 avril 2019, se bornant à constater qu'il était "notoire" qu'à la suite d'un violent orage tel que celui de la veille, les rivières charriaient de tels éléments et qu'il était prévisible d'en trouver sur le lac le lendemain. Il n'est ainsi pas établi que des grumes de bois ou d'autres objets se soient trouvés à la surface de l'eau dans le périmètre du test, l'intimée ne prétendant au surplus rien de tel devant la Cour.

S'agissant de la question de savoir s'il était "notoire" que de tels éléments puissent se trouver dans la zone du test de bruit un lendemain d'orage, l'intimée n'a rien affirmé de tel devant le Tribunal. L'intéressée s'est en effet bornée à prétendre que des grumes de bois auraient été visibles le 25 avril 2019 (cf. En fait, let. C.h.a), ce qui n'a pas été établi, et à citer le rapport d'expertise F______, lequel ne s'exprimait pas sur la notoriété de ce phénomène. Ce faisant, elle n'a ni allégué, ni offert de prouver qu'un tel phénomène serait courant et qu'il aurait dû être connu de l'OCV. Elle n'a pas davantage prétendu qu'il s'agirait d'un fait notoire au sens de l'art. 151 CPC, dont il n'y avait pas lieu d'apporter la preuve. Tel n'est au demeurant pas le cas au sens de la jurisprudence (parmi d'autres: arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1). La prise en compte dudit phénomène par le Tribunal pour statuer sur la responsabilité de l'appelante contrevient dès lors, sous cet angle, à la maxime des débats.

A supposer que le phénomène en question ait pu être pris en considération au motif qu'il constituait un "fait exorbitant" révélé par les enquêtes et couvert par l'allégué de la demande relatif à la présence de grumes de bois dans le lac, l'appréciation de la Cour ne serait pas modifiée.

Les témoins H______ et E______ ont certes déclaré, lors de leur audition, qu'ils savaient que le lendemain d'un orage tel que celui survenu le 24 avril 2019, les rivières amèneraient des branches de bois et qu'il y en aurait sur le lac. Aucun de ces témoins n'a toutefois précisé ce qu'il entendait par "sur le lac", ni n'a indiqué si le périmètre du test de bruit pouvait être touché par ce phénomène, au même titre que les zones situées à proximité des embouchures des cours d'eau. Lesdits témoins n'ont pas non plus affirmé que ce phénomène rendait la navigation plus dangereuse qu'à l'accoutumée et exigeait dès lors une prudence particulière.

Ces imprécisions des témoignages H______ et E______ doivent être appréciées avec d'autant plus de rigueur que l'intimée est une importante cliente des précités et que ces derniers ont conduit le bateau le 25 avril 2019 au test de bruit, alors que sa couverture d'assurance casco n'était pas encore effective. Comme le relève à juste titre l'appelante, de tels facteurs sont de nature à influer sur le contenu de leurs déclarations.

Indépendamment de ce qui précède, l'assurance avec laquelle les témoins H______ et E______ ont affirmé qu'ils savaient qu'il y aurait des grumes de bois sur le lac le jour du test de bruit doit être pondérée en regard des autres éléments résultant de l'administration des preuves. Ainsi, le témoin I______, régatier professionnel naviguant 100 à 150 jours par année sur le lac, s'est limité à attester qu'il était "courant qu'il y ait des grumes de bois sur le lac". Il n'a pas affirmé qu'un tel phénomène serait notoirement plus marqué les lendemains d'orage. Ni le témoin précité, ni le témoin H______, qui s'est pourtant décrit comme un "marin aguerri avec 35 ans d'expérience", n'ont par ailleurs émis de réserve au moment de remettre les commandes du bateau à l'inspecteur au motif que la navigation serait risquée en raison de l'orage survenu la veille. Ils n'ont pas non plus formulé de critique en ce sens dans les rapports qu'ils ont rédigés le lendemain de l'accident.

Bien qu'il ait estimé que l'accident avait probablement été causé par un objet flottant charrié sur le lac par l'orage de la veille, l'expert F______ n'a pas non plus affirmé qu'il se serait agi d'un phénomène courant qui aurait dû être connu de l'inspecteur. Il a, au contraire, qualifié l'accident de rare, "voire très rare" en rade de Genève (cf. En fait, let. C.s).

A l'inverse de ce qu'a retenu le premier juge, il ne saurait dès lors être considéré comme notoire que des grumes de bois pouvaient se trouver dans la zone du test de bruit le 25 avril 2019 en raison de l'orage de la veille et que ce facteur imposait de naviguer avec une prudence accrue. Il s'ensuit que les circonstances sur lesquelles le Tribunal s'est fondé pour considérer que l'inspecteur aurait dû faire preuve d'une vigilance particulière avant de procéder au test de bruit, voire aurait dû renoncer à celui-ci, ne sont pas démontrées. Le grief soulevé par l'appelante sur ce point est donc fondé.

2.2.2 Le Tribunal a considéré, en second lieu, que l'inspecteur avait manqué de diligence en ne se rendant pas compte qu'il ne pouvait pas surveiller le compte-tours du bateau pour vérifier si le régime de 5'000 tr/min était atteint et regarder simultanément devant lui pour surveiller le plan d'eau. Cette motivation n'emporte toutefois pas non plus conviction.

Ainsi que le relève à juste titre l'appelante, c'est tout d'abord en vain que l'on recherche, dans le mémoire de première instance de l'intimée, un allégué et une offre de preuve adéquate en relation avec une prétendue conduite imprudente de l'inspecteur lors du test de bruit, ainsi qu'au sujet du lien de causalité entre ladite conduite et le naufrage.

L'intimée a en effet allégué, au chiffre 48 de la demande, qu'elle avait, par courrier du 24 mai 2019 adressé à l'OCV, contesté le rapport d'expertise du 11 mai 2019, en reprochant notamment à l'inspecteur de ne pas avoir adapté sa vitesse aux conditions de navigation prévalant le jour du test. Comme le relève à juste titre l'appelante, l'intimée s'est toutefois limitée, ce faisant, à relater le contenu dudit courrier, ce qui est confirmé par le fait qu'elle n'a offert en preuve de cet allégué que le courrier en question. Bien que l'appelante ait expressément contesté ledit contenu dans sa réponse, l'intimée n'a pas précisé, dans sa réplique, qu'elle alléguait également la matérialité du courrier susvisé, ni n'a offert de prouver les faits qui y étaient mentionnés par l'audition de témoins.

Les considérations qui précèdent peuvent être transposées aux allégués 60 et 61 de la demande. Bien qu'ils pointent le manque d'aptitudes et de compétences professionnelles de l'inspecteur, ces allégués se limitent en effet à rapporter le contenu du courrier envoyé par l'intimée à l'assurance RC de l'appelante le 18 juillet 2019, en offrant en preuve le courrier en question. L'on ne saurait dès lors y lire une allégation de la survenance des événements relatés dans ce courrier.

La question de savoir si, en offrant aux débats d'instruction de prouver ses allégués 60 et 61 par l'audition de témoins, l'intimée a implicitement transformé la simple citation du contenu du courrier envoyé à l'assurance RC de l'appelante en allégation de la survenance des événements décrits dans ce courrier peut au surplus rester indécise.

A teneur des allégués en question, l'intimée faisait en effet valoir que l'inspecteur ne disposait pas des compétences professionnelles nécessaires pour procéder au test de bruit eu égard au comportement qu'il avait adopté lors du naufrage et du sauvetage du bateau. Ces allégués se rapportaient par conséquent au comportement adopté par l'inspecteur dans les instants ayant suivi la collision. Ils ne portaient ni sur la manière dont le test de bruit avait été effectué, ni sur la manière dont l'inspecteur avait piloté le bateau.

Ces carences dans l'allégation des faits constitutifs de la norme invoquée par l'intimée ne sauraient au surplus être palliées par le fait que la partie en droit de la demande expliquait que l'inspecteur avait manqué à son devoir de vigilance en conduisant le bateau à grande vitesse et de manière imprudente sur un plan d'eau obstrué d'objets flottants. Ces affirmations figuraient en effet dans la partie juridique du mémoire, sans aucune offre de preuves à l'appui, si bien qu'elles ne pouvaient servir de base aux enquêtes.

C'est dès lors à tort que le Tribunal a considéré que les allégués de la demande décrivaient de manière suffisamment précise le comportement reproché à l'inspecteur, ayant consisté à ne pas adapter sa conduite aux circonstances de navigation ayant prévalu le 25 avril 2019.

En tout état, la question de savoir si le Tribunal aurait dû, conformément à l'art. 56 CPC, rendre l'intimée attentive au caractère incomplet de ses allégations et lui impartir un délai pour remédier à ce vice peut rester indécise. Il en va de même de la question de savoir s'il pouvait tenir compte de l'ensemble des faits révélés par les enquêtes pour apprécier si l'inspecteur avait fait preuve de la diligence requise, au motif que ces faits étaient couverts par les allégués "formels" contenus dans la demande. A supposer qu'il puisse être tenu compte des faits en question, l'issue du litige ne serait en effet pas modifiée pour les motifs qui suivent.

2.2.3 Lors de son interrogatoire, le témoin H______ a déclaré, en substance, que lorsque l'inspecteur était monté sur le bateau, il avait constaté que celui-ci n'avait pas le pied marin. Il ne savait pas non plus où se trouvait la manette des gaz. A la question de savoir s'il était exact que l'inspecteur n'avait pas piloté de manière dangereuse et/ou inattentive et s'il était suffisamment concentré, le témoin a répondu qu'un professionnel n'aurait, à son sens, pas piloté de cette manière et que le test de bruit mené l'année suivante avait été effectué différemment, l'inspecteur alors en charge ayant compris qu'il ne pouvait pas regarder le compte-tours et devant le bateau en même temps.

Le témoin H______ s'est ainsi limité à reprocher à l'inspecteur son inexpérience et son pilotage non professionnel, en laissant entendre que celui-ci aurait prêté une attention excessive au compte-tours lorsqu'il conduisait le bateau. Il n'a cependant pas prétendu que le précité aurait eu les yeux rivés sur le tableau de bord durant la phase d'accélération du bateau ayant précédé la collision et que ce manquement serait à l'origine de l'accident.

L'inspecteur a déclaré, pour sa part, qu'il regardait devant lui lors du test. Il a certes ajouté, dans un second temps, qu'il était tenu de regarder le compte-tours pour connaître le régime du moteur, ne pouvant évaluer celui-ci "à l'oreille". L'on ne saurait cependant inférer de ces propos qu'il aurait observé le compte-tours dans les secondes ayant précédé l'impact et qu'il n'aurait dès lors pas scruté le plan d'eau avec l'attention requise au moment critique.

Il appert ainsi que les faits révélés par les enquêtes concernant le pilotage de l'inspecteur ne permettent pas de tenir pour acquis que celui-ci aurait contrevenu aux art. 22 LNI et 5 let. a ONI en n'observant pas suffisamment le plan d'eau lorsqu'il était aux commandes du bateau. Un tel reproche peut d'autant moins être retenu que les enquêtes n'ont pas permis de démontrer la présence de grumes de bois le jour du test, laquelle aurait exigé que le pilote maintienne son regard rivé sur l'eau et s'abstienne de consulter son tableau de bord.

2.2.4 L'existence d'un rapport de causalité adéquate entre le comportement supposément défaillant de l'inspecteur et le naufrage du bateau n'est pas non plus démontrée.

L'expert F______ a en effet mentionné dans son rapport que le bateau était très probablement entré en collision avec un objet flottant non identifié, tel un élément en bois ou un autre objet flottant entre deux eaux. Il a précisé à ce sujet que ces objets étaient "peu ou pas visibles car tel un iceberg, la partie la plus volumineuse se trouve souvent sous l'eau ne laissant apparaître à fleur d'eau qu'une petite partie de l'objet". Cette hypothèse d'un objet peu ou pas visible figure également dans le rapport du témoin H______, qui mentionne que le bateau est entré en collision avec un objet que le conducteur n'a pas vu ou pas pu voir, telle une grume de bois. Lors de son audition, ce témoin n'a pas affirmé que l'objet avec lequel le bateau était entré en collision aurait été visible, ni que l'inspecteur aurait pu l'apercevoir à temps et l'éviter s'il avait fait preuve de la diligence requise. Il n'a pas davantage prétendu qu'il aurait aperçu l'objet en question s'il avait été lui-même aux commandes du bateau.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, force est de retenir que même si l'inspecteur avait scruté le plan d'eau avec attention, il n'aurait, selon toute vraisemblance, pas pu identifier et éviter l'objet percuté par le bateau, dès lors que celui-ci n'était pas suffisamment visible. Le dommage serait par conséquent de toute manière survenu. Le lien de causalité adéquate entre le comportement de l'inspecteur et le dommage subi par l'intimée ne peut dès lors être admis.

2.2.5 En conclusion, les allégués et offres de preuves de l'intimée étaient insuffisants et celle-ci n'a pas démontré la réalisation des conditions permettant d'imputer à l'appelante le dommage qu'elle a subi. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement, le jugement entrepris étant réformé en ce sens.

3. 3.1 Aux termes de l'art. 318 al. 3 CPC, si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance.

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC).

S'agissant des dépens, l'art. 90 RTFMC prévoit que dans les procédures d'appel et de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'art. 85 RTFMC.

3.2 En l'espèce, dès lors que l'intimée succombe, les frais judiciaires de première instance seront intégralement mis à sa charge. Le Tribunal ayant arrêté ces frais à 10'640 fr. conformément à la loi et le jugement n'étant pas critiqué sur ce point, ce montant sera confirmé et mis à la charge de l'intimée. Il sera compensé avec l'avance de frais que l'intimée a effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Le solde des avances fournies par les parties leur sera restitué, soit 260 fr. à l'intimée et 100 fr. à l'appelante.

Les dépens de première instance ont été fixés à 14'400 fr. TTC, montant qui n'est pas non plus contesté en appel. L'intimée sera par conséquent condamnée à verser cette somme à l'appelante à titre de défraiement pour la procédure devant le Tribunal.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

3.3 Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 9'000 fr., seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 17 et 38 RTFMC). Ils seront compensés par l'avance de frais du même montant fournie par l'appelante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera ainsi condamnée à verser à l'appelante la somme de 9'000 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais.

Compte tenu du travail fourni par le conseil de l'appelante, l'intimée sera également condamnée à payer à celle-ci la somme de 8'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus (art. 85 RFTMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 novembre 2022 par la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE contre le jugement JTPI/12432/2022 rendu le 18 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14729/2020-13.

Au fond :

Annule le jugement entrepris et, statuant à nouveau:

Déboute A______ des fins de sa demande en paiement à l'encontre de la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 10'640 fr., les compense à due concurrence avec les avances fournies par les parties et les met à la charge de A______.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 260 fr. à A______ et 100 fr. à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, à titre de restitution partielle de leurs avances de frais judiciaires de première instance.

Condamne A______ à verser 14'400 fr. à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée par la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence A______ à verser 9'000 fr. à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser 8'000 fr. à la REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN,
Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.