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Décisions | Chambre civile

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C/80/2021

ACJC/638/2023 du 16.05.2023 sur OTPI/80/2023 ( SDF ) , CONFIRME

Descripteurs : DIVORCE;MESURE PROVISIONNELLE;OBLIGATION D'ENTRETIEN;CONJOINT;FRAIS JUDICIAIRES;DÉPENS
Normes : CPC.106.al1; CC.179.al1; CC.107.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/80/2021 ACJC/638/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 16 MAI 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 février 2023, comparant par Me Andres PEREZ, avocat, DROITS EGAUX Avocats, avenue Vibert 9, 1227 Carouge, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Vanessa GREEN, avocate, GREEN Avocats, rue Ferdinand-Hodler 9, 1207 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/80/2023 rendue sur mesures provisionnelles le 2 février 2023, notifiée aux parties le 9 février suivant, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a supprimé la contribution d'entretien en faveur de A______ avec effet au 1er août 2022 (ch. 1 du dispositif), réservé sa décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 2), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 20 février 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de cette ordonnance, sollicitant l'annulation du chiffre 1 de son dispositif.

Cela fait, elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel, au déboutement de B______ de sa requête de mesures provisionnelles déposée le 31 août 2022, au rétablissement des effets du jugement JTPI/10797/2021 du 27 août 2021 le condamnant à lui verser une contribution à son propre entretien de 5'174 fr. par mois et à la condamnation de son époux au versement de 31'044 fr. à titre d'arriérés de contributions d'entretien pour la période allant du mois de septembre 2022 à février 2023.

Préalablement, elle a requis la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise, requête qui a été rejetée par la Cour par arrêt ACJC/309/2023 rendu le 3 mars 2023.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de A______ au paiement des frais judiciaires, ainsi qu'au versement d'une indemnité de 3'790 fr. à titre de dépens.

Il a produit deux pièces nouvelles, à savoir un courrier adressé le 1er février 2023 par Me C______, curateur de représentation des enfants des parties, au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le TPAE) et une note de frais et honoraires établie par son conseil le 6 mars 2023.

c. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 23 mars 2023.

C. Les faits suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. B______, né le ______ 1973, et A______, née le ______ 1975, tous deux ressortissants suisses, se sont mariés le ______ 2010 à D______ (Vaud).

b. Ils sont les parents de E______, né le ______ 2010, et de F______, née le ______ 2014.

c. A______ est également mère de deux autres enfants, aujourd'hui majeurs, nés en 1994 et 2001, de deux précédentes unions.

d. Les époux se sont séparés en décembre 2018, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal avec ses quatre enfants.

e. Dès janvier 2019 et avant le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, B______ s'est acquitté mensuellement du loyer de A______ (4'330 fr.), des primes d'assurance-maladie LAMal et LCA de celle-ci et des enfants (767 fr. 15) et des entretiens de base selon les normes OP (1'350 fr. pour l'épouse, respectivement 400 fr. pour chacun des enfants), soit d'un montant total de 7'247 fr. 15 par mois pour l'entretien de sa famille.

f. La vie séparée a été organisée par des mesures protectrices de l'union conjugale.

f.a. Par jugement JTPI/18282/2019 du 19 décembre 2019, le Tribunal a, notamment, autorisé les parties à vivre séparées, attribué la garde des enfants à la mère, réservé un droit de visite au père devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux, d'un mercredi sur deux et de la moitié des vacances scolaires et condamné ce dernier à verser en mains de la mère, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2019, 39'034 fr. 20 à titre d'entretien de la famille, puis, dès le 1er janvier 2020, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 2'000 fr. pour l'entretien de chacun des enfants, ainsi que 6'500 fr. pour l'entretien de son épouse.

f.b. Par arrêt ACJC/797/2020 du 9 juin 2020, la Cour a annulé ce jugement, à l'exception de l'autorisation octroyée aux époux de vivre séparés, et renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle instruction et décision.

Sur mesures provisionnelles, la Cour a attribué la garde des enfants à la mère et réservé un droit de visite au père devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux, d'un mercredi sur deux et de la moitié des vacances scolaires.

f.c. Dans son rapport du 8 janvier 2021, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : le SEASP) a préconisé l'instauration d'une garde alternée devant s'exercer à raison d'une semaine chez chacun des parents du lundi matin au lundi matin, ainsi que de la moitié des vacances scolaires, et la fixation du domicile légal des enfants chez leur mère.

En substance, le SEASP a relevé qu'il ressortait de l'ensemble des échanges, autant avec les professionnels qu'avec les parents, que les enfants étaient très envahis par le conflit parental, n'en étaient pas écartés, voire, au contraire, étaient conduits à y prendre parti. Les enfants avaient clairement perçu qu'ils étaient au centre de ces enjeux, le disaient et en souffraient. Bien qu'ils se soient exprimés clairement lors de l'audition concernant leur garde – qu'ils souhaitaient voir attribuée à leur mère – leurs propos étaient à replacer dans le contexte. Leur parole était disqualifiée par chacun des parents puisqu'ils estimaient tous deux que l'autre parent avait préparé les enfants à parler aux professionnels. Dès lors, le point de vue des enfants concernant leur garde ne pouvait être pris en considération de manière littérale et il apparaissait urgent et nécessaire de les délester clairement des enjeux de leur prise en charge. En outre, le fait de mettre les enfants en situation de prendre parti entre leurs parents ou les attirer dans le conflit étaient des éléments qui pouvaient constituer un risque d'instrumentalisation de ceux-ci et, dès lors, devenir les prémices d'un syndrome d'aliénation parentale. Dans ces conditions, un large accès des enfants à leurs deux parents pouvait permettre de limiter ces risques, être une garantie de ne pas être coupé de l'un d'eux et militer en faveur de la mise en place d'une garde alternée, ce d'autant plus vu la proximité des domiciles des parents et l'âge des enfants.

f.d. Le 14 mars 2021, la Dresse G______ (médecin scolaire) et le Dr H______ (pédiatre des enfants) ont adressé un signalement au TPAE, dans lequel ils considéraient qu'il était urgent de pouvoir offrir à F______ et E______ un suivi psychothérapeutique indépendant et protégé leur permettant d'élaborer autour de la séparation parentale et de se situer envers leurs deux parents. Le déséquilibre actuel du mode de garde contribuait de manière dangereuse à la confusion et à la souffrance des enfants et n'était pas de nature à leur permettre de développer une relation équilibrée envers leurs deux parents. Il interférait aussi avec les possibilités de suivi pédopsychiatrique, toutes les tentatives de suivi mises en place s'étant vues vouées à l'échec car envahies par le conflit parental qui était au premier plan et ne laissait aucun espace thérapeutique suffisant aux enfants.

A la suite de ce signalement, la mère a dénoncé la démarche des Drs G______ et H______ à la Commission de déontologie et de conciliation.

f.e. Par ordonnance rendue le 22 mars 2021 sur mesures superprovisionnelles requises par B______, le Tribunal a, notamment, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance du droit aux relations personnelles, ordonné un suivi thérapeutique des enfants, chargé le Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi) de mettre en place ledit suivi et de préaviser toutes mesures complémentaires si besoin et rappelé les époux A______/B______ à leur devoir de collaborer dans l'éducation et la prise en charge de E______ et F______, en les enjoignant à recourir à la guidance parentale, notamment à la consultation des HUG, afin de les aider à aborder avec un professionnel les obstacles actuels à la prise en charge des enfants.

f.f. Par ordonnance rendue le 1er juin 2021 sur mesures superprovisionnelles requises par le SPMi, le Tribunal a instauré une curatelle d'assistance éducative et de soins.

f.g. Par jugement JTPI/10797/2021 du 27 août 2021, confirmé par la Cour par arrêt ACJC/166/2022 du 1er février 2022, le Tribunal a, notamment, institué une garde alternée sur E______ et F______, dit que le domicile légal des enfants serait chez la mère, maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance du droit aux relations personnelles, la curatelle de soins, ainsi que la curatelle d'assistance éducative en faveur des enfants, exhorté les parents à recourir à la guidance parentale, condamné le père à verser en mains de la mère, par mois et d'avance, allocations familiales non-comprises, une contribution de 800 fr. à l'entretien de chacun des enfants dès le prononcé du jugement, ainsi qu'une contribution mensuelle à l'entretien de la mère de 5'174 fr.

g. Au printemps 2021, B______ a été en contact avec le médecin responsable de la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples aux HUG afin d'entreprendre une guidance parentale. A______ a refusé d'y prendre part.

h. Le 20 mai 2021, le compagnon de A______, I______, a dénoncé pénalement au Ministère public B______ pour violences sexuelles sur F______.

Le 6 juin 2021, A______ a déposé plainte pénale au Ministère public contre B______ pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, injures, menaces et calomnie.

Le 5 novembre 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière en faveur de B______. Concernant les "faits de violence sexuelle" prétendument commis par B______ sur sa fille F______, il a notamment été retenu que les "épisodes de la douche" n'étaient corroborés par aucun élément objectif de preuve. Quoi qu'il en soit, les actes dénoncés, tels qu'ils ressortaient de la procédure, n'étaient pas constitutifs d'une infraction à l'intégrité sexuelle de l'enfant. Objectivement, celle-ci racontait que son père lui demandait de se laver les parties intimes lorsqu'elle prenait la douche. Rien ne permettait de retenir qu'il commettrait un quelconque attouchement sexuel. Le fait que l'enfant puisse être gênée par la présence de son père lors de la douche était une autre question, qui n'avait pas à être traitée par les autorités pénales. Les autres infractions dénoncées n'étaient pas non plus étayées, ni même datées.

i. En parallèle à ceci, par acte du 4 janvier 2021, B______ a déposé une demande unilatérale en divorce, dans le cadre de laquelle il a, notamment, conclu au maintien de l'autorité parentale conjointe sur les enfants et de la garde partagée de ceux-ci.

j. Lors de l'audience tenue le 23 juin 2021 par le Tribunal, A______ a accepté le principe du divorce, mais s'est opposée à la plupart des autres conclusions prises par son époux dans le cadre du divorce.

k. Par ordonnance ORTPI/1038/2021 rendue le 24 septembre 2021 dans le cadre de la procédure de divorce, le Tribunal a ordonné l'établissement d'une expertise du groupe familial, aux fins de déterminer les capacités des parents à exercer l'entier des prérogatives liées à l'autorité parentale, la garde et un droit de visite sur F______ et E______.

l. Par courrier adressé au TPAE le 22 avril 2022 et transmis au Tribunal le 17 mai 2022, le SPMi a indiqué que, dès réception de l'arrêt ACJC/166/2022 du 1er février 2022, le Service avait contacté les parents et mis en place un calendrier pour organiser la garde alternée des enfants. Après discussion, A______ avait accepté de se conformer à la décision de justice et de mettre en place la garde alternée selon le calendrier proposé. Les enfants avaient pu passer une première semaine chez leur père du 7 au 14 mars 2022, puis une deuxième du 21 au 28 mars 2022. Malgré les retours positifs des enseignants et éducateurs, les enfants avaient refusé de poursuivre ce type de garde et de se rendre à l'école, puis chez leur père le lundi 4 avril 2022. Le SPMi a ainsi sollicité que l'organisation mise en place soit ordonnée sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

m. Par requête de mesures provisionnelles du 2 mai 2022, A______ a requis du Tribunal, notamment, qu'il retire l'autorité parentale de B______ sur les enfants, lui attribue leur garde exclusive, accorde un droit de visite au père, devant s'exercer à raison d'un week-end toutes les deux semaines et de la moitié des vacances scolaires et des jours fériés en alternance et exhorte le père à une "thérapie de guidance parentale individuelle pour améliorer son comportement parental".

n. Par ordonnance ORTPI/668/2022 du 9 juin 2022, confirmée par arrêt ACJC/1383/2022 du 18 octobre 2022, le Tribunal a, notamment, ordonné que les mineurs soient représentés par un curateur dans la procédure de divorce et a désigné, à cet effet, Me C______.

o. Le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a rendu son rapport d'expertise psychiatrique le 23 juin 2022, dont il ressort ce qui suit :

o.a. A______ souffrait d'un trouble de la personnalité paranoïaque sévère. Elle était sujette à une perception biaisée de la réalité qu'elle alimentait avec des éléments qu'elle créait à cette fin, et elle discréditait, attaquait ou dénonçait tous les intervenants dont les avis et représentations divergeaient des siens. Elle fonctionnait avec son compagnon dans un registre de collusion en ce sens qu'ils s'influençaient, se stimulaient et se renforçaient réciproquement dans leurs convictions et leur représentations biaisées de la réalité. Elle était incapable d'introspection et sujette à une forte projectivité, son animadversion contre B______ la privait de tout sentiment d'empathie pour lui et rendait toute coopération parentale impossible. Elle considérait inconsciemment les deux mineurs comme des prolongements de sa personne, n'arrivait pas à différencier leurs besoins et intérêts des siens, et ne respectait pas leur espace propre qu'elle tendait à envahir. Sur le plan de ses capacités parentales, elle peinait à satisfaire ou ne satisfaisait pas aux besoins primaires des deux mineurs sur le plan de l'alimentation, de la tenue vestimentaire, de l'hygiène, du sommeil et du suivi médical. Elle peinait également à satisfaire ou ne satisfaisait pas aux besoins secondaires des deux mineurs pour lesquels elle n'offrait pas de cadre éducatif sécurisant et ne parvenait pas à s'adapter à leurs besoins précis et spécifiques à leur âge. Elle était enfermée dans sa conviction de maltraitances et d'abus sexuels du père sur les enfants et s'épuisait dans ses démarches pour les faire reconnaître. Son fonctionnement psychique et ses capacités parentales étaient allés en se dégradant. Il était recommandé qu'elle entreprenne une thérapie cognitivo-comportementale.

o.b. B______, quant à lui, ne souffrait d'aucun trouble de la personnalité. Il était adéquat et collaborant avec les intervenants, se montrait demandeur et réceptif de conseils pour accompagner au mieux les deux mineurs, et capable de réflexion critique et de remise en cause de son propre fonctionnement. Il présentait des capacités parentales adéquates sur le plan des besoins primaires des enfants quant à leur alimentation, leur hygiène, leur tenue vestimentaire, leur sommeil et leur suivi médical. Sur le plan des besoins secondaires des mineurs, sa prise en charge de ceux-ci leur offrait un cadre structuré et sécurisant adapté à leurs besoins et leurs âges. Il répondait bien à leurs besoins intellectuels et éducatifs. Très investi, cohérent et responsable dans son rôle de père, il traitait les deux enfants comme des personnes distinctes de la sienne et, tout en étant compréhensif et à leur écoute, savait poser des limites qui leur étaient nécessaires.

o.c Les deux mineurs, initialement nuancés et ambivalents à l'égard de leurs deux parents auprès de chacun desquels ils voulaient passer du temps, exprimaient depuis la garde alternée ordonnée en février 2022 une position inébranlable de rejet de leur père. Leurs discours, univoques, définitifs et sans nuances, étaient calqués sur celui de la mère qu'ils restituaient en bloc en usant à cette fin des mêmes mots de discrédits et narratifs de maltraitance qu'elle. Ils présentaient des signes manifestes d'aliénation parentale, étant sous l'emprise de leur mère (appuyée par son compagnon) qui les instrumentalisait et les manipulait dans le cadre et aux fins de son conflit conjugal. De ce fait, les deux mineurs étaient exposés à un risque d'altération de la santé mentale, spécialement E______ qui était au seuil de l'adolescence, période de fragilité et de risque en soi.

En effet, le mineur E______ présentait un repli sur soi, des idées noires, des angoisses de séparation, ainsi que des accès de colère et une irritabilité le conduisant parfois à insulter de manière ordurière sa mère, son compagnon, son père ou sa sœur. Il était sujet à un fort conflit de loyauté à l'égard de ses parents et à des sentiments de responsabilité et de culpabilité quant à leurs conflits, ainsi qu'à des idées auto-accusatrices et auto-dépréciatives et, parfois, des actes auto-agressifs. Eprouvant des difficultés à changer de foyer et à s'adapter aux règles de chaque parent, il préférait être chez sa mère où il pouvait rester tout le week-end en pyjama en jouant sur ses écrans et sans sortir, ce que son père ne tolérait pas. Il était crucial et urgent, en vue de stabiliser la situation psychosociale de E______ avant son entrée dans l'adolescence, de le préserver et l'éloigner au plus vite de la relation d'emprise de sa mère et de son compagnon.

Quant à la mineure F______, très affectée par le conflit parental, elle présentait un profond sentiment d'insécurité, des angoisses de séparation et était sujette à des cauchemars récurrents avec répétition d'un même scénario de perte de ses deux parents. Prise dans un fort conflit de loyauté, sa volonté de plaire à ses deux parents la rendait très vulnérable à la manipulation et à l'instrumentalisation, ce qui l'amenait à déformer son discours, voire à mentir pour complaire à son interlocuteur. Il était nécessaire, en vue de permettre à F______ un fonctionnement et un développement adéquat à son propre vécu émotionnel plutôt que calqué sur les attentes de ses interlocuteurs, que son environnement soit stabilisé, sécurisé et rassurant. Il était crucial et urgent de préserver la mineure F______ du conflit parental, en particulier de la préserver et l'éloigner au plus vite de la relation d'emprise et de l'instrumentalisation de sa mère et de son compagnon.

o.d. Partant, les experts ont préconisé, dans l'intérêt des enfants, de retirer leur garde à la mère et de la confier au père, E______ devant préalablement être placé dans un foyer pour une période de trois à six mois avant d'envisager un retour progressif chez son père, pour permettre un rétablissement progressif du lien père-fils. S'agissant du droit de visite de la mère, il devait, en l'état, être limité à une séance par quinzaine avec chaque mineur, sous la surveillance de professionnels de la santé psychologique. Au vu des conclusions de l'expertise et de l'état de santé psychique de la mère, le risque d'enlèvement des enfants par celle-ci était en outre non négligeable.

p. Par ordonnance ORTPI/825/2022 rendue le 5 juillet 2022 sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal, considérant qu'il était dans l'intérêt de la fratrie de ne pas être séparée, a ordonné le placement en foyer de E______ et F______ pour une durée déterminée, en principe de trois à six mois, avant d'envisager un retour progressif chez leur père. Il a également suspendu les relations personnelles entre A______ et les enfants et réservé à B______ un droit de visite sur les enfants, devant s'exercer en collaboration avec le curateur et le lieu de placement, en vue d'une restitution de garde en faveur de ce dernier.

q. Après avoir été placés en urgence ce même 5 juillet 2022 au sein de l'hôpital pour enfant des HUG, les deux mineurs ont été placé en foyer le 14 juillet 2022.

r. Par ordonnance OTPI/548/2022 rendue le 24 août 2022 sur mesures provisionnelles, le Tribunal a, notamment, maintenu le placement en foyer des enfants, attribué leur garde au père dès leur sortie du foyer, fixé auprès de B______ le domicile légal des mineurs, réservé aux parents un droit de visite aussi longtemps que durerait le placement en foyer, à savoir, pour le père, un droit de visite devant être rapidement élargi à raison du vendredi soir au lundi matin et du mercredi soir au jeudi matin, et, pour la mère, au sein du foyer ou d'un point de rencontre, selon les modalités à définir, maintenu les curatelles déjà mises en place, condamné les parents à prendre en charge, à raison de la moitié pour chacun, les frais des curatelles et du placement des mineurs et supprimé les contributions à l'entretien des enfants fixées sur mesures protectrices de l'union conjugale, ordonné le versement en mains de B______ des allocations familiales et condamné le père à prendre en charge tous les frais ordinaires courants relatifs aux enfants.

s. Ces mesures ont été confirmées par la Cour par arrêt ACJC/437/2023 du 28 mars 2023.

A cette occasion, la Cour a, notamment, considéré que le régime de la garde alternée avait abouti à un échec. En effet, une fois la garde alternée en place, bien que le premier constat des éducateurs et des enseignants fût positif, les enfants s'étaient par la suite rapidement radicalisés dans un refus absolu de voir leur père, avaient, de nouveau, été privé d'accès à un espace thérapeutique propre et avaient même refusé de se rendre à l'école pour éviter que leur père ne puisse les récupérer. Rien ne justifiait de s'écarter de l'expertise familiale ou de retenir qu'à leur sortie du foyer, une attribution exclusive de la garde des enfants à leur père serait contraire à leur intérêt. Au contraire, le père était favorable à une attribution de la garde des enfants en sa faveur. En outre, il n'empêchait pas l'exercice des relations personnelles des enfants avec leur mère, était adéquat dans son attitude avec eux, était réceptif aux conseils des professionnels entourant les enfants et savait satisfaire à leurs besoins primaires et secondaires. De plus, les enfants se portaient mieux et la relation père-enfants s'était nettement améliorée, le père continuant à être très investi pour le bien-être des enfants. Ces derniers rentraient heureux des visites chez leur père et du temps passé avec lui.

t. B______ a rendu visite à ses enfants deux fois par jour aux HUG, les a ensuite amenés lui-même au foyer le 14 juillet 2022 et a exercé son droit de visite.

u. Par requête de mesures provisionnelles déposée le 31 août 2022 - objet de la présente procédure -, B______ a sollicité la suppression de la contribution d'entretien en faveur de A______ dès le 1er août 2022.

v. B______ a cessé de verser la contribution à l'entretien de son épouse dès le 1er août 2022.

w. Par réponse reçue par la poste le 23 novembre 2022, A______ a conclu au rejet de cette requête et au maintien de la contribution.

x. Par courrier du 2 décembre 2022, la curatrice des enfants auprès du Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi) a informé le TPAE de la bonne évolution des enfants qui avaient pu rétablir une bonne relation avec leur père, chez qui ils se rendaient avec plaisir. Ce dernier s'était organisé en vue de la garde exclusive. Il était investi et à l'écoute des conseils qui lui étaient donnés. La situation demeurait, en revanche, fragile du côté de la mère, dont le comportement envers le père était ambivalent et qui pourrait avoir un impact très négatif sur le bien-être des enfants et leur bonne évolution.

Au vu des circonstances, la curatrice a, notamment, sollicité le placement des enfants chez le père avant le 16 décembre 2022 et le maintien du droit de visite médiatisé en faveur de la mère.

y. Le TPAE a prononcé ces mesures par décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 14 décembre 2022.

z. Lors de l'audience tenue le 18 janvier 2023 par le Tribunal sur mesures provisionnelles, les parties ont pu s'exprimer sur leur situation financière et ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

aa. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que les circonstances de fait qui prévalaient au moment où les mesures protectrices avaient été ordonnées s'étaient modifiées de manière importante et durable, dès lors que le père assumait désormais l'intégralité de la prise en charge et des coûts liés aux mineurs. Si les contributions à l'entretien de chacun des enfants de 800 fr. par mois avaient été supprimées sur mesures provisionnelles, il encourait dorénavant des frais bien plus élevés pour les mineurs, ayant notamment dû engager une employée de maison/nounou pour le seconder, ce qui ne pouvait lui être reproché, compte tenu des circonstances, de l'âge des enfants et de son activité professionnelle à plein temps. Ses revenus moyens s'élevant à environ 17'648 fr. par mois et l'ensemble de ses charges à près de 20'000 fr. par mois (12'525 fr. pour lui, 4'176 fr. 15 pour E______ et 2'923 fr. 70 pour F______), il n'était pas en mesure de couvrir ses charges globales, de sorte qu'il ne pouvait se voir contraint de verser une contribution à l'entretien de son épouse. Sans même tenir compte du salaire de l'employée de maison/nounou, son revenu moyen lui permettait à peine de couvrir ses charges et, dans tous les cas, pas de verser une contribution de plus de 5'000 fr.

D. Il ressort en outre de la procédure d'appel les faits pertinents suivants :

a. Par courrier du 24 janvier 2023, la curatrice des enfants auprès du SPMi a informé le TPAE que, depuis la sortie des enfants du foyer, la mère refusait la mise en place de visites médiatisées entre elle et les enfants, indiquant que, si elle acceptait, cela signifierait qu'elle reconnaissait ne pas être apte à les rencontrer sans surveillance. La dernière visite avait ainsi été celle organisée en foyer le 2 décembre 2022. A______ avait, cependant, rencontré les enfants à plusieurs reprises "de manière fortuite" (lorsque les enfants étaient à l'école en récréation ou au parascolaire, sur le chemin de l'école ou en balade avec leur père dans le village de J______ [GE]). Ces rencontres devenaient de plus en plus fréquentes. La curatrice s'interrogeait sur l'impact de ces évènements sur les enfants (messages contradictoires, insécurité, conscience du caractère non autorisé des rencontres, difficulté à se positionner, malaise), de sorte qu'elle a sollicité qu'il soit fait interdiction à la mère d'approcher les enfants à moins de 200 mètres du domicile du père, des enfants et de leur école, sauf pour les réunions avec les enseignants en dehors des heures scolaires, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

b. Dans un courrier adressé le 1er février au TPAE, le curateur de représentation des enfants a confirmé que ces rencontres "fortuites" provoquaient chez les enfants un malaise susceptible de mettre concrètement en danger leur développement et s'est prononcé en faveur d'une telle interdiction d'approcher, l'intérêt supérieur des enfants commandant que leurs relations personnelles avec la mère aient lieu, en l'état, de manière médiatisée. Il a, par ailleurs, relevé que les enfants se sentaient très bien avec leur père.

c. Le TPAE a prononcé l'interdiction sollicitée par le SPMi par décision rendue sur mesures superprovisionnelles le 6 février 2023.

E. La situation personnelle et financière des parties et de leurs enfants se présente de la manière suivante :

a. A______, titulaire d'un MBA en commerce international, a travaillé à temps plein, dans la finance ou en qualité de traductrice, pour des revenus de l'ordre de 100'000 fr. bruts par an jusqu'en 2014. Elle a ensuite cessé d'exercer un emploi salarié pour se consacrer à une formation et une activité de scénariste, écrivaine et dramaturge, activité qui a généré, en 2017, un revenu de 30'000 euros. Elle ne percevait pas de revenus lors du prononcé des mesures protectrices et a allégué que tel était toujours le cas, n'ayant toutefois produit aucune pièce confirmant ses déclarations en terme d'absence de revenus ou d'éventuelles économies qu'elle pourrait posséder. Le Tribunal a, par ailleurs, retenu que sa situation de concubinage ou non n'était pas claire, sa version ayant évolué en fonction des circonstances.

Le premier juge a retenu qu'elle faisait valoir un minimum vital selon le droit de la famille à hauteur de 6'010 fr., comprenant son loyer (4'330 fr., loyer pour une place de parking inclus), la prime d'assurance-maladie LAMal (410 fr.), les frais de transports publics (70 fr.) et le montant de base selon les normes OP (1'200 fr.).

b. B______, titulaire d'un brevet d'avocat, travaille depuis le mariage à temps plein, actuellement comme associé d'une étude d'avocats. Le Tribunal a retenu qu'il percevait actuellement un salaire mensuel net moyen de 17'648 fr., montant qui n'est pas contesté par les parties.

Le premier juge a arrêté son minimum vital selon le droit de la famille à environ 12'525 fr. par mois, comprenant sa part du loyer (70%, soit 2'095 fr.), les primes d'assurance-maladie LAMal et LCA, ainsi que d'assurance-accident LAA (623 fr. 25), les frais médicaux non remboursés (670 fr. 10), les frais de transport (736 fr. 55), la charge fiscale (7'049 fr. 25) et le montant de base OP (1'350 fr.).

c. Le Tribunal a retenu que les minima vitaux selon le droit de la famille des enfants se montaient, allocations familiales déduites (300 fr. par enfant), à :

- 4'176 fr. 15 pour E______, comprenant sa part du loyer (15%, soit 442 fr. 50), les primes d'assurance-maladie LAMal et LCA (142 fr. 35), l'écolage à l'Ecole privée St Louis (1'358 fr. 30), les frais de cantine (208 fr.), les frais de nounou (1'725 fr.) et le montant de base OP (600 fr.), et

- 2'923 fr. 70 pour F______, comprenant sa part du loyer (15%, soit 442 fr. 50), les primes d'assurance-maladie LAMal et LCA (159 fr. 20), les frais de cantine (111 fr.), les frais de parascolaire (386 fr.), les frais de nounou (1'725 fr.) et le montant de base OP (400 fr.).

Depuis le placement des enfants en foyer, le père s'est acquitté de toutes les factures des enfants, notamment des frais relatifs au placement - lesquels se sont élevés, selon les factures produites, à environ 603 fr. par mois pour E______ (580 fr. de frais de placement moyens et 23 fr. de frais "FMX"), respectivement à 608 fr. pour F______ (580 fr. de frais de placement moyens et 28 fr. de frais "FMX") et des frais ponctuels de nounou pour garder les enfants lors de leurs visites en octobre et en novembre 2022 (pour respectivement 698 fr. et 884 fr., hors charges sociales à la charge de l'employeur). Durant le placement, le versement des allocations familiales des enfants a été suspendu. Dès l'instauration de la garde exclusive en sa faveur, il a engagé une nounou, dont le Tribunal a arrêté le salaire mensuel - non contesté - à 3'450 fr. Le père indique, par ailleurs, louer un appartement adjacent pour loger cette dernière pour un loyer mensuel de 3'100 fr. depuis octobre 2022, n'ayant pas de place pour elle dans son appartement.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les dix jours à compter de la notification de la décision attaquée, s'agissant de mesures provisionnelles qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

Dès lors qu'en l'espèce, le litige porte sur l'entretien de l'épouse, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2).

En vertu de l'art. 92 al. 2 CPC, la capitalisation du montant des contributions d'entretien restées litigieuses au vu des dernières conclusions des parties devant le premier juge excède 10'000 fr.

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC), ainsi qu'à la maxime des débats atténuée (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

1.3 La Cour applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3; Reetz/Theiler, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 12 et n. 38 ad art. 311 CPC).

1.4 L'intimé a produit de nouvelles pièces en appel.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

1.4.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par l'intimé ont été établies après que la cause a été gardée à juger par le Tribunal et ont été produites avec diligence en appel, de sorte qu'elles sont recevables.

2. Dans le cadre d'une procédure de divorce (art. 274 ss CPC), le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires en vertu de l'art. 276 al. 1 CPC; les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont dès lors applicables par analogie.

Ces mesures sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire (ATF
127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_661/2011 du 10 février 2012 consid. 2.3; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, nos 1900 à 1904).

La cognition du juge des mesures provisionnelles est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit. Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

3. L'appelante remet en cause la suppression de sa contribution d'entretien.

3.1 Les mesures protectrices de l'union conjugale demeurent en vigueur même au-delà de l'ouverture de la procédure de divorce. Une fois ordonnées, elles ne peuvent être modifiées par le juge des mesures provisionnelles qu'aux conditions de l'art. 179 CC, applicable par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC (ATF 137 III 614 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1).

3.1.1 Aux termes de l'art. 179 al. 1, 1ère phrase CC, le juge prononce les modifications commandées par les faits nouveaux et rapporte les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n'existent plus.

Après l'introduction de l'action en divorce, les époux peuvent solliciter la modification de mesures protectrices de l'union conjugale si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (ATF 143 III 617 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 4.1). La procédure de modification n'a cependant pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 précité).

Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1.1; 5A_611/2019 précité).

En cas de modification des circonstances en cours d’instance, les principes du CPC s'appliquent (Pellaton, Commentaire pratique, Droit matrimonial, 2015, n. 40 ad art. 179 CC). Si un autre motif de modification survient après l'introduction de l'instance, mais avant le début des délibérations sur le jugement - c'est-à-dire jusqu'au moment où de vrais nova peuvent être présentés -, il peut et doit être invoqué dans la procédure en cours, pour autant toutefois que le caractère durable du changement soit intervenu avant cette limite temporelle (arrêt du Tribunal fédéral 5A_253/2020 précité consid. 3.1.1).

Lorsqu'il admet que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures provisoires se sont modifiées durablement et de manière significative, le juge doit fixer à nouveau la contribution d'entretien, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent et litigieux devant lui (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_689/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1).

Il appartient au requérant d'alléguer et de rendre vraisemblable le changement essentiel et durable des circonstances ou le fait que la décision de mesures protectrices reposait sur des constatations inexactes. Il doit en outre montrer que ces éléments justifient l'adaptation des mesures précédemment prononcées (Pellaton, Commentaire pratique, Droit matrimonial, 2016, n. 29 et 38 ad art. 179 CC; Isenring/Kessler, Basler Kommentar, ZGB I, 2022, n. 5 ad art. 179 CC). Savoir si une modification essentielle est survenue par rapport à la situation existant au moment où la décision initiale a été prise doit s'apprécier en fonction de toutes les circonstances du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation du juge (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_228/2020 du 3 août 2020 consid. 3.1 et les réf. cit.).

3.1.2 La modification déploie ses effets pour l'avenir. Elle prend en principe effet au jour de l'entrée en force de la nouvelle décision, l'ancienne réglementation restant valable jusqu'à l'entrée en force formelle du nouveau jugement prononcé. Si des circonstances le justifient, le juge a le pouvoir d'accorder un effet rétroactif aux nouvelles mesures. Cet effet ne peut toutefois pas remonter à une date antérieure à celle du dépôt de la demande de modification (ATF 111 II 103 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_364/2020 du 14 juin 2021 consid. 9.3.1; 5A_539/2019 du 14 novembre 2019 consid. 3.3; 5A_685/2018 du 15 mai 2019 consid. 5.3.4.1 Isenring/Kessler, op. cit., n. 8 ad art. 179 CC; Chaix, CR-CC I, 2010, n. 6 ad art. 179 CC).

3.2.1 Dans un premier grief, l'appelante conteste l'existence d'une modification notable et durable des circonstances justifiant la modification des mesures protectrices de l'union conjugale. Selon elle, lors du dépôt de la requête le 31 août 2022, les enfants venaient d'être placés en foyer pour une durée indéterminée et la situation était amenée à évoluer dans les prochains mois, l'instauration d'une nouvelle garde alternée n'étant pas exclue.

En l'espèce, comme la Cour l'a déjà souligné dans son arrêt ACJC/437/2023 du 28 mars 2023, le régime de la garde alternée avait abouti à un échec, les enfants ayant rapidement adopté un comportement radical à l'encontre de leur père et ayant été privés d'accès à un espace thérapeutique propre. Selon le rapport d'expertise de la famille, il apparaissait urgent d'extraire les enfants, qui souffraient manifestement d'un syndrome d'aliénation parentale, de l'emprise maternelle – la mère souffrant d'un trouble de la personnalité paranoïaque et ne disposant pas des capacités parentales nécessaires pour satisfaire les besoins primaires et secondaires des enfants – pour les confier, après un placement temporaire en foyer, à leur père – qui, lui, ne présentait aucun trouble de la personnalité et disposait de compétences parentales adéquates.

C'est dans ce contexte, au vu de l'échec de la garde alternée, du comportement inadéquat de la mère et du rapport de l'expertise familiale, que les enfants ont été placés en urgence en foyer et que leur garde exclusive a été octroyée au père, laquelle a été mise en place dès la mi-décembre 2022 et convient aux enfants qui vont mieux. L'éventualité d'attribuer à nouveau la garde des enfants à la mère n'a pas été envisagée par les autorités au vu des circonstances.

A cela s'ajoute que, depuis le mois de juillet 2022, la mère n'a bénéficié que d'un droit de visite médiatisée et qu'elle a refusé de le pratiquer depuis le retour des mineurs chez le père en décembre dernier, préférant - plutôt que d'accepter la présence d'un tiers - ne plus voir ses enfants du tout et adopter un comportement inapproprié en les rencontrant "de manière fortuite", ce comportement - néfaste pour les mineurs - ayant conduit au prononcé d'une interdiction de les approcher.

Partant, l'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle prétend que le retrait de la garde sur les enfants à son égard ne serait que temporaire et qu'elle pourrait être prochainement amenée à les prendre en charge en alternance avec le père.

3.2.2 Dans un second grief, l'appelante reproche au premier juge d'avoir violé le principe selon lequel la modification essentielle et durable des circonstances doit être évaluée au moment du dépôt de la requête en retenant que l'intimé n'avait plus les ressources financières suffisantes pour lui verser une contribution à son propre entretien dès le 1er août 2022. Elle considère que les charges assumées par l'intimé n'ont augmenté que six mois plus tard, lors du retour des enfants chez ce dernier.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'intimé perçoit actuellement un salaire mensuel net moyen de 17'648 fr. et que son minimum vital selon le droit de la famille s'élève à environ 12'525 fr. par mois, de sorte qu'il dispose d'un solde de 5'123 fr. par mois.

Il assume l'entier des charges des enfants depuis leur placement en foyer.

Durant la période transitoire du placement en foyer, soit entre le début du mois de juillet et la mi-décembre 2022, le père a pris en charge un montant d'environ 3'054 fr. pour E______ (cf. supra EN FAIT let. E.c.; 4'176 fr. 15, sous déduction des frais de la nounou engagée lors de la mise en place de la garde exclusive (1'725 fr.) et la moitié du montant de base OP (300 fr.) - compte tenu du droit de visite très élargi dont le père a bénéficié -, auxquels il convient d'ajouter les allocations familiales suspendues (300 fr.) et les frais de placement (603 fr.)) et d'environ 1'907 fr. pour F______ (2'923 fr. 70 - [1'725 fr. de frais de la nounou + 200 fr. de montant de base OP] + [300 fr. d'allocations familiales suspendues + 608 fr. de frais de placement]), soit des charges totales pour les deux enfants d'environ 4'961 fr. par mois. Une fois couvertes ses charges personnelles et celles des enfants, l'intimé a donc disposé d'un solde résiduel de l'ordre de 160 fr. par mois (5'123 fr. - 4'961 fr.) durant cette période, hors frais de garde ponctuels intervenus en octobre et novembre 2022.

Dès la mise en place de la garde exclusive à la mi-décembre 2022, l'intimé a assumé pour les deux enfants des dépenses pour un montant global de l'ordre de 7'100 fr. par mois (4'176 fr. 15 + 2'923 fr. 70), sa situation financière étant depuis lors déficitaire.

3.2.3 Au vu de ce qui précède, c'est à raison que le Tribunal a considéré que les circonstances de fait qui prévalaient au moment où les mesures protectrices avaient été ordonnées s'étaient modifiées de manière importante et durable dès le 1er août 2022 et que l'intimé n'était plus en mesure de verser une contribution à l'entretien de l'appelante dès cette date.

Par conséquent, le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera confirmé.

4. L'intimé conclut à ce que, s'en tenant à la répartition prévue par l'art. 106 al. 1 1ère phrase CPC, les frais judiciaires soient mis à la charge de l'appelante et que cette dernière soit condamnée à lui verser des dépens à hauteur de 3'790 fr.

Il fait valoir que l'appel est mal fondé et dénué de toute motivation et que l'appelante adopte un comportement déraisonnable en contestant systématiquement toutes les décisions rendues. Il relève qu'outre les séquelles psychologiques causées par le comportement de son épouse sur l'ensemble des membres de la famille, celui-ci a également engendré pour lui un important coût de défense et qu'il doit faire face tant à un épuisement psychologique causé par les procédures judiciaires qu'à un épuisement financier ayant conduit à un lourd endettement.

4.1 Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Le tribunal dispose d'un large pouvoir d'appréciation non seulement quant à la manière dont les frais seront répartis, mais également quant aux dérogations à la règle générale de l'art. 106 CPC, y compris en matière de litige relevant du droit de la famille (ATF 139 III 358 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_816/2013 du 12 février 2014 consid. 4.1).

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 1'200 fr. (art. 31 et 37 RTFMC), comprenant l'émolument de la décision ACJC/309/2023 du 3 mars 2023.

Ils seront mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Dans la mesure où celle-ci plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, ses frais judiciaires seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b CPC), étant rappelé que les bénéficiaires de l'assistance judiciaire sont tenus au remboursement des frais judiciaires mis à la charge de l'Etat dans la mesure de l'art. 123 CPC (art. 19 RAJ).

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, chaque partie supportera, en revanche, ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 février 2023 par A______ contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/80/2023 rendue le 2 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/80/2021-4.

Au fond :

Confirme le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr. et les met à la charge de A______.

Dit que les frais judiciaires à la charge de A______ sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.