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Décisions | Chambre civile

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C/17363/2019

ACJC/683/2021 du 18.05.2021 sur JTPI/14324/2020 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17363/2019 ACJC/683/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 18 MAI 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, Maroc, appelante d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 novembre 2020, comparant par Me Diane BROTO, avocate, CG Partners, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Karin GROBET THORENS, avocate, rue Verdaine 13, case postale 3776, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JPTI/14324/2020 du 19 novembre 2020, reçu par A______ le 23 novembre 2020, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la demande formée par celle-ci le 19 juillet 2019 à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires - arrêtés à 1'500 fr. - à la charge de A______, les compensant avec l'avance de frais fournie par celle-ci (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ le montant de 1'500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 6 janvier 2021, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation avec suite de frais judiciaires et dépens.

Cela fait, elle conclut, principalement, à ce que la Cour déclare recevable sa demande formée le 19 juillet 2019 à l'encontre de B______ et qu'elle renvoie la cause en première instance pour suite d'instruction. Subsidiairement, elle conclut à ce que la Cour déclare recevable sa demande formée le 19 juillet 2019 à l'encontre de B______, qu'elle ordonne la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la procédure française et qu'elle renvoie la cause en première instance pour suite d'instruction aussitôt que la suspension de la procédure aura pris fin.

b. Dans sa réponse, B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions. Elle a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle, à savoir un arrêt de la Cour d'Appel de C______ (France) du 20 janvier 2021.

d. B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par pli du greffe de la Cour du 17 mars 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

f. A la demande de la Cour, les parties ont, par plis des 29 avril et 3 mai 2021, indiqué que l'arrêt de la Cour d'Appel de C______ du 20 janvier 2021 avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation de A______.

g. Par courrier du 5 mai 2021, A______ a informé la Cour de ce qu'elle s'était désistée du pourvoi en cassation. Elle a produit l'acte de désistement du pourvoi en cassation du même jour.

h. Les courriers des 29 avril et 3 et 5 mai 2021 ont été communiqués aux parties par pli du greffe de la Cour du 6 mai 2021.

C.           Les éléments pertinents suivants résultent du dossier:

a. A______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1952 à Genève, et B______, né le ______ 1946 à Genève, ont contracté mariage le ______ 1977 aux D______ (______/France).

b. Les époux sont soumis au régime de la séparation de biens.

c. Les époux ont conclu une convention de séparation le ______ 2007.

d. Le ______ 2011, B______ a atteint l'âge légal de la retraite.

e. Depuis le 1er janvier 2012, il perçoit une rente de vieillesse de la part de E______ FONDATION LPP.

f. Par acte du 31 janvier 2014, enregistré le 10 février 2014, B______ a saisi le Tribunal de grande instance de F______ (France) d'une requête en divorce.

Au 10 février 2014, l'avoir de vieillesse de B______ auprès de E______ s'élevait à 2'591'452 fr.

g. Par jugement du 20 décembre 2018, le Tribunal de grande instance de F______ (France) a, notamment, prononcé le divorce des époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, condamné B______ à payer à A______ une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 5'000 euros et, appliquant le droit suisse, condamné B______ à verser à A______ la moitié de la prévoyance professionnelle acquise au titre de deuxième pilier au jour de la requête en divorce, soit le 10 février 2014.

Par arrêt du 20 janvier 2021, statuant sur appel de A______, la Cour d'Appel de C______ a, notamment, confirmé le principe du divorce, déclaré la juridiction française incompétente "pour connaître du partage de la prévoyance professionnelle acquise au titre du 2ème pilier, litige relevant des juridictions suisses d'ores et déjà saisies", et débouté A______ de sa demande de contribution d'entretien.

h. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 19 juillet 2019, A______ a formé une demande en complément du jugement de divorce, assortie d'une requête de mesures provisionnelles.

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de disposer, notamment par retrait en espèces, transfert ou versement en capital, des montants déposés au titre d'avoirs de prévoyance professionnelle ou de libre-passage auprès de la Caisse de prévoyance professionnelle E______ FONDATION LPP c/o G______ SA, 1______, ainsi qu'auprès de toute banque ou institution de prévoyance, cela sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, et à ce qu'il soit ordonné à la Caisse de prévoyance professionnelle E______ FONDATION LPP ainsi qu'à toute banque ou institution de prévoyance de procéder au blocage des avoirs de prévoyance professionnelle ou avoirs de libre-passage au nom de B______.

Au fond, elle a conclu à ce que le Tribunal ordonne le rééquilibrage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux pendant le mariage, et jusqu'à la date du 10 février 2014, date de dépôt de la procédure de divorce en France, tout en se réservant le droit de compléter ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

i. Par mémoire réponse sur mesures provisionnelles, B______ a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 29 octobre 2019, les parties ont confirmé que l'ensemble du dispositif du jugement français avait été remis en cause, de sorte que le divorce des époux n'avait pas été prononcé. B______ s'en est rapporté à justice s'agissant des conséquences qu'il fallait en tirer.

k. La cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles au terme de l'audience.

l. Par ordonnance OTPI/805/2019 du 23 décembre 2019, le Tribunal a débouté A______ des fins de sa requête de mesures provisionnelles.

m. Lors de l'audience du 18 février 2020, B______ a conclu à ce que la demande en complément soit déclarée irrecevable, le divorce n'ayant pas été prononcé de manière définitive.

n. A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti, d'une part, un délai à A______ pour déposer ses dernières déclarations fiscales suisses, une attestation de rente AVS et une attestation de domicile et, d'autre part, un délai à B______ pour répondre sur le fond.

o. Le 26 mai 2020, A______ a déposé ses déclarations fiscales suisses pour les années 2015 et 2016, une attestation concernant sa rente AVS et une attestation de domicile.

p. Par courriers des 4 et 5 juin 2020, B______ a sollicité, d'une part, qu'il soit ordonné à A______ de produire ses déclarations fiscales pour les années 2007 à 2014 et 2017 à 2019, en particulier auprès des autorités françaises et/ou marocaines, et, d'autre part, la prolongation du délai pour répondre à la demande.

q. Par ordonnance du 22 juin 2020, le Tribunal a révoqué le délai fixé à B______ pour répondre et a imparti un délai aux parties pour se prononcer sur la recevabilité de la demande.

r. Par déterminations du 27 août 2020, B______ a persisté dans ses conclusions en irrecevabilité de la demande au motif que A______ ne disposait ni d'un intérêt concret ni d'un intérêt actuel, ses prétentions étant inexistantes puisque le divorce des époux n'avait pas été prononcé.

s. Quant à A______, elle a conclu à la recevabilité de la demande et persisté dans ses conclusions au fond.

S'agissant de la recevabilité, elle a fait valoir qu'elle disposait d'un intérêt de fait économique, puisqu'elle avait atteint l'âge de la retraite et était contrainte de puiser dans ses économies pour vivre. Elle disposait également d'un intérêt juridique puisqu'il y avait lieu de tenir compte de la prévoyance professionnelle dans la fixation de la contribution d'entretien post-divorce.

t. Par ordonnance du 7 septembre 2020, le Tribunal a informé les parties de ce que la cause serait gardée à juger sur la recevabilité dans un délai de 10 jours dès la notification de l'ordonnance.

u. Les parties ont toutes deux répliqué le 9 septembre 2020.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que A______ ne bénéficiait pas d'un intérêt digne de protection au moment du prononcé du jugement pour compléter le jugement de divorce français, celui-ci n'étant ni définitif ni exécutoire.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur les avoirs de prévoyance professionnelle des parties, soit une question de nature pécuniaire. Compte tenu du montant que l'intimé détient à ce titre, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC), étant précisé que la maxime d'office et la maxime inquisitoire ne s'imposent que devant le premier juge (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3). En seconde instance, les maximes des débats et de disposition sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1).

2. L'appelante a invoqué des faits nouveaux et produit de nouvelles pièces.

2.1 A teneur de l'article 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

L'absence d'une condition de recevabilité doit être constatée d'office à tout stade de la procédure, à savoir également devant l'instance d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.2). Dans cette perspective, l'autorité d'appel doit prendre en considération les faits nouveaux allégués tardivement, à savoir après le début de la phase des délibérations de l'autorité d'appel (ATF 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6), lorsque le risque existe qu'une décision soit prononcée malgré l'absence d'une condition de recevabilité (arrêts du Tribunal fédéral 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.2; 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.3.1).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite par l'appelante à l'appui de sa réplique est postérieure au jugement entrepris, n'aurait pas pu être obtenue avant celui-ci et a été versée au dossier sans retard. Elle est par conséquent recevable, de même que les faits qui s'y rapportent.

S'agissant des autres pièces produites par l'appelante, à savoir après le début des délibérations, dans la mesure où la Cour examine d'office la question de l'intérêt digne de protection, ces pièces sont recevables, étant souligné que le droit d'être entendu de l'intimé a été respecté puisque lesdites pièces lui ont été transmises le 6 mai 2021 et qu'il n'a pas formulé d'observation.

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir déclaré sa demande irrecevable, retenant qu'elle ne disposait pas d'un intérêt digne de protection à ce que le jugement de divorce français soit complété, dans la mesure où celui-ci n'était ni définitif ni exécutoire.

3.1 Selon l'art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, parmi lesquelles figurent la condition que le demandeur ou le requérant doit bénéficier d'un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC).

Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). L'absence d'un intérêt digne de protection doit être relevée d'office, à tous les stades du procès (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 92 ad art. 59 CPC).

Il faut, mais il suffit, que les conditions de recevabilité soient réalisées au moment du jugement. Même s'il se révèle, au moment du jugement, que toutes les conditions de recevabilité n'étaient pas remplies au début de la litispendance, mais qu'elles se sont réalisées au cours du procès, le juge doit statuer au fond (ATF 116 II 9 consid. 5 in JdT 1993 I 620; 127 III 41 consid. 4c in JdT 2000 II 98 et SJ 2001 I 190; 133 III 539 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_15/2009 du 2 juin 2009 consid. 4.1). L'absence initiale d'intérêt est ainsi guérissable, sauf abus manifeste (cf. art. 52 CPC; Bohnet, op. cit., n. 92 ad art. 59 CPC).

3.1.1 Par intérêt digne de protection, on vise un intérêt juridique, voire un intérêt de fait. L'intérêt juridique dépend du droit affirmé. Si celui-ci protège la partie qui l'invoque, un intérêt juridique existe en principe (intérêt personnel). L'intérêt juridique fait défaut, alors même que la partie invoque un droit dont elle est titulaire, si ce droit affirmé n'a pas besoin de protection en ceci qu'il n'est pas contesté ou parce qu'il n'y pas (ou plus) d'atteinte ou de risque d'atteinte (intérêt actuel et effectif) ou dont la protection doit être assurée autrement (Bohnet, op. cit., n. 89a ad art. 59 CPC).

Un intérêt de fait peut aussi être digne de protection. Cela suppose cependant un risque de préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre et implique que la norme invoquée et qui protège l'intérêt général ou un tiers ait une influence directe sur la situation de fait ou de droit de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_190/2019 du 4 février 2020 consid. 2.1; Bohnet, op. cit., n. 89b ad art. 59 CPC).

Il revient au demandeur d'apporter les éléments permettant de conclure à l'existence d'un intérêt, et ce, selon les règles procédurales applicables en matière de présentation des faits et des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2; 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3; Bohnet, op. cit., n. 92 ad art. 59 CPC).

L'intérêt digne de protection est déterminé par le droit matériel (Copt/Chabloz, Petit Commentaire, Code de procédure civile, n. 22 ad art. 59 CPC).

3.2. Aux termes de l'art. 64 al. 1 LDIP, les tribunaux suisses sont compétents pour connaître d'une action en complément ou en modification d'un jugement de divorce ou de séparation de corps s'ils ont prononcé ce jugement ou s'ils sont compétents en vertu des art. 59 ou 60 LDIP.

Pour connaître du partage de prétentions de prévoyance professionnelle envers une institution suisse de prévoyance professionnelle, la compétence des tribunaux suisses est exclusive. En l'absence de compétence au sens de l'al. 1, les tribunaux suisses du siège de l'institution de prévoyance sont compétents (art. 64 al. 1bis LDIP).

L'art. 58 LDIP régit la reconnaissance des décisions étrangères relatives au régime matrimonial. Si le juge suisse reconnaît une décision étrangère qui compense par le régime matrimonial des prétentions de prévoyance non constituées en attribuant au conjoint créancier une partie plus importante des biens à partager, le conjoint créancier devra se faire imputer les valeurs patrimoniales attribuées par la décision étrangère dans le cadre de l'art. 124b al. 2 ch. 1 CC qui prévoit que le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs, en particulier lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) (ci-après: Message LPP), FF 2013 p. 4341ss, p. 4383; Othenin-Girard, Droit matrimonial, Commentaire pratique, 2016, Annexe Ie, n. 72).

Le partage de la prévoyance professionnelle dépend ainsi du résultat de la liquidation du régime matrimonial. En effet, l'examen des différents effets accessoires du divorce doit suivre l'ordre de la loi. Il s'agit d'abord de la liquidation du régime matrimonial, puis du partage de la prévoyance et enfin de la fixation de la contribution d'entretien. Cet ordre devra aussi être respecté lorsque le partage de la prévoyance s'effectuera sous forme de partage de la rente. Les aspects relevant du régime matrimonial et du droit de l'entretien devront ainsi être pris en compte lorsque cela s'avère nécessaire pour éviter un partage inéquitable de la rente (ATF 130 III 357 consid. 4; 129 III 7 consid. 9; Message LPP, p. 4365; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce in FamPra.ch 2017 p. 3, p. 32 et 33; Dupont, Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant et du partage de la prévoyance, 2016, n. 54).

3.2.2 En droit de procédure civile français, le jugement acquiert force de chose jugée lorsqu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ou, s'il est susceptible de tel recours, à l'expiration du délai du recours si celui-ci n'a pas été exercé (art. 500 du Code de procédure civile français, ci-après : CPCF).

Le jugement acquiert force de chose jugée de façon différée s'il est susceptible d'appel ou d'opposition. Si le recours suspensif est exercé, l'effet suspensif se poursuit jusqu'à ce que la décision soit rendue sur recours ou jusqu'à ce que l'instance s'achève prématurément. Si le jugement est confirmé ou si l'instance est éteinte, la décision attaquée devient exécutoire. Si au contraire, le jugement est infirmé ou annulé, c'est la décision rendue sur recours qui aura force de chose jugée et force exécutoire (Cholet, in Répertoire de procédure civile, exécution des jugements et des actes, septembre 2015 [actualisation décembre 2020], n° 103; Fricero/Guinchard, in Dalloz, Droit et pratique de la procédure civile, 2017-2018, n° 423.202).

En principe, le recours par une voie extraordinaire - à savoir notamment le pourvoi en cassation (cf. art. 527 CPCF) - et le délai ouvert pour l'exercer ne sont pas suspensifs de l'exécution (art. 579 CPCF). Dans certains cas exceptionnels, le recours extraordinaire et le délai pour l'exercer sont suspensifs de l'exécution. C'est le cas du pourvoi en cassation de divorce (Fricero/Guinchard, op. cit., n° 423.192).

3.2.3 En l'espèce, l'absence d'un intérêt digne de protection devant être relevée d'office et à tous les stades du procès, il y a lieu d'examiner si l'appelante dispose d'un intérêt digne de protection à agir en complément du jugement de divorce.

L'appelante dispose d'un droit à l'examen de sa prétention en partage de la prévoyance professionnelle accumulée par son époux en Suisse. Cette question est du ressort exclusif des tribunaux suisses, de sorte que toute décision rendue par des tribunaux étrangers ne sera pas reconnue en Suisse. Elle dispose par conséquent d'un intérêt juridique à ce que cette question soit soumise aux tribunaux suisses.

Quant au fait de savoir si cet intérêt est actuel, il y a lieu de relever que les tribunaux suisses doivent examiner un éventuel partage de la prévoyance professionnelle en suivant la systématique du Code civil suisse, soit notamment après avoir obtenu le résultat de la liquidation du régime matrimonial et des rapports patrimoniaux après divorce. S'agissant en outre, dans le cas d'espèce, d'une question de partage d'une rente de prévoyance professionnelle, le résultat de la prétention en entretien de l'appelante post divorce devra également être pris en compte afin de s'assurer que le partage de ladite rente ne s'avèrerait pas inéquitable. L'appelante doit ainsi être au bénéfice d'une décision prononçant son divorce et statuant sur la liquidation du régime matrimonial et la contribution d'entretien afin de disposer d'un intérêt actuel digne de protection à agir en complément du jugement de divorce. Cette décision doit en outre être définitive et exécutoire.

Au moment du prononcé du jugement attaqué, le jugement de divorce français n'était ni exécutoire ni définitif puisqu'il faisait encore l'objet d'une procédure d'appel devant la Cour d'Appel de C______. C'est ainsi, à juste titre, que le Tribunal avait déclaré irrecevable la demande en complément du jugement de divorce, l'appelante ne disposant pas d'un intérêt actuel à ce que la question soit tranchée, ce d'autant plus que le principe même du divorce était remis en cause dans le cadre de cette procédure d'appel.

A ce jour cependant, l'arrêt de la Cour d'Appel de C______ statuant sur le divorce des parties a été rendu. Nonobstant le fait que celui-ci ait fait l'objet d'un pourvoi en cassation formé par l'appelante, cette dernière s'est finalement désistée, ce qui a eu pour conséquence que l'arrêt précité est entré en force de chose jugée.

L'appelante est dès lors aujourd'hui au bénéfice d'une décision étrangère définitive et exécutoire se prononçant sur le principe du divorce, la liquidation du régime matrimonial et sa prétention en entretien post divorce. Elle dispose par conséquent d'un intérêt digne de protection et actuel à ce que cet arrêt de la Cour d'Appel de C______ soit, cas échéant, complété sur la question d'un éventuel partage de la prévoyance professionnelle accumulée par l'intimé en Suisse.

L'intimé ne s'étant pas déterminé sur le fond et ayant réclamé la production par l'appelante de diverses pièces pertinentes pour l'issue du litige, la cause n'est pas en état d'être jugée et doit être renvoyée au Tribunal pour instruction sur la question de savoir s'il y a lieu ou non de procéder à un partage de la rente de prévoyance professionnelle perçue par l'intimé et, si oui, dans quelle mesure.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera annulé, la demande déclarée recevable et la cause renvoyée au premier juge pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

4. 4.1 Compte tenu du renvoi, il se justifie d'annuler les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris et d'inviter le Tribunal à statuer sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qu'il rendra au terme de la procédure de renvoi.

4.2 L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais judicaires (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'875 fr. (art. 30 et 35 du règlement sur le tarif des frais en matière civile) et compensés avec l'avance fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera par conséquent condamné à rembourser ce montant à l'appelante (art. 111 al. 2 CPC).

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al.1 let. c CPC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

 

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/14324/2020 rendu le 19 novembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17363/2019.

Au fond :

L'annule.

Cela fait, statuant à nouveau:

Déclare recevable la demande formée par A______ le 19 juillet 2019 à l'encontre de B______.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que le Tribunal statuera sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qui sera rendu au terme de la procédure de renvoi.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'875 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance de frais fournie par A______ de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

 

 

 

 

 

Condamne B______ à verser à A______ le montant de 1'875 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

 

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Roxane DUCOMMUN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.