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Décisions | Sommaires

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C/20565/2024

ACJC/1094/2025 du 18.08.2025 sur JTPI/4717/2025 ( SML ) , JUGE

En fait
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20565/2024 ACJC/1094/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 18 AOÛT 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 mars 2025, représenté par Me Eric BEAUMONT, avocat, Eardley Avocats, rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/4717/2025 du 31 mars 2025, communiqué aux parties pour notification le 4 avril 2025, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ des fins de sa requête de mainlevée (ch.1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr. et laissé ces frais à la charge de A______ qui en avait fait l’avance (ch.2), condamné A______ à payer à B______ SA le montant de 4'946 fr. au titre de dépens (ch.3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch.4).

En substance, le Tribunal a considéré que A______ ne disposait pas d'un titre permettant d'obtenir la mainlevée provisoire, les documents produits à l'appui de sa requête n'étant pas suffisants.

B.            a. Par acte du 17 avril 2025 A______ a formé recours contre ce jugement concluant à son annulation, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite no 1______, à hauteur de 492'752 fr. avec intérêts à 10% l'an dès le 12 janvier 2024, sous déduction de la somme de 50'000 fr. payée le 18 juillet 2024, à ce qu'il soit dit que la poursuite ira sa voie, que l'intimée soit condamnée aux frais de première et seconde instance, ainsi qu'à un montant de 8'107 fr.50 de dépens, l'intimée étant déboutée de toutes autres conclusions.

En substance, il soutient que le Tribunal a procédé à une appréciation manifestement inexacte des faits se référant en particulier à sa pièce 8 de laquelle il ressortirait sans ambiguïté la volonté sans réserve du débiteur de payer. Par ailleurs, il reproche au Tribunal d'avoir alloué de dépens à l'intimée qui n'était pas représentée et n'en avait pas requis.

b. En date du 19 mai 2025, B______ SA a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision antérieure sous suite de frais et dépens. En substance elle fait sienne la motivation du Tribunal.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 2 et 16 juin 2025, persistant essentiellement dans leurs conclusions initiales.

d. La cause a été gardée à juger le 4 juillet 2025.

C.           Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a. A______ était propriétaire de l'ensemble du capital-actions de la société C______ SA.

Par contrat de vente d'actions du 11 janvier 2023, il a vendu la totalité de ses actions à B______ SA.

Le prix convenu était de 2'000'000 fr. plus un ajustement, calculé sur la base des comptes au 31 décembre 2022.

Le contrat prévoit une formule pour le calcul de l'ajustement. La formule, qui n'est pas chiffrée, indique les éléments (ressortant des comptes au 31 décembre 2022) qui devront être utilisés pour le calcul.

Le contrat prévoit que les comptes au 31 décembre 2022 seront remis par A______ à B______ SA au plus tard le 31 mars 2023.

Le contrat mentionne par ailleurs, dans la liste des annexes, le bilan et les comptes de résultats de la société au 31 décembre 2021.

Le contrat prévoit que la somme de 2'000'000 fr. serait payée au plus tard le 28 février 2023. L'ajustement devait quant à lui être payé au maximum douze mois après la date d'exécution, soit le 11 janvier 2023 (art. 5 du contrat).

b. Le 8 février 2023, un document intitulé "Calcul Ajustement" a été établi. Ce montant correspond à un calcul de l'ajustement, en application de la formule prévue dans le contrat du 11 janvier 2023. Il chiffre les différents postes et indique un montant de 692'752 (sans indication de monnaie) au regard d'une mention "TOTAL Ajustement".

Ce document est signé par A______ et par D______, administrateur de B______ SA avec signature individuelle.

Il contient, en-dessous du solde de 692'752 mais au-dessus des signatures, la mention suivante: "Les Parties confirment le mode de calcul de l'ajustement
ci-dessus, sous réserve de la vérification par l'Acheteur des chiffres donnés par le Vendeur".

c. B______ SA a versé le montant de 2'000'000 fr. le
7 février 2023.

Elle a également versé un montant de 200'000 fr. le 21 décembre 2023 avec une référence "[…] calcul des ajustements acompte".

d. Le 21 mars 2024, A______ a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur une somme de 492'752 fr. avec intérêts à 10% dès le 12 janvier 2024. Aux termes du commandement de payer, la cause de l’obligation était la suivante : "Solde vente actions C______ SA (ajustement)".

B______ SA a formé opposition à ce commandement de payer.

e. B______ SA a encore versé un montant de 50'000 fr. à A______ le 18 juillet 2024, avec la mention "Acompte C______ SA".

f. Par requête du 4 septembre 2024 au Tribunal, A______ a demandé la mainlevée provisoire de l'opposition, à concurrence de 492'752 fr. plus intérêts à 10% dès le 12 janvier 2024, sous déduction de la somme de 50'000 fr. payée le
18 juillet 2024, avec suite de frais et dépens (chiffrés à 8'107 fr. 50).

Lors de l'audience du 15 novembre 2024 du Tribunal, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a précisé que rien n'avait été payé depuis le dépôt de la requête.

B______ SA a conclu au rejet de la requête. Elle a relevé que l'ajustement devait être calculé sur la base des comptes 2022, qu'elle n'avait jamais reçus. Elle a ajouté que le décompte du 8 février 2023 mentionnait "sous réserve de la vérification par l'acheteur des chiffres donnés par le vendeur".

A______ a déclaré que les comptes 2022 avaient été remis à la signature du contrat. B______ SA l'a contesté, précisant que les comptes remis à la signature du contrat étaient les comptes au 31 décembre 2021.

Suite à quoi a été prononcé le jugement querellé.

 

1.EN DROIT

1. 1.1 Dans le cadre des procédures de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

1.2 Dans le cas présent, interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable.

1.3 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

1.4 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante
(Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.5 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2.  La recourante invoque une constatation manifestement inexacte des faits par le Tribunal. Elle invoque à titre de reconnaissance de dette le contrat de vente signé par les parties (pièce 3), la fiche intitulée "Calcul Ajustement" signée par les parties (pièce 4) et un échange entre le recourant et le représentant de l'intimée (pièce 8), notamment.

2.1

2.1.1 Selon l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi – ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20
consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références). Une reconnaissance de dette peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).

Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée (art. 82 LP), il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185).

2.1.2 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (ATF 145 III 20, consid. 4.1.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal, se fondant sur les pièces produites par le recourant en première instance, a considéré qu'elles ne constituaient pas une reconnaissance de dette au sens des définitions précitées, dans la mesure où le montant de la dette réclamée ressortait certes précisément de la fiche de "calcul Ajustement" signée par les parties (692'752 fr., même si la monnaie n'est pas mentionnée sur le document, il ne peut s'agir que de francs suisses), mais que ce document contenait une condition, dont il n'était pas démontré qu'elle aurait été réalisée, les acomptes versés par la suite sur ledit montant n'étant pas suffisants à admettre l'acceptation du montant déterminé.

La Cour ne partage pas cette appréciation. Avec le Tribunal, il faut admettre que la production du contrat signé par les parties et de l'avenant intitulé "calcul Ajustement" signé par les parties également pour un montant précis de 692'752 fr. permettait de considérer que l'on est en présence d'une reconnaissance de dette.

Comme rappelé plus haut le Tribunal est finalement parvenu à la conclusion que tel ne devait pas être le cas, sur la base de la mention située en pied de l'avenant, précisant que "les parties confirment le mode de calcul de l'ajustement ci-dessus, sous réserve de la vérification par l'acheteur des chiffres donnés par le vendeur".

Or, conformément au contrat de vente, précis et complet, passé par les parties, le paiement de l'ajustement devait l'être au maximum douze mois après la date d'exécution (art.4.2.2), soit le 11 janvier 2023 (art.5).

Jamais, jusqu'à la présente procédure de recours, l'intimée n'a soutenu que le montant de l'ajustement calculé dans l'avenant signé par les parties était contesté.

En exécution de cette obligation, l'intimée a d'ailleurs versé une somme de 200'000 fr. au recourant le 8 juillet 2024 avec la mention "calcul des ajustement (sic!) acompte".

Afin de respecter son obligation d'agir de bonne foi, l'intimée devait remplir son incombance de vérification des chiffres mentionnés dans l'avenant dans des délais raisonnables, ce qu'elle n'a pas rendu vraisemblable avoir fait. De la sorte, il faut partir du principe, en procédure sommaire, que l'intimée n'avait, dans les faits, aucune objection à faire valoir à l'égard des montants faisant l'objet de l'accord des parties qu'elle a accepté comme corrects.

Il en découle que la réserve émise ne peut faire échec au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition sur la base des titres produits, la volonté de payer sans réserve une somme déterminée étant donnée.

Le recours sera dès lors admis et la mainlevée sollicitée prononcée.

3.  L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires de première et de seconde instance (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'875 fr (750fr./1er instance;
1'125 fr./2e instance) (art. 48 et 61 OELP).

Les avances versées seront restituées au recourant qui en avait fait l'avance.

L'intimée sera également condamnée à verser au recourant un montant de 3'500 fr. à titre de dépens des deux instances (art. 23 al.1 LACC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 17 avril 2025 par A______ contre le jugement JTPI/4717/2025 rendu le 31 mars 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20565/2024-17.

Au fond :

L'admet et prononce la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première et seconde instance à 1'875 fr. et les met à la charge de B______ SA.

Condamne B______ SA à payer la somme de 1'875 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer les avances de frais de
750 fr. et 1'125 fr. à A______.

Condamne B______ SA à payer à A______ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens des deux instances.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président ad interim; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président ad interim :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.