Décisions | Sommaires
ACJC/992/2025 du 18.07.2025 sur SQ/1167/2025 ( SQP ) , JUGE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/16174/2025 ACJC/992/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 18 JUILLET 2025 |
Pour
FONDATION A______, sise c/o B______ SA, ______ (VS), recourante contre une ordonnance de refus partiel de séquestre rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 7 juillet 2025, représentée par Mes Julien PERRIN et Loïc PFISTER, avocats, LPPV avocats, rue de Genève 17, Case postale 6759, 1002 Lausanne.
A. a. Par requête du 7 juillet 2025, FONDATION A______, sise à C______ (VS) a requis le séquestre, au préjudice de D______, domicilié en Italie, à hauteur de 3'680'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2025, de - notamment - (i) tous les avoirs, titres, espèces, valeurs, créances, actions nominatives ou au porteur, objets, comptes, placements, dépôts ou coffres-forts, ou tout autre bien ou droit de quelque nature ou en quelque monnaie que ce soit, sous désignation conventionnelle, fiduciaire, numérique ou pseudonymique, dont D______ était titulaire et/ou propriétaire auprès de la banque E______ à Genève, (ii) les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans l'appartement dont D______ et son épouse, F______, ont la jouissance à la rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que (ii) les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans le "G______" que D______ et son épouse, F______ animaient à rue 2______ no. ______, [code postal] Genève.
FONDATION A______ a indiqué fonder son séquestre sur une "reconnaissance de dette du 04.12.2024 […], pour un montant dû dès le 28.02.2025 et valant acte d'exécution directe selon acte notarié du 04.12.2024" et s'est référée à l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP. Elle allégué que les époux D______/F______, collectionneurs d'art notoires, disposaient de biens meubles de valeur à Genève, en particulier dans l'appartement dont ils jouissaient à l'étage principal de l'immeuble situé entre la rue 1______ et rue 2______ à Genève, ainsi que dans la galerie d'art aménagée dans les anciennes caves du même immeuble, qu'ils animaient sous l'enseigne "G______".
Elle a notamment produit les pièces suivantes :
- Une convention intitulée "engagement et reconnaissance de dette", signée le 4 décembre 2024 par D______ et H______, membre du conseil de fondation de FONDATION A______, ainsi qu'un acte d'exécution directe, signé le même jour entre les précités devant Me I______, notaire à Genève.
La convention stipulait notamment ce qui suit :
"I. M. D______ s'engage envers la Fondation A______ à lui racheter toutes les parts des trois fonds liquides pour un montant équivalent ou supérieur à CHF 3'680'000 […] d'ici au 28 février 2025.
II. En tout état, M. D______ se reconnaît débiteur de la Fondation A______ d'un montant de CHF 3'680'000 […] et s'engage à verser ce montant à la Fondation A______ d'ici au 28 février 2025 (ci-après : l'Engagement). Ce montant sera dès lors exigible à partir de cette date.
III. M. D______ déclare reconnaître l'exécution directe de son présent Engagement au sens des art. 347 et suivants (en particulier de l'art. 349) du Code de procédure civile suisse (CPC, RS 272). Le titre exécutoire portant sur une prestation en argent vaut titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 et 81 LP (art. 349 CPC).
IV. Les parties reconnaissent à la Fondation A______ le droit d'exiger directement l'exécution de l'Engagement (art. 112 al. 2 du Code des obligations, RS 220).
V. Le droit suisse, à l'exclusion de ses règles de conflit de lois et des traités internationaux, est applicable. M. D______ reconnaît d'ailleurs que la créance qui est objet de l'Engagement a un lien suffisant avec la Suisse au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 4 de la Loi sur la poursuite pour dettes et faillites (RS 273).
VI. Tout différend relatif à la présente convention, y compris sa validité, son interprétation et son exécution, est soumis à la juridiction exclusive des tribunaux compétents de Genève, sous réserve du recours au Tribunal fédéral, y compris toute action directe de la Fondation A______ selon le chiffre IV
ci-dessus."
Aux termes de l'acte notarié d'exécution directe, D______ et H______ – se référant "à la convention intitulée "Engagement et reconnaissance de dette" datée du 4 décembre 2024 conclu entre eux et portant sur un montant en capital de [3'680'000 fr.], ci-après désigné La Convention" – ont déclaré "expressément accepter l'exécution directe, au sens des articles 347 et suivants du Code de procédure civile (CPC), des prestations convenues dans la Convention, soit :
I. M. D______ s'engage envers la Fondation A______ à lui racheter toutes les parts des trois fonds liquides pour un montant équivalent ou supérieur à CHF 3'680'000 […] d'ici au 28 février 2025.
II. En tout état, M. D______ se reconnaît débiteur de la Fondation A______ d'un montant de CHF 3'680'000 […] et s'engage à verser ce montant à la Fondation A______ d'ici au 28 février 2025 (ci-après : l'Engagement). Ce montant sera dès lors exigible à partir de cette date.
III. M. D______ déclare reconnaître l'exécution directe de son présent Engagement au sens des art. 347 et suivants (en particulier de l'art. 349) du Code de procédure civile suisse (CPC, RS 272). Le titre exécutoire portant sur une prestation en argent vaut titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 et 81 LP (art. 349 CPC).
Le notaire attire expressément l'attention des comparants sur le fait que le caractère exécutoire du présent acte, au sens de l'article 347 du Code de procédure civile (CPC), autorise son créancier à le faire valoir comme titre de mainlevée définitive au sens des articles 80 et 81 de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) avec pour conséquence notamment de priver le débiteur de son action en libération de dette."
- Un article publié sur le site J______ concernant D______, dont il ressort que le précité, homme d'affaires, collectionneur d'art et mécène suisse, avait décidé d'investir avec son épouse dans le développement d'un espace culturel entièrement consacré à l'art contemporain au cœur de la ville de Genève, soit "G______" (ci-après : G______) (pièce 9 req.).
- Des articles de journaux parus dans la presse française (en avril 2019), italienne (en juin 2023) et genevoise (en juin 2020 et décembre 2024), dont il ressort que les époux D______/F______ formaient un "couple de collectionneurs" d'œuvres et d'objets d'art, qu'ils opéraient leurs "choix d'acquisition" de ces œuvres et objets de façon concertée, et qu'ils avaient fondé et exploité ensemble G______, aménagé dans les caves de leur "maison familiale" sise rue 2______ no. ______, à savoir un lieu adjacent à "leur appartement" sis rue 1______ no. ______ ("in un ambiente adiacente all'appartamento della copia, nell'elegante palazzo al numero ______ di rue 1______"). Par ailleurs, ces articles étaient illustrés de photographies prises dans l'appartement, respectivement dans G______, sur lesquelles étaient visibles plusieurs œuvres et objets d'art d'époques différentes (tableaux, meubles anciens et contemporains, sculptures, etc.) (pièces 14 à 17 req.).
- Des extraits du Registre foncier relatifs à la parcelle n° 3______ de la Commune de K______, sur laquelle est érigée une habitation à plusieurs logements, soumise au régime de la propriété par étages (PPE) depuis 2019, sise rue 2______ no. ______ et rue 1______ no. ______. Il en ressort que D______ a été copropriétaire de cette parcelle, à raison d'une demie, depuis 1986 jusqu'à une date non spécifiée, et que L______ et M______, filles des époux D______/F______, sont devenues copropriétaires du lot PPE 3______-4______ (local commercial) et du lot PPE 3______-5______ (appartement avec jardin) en décembre 2019 (pièces 18 à 22 req.).
b. Par ordonnance SQ/1167/2025 du 7 juillet 2025, le Tribunal a admis la requête de séquestre uniquement en tant qu'elle portait sur les avoirs, titres, espèces, valeurs, créances, actions nominatives ou au porteur, objets, comptes, placements, dépôts ou coffres-forts, ou tout autre bien ou droit de quelque nature ou en quelque monnaie que ce soit, sous désignation conventionnelle, fiduciaire, numérique ou pseudonymique, dont D______ est titulaire et/ou propriétaire auprès de la banque E______ à Genève (ch. 1 du dispositif), rejeté la requête de séquestre pour le surplus (ch. 2) et renvoyé à l'ordonnance de séquestre pour la décision sur les frais et dépens (ch. 3).
Par ordonnance séparée du même jour, le Tribunal a ordonné le séquestre, au profit de FONDATION A______ et à hauteur de 3'680'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2025, des biens mentionnés au chiffre 1 de l'ordonnance susvisée, notamment du compte IBAN 6______, et condamné D______ aux frais judiciaire, arrêtés à 1'500 fr., ainsi qu'aux dépens en 2'000 fr.
Il a retenu que FONDATION A______ avait rendu vraisemblable sa créance, qui se fondait sur un titre authentique au sens de l'art. 349 CPC, ainsi que l'existence d'une relation bancaire de D______ auprès de E______, soit le compte IBAN 6______ mentionné à la pièce 13 req. En revanche, les articles de journaux produits n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable l'existence de biens meubles appartenant au débiteur séquestré, ce d'autant qu'aucun extrait du Registre foncier ne venait étayer les affirmations de FONDATION A______ concernant la propriété des immeubles dans lesquels se trouveraient lesdits biens. Partant, la requête devait être admise uniquement en tant qu'elle portait sur le compte ouvert auprès de E______.
B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 10 juillet 2025, FONDATION A______ a formé recours contre cette ordonnance. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif, en tant que le séquestre requis avait été refusé s'agissant des œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant à Genève. Cela fait, elle a conclu à l'admission de sa requête de séquestre dirigée contre D______ en tant que celle-ci portait sur les biens suivants, outre ceux déjà mentionnés au chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance : (i) les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans l'appartement dont D______ et son épouse, F______, avaient la jouissance à la rue 1______ no. ______; (ii) les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans le "G______" que les précités animaient à rue 2______ no. ______. Elle a également conclu à ce que la Cour la dispense de fournir des sûretés, condamne D______ aux frais judiciaires et aux dépens de première instance et condamne l'Etat de Genève aux frais judiciaires et aux dépens de seconde instance.
b. La Cour a gardé la cause à juger le 16 juillet 2025, à réception de l'avance de frais versée par FONDATION A______.
1. 1.1 Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.2; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1646). La procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC).
Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).
1.2 En l'espèce, déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.
2. 2.1 Le recours est recevable pour violation du droit et pour constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'instance de recours examine les questions de droit avec le même pouvoir d'examen que l'instance précédente, y compris en ce qui concerne l'appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC) et l'application du degré de preuve (cf. Jeandin, in CR CPC, 2019, n. 2 ad art. 320 CPC; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse (CPC), FF 2006 6841, p. 6984).
2.2 La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 CPC et 255 CPC a contrario).
2.3 Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589 consid. 1; Hohl, op. cit., n. 1637 p. 299).
Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste; partant, il n'y a pas lieu d'inviter D______ (ci-après : l'intimé) à présenter ses observations, ce qui ne constitue pas une violation de son droit d'être entendu (ATF 107 III 29 consid. 2 et 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 4).
L'art. 322 CPC est par conséquent inapplicable dans un tel cas.
3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir retenu qu'elle n'aurait pas rendu vraisemblable l'existence d'objets et œuvres d'art et/ou de valeur de l'intimé susceptibles d'être séquestrés à Genève.
3.1.1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse, lorsqu'il possède contre celui-ci un titre de mainlevée définitive (art. 271 al. 1 ch. 6 LP).
Le séquestre est autorisé à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe, qu'on est en présence d'un cas de séquestre et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 1 à 3 LP).
3.1.2 Aux termes de l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (al. 1). Sont assimilés à de tels jugements les titres authentiques exécutoires au sens des art. 347 à 352 CPC (al. 2 ch. 1 bis).
Selon l'art. 347 CPC, les titres authentiques relatifs à des prestations de toute nature peuvent être exécutés comme des décisions aux conditions suivantes : la partie qui s'oblige a expressément déclaré dans le titre qu'elle reconnaissait l'exécution directe de la prestation (let. a); la cause juridique de la prestation est mentionnée dans le titre (let. b); la prestation due est (1) suffisamment déterminée dans le titre, (2) reconnue dans le titre par la partie qui s'oblige et (3) exigible.
L'art. 349 CPC prévoit par ailleurs que le titre exécutoire portant sur une prestation en argent vaut titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 et 81 LP.
3.1.3 Le séquestre est une mesure conservatoire urgente, qui a pour but d'éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à la poursuite pendante ou future de son créancier (ATF 133 III 589 consid. 1; 116 III 111 consid. 3a;
107 III 33 consid. 2). Le juge du séquestre statue en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), sans entendre préalablement le débiteur (ATF 133 III 589 consid. 1; 107 III 29 consid. 2), en se basant sur la simple vraisemblance des faits et après un examen sommaire du droit (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.1). Les faits à l'origine du séquestre sont rendus vraisemblables lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF
138 III 232 consid. 4.1.1).
Conformément aux art. 271 al. 1 et 272 al. 1 ch. 3 LP, seuls les biens du débiteur, soit les choses et droits qui lui appartiennent juridiquement, et non seulement économiquement, peuvent être frappés par un séquestre. Doivent à l'inverse être considérés comme biens de tiers tous ceux qui, en vertu des normes du droit civil, appartiennent à une personne physique ou morale autre que le débiteur; en principe, seule l'identité juridique est déterminante en matière d'exécution forcée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_557/2024 du 23 octobre 2024 consid. 3.1.2; 5A_208/2023 du 10 juillet 2024 consid. 5.1).
Des biens au nom ou en possession d'un tiers peuvent toutefois aussi être séquestrés, si le créancier rend vraisemblable qu'ils ne sont que formellement au nom de ce tiers - qui n'est dès lors qu'un homme de paille, en ce sens qu'il n'est que le propriétaire apparent d'un bien qu'il détient pour le compte du débiteur - mais appartiennent en réalité au débiteur (par ex. ensuite d'une acquisition de propriété simulée; ATF 144 III 541 consid. 8.3.5). Il incombe au créancier de rendre vraisemblable que, malgré notamment la possession, l'inscription dans un registre public ou l'intitulé du compte bancaire, les avoirs mis sous main de justice appartiennent au débiteur (ATF 144 III 541 consid. 8.3.5; 126 III 95 consid. 4a et b; 107 III 33 consid. 2 et 3; 93 III 89 consid. 2).
Afin d'éviter tout séquestre investigatoire, le requérant doit rendre vraisemblable le lieu où sont localisés les droits patrimoniaux à séquestrer ou du tiers débiteur ou détenteur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_307/2012 du 11 avril 2013 consid. 3.3.2; 5A_402/2008 du 15 décembre 2008 consid. 3.1). Cette exigence s'applique également au séquestre de biens désignés par le genre seulement (ATF 107 III 33 consid. 5; 100 III 25 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 7B.130/2001 du 4 juillet 2001 consid. 1).
3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à juste titre que la recourante avait rendu vraisemblable l'existence de sa créance - échue et non garantie par gage - envers l'intimé, pour un montant de 3'680'000 fr., que ce dernier s'était engagé à lui verser d'ici le 28 février 2025, conformément à la convention signée le 4 décembre 2024. L'acte notarié d'exécution directe daté du même jour est par ailleurs un titre authentique exécutoire au sens des art. 347 ss CPC, de sorte que la recourante dispose d'un titre de mainlevée définitive à l'encontre de l'intimé au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP. C'est également à juste titre que le Tribunal a retenu que la recourante avait rendu vraisemblable l'existence d'une relation bancaire de l'intimé auprès de la banque E______, ainsi que cela ressort de la pièce 13 req.
En revanche, le Tribunal ne peut être suivi lorsqu'il a considéré que les pièces produites à l'appui de la requête de séquestre n'étaient pas suffisantes pour rendre vraisemblable l'existence de biens meubles appartenant au débiteur séquestré dans l'immeuble situé entre la rue 1______ et rue 2______ à Genève. Il ressort en effet des extraits du Registre du foncier figurant au dossier (pièces 18 à 22 req.) que l'intimé a été pendant plusieurs années copropriétaire de cet immeuble et que deux lots PPE sont actuellement détenus par ses filles, qui en sont devenues copropriétaires en décembre 2019. Il ressort par ailleurs de l'article publié sur J______ (pièce 9 req.) et des articles parus dans la presse française, italienne et genevoise (pièces 14 à 17 req.) que l'intimé et son épouse forment un couple de collectionneurs d'œuvres d'art, qu'ils opèrent leurs "choix d'acquisition" de ces œuvres et objets d'art de façon concertée, et qu'ils ont fondé et exploitent ensemble l'espace culturel "G______", aménagé dans les caves de leur "maison familiale" sise rue 2______ no. ______ à Genève, et situé à côté de "leur appartement" sis rue 1______ no. ______ à Genève – étant précisé que deux des articles de presse concernés sont parus en 2023 et 2024, soit postérieurement à l'inscription des filles de l'intimé en qualité de copropriétaires des lots PPE susmentionnés. Par ailleurs, ces articles, parus entre 2019 à 2024, comprennent des photographies de l'appartement concerné et de G______, sur lesquelles plusieurs œuvres et objets d'art d'époques différentes sont visibles (tableaux, meubles anciens et contemporains, sculptures, etc.).
Les pièces produites sont ainsi de nature à démontrer, à tout le moins au stade de la simple vraisemblance, que des œuvres et objets d'art et/ou de valeur appartenant à l'intimé se trouvent dans l'appartement sis rue 1______ no. ______ et dans G______ sis rue 2______ no. ______ à Genève. Il suit de là que le séquestre ordonné aurait également dû porter sur ces biens meubles.
Le recours sera par conséquent admis et l'ordonnance entreprise annulée.
3.3 Dans la mesure où la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), le séquestre des œuvres et objets d'art et/ou de valeur du débiteur se trouvant dans l'appartement concerné et dans G______, de même que ses avoirs auprès de la banque E______ sera ordonné à concurrence de 3'680'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2025.
Toutes les indications prévues par l'art. 274 al. 2 LP et le formulaire 45 "ordonnance de séquestre" figurent dans la présente décision, étant souligné que l'utilisation du formulaire précité n'est pas obligatoire pour les autorités cantonales (art. 2 al. 3 Oform).
3.4 En l'état, il ne se justifie pas de condamner la recourante à verser des sûretés selon l'art. 273 al. 1 in fine LP.
4. 4.1 Lorsque l'instance de recours rend une nouvelle décision, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC p. a.; Jeandin, op. cit., n. 9 ad art. 327 CPC).
Le montant des frais judiciaires de première instance sera arrêté à 1'500 fr., en conformité avec l'art. 48 de l'Ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP).
Compte tenu du caractère unilatéral de la procédure d'autorisation de séquestre, le débiteur ne peut être assimilé à une partie qui succombe au sens de l'art. 106 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.1 et 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400). Cela étant, dans la mesure où la recourante obtient gain de cause sur une grande partie des conclusions de sa requête de séquestre, il serait inéquitable de lui faire supporter les frais judiciaires de première instance. Ces frais seront par conséquent mis à la charge du débiteur séquestré en application de l'art. 107 al. 1 let. f CPC et l'avance versée en première instance par la recourante lui sera restituée (art. 111 al. 1 CPC et 68 al. 1 LP). Le débiteur sera condamné à verser la somme de 1'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Le débiteur sera en outre condamné à s'acquitter des dépens de première instance de la recourante, qui seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 85, 88 et 89 RTFMC).
4.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 2'250 fr. (art. 48 et 61 OELP) et laissés à la charge de l'Etat de Genève en application de l'art. 107 al. 2 CPC. L'avance de frais fournie par la recourante lui sera restituée.
Il ne sera pas alloué de dépens de recours, l'art. 107 al. 2 CPC ne permettant pas de mettre des dépens à la charge de l'Etat de Genève.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2025 par FONDATION A______ contre l'ordonnance de refus partiel de séquestre SQ/1167/2025 rendue le 7 juillet 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16174/2025.
Au fond :
L'admet.
Annule l'ordonnance querellée.
Cela fait, statuant à nouveau :
Ordonne le séquestre, au profit de FONDATION A______, sise c/o B______ SA, rue 7______ no. ______, [code postal] C______ (VS), au préjudice de D______, domicilié rue 8______ no. ______, [code postal] N______, Italie, à concurrence de 3'680'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 28 février 2025, des biens suivants :
- tous les avoirs, titres, espèces, valeurs, créances, actions nominatives ou au porteur, objets, comptes, placements, dépôts ou coffres-forts, ou tout autre bien ou droit de quelque nature ou en quelque monnaie que ce soit, sous désignation conventionnelle, fiduciaire, numérique ou pseudonymique, dont D______ est titulaire et/ou propriétaire auprès de la banque E______, rue 9______ no. ______, [code postal] Genève, notamment le compte IBAN 6______;
- les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans l'appartement dont D______ et son épouse, F______, ont la jouissance à la rue 1______ no. ______, [code postal] Genève;
- les œuvres et objets d'art et/ou de valeur se trouvant dans le "G______" que D______ et son épouse, F______, animent à rue 2______ no. ______, [code postal] Genève.
Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'500 fr., les met à la charge de D______ et condamne le précité à payer ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Condamne D______ à verser à FONDATION A______ 2'000 fr. à titre de dépens de première instance.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 1'500 fr. à FONDATION A______.
Sur les frais du recours :
Arrête les frais judiciaires de recours à 2'250 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 2'250 fr. à FONDATION A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente ad intérim; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
La présidente ad intérim : Nathalie RAPP |
| La greffière : Barbara NEVEUX |
Observations
1. Effets du séquestre
Il est interdit au débiteur, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP), de disposer des biens séquestrés sans la permission du préposé (art. 275 et 96 LP).
L'office des poursuites peut prendre les objets sous sa garde ou les placer sous celle d'un tiers.
Il peut cependant les laisser à la libre disposition du débiteur, à charge pour celui-ci de fournir des sûretés par un dépôt, un cautionnement solidaire ou une autre sûreté équivalente (art. 277 LP).
2. Voies de droit
a) Opposition (art. 278 LP)
Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge du séquestre dans les dix jours dès celui où il en a eu connaissance. Le juge entend les parties et statue sans retard. La décision sur opposition peut faire l'objet d'un recours au sens du code de procédure civile (CPC). Les parties peuvent alléguer des faits nouveaux.
L'opposition et le recours n'empêchent pas le séquestre de produire ses effets.
b) Plainte (art. 17 ss LP)
Les objets insaisissables (art. 92 LP) ne peuvent pas non plus être séquestrés. Les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie s'appliquent par analogie à l'exécution du séquestre. Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92 LP, peuvent être séquestrés, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
3. Validation du séquestre (art. 279 LP)
Le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.
Si le débiteur forme opposition, le créancier doit requérir la mainlevée de celle-ci ou intenter action en reconnaissance de la dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si la requête de mainlevée est rejetée, le créancier doit intenter action dans les dix jours à compter de la notification de cette décision.
Si le débiteur n'a pas formé opposition ou si celle-ci a été écartée, le créancier doit requérir la continuation de la poursuite dans les vingt jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si l'opposition a été écartée, le délai commence à courir à l'entrée en force de la décision écartant l'opposition. La poursuite est continuée par voie de saisie ou de faillite, suivant la qualité du débiteur.
Si le créancier a intenté l'action en reconnaissance de dette sans poursuite préalable, il doit requérir la poursuite dans les dix jours à compter de la notification du jugement.
Les délais prévus par le présent article ne courent pas :
1. pendant la procédure d'opposition ni pendant la procédure de recours contre la décision sur opposition;
2. pendant la procédure de constatation de la force exécutoire relevant de la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ni pendant la procédure de recours contre la constatation de la force exécutoire.
4. Caducité du séquestre (art. 280 LP)
Les effets du séquestre cessent lorsque le créancier :
1. laisse écouler les délais qui lui sont assignés à l'article 279;
2. retire ou laisse périmer son action ou sa poursuite;
3. voit son action définitivement rejetée.
5. Participation provisoire à des saisies (art. 281 LP)
Lorsque les objets séquestrés viennent à être saisis par un autre créancier avant que le séquestrant ne soit dans les délais pour opérer la saisie, ce dernier participe de plein droit à la saisie à titre provisoire.
Les frais du séquestre sont prélevés sur le produit de la réalisation.
Le séquestre ne crée par d'autres droits de préférence.
La suspension des délais prévue par l'art. 145 al. 1 CPC ne s'applique pas.
Voie de recours sur les frais
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la décision sur les frais peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.