Décisions | Sommaires
ACJC/1435/2024 du 13.11.2024 sur JTPI/9361/2024 ( SFC ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/10204/2024 ACJC/1435/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024 |
Entre
A______ SA, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 août 2024, représentée par
Me Robert HENSLER, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, case postale, 1211 Genève 12,
et
B______ CAISSE DE PENSION, sise ______.
A. Par jugement JTPI/9361/2024 du 8 août 2024, reçu par A______ SA le 14 août 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur requête de B______ CAISSE DE PENSION dans le cadre de la poursuite no 1______, a prononcé la faillite de A______ SA (ch. 1 du dispositif) et l'a condamnée à verser à sa partie adverse 150 fr. au titre des frais judiciaires (ch. 2 et 3).
B. a. Le 23 août 2024, A______ SA a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et rejette la requête de faillite.
Elle a établi avoir payé la dette poursuivie, intérêts et frais compris, et a allégué être solvable.
Elle a produit des pièces nouvelles.
b. Par décision du 29 août 2024, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
c. B______ CAISSE DE PENSION n'a pas répondu au recours dans le délai qui lui a été imparti pour ce faire par la Cour.
d. Les parties ont été informées le 15 octobre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. A teneur de l’extrait du Registre des poursuites de A______ SA du 27 août 2024 et des quittances versées à la procédure, cette société, qui faisait l'objet d'un nombre considérable de poursuites en cours, les a toutes réglées, à l'exception d'une seule. Elle s'est engagée à solder entièrement cette dernière poursuite à fin novembre 2024.
Selon une attestation établie le 22 août 2024 par la personne chargée de sa comptabilité, A______ SA emploie 9 personnes. Le chiffre d'affaires du restaurant qu'elle exploite était de 160'000 fr. environ et le relevé bancaire de la société indiquait des entrées de paiements par carte de crédit de 35'000 fr. par semaine. La comptable relevait n'avoir aucune crainte sur la solvabilité de cette entreprise car le chiffre d'affaires n'était pas en baisse, les encaissements dépassaient les dépenses et les dettes sur investissements étaient soldées.
Les comptes non audités produits par A______ SA pour les mois de janvier à août 2024 font état d'un bénéfice de 320'301 fr.
1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).
Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.
1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).
En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante sont recevables.
2. La recourante fait valoir qu'elle exploite le restaurant C______ depuis le 4 octobre 2023, qu'elle a investi un montant de 1'200'000 fr. pour son aménagement et que celui-ci est rentable. Elle avait accumulé des dettes suite à une gestion administrative défectueuse mais avait entrepris de redresser la situation. Elle avait effectué de nombreux paiements récemment tant en mains de ses créanciers que de celles de l'Office des poursuites.
2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).
En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).
2.2 En l'espèce, la recourante a rendu vraisemblable par pièces, notamment l'attestation de sa comptable, sa comptabilité et ses extraits bancaires, que son activité est rentable. Cela est confirmé par le fait qu'elle a été à même de s'acquitter récemment de la plus grande partie de ses dettes.
Au vu du dossier, et même si la situation de la recourante semble toujours serrée, sa solvabilité est plus probable que son insolvabilité et la viabilité de son activité ne saurait être déniée d'emblée.
Le recours doit dès lors être admis et le prononcé de la faillite annulé.
3. Dans la mesure où le paiement de l'entier de la dette est intervenu après le dépôt de la requête de faillite, il se justifie de laisser à la charge de la recourante les frais et dépens de première et seconde instance (art. 106 al. 1 CPC).
Les frais du recours seront arrêtés à 220 fr. et compensés avec l'avance de frais déjà effectuée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 52 et 61 al. 1 OELP, art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui n'a pas répondu au recours (art. 95 al. 3 let. c CPC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2024 par A______ SA contre le jugement JTPI/9361/2024 rendu le 8 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10204/2024.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement précité.
Rejette la requête de faillite formée par B______ CAISSE DE PENSION le 30 avril 2024.
Confirme ledit jugement pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 220 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.