Décisions | Sommaires
ACJC/1120/2024 du 16.09.2024 sur JTPI/6681/2024 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/26054/2023 ACJC/1120/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 16 SEPTEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 mai 2024,
et
CAISSE DE COMPENSATION B______, sise ______, intimée.
A. Par jugement JTPI/6681/2024 du 30 mai 2024, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance fournie, mis à la charge de A______, condamné à les verser à la CAISSE DE COMPENSATION B______ (ch. 2), a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
En substance, il a retenu que la décision de restitution d'allocations familiales du 4 juin 2019, définitive et exécutoire, était un titre de mainlevée définitive. A______ avait allégué ne pas avoir perçu les allocations dont le remboursement avait été demandé; ces faits auraient pu et dû être invoqués dans la procédure d'opposition, voie que l'intéressé n'avait pas utilisée. Il n'appartenait pas au juge de la mainlevée de réexaminer le bienfondé de la décision de restitution des allocations familiales.
B. a. Par acte expédié le 8 juin 2024 au Tribunal et transmis à la Cour de justice le 11 juin 2024, A______, comparant en personne, a formé "appel" de ce jugement. Il a requis de la Cour la reconsidération du jugement et "de [l]e libérer de l'obligation de remboursement des allocations familiales".
Il a produit des pièces déjà versées devant le Tribunal.
b. Dans sa réponse du 17 juillet 2024, la CAISSE DE COMPENSATION B______ a conclu au rejet du recours.
Elle a formé de nouveaux allégués et a produit de nouvelles pièces.
c. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du 6 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. A______ est le père de C______, né le ______ 2010.
b. Par décision (no. 2______) du 26 avril 2012 adressé à A______, la CAISSE DE COMPENSATION B______ a accordé à l'enfant précité des allocations familiales, d'un montant mensuel de 300 fr., dès le 1er avril 2012, versées en mains de D______, mère de l'enfant, avec mention de l'employeur E______.
c. Par décision du 29 janvier 2018 adressé à A______, la CAISSE DE COMPENSATION B______ a mis fin aux allocations familiales, dès le 31 janvier 2013, et sollicité le remboursement des allocations familiales versées à tort pour la période du 1er février 2013 au 31 décembre 2017, de 17'700 fr.
Cette décision mentionne qu'elle peut faire l'objet d'une opposition dans les 30 jours dès sa notification.
Cette décision porte le timbre humide selon lequel aucune opposition n'a été formée auprès de la Caisse dans le délai imparti (art. 52 LPGA).
d. Par sommations des 25 mars et 25 mai 2018, la CAISSE DE COMPENSATION B______ a mis en demeure A______ de s'acquitter de la somme de 17'700 fr.
e. A la requête de la CAISSE DE COMPENSATION B______, l'Office cantonal des poursuites a notifié le 11 novembre 2023 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 17'700 fr. Dans la rubrique "Titre et date de la créance" figure : "Allocations familiales perçues à tort du 01.02.2013 au 31.12.2017, selon notre décision de restitution du 29 janvier 2018".
Opposition y a été formée.
f. Par requête expédiée le 23 novembre 2023 au Tribunal, la CAISSE DE COMPENSATION B______ a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité.
Elle a produit, outre la poursuite, la décision de restitution du 29 janvier 2018 et les sommations des 25 mars et 25 mai 2018.
g. A l'audience du Tribunal du 26 avril 2024, la CAISSE DE COMPENSATION B______ n'était ni présente ni représentée.
A______ s'est opposé à la requête, alléguant n'avoir pas déposé de demande d'allocations familiales et ne pas les avoir perçues personnellement.
Il a produit des pièces, dont un certificat de travail en sa faveur établi à une date indéterminée par E______.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC).
Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, et si les conditions de l'acte qui aurait dû être formé sont remplies, une conversion de l'acte déposé en acte recevable est en principe possible s'il n'en résulte aucune atteinte aux droits de la partie adverse (Jeandin, in CR CPC, 2019, n. 7a ad art. 308-334 CPC; Reetz/Theiler, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 26 et 51 ad art. 308-318 CPC).
Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Bien que le recourant, qui procède en personne, ne conclue pas à l'annulation du jugement, l'on comprend des explications de l'acte de recours qu'e l'intéressé s'oppose au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer. Le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu'il sera considéré comme recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).
1.3 Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, les faits nouvellement allégués par l'intimée, ainsi que les pièces nouvellement produites sont irrecevables. Ils ne sont au demeurant pas pertinents pour l'issue de litige.
2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, motif pris de ce qu'il n'avait pas été informé de ce que son ex-partenaire avait requis et obtenu des allocations familiales pour leur enfant et qu'il avait ignoré les correspondances adressées par l'intimée, pensant qu'il s'agissait d'une erreur.
2.1.1 En vertu de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilées à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).
Le juge saisi d'une requête de mainlevée définitive doit notamment vérifier si la créance en poursuite et résultant du jugement produit est exigible (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 22 et 34 ad art. 80 LP; Stücheli, Die Rechtsöffnung, Zurich 2000, p. 198; Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 2010, n. 39 ad 80 LP).
2.1.2 Le juge doit ordonner la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).
Il n'appartient toutefois pas au juge de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement. En particulier, il n'a pas à examiner les moyens de droit matériel que le débiteur pouvait faire valoir dans le procès qui a abouti au jugement exécutoire (ATF 142 III 78 consid. 3.1;
140 III 180 consid. 5.2.1; 124 III 501 consid. 3a).
2.1.3 Les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours (art. 54 al. 1 let. a-c LPGA).
Les décisions et les décisions sur opposition exécutoires qui portent condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP (art. 54 al. 2 LPGA).
2.1.4 Selon l'art. 12 al. 2 de la loi sur les allocations familiales (LAF-RS GE J 5 10), les allocations perçues sans droit doivent être restituées. La restitution ne peut pas être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.
Il incombe aux Caisses d'allocations familiales de fixer et verser les allocations familiales, de fixer et prélever les cotisations et de rendre et de notifier les décisions et les décisions sur opposition (art. 21 LAF).
Tous les actes d'administration par lesquels une caisse d'allocations familiales statue sur les droits ou obligations découlant de la LAF doivent revêtir la forme d'une décision écrite, motivée et comportant l'indication des voies de droit (art. 37 LAF).
Les décisions des organes d'application passent en force de chose jugée lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours en temps utile (art. 40 al. 1 LAF).
Les décisions des organes d'application et celles de l'autorité de recours passées en force qui portent sur une prestation pécuniaire sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP (art. 40 al. 2 LAF).
La LAF est appliquée par les différentes caisses d'allocations familiales et par le fonds cantonal de compensation des allocations familiales (art. 13 LAF).
2.2 La procédure de mainlevée, qu'elle soit provisoire ou définitive, est un incident de la poursuite. La décision qui accorde ou refuse la mainlevée est une pure décision d'exécution forcée dont le seul objet est de dire si la poursuite peut continuer. Le juge de la mainlevée définitive examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle, non la validité de la créance; il n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 143 III 564 consid. 4.1; 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_630/2023 du 28 février 2024 consid. 4.1.1).
Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3).
Le juge doit examiner d'office l'existence des trois identités : l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).
2.3 En l'espèce, le recourant a produit, devant le Tribunal, la décision d'octroi d'allocations familiales du 26 avril 2012 qui lui avait été adressée et qui portait la référence de son propre employeur, de sorte qu'il ne saurait prétendre ne pas avoir été informé de ce que la mère de son fils percevait, depuis avril 2012, lesdites allocations. Par ailleurs, la décision de l'intimée du 29 janvier 2018 adressée au recourant, sur laquelle se fonde le commandement de payer, sollicitant la restitution d'allocations familiales versées indûment au recourant du 1er février 2013 au 31 décembre 2017, et portant sur une condamnation à payer une somme d'argent, doit être assimilée à un jugement au sens de l'art. 80 LP et vaut dès lors titre de mainlevée au sens de la disposition précitée.
Le recourant n'a pas allégué devant le Tribunal que cette décision ne lui aurait pas été notifiée ou qu'elle ne serait pas exécutoire. Il en va de même des sommations des 25 mars et 25 mai 2018. Au contraire, le recourant n'a pas réagi à ces courriers, considérant selon son affirmation qu'il s'agissait d'une erreur puisqu'il n'aurait pas requis d'allocations familiales. Il n'a pas non plus contesté la quotité du montant réclamé, ni allégué que la dette serait éteinte. En l'absence d'un quelconque élément permettant de mettre en doute le caractère exécutoire de la décision produite, le Tribunal était fondé à considérer que celle-ci valait titre de mainlevée définitive.
2.4 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.
3. Le recourant qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106 al. 1 et 3 CPC).
En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.
Le premier juge a fixé l'émolument de première instance - non contesté - à 400 fr. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 600 fr. et compensé avec l'avance de frais du même montant fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui comparaît en personne et n'en a pas requis.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/6681/2024 rendu le 30 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26054/2023–2 SML.
Au fond :
Le rejette.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 600 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.