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Décisions | Sommaires

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C/12441/2024

ACJC/868/2024 du 02.07.2024 sur SQ/694/2024 ( SQP ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12441/2024 ACJC/868/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 2 JUILLET 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o B______, ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 juin 2024, représentée par Me Manuel BOLIVAR, avocat, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Le 4 juin 2024, A______ a adressé au greffe du Tribunal de première instance une requête en séquestre dirigée contre C______. Elle a conclu à ce que soit ordonné en sa faveur le séquestre des sommes de 45'006 fr. et de 4'380 fr.30, plus intérêts à 5% à partir du 6 janvier 2017 sous déduction de 380 fr.31.

A______ fonde sa requête sur les cas de séquestre des art. 271 al. 1 ch. 6 LP et 271 al. 1 ch. 4 LP.

En particulier, elle se prévaut d'un jugement définitif du Tribunal des Prud'hommes en sa faveur du 1er décembre 2020 dans la cause l'ayant opposée à D______, ancienne épouse de C______, ainsi que de la cession à elle-même par l'Office des poursuites des créances de D______ contre son ancien époux, débiteur contre lequel le séquestre est requis. Le jugement de divorce des époux de 2010 est, lui aussi, définitif et exécutoire.

Les créances de l'ancienne épouse contre son ancien mari ont été saisies selon procès-verbal du 9 janvier 2024, dans une procédure de recouvrement à l'encontre de celle-là, et remises à l'encaissement par l'Office à A______ au sens de l'art. 131 al. 2 LP ("cession de créance"), celle-ci étant autorisée à les faire valoir à ses risques et périls, un délai au 17 juin 2024 lui étant imparti pour faire valoir ses prétentions en justice.

B. Par ordonnance du 5 juin 2024, le Tribunal a rejeté la requête de séquestre
(ch. 1 du dispositif) et mis à la charge de A______ les frais judicaires, arrêtés à 400 fr. (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que la requérante ne disposait pas d'un titre de mainlevée ni d'une créance à l'égard du poursuivi. Pas plus ne rendait-elle vraisemblable la réalisation d'un cas de séquestre contre le poursuivi.

C. Par acte expédié le 17 juin 2024 et reçu par le greffe de Cour de justice le
18 juin 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance. Elle a conclu à son annulation et, cela fait, à ce que soit accordé le séquestre requis.

La Cour a gardé la cause à juger le 1er juillet 2024.

EN DROIT

1. 1.1. Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 c. 3.2; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1646).

En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable (art. 251
let. a CPC).

1.2. Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3. Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589 c. 1).

Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste (ATF 107 III 29 c. 2 et 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_344/2010 c. 5, in RSPC 2010 p. 400, et 5A_279/2010 c. 4).

1.4 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Selon la jurisprudence, des constatations de fait doivent être tenues pour manifestement inexactes lorsqu'elles sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 c. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4D_40/2015 c. 2).

2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte et d'avoir violé les art. 131 al. 2 LP cum 271 al. 1
ch. 6 LP, d'une part et 271 al.1 ch.4 LP, d'autre part. En particulier, s'agissant du premier grief soulevé, elle lui reproche d'avoir fait l'impasse sur les explications fournies et documentées permettant de constater la titularité de la créance invoquée par la poursuivante à l'égard du poursuivi.

2.1
2.1.1
Le séquestre est une mesure conservatoire urgente, qui a pour but d'éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à la poursuite pendante ou future de son créancier (ATF 116 III 111 c. 3a; 107 III 33 c. 2).
Le juge du séquestre statue en se basant sur la simple vraisemblance des faits. Les faits à l'origine du séquestre sont rendus vraisemblables lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 c. 4.1.1; ATF 130 III 321 c. 3.3).

Pour admettre la simple vraisemblance des faits, il suffit que, se fondant sur des éléments objectifs, le juge ait l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 132 III 715 c. 3.1; 130 III 321 c. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2011 c. 2.1).

2.1.2 Selon l'art. 272 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu’on est en présence d’un cas de séquestre (ch. 2) et qu’il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

L'art. 271 al. 1 LP envisage plusieurs cas de séquestre.

Il dispose notamment que le créancier d’une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n’habite pas en Suisse et qu’il n’y a pas d’autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu’elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 al. 1 LP (ch. 4).

La notion de "lien suffisant avec la Suisse", dont l'examen est limité à la seule vraisemblance, ne doit pas être interprétée restrictivement (ATF 135 III 608
c. 4.5).

Le lien suffisant de la créance avec la Suisse peut être établi par différents points de rattachement. Outre les cas dans lesquels le droit suisse est applicable au litige (ATF 123 III 494 c. 3a) ou pour lesquels les juridictions suisses sont compétentes ratione loci (ATF 124 III 219 c. 3b/bb), la jurisprudence retient notamment le lieu d'exécution en Suisse de la prestation du créancier séquestrant ou de celle du débiteur séquestré (ATF 123 précité).

Un séquestre peut également être requis lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive (ch. 6).

Par ailleurs, selon l'art. 131 al. 2 LP, si tous les créanciers saisissants sont d'accord, tous ou certains d'entre eux peuvent, sans préjudice de leurs droits contre le débiteur poursuivi, faire valoir des prétentions saisies en leur nom, à leur compte et à leurs risques et périls. Ils doivent y être autorisés par l'office des poursuites. La somme qu'ils pourront obtenir servira, dans ce cas, à couvrir leurs propres créances et frais. Le solde est remis à l'office des poursuites.

Que les tribunaux doivent motiver leurs décisions (art. 238 lit. f CPC); que ceci est évidemment avant tout dans l’intérêt des parties, dont un aspect du droit d’être entendues (art. 53 CPC) implique qu’elles puissent comprendre la décision rendue à leur avantage ou à leur détriment. Que si elles souhaitent introduire une voie de droit, elles doivent critiquer la décision et en particulier, ses considérants
(art. 311 et 321 CPC; OGer/ZH LB110049 du 5.3.2012 c. 1.1 s. et réf. ainsi qu’ATF 138 III 374). Que, toutefois, afin que l’autorité de recours puisse examiner ces griefs, elle aussi doit comprendre la décision attaquée; qu'à défaut, elle ne peut pas accomplir sa tâche. Que le droit fédéral contient à cet égard une disposition expresse: les décisions cantonales doivent entre autres contenir « les motifs déterminants de fait et de droit » et si une décision ne satisfait pas à cette exigence, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l’autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l’annuler (art. 112 al. 1 lit. b et al. 3 LTF). Que cette disposition doit, par nature, être aussi applicable en procédure cantonale de recours – dès lors qu’à défaut, l'instance cantonale de recours ne peut pas accomplir sa tâche. Que, cependant, un renvoi ou une annulation au sens de l’art. 112 LTF doit en tout cas demeurer l’exception et ne peut être ordonné que dans les cas où cela s’impose (OGer/ZH du 14 septembre 2020 (LB190052-O/U) consid. 3.2);

2.2 En l'espèce, dans la mesure où l'ordonnance de refus de séquestre entreprise ne mentionne pas les faits pertinents à la base de la qualité de créancière de la poursuivante, ni par conséquent les raisons qui, sur la base de ces faits, ont conduit le Tribunal à refuser le séquestre requis, le recours doit être d'emblée admis et la cause retournée au Tribunal pour complètement de l'état de faits et nouvelle décision, la Cour n’étant pas en mesure de contrôler si le Tribunal a constaté les faits de manière manifestement inexacte ou violé le doit.

Il lui appartiendra, sur la base des faits pertinents allégués et des pièces produites à leur appui, de décider de la vraisemblance de ceux-ci à fonder le séquestre requis.

3. Vu l'issue du recours, les frais seront laissés à la charge de l'Etat.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2024 par A______ contre l'ordonnance SQ/694/2024 rendue le 5 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12441/2024-25 SQP.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants.

Sur les frais :

Laisse les frais à la charge de l'Etat.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président ad interim; Monsieur Laurent MICHEL, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président ad interim :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr