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Décisions | Sommaires

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C/20939/2023

ACJC/823/2024 du 21.06.2024 sur ACJC/587/2024 ( SP ) , ADMIS

Normes : CPC.334
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20939/2023 ACJC/823/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 21 JUIN 2024

Entre

1) A______ SA, sise ______ [GE], et 2) Monsieur B______, c/o A______ SA, ______ [GE], et 3) Madame C______, domiciliée ______ [VD],

tous trois requérants sur requête de rectification d'un arrêt rendu par la Cour de justice le 3 mai 2024, représentés par Mes Raphaël JAKOB et Soile SANTAMARIA, avocats, SANTAMARIA & JAKOB, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève, et

Monsieur D______, domicilié ______ [GE], cité, représenté par Me  Benjamin GRUMBACH, avocat, GRUMBACH SARL, rue Saint-Léger 6, case postale 181, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt ACJC/587/2024 du 3 mai 2024, reçu par les parties le 17 mai 2024, la Cour de justice a, à la forme, déclaré recevables les appels interjetés par D______ contre l'ordonnance OTPI/809/2023 et l'ordonnance OTPI/130/2024 rendues respectivement les 14 décembre 2023 et 19 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20939/2023-25 SP, au fond, annulé l'ordonnance du 19 février 2024, annulé les chiffres 1 et 5 à 10 du dispositif de l'ordonnance du 14 décembre 2023 et, statuant à nouveau, ordonné à A______ SA et B______ de supprimer le passage suivant contenu dans l'éditorial intitulé "______" publié le ______ octobre 2023 sur le site internet du média E______ : "Après nos révélations sur le foie d'un donneur que le Dr D______ aurait détourné au profit d'un patient alcoolique des Emirats, causant la mort d'un patient suisse à Zurich, récipiendaire légitime de l'organe, plus d'une dizaine de personnes à Genève nous ont dit, alors que l'intéressé niait à tous crins et affirmait que nos documents étaient des faux, que c'était vrai, qu'elles savaient et nous remerciaient d'avoir eu le courage de sortir l'affaire (laquelle n'est pas terminée)" (paragraphe 4 du dispositif au fond).

Les frais judiciaires de première instance, en 1'700 fr., compensés avec les avances versées, ont été mis à la charge de D______ à hauteur de
1'275 fr. et à la charge de A______ SA, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à hauteur de 425 fr. D______ a été condamné à verser aux précités 425 fr. de frais judiciaires et 1'000 fr. de dépens de première instance.

Les frais judiciaires d'appel, en 6'000 fr., compensés avec les avances versées, ont été mis à la charge de D______ à raison de 4'500 fr. et de A______ SA, B______ et C______, conjointement et solidairement, à raison de 1'500 fr. D______ a été condamné à verser 840 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de frais judiciaires d'appel et A______ SA, B______ et C______ à verser conjointement et solidairement, 1'500 fr. au même titre. D______ a en outre été condamné à verser à A______ SA, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

b. La Cour a notamment retenu au considérant 9.7.2 de la partie en droit de son arrêt que le passage susmentionné, paru dans un article publié le ______ octobre 2023 dans le media en ligne E______, portait atteinte à la personnalité de D______. La pesée des intérêts à effectuer conduisait à retenir que cette atteinte n'était pas couverte par la mission d'information de la presse car, d'une part, les faits en question étaient déjà connus du public au moment de la parution de l'article et, d'autre part, la formulation du passage de l'article incriminé, accusant directement et sans nuances D______ d'avoir détourné un foie et causé de ce fait la mort d'un patient, était inutilement blessante et rabaissante. L'on ignorait si les faits, tels que présentés, correspondaient à la réalité. Contrairement à l'article du 20 avril 2023 paru dans le même media, celui du ______ octobre 2023 ne se limitait pas à rapporter des éléments factuels, en expliquant le contexte dans lequel ils avaient été découverts, mais procédait par affirmations peu nuancées. Or, les faits en question n'étaient pas avérés, puisque la question de leur exactitude faisait l'objet d'une procédure pénale pendante opposant les parties, ce que l'article ne mentionnait pas. Aucune pièce produite ne rendait par ailleurs vraisemblable les affirmations du journaliste selon lesquelles plus d'une dizaine de personnes avaient confirmé la véracité des faits rapportés. A ce stade, et sans préjudice de l'issue des autres procédures en cours entre les parties, l'on ne pouvait affirmer que D______ aurait effectivement détourné un foie, causant ainsi la mort d'un autre patient. L'on ignorait en particulier tout des causes de la mort du patient en question. Or, seule la diffusion de faits vrais était susceptible d'être justifiée par la mission d'information de la presse.

B. a. Le 17 mai 2024, A______ SA, B______ et C______ ont requis de la Cour la rectification de l'arrêt précité, concluant à ce que celle-ci supprime le paragraphe 4 de son dispositif, ainsi que toute condamnation de C______ aux dépens, et impartisse à D______ un délai pour agir au fond.

Ils ont fait valoir que le dispositif de l'arrêt précité était inexécutable et en contradiction avec les considérants. Le passage de l'article du ______ octobre 2023 mentionné dans le dispositif avait été modifié en cours de procédure, ce que la Cour relevait dans ses considérants en fait, mais dont elle ne tenait pas compte dans ses considérants en droit. Il ne leur était dès lors pas possible de modifier l'article précité conformément au dispositif de l'arrêt. A cela s'ajoutait que la Cour avait omis d'impartir à D______ un délai pour valider les mesures provisionnelles, de sorte que le dispositif était incomplet au sens de l'art. 334
al. 1 CPC. Enfin, C______ avait été condamnée à tort aux frais car elle n'était pas concernée par l'unique point du dispositif de l'ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2023 qui avait été annulé par la Cour.

b. Le 29 mai 2024, D______ a répondu à la requête de rectification, concluant principalement à ce que la Cour la rejette, subsidiairement rectifie le dispositif de l'arrêt du 3 mai 2024, en ce sens qu'il était également fait interdiction à ses parties adverses de remettre en ligne le passage litigieux. Il ne s'opposait pas à ce qu'un délai pour déposer son action au fond lui soit imparti.

Il a fait valoir que les conditions légales d'une rectification n'étaient pas réalisées. Il n'y avait pas de contradiction ente le dispositif et les motifs de l'arrêt puisque la Cour avait bien analysé dans ses considérants le passage mentionné dans le dispositif. Il existait un risque que ses parties adverses remettent ledit passage en ligne, de sorte que la constatation de son caractère attentatoire à la personnalité se justifiait. La condamnation de C______ aux frais était fondée. La rectification sollicitée revenait à modifier matériellement l'arrêt, ce qui n'était pas possible.

c. Les parties ont été informées le 18 juin 2024 de ce que la cause était gardée à juger sur la question de la rectification de l'arrêt du 3 mai 2024.

EN DROIT

1. La requête de rectification, formée en temps utile et selon la forme prévue par la loi, est recevable.

2. 2.1 Selon l'art. 334 al. 1 CPC, si le dispositif de la décision est peu clair, contradictoire ou incomplet, ou s'il ne correspond pas à la motivation, le Tribunal procède, sur requête, ou d'office, à l'interprétation ou à la rectification de la décision.

Les art. 330 et 331 CPC sont applicables par analogie. En cas d'erreur d'écriture ou de calcul, le tribunal peut renoncer à demander aux parties de se déterminer (art. 334 al. 2 CPC).

A partir du moment où il l'a prononcée, en vertu du principe de dessaisissement, le juge ne peut corriger sa décision, même s'il a le sentiment de s'être trompé. Une erreur de fait ou de droit ne peut être rectifiée que par les voies de recours. Seule une procédure d'interprétation ou de rectification permet exceptionnellement au juge de corriger une décision déjà communiquée. Le but de l'interprétation et de la rectification n'est pas de modifier la décision du tribunal, mais de la clarifier ou la rendre conforme avec le contenu réellement voulu par celui-ci. L'objet de la rectification est de permettre la correction des erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul dans le dispositif. De telles erreurs doivent résulter à l'évidence du texte de la décision, faute de quoi l'on en viendrait à modifier matériellement celle-ci. Il faut qu'apparaisse, à la lecture de l'arrêt dans son ensemble et en fonction des circonstances, une inadvertance qui peut être corrigée sur la base de ce qui a été décidé. En parlant de rectifier un dispositif incomplet, l'art. 334 CPC permet donc de compléter le dispositif lorsque l'omission résulte d'une inadvertance et peut être corrigée sans hésitation sur la base de ce qui a déjà été décidé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_6/2016 du
15 septembre 2016 consid. 4.3 n.p in ATF 142 III 695).

Une requête d’interprétation ou de rectification ne peut jamais tendre à une modification matérielle de la décision concernée; pour cela, seule la voie du recours ordinaire est ouverte. En particulier, la correction d'erreurs qui procèdent d'une mauvaise application du droit ou d'une constatation inexacte des faits doit être effectuée par la voie d'un recours (Herzog, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 8 ad art. 334 CPC; Oberhammer, Kurzkommentar ZPO, 2014, n. 4 ad art. 334 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_149/2015 du 5 juin 2015 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, il n'y a pas de contradiction entre le considérant 9.7.2 de l'arrêt litigieux et le dispositif de celui-ci. En effet, dans le considérant précité, la Cour procède à une analyse du passage mentionné dans le dispositif, pour arriver à la conclusion que ledit passage cause une atteinte à la personnalité du cité.

S'il est exact que, comme le relèvent les requérants, le passage précité ne figure plus dans la version actuellement en ligne de l'article du ______ octobre 2023, puisqu'il a été modifié en cours de procédure, il n'est pas possible de supprimer le paragraphe 4 du dispositif de l'arrêt du 3 mai 2024 car cela reviendrait à modifier matériellement la décision en question, ce qui n'est pas admissible dans le cadre d'une demande de rectification. Pour les mêmes motifs, il n'est pas non plus possible de compléter le paragraphe précité dans le sens souhaité par le cité.

La requête de rectification sera dès lors rejetée en tant qu'elle vise le paragraphe 4 du dispositif au fond de l'arrêt litigieux.

Par ailleurs, les considérants de l'arrêt du 3 mai 2024 relatifs aux frais et dépens n'indiquent pas que C______ est dispensée de supporter une partie des frais et dépens liés à la procédure. Il n'y a dès lors pas de contradiction à cet égard entre les considérants et le dispositif, contrairement à ce que font valoir les requérants.

Par contre, le considérant 11.1 de l'arrêt dispose que les requérants doivent prendre en charge 425 fr. au titre des frais judiciaires de première instance. Ceux-ci ayant versé 500 fr. d'avance, ledit considérant précise que le cité doit leur verser 75 fr. (5'00 fr. – 425 fr.) Or, le dispositif indique par erreur que le cité doit verser 425 fr. aux requérants, au lieu de 75 fr. Il s'agit là d'une erreur d'écriture qui sera rectifiée d'office, conformément à l'art. 334 al. 2 CPC.

3. Les parties font valoir à juste titre que le dispositif de l'arrêt du 3 mai 2024 est incomplet en ce sens que la Cour a omis de statuer sur la conclusion du cité tendant à ce qu'un délai pour valider les mesures provisionnelles lui soit imparti. Elles concluent toutes deux à ce qu'un délai soit imparti au cité pour agir au fond.

Un délai d'un mois dès la notification du présent arrêt sera dès lors imparti à D______ pour ce faire.

4. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires sur rectification ni alloué de dépens, étant précisé que les parties n'en ont pas sollicité.

* * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en rectification formée par A______ SA, B______ et C______ contre l'arrêt ACJC/587/2024 rendu le 3 mai 2024 par la Cour de justice dans la cause C/20939/2023.

Au fond :

Rectifie le dispositif de l'arrêt précité en ce sens que D______ est condamné à verser à A______ SA, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, 75 fr. – et non 425 fr. – à titre de frais judiciaires de première instance.

Impartit à D______ un délai de 30 jours, à compter de la réception du présent arrêt, pour valider les mesures provisionnelles par le dépôt d'une action au fond, sous peine de caducité desdites mesures.

Rejette la requête de rectification pour le surplus.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires de rectification ni alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.