Skip to main content

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/21516/2022

ACJC/822/2023 du 19.06.2023 sur JTPI/2507/2023 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.67; LP.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21516/2022 ACJC/822/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 19 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2023, comparant par Me Agrippino RENDA, avocat, route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt du 12 mai 2020 rendu dans le cadre d'une procédure de divorce, la Cour de justice, modifiant partiellement un jugement JTPI/9594/2019 du Tribunal de première instance 28 juin 2019, a notamment dit qu'il incombait à A______ et à B______ de s'acquitter chacun de la moitié des coûts effectifs de leur fils C______ et dit que les allocations familiales en faveur de C______ devaient être versées en mains de B______ du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2020, puis en mains des parents, à raison de la moitié chacun, dès le 1er février 2020.

b. Le 23 septembre 2022, l'Office des poursuites a notifié à A______, à la requête de B______, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur une somme de 6'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 12 mai 2020. La cause de l'obligation indiquée était "JTPI/9594/19; C/2______/17, Arrêt de la cour de justice du 12 mai 2020".

A______ y a formé opposition.

c. Par courrier adressé au Tribunal le 25 octobre 2022, B______ a exposé qu'elle avait mis en poursuite son ex-mari mais qu'il avait fait opposition totale, de sorte qu'elle demandait au Tribunal de faire le nécessaire pour que le précité se plie au jugement.

d. Lors de l'audience devant le Tribunal du 6 février 2023, B______ a exposé qu'elle réclamait le paiement d'un montant de 6'500 fr. correspondant aux allocations familiales pour la période 2019-2020 et 2'464 fr. 92 correspondant à la moitié des frais d'orthodontie pour la période du 12 juin 2020 au 12 mai 2021, conformément à l'arrêt du 12 mai 2020 qui prévoyait le partage des frais extraordinaires de l'enfant par moitié, soit 8'964 fr. 92 au total. Elle a produit une pièce nouvelle relative à ces frais d'orthodontie.

A______ a conclu au rejet de la requête. Il a fait valoir que le jugement du Tribunal n'avait pas été produit et que l'arrêt de la Cour ne portait pas la mention d'une absence d'appel au Tribunal fédéral.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement du 6 février 2023, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à hauteur de 2'464 fr. 93 (ch. 1 du dispositif) et mis les frais judiciaires, arrêtés à 300 fr., à la charge de chaque partie pour moitié (ch. 2 et 3) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens.

Le Tribunal a accordé la mainlevée sur la base de l'arrêt de la Cour du 12 mai 2020 à concurrence de la moitié des frais d'orthodontie de 4'929 fr. 85. Le montant de 6'500 fr. réclamé à titre d'arriéré d'allocations familiales ne ressortait en revanche pas des pièces produites et la partie "citée" n'avait pas fourni d'explication sur la manière dont elle avait calculé ce montant.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 16 mars 2023, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit que la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, n'était pas prononcée, avec suite de frais, soit notamment 1'500 fr. à titre de dépens de première instance et de recours.

b. Il ressort des explications fournies par B______ en réponse au recours qu'elle considère que A______ lui doit sur la base de l'arrêt de la Cour du 12 mai 2020 diverses sommes, soit 6'500 fr. à titre d'allocations familiales, 2'464 fr. 93 à titre de remboursement de la moitié du coût de l'appareil dentaire de son fils, 150 fr. à titre de frais d'orthodontiste, 3'600 fr. à titre d'allocations familiales du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2020 et 9'600 fr. pour la période du 1er février 2020 au 30 septembre 2022.

c. Les parties ont été informées le 23 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC). Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours du 16 mars 2023 est recevable.

1.3 Les allégations et preuves nouvelles des parties ne sont pas recevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits nouveaux allégués par les parties et les pièces nouvelles produites sont donc irrecevables et la Cour examinera la cause sur la base du dossier dont disposait le Tribunal.

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. Le recourant invoque que l'intimée n'a produit aucun document attestant du caractère définitif et exécutoire de l'arrêt de la Cour du 12 mai 2020. En outre, le commandement de payer ne contenait aucune indication sur la nature de la créance et le montant réclamé n'était pas détaillé; il avait été placé dans une situation l'empêchant de comprendre la nature du montant réclamé.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Le juge doit, outre le jugement ou les titres y assimilés et leur caractère exécutoire, examiner d'office l'existence des trois identités – l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1). Il ne prononcera pas la mainlevée, notamment, s'il y a absence manifeste d'identité entre la créance et le titre. Ainsi, si le montant est dû en vertu d'un autre titre que celui indiqué dans le commandement de payer, la mainlevée doit être rejetée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.4.2 et les références).

2.1.2. Le commandement de payer doit contenir les indications prescrites par la loi. A teneur des art. 69 al. 2 ch. 1 et 67 al. 1 ch. 4 LP, il s'agit, entre autres indications, du titre, soit par exemple un jugement ou un contrat, et de la date de la créance ou, à défaut, de la cause de l'obligation, soit la source de l'obligation (arrêt 5A_169/2009 du 3 novembre 2009 consid. 2.1).

Si la cause de l'obligation indiquée dans le commandement de payer correspond à celle résultant de la décision à exécuter, la mainlevée doit être accordée même si le commandement de payer ne mentionne pas ce titre de la créance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.4.1 et les références).

L'une des fonctions des indications contenues dans le commandement de payer est de répondre à un besoin de clarté et d'individualiser la prétention réclamée par voie d'exécution afin que le poursuivi puisse prendre position (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2 et les références). Toute périphrase relative à la cause de la créance, qui permet au poursuivi, conjointement avec les autres indications figurant sur le commandement de payer, de reconnaître la somme déduite en poursuite, suffit. En d'autres termes, le poursuivi ne doit pas être obligé de faire opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée. Lorsque la cause de la créance est reconnaissable pour le poursuivi en raison de l'ensemble de rapports étroits qu'il connaît, il suffit que la cause de la créance soit exprimée succinctement en vertu du principe de la bonne foi, qui doit aussi être observé dans le droit de l'exécution forcée (ATF 121 III 18 consid. 2a et b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 précité consid. 6.2.4.1 et les références).

2.1.3 Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (contributions d'entretien, salaires, loyers, etc.), la jurisprudence exige que la réquisition de poursuite indique avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées; même si elles dérivent d'une même cause juridique ("Rechtsgrund"), elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_861/2013 précité consid. 2.3). A défaut, la requête de mainlevée doit être rejetée (Abbet, in La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 25 ad art. 80 LP).

2.1.4 La procédure de mainlevée, qu'elle soit provisoire ou définitive, est un incident de la poursuite. La décision qui accorde ou refuse la mainlevée est une pure décision d'exécution forcée dont le seul objet est de dire si la poursuite peut continuer ou si le créancier est renvoyé à agir par la voie d'un procès ordinaire. Le prononcé de mainlevée ne produit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 143 III 564 consid. 4.1; 136 III 583 consid. 2.3 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022, consid. 6.1; 5A_1015/2020 du 30 août 2021, consid. 3.1). La décision du juge de la mainlevée provisoire ne prive pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; ATF 136 III 528 consid. 3.2; arrêt 5A_873/2021 du 4 mars 2022, consid. 5.2).

2.2 En l'espèce, concernant d'abord le caractère définitif et exécutoire de l'arrêt de la Cour du 12 mai 2020, le recourant ne soutient pas que l'une ou l'autre partie l'aurait contesté devant le Tribunal fédéral. Il doit dès lors être considéré qu'il constitue un titre de mainlevée définitive.

Quant aux indications figurant dans le commandement de payer, il convient de relever ce qui suit. Ce dernier mentionne le titre sur lequel l'intimée fonde sa poursuite, à savoir un jugement du Tribunal du 28 juin 2019 et un arrêt de la Cour de justice du 12 mai 2020. Ces décisions comportent toutefois plusieurs points et aucun ne mentionne la somme de 6'500 fr. réclamée. Il ressort des explications de l'intimée devant le Tribunal que ce montant correspond à des allocations familiales qui n'auraient pas été versées, ce que le commandement de payer ne mentionne pas ni, a fortiori, les mois pour lesquels lesdites allocations n'auraient pas été versées. Le Tribunal a considéré à cet égard, à juste titre, que l'intimée n'avait pas fourni d'explication sur la manière dont le montant de 6'500 fr. avait été calculé. La mainlevée de l'opposition ne pouvait donc être prononcée pour ce montant d'allocations familiales.

Ensuite, le Tribunal a accordé la mainlevée pour le montant 2'464 fr. 92 correspondant à la moitié des frais d'orthodontie pour la période du 12 juin 2020 au 12 mai 2021. Il ressort toutefois des explications de l'intimée devant le Tribunal que ce montant devait s'additionner à celui de 6'500 fr. indiqué dans le commandement de payer et qu'il n'était pas compris dedans. Le Tribunal ne pouvait dès lors pas accorder la mainlevée définitive de l'opposition pour un montant pour lequel le recourant n'avait pas été poursuivi.

Au vu de ce qui précède, les indications mentionnées dans le commandement de payer ne permettent pas de savoir pour quelle prétention découlant des décisions judiciaires mentionnées l'intimée entend poursuivre le recourant. C'est donc à tort que le Tribunal a prononcé la mainlevée de l'opposition pour le montant de 2'464 fr. 92. Le ch. 1 du dispositif du jugement attaqué sera donc annulé et, la cause étant en état d'être jugée (art. 318 al. 1 let. b CPC), la requête de mainlevée sera rejetée.

Il est cependant rappelé que la présente décision n'a d'effet que dans le cadre de la poursuite litigieuse et que l'intimée a la possibilité de renouveler sa poursuite en se conformant aux principes rappelés ci-dessus quant à la manière de désigner les montants réclamés dans la réquisition de poursuite et le commandement de payer.

3. Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais de première et seconde instance (art. 106 al. 1 CPC). Les ch. 2 à 4 du dispositif du jugement attaqué seront donc annulés.

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 300 fr. et ceux de seconde instance à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec les avances versées, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 CPC). L'intimée sera dès lors condamnée à verser 300 fr. au recourant à titre de remboursement de l'avance fournie par ce dernier à la Cour.

L'intimée sera également condamnée à verser au recourant les montants de 600 fr. et 400 fr. à titre de dépens de, respectivement, première instance et seconde instance, débours et TVA inclus, au vu de l'ampleur du travail et de la difficulté de l'affaire (art. 68 al. 2 let. c et 95 al. 3 let. b CPC; art. 20 et 23 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC), le montant réclamé à ce titre de 1'500 fr. étant excessif au regard des dispositions précitées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2023 par A______ contre le jugement JTPI/2507/2023 rendu le 6 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21516/2022-12 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et statuant à nouveau :

Rejette la requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______, formée par B______ le 25 octobre 2022.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 600 fr. les frais judiciaires de première et de seconde instance, les met à la charge de B______ et les compense avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ 300 fr. à titre de frais judiciaires.

Condamne B______ à verser à A______ 1'000 fr. à titre de dépens de première et de seconde instance.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.