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Décisions | Sommaires

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C/15956/2022

ACJC/666/2023 du 22.05.2023 sur JTPI/12429/2022 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15956/2022 ACJC/666/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 22 MAI 2023

 

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 octobre 2022, comparant en personne,

 


EN FAIT

A. Le 19 août 2022, A______ a formé une requête d'insolvabilité, complétée par plis des 25 août 2022, 22 septembre 2022 et 4 octobre 2022.

Elle y a expliqué être employée depuis le 1er janvier 2022 en qualité de pharmacienne pour la société B______ à un taux variable, mais d'au moins 20% pour un salaire horaire brut de 55 fr. 90, étant précisé qu’elle est employée en moyenne huit heures par semaine.

Elle n'avait aucune fortune immobilière et mobilière, n’ayant "pas d’argent de côté après trois ans à l’Hospice", si bien qu’elle avait même dû emprunter à un ami les avances requises par le Tribunal pour examiner sa demande de faillite personnelle (50 fr.) ainsi que les frais de liquidation par l’Office des faillites en cas d’acceptation de la requête (3'500 fr.).

A______ a fourni à l’appui de sa requête, pour expliciter son insolvabilité, un décompte des poursuites en cours à son endroit du 4 octobre 2022, dont il ressort :

-     qu'elle fait actuellement l’objet de poursuites en cours pour 161'470 fr. 30;

-     qu'elle fait l’objet de deux saisies de salaire en cours, d’une part, de l’Etat de Vaud pour une créance de 1’806 fr. 10 et, d’autre part, de C______ à concurrence de 25'285 fr. 50;

-     qu'elle s’est vu notifier au cours des deux ou trois dernières années de très nombreux commandements de payer émanant de l’Etat de Genève, l’Etat de Vaud, la Confédération suisse, D______ et E______ (pour 20'084 fr. 20), diverses sociétés de recouvrement et créanciers privés, dont les grands magasins F______, toutes les poursuites en cours en étant au stade de l’opposition, qui a été systématiquement formée, une seule en étant au stade de la notification du commandement de payer;

-     que des dizaines d’actes de défaut de biens ont été émis à son endroit au cours des trois dernières années pour un total de 156'326 fr. 90, au bénéfice pour l’essentiel des mêmes créanciers que ceux qui ont de nouvelles poursuites en cours à son endroit.

A______ a indiqué sur le formulaire ad hoc signé le 4 octobre 2022 qu’elle estimait qu’un règlement amiable des dettes était exclu. Elle a par ailleurs précisé: "après trois ans à l’Hospice suite à une tragédie personnelle, j’ai réussi à me relever et j’essaie de recréer une qualité de vie et rembourser mes dettes admises. Des créanciers avec lesquels aucune possibilité de solution à l’amiable et pour des dettes que je conteste sont en train de me repousser en bas en créant des dommages collatéraux".

B. Par jugement du 17 octobre 2022, le Tribunal a rejeté la déclaration d'insolvabilité formée par A______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 50 fr. (ch. 2), mis à la charge de cette dernière (ch. 3), et débouté A______ de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a considéré notamment que l’insolvabilité de la requérante ne faisait aucun doute, tout comme l’absence de possibilité de règlement amiable des dettes ou de motifs d’ajournement. La requérante n’expliquait toutefois pas quels biens elle pourrait abandonner à ses créanciers, étant précisé qu’elle n’avait par ailleurs aucune fortune et que son salaire à temps très partiel, ne dépassait pas, du moins pour le taux d’activité garanti, son minimum vital LP incompressible et ne suffirait donc pas à dégager des actifs, non seulement au profit des seuls créanciers saisissants, qui avaient déjà obtenu des actes de défaut de biens, mais encore pour de nouveaux créanciers saisissants. En outre, puisque la requérante avait admis qu’elle n’avait même pas de quoi verser l’avance des frais de liquidation de la faillite (un tiers lui ayant prêté la somme de 3'550 fr.), elle n’avait a fortiori, nonobstant son activité salariée, pas de biens à faire réaliser au profit de ses créanciers. Par conséquent, la requérante ne disposait de facto pas de biens à réaliser au profit de ses créanciers et le but poursuivi par sa requête était, avant tout, de mettre fin aux saisies sur salaire en cours, qu’elle estimait aussi injustes qu’infondées.

C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 31 octobre 2022, A______ a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, principalement, au fond, au renvoi "de la cause au Tribunal pour Juger correctement ou jugez à la cour et prononcer la faillite".

b. A______ a été informée le 13 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

c. Elle a conclu préalablement à l'octroi de l'assistance judiciaire, laquelle lui a été refusée par décision du 3 janvier 2023 de la vice-présidente du Tribunal. Le 21 novembre 2022, A______ avait toutefois d'ores et déjà payé l'avance de frais de 75 fr. qui lui avait été réclamée et dont le paiement avait été suspendu jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande d'assistance judiciaire. Le recours formé par A______ contre la décision du 3 janvier 2023 a été rejeté par arrêt de la Cour du 28 février 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 al. 1 par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP).

Le recours a été interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 174 al. 1 LP) et selon la forme prescrite. Il est partant recevable, sous réserve des considérations qui suivent quant à sa motivation (cf. consid. 3.2).

1.2 Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC). Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 255 let. a CPC). La preuve des faits allégués doit, en principe, être apportée par titres.

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).

En vertu de l'art. 174 al. 1 2ème phrase LP – applicable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP –, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Ainsi, par exception au principe général de l'art. 326 al. 1 CPC, les parties peuvent alléguer des pseudos-nova sans restriction en matière de faillite (arrêt du Tribunal fédéral 5P.263/2003 du 25 août 2003 consid. 3.3.1).

2.2 Les allégations et pièces nouvelles de la recourante sont recevables, sans préjudice de leur pertinence.

3. Dans une argumentation difficile à suivre, la recourante semble invoquer que certains des montants qui lui sont réclamés ne sont pas dus et qu'elle souhaiterait pouvoir rembourser ses "vrais créanciers". Elle a également contesté avoir commis un abus de droit, relevant que "la saisie après 3 ans à l'hospice et au moyen d'un document bizarre est un abus de droit".

3.1 Aux termes de l'art. 191 LP, le débiteur peut lui-même requérir sa faillite en se déclarant insolvable en justice (al. 1); lorsque toute possibilité de règlement amiable des dettes selon les art. 333 ss est exclue, le juge prononce la faillite (al. 2).

La faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur offre à celui-ci d'importants avantages. En effet, les saisies à son encontre (même les saisies de salaire) tombent. En outre, cette institution lui procure immédiatement la tranquillité nécessaire pour se reprendre financièrement : déjà après l'ouverture de la faillite, il peut disposer librement de son salaire courant (c'est-à-dire les versements devenus exigibles après l'ouverture de la faillite). De plus, il peut à nouveau être poursuivi pour les créances nées avant la faillite uniquement après son retour à meilleure fortune (Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 9ème éd., 2013, § 38 n. 22-23).

Le requérant n'a pas un droit inconditionnel au prononcé de sa faillite (ATF 133 III 614 consid. 6.1.2). Pour que la faillite puisse être prononcée ensuite d'une déclaration d'insolvabilité en justice, il faut que se réalise une condition positive, soit un état d'insolvabilité, et que, simultanément, ne soit satisfaite aucune condition négative, à savoir la possibilité de règlement amiable des dettes, un ajournement de la décision de faillite en raison d'un sursis concordataire ou extraordinaire, une procédure de faillite déjà en cours, une procédure de détermination de retour à meilleure fortune en cours ou un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC (Cometta, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 4 ad art. 191 LP).

L'interdiction de l'abus de droit est applicable à tout l'ordre juridique, donc également en matière de poursuites et faillite. Dans la procédure de faillite sur déclaration d'insolvabilité du débiteur, le juge doit ainsi vérifier d'office l'application de ce principe à la lumière des circonstances particulières du cas d'espèce (ATF 118 III 27, 113 III 2 consid. 2a).

A titre d'exemple, un débiteur commet un abus de droit lorsqu'il requiert sa faillite, en sachant que la masse en faillite ne comprendrait aucun actif ou lorsqu'il souhaite par ce moyen faire tomber une saisie de salaire (ATF 145 III 26, consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_776/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1 in fine; cf. également ATF 123 III 402 consid. 3a/aa = JdT 1999 II 102, p. 103).

La faillite volontaire prévue à l'art. 191 LP n'est pas une procédure visant à régler la problématique du surendettement des particuliers obérés. Si l'on devait agréer la demande de faillite volontaire de chaque débiteur qui poursuit le but de faire tomber une saisie sur ses revenus, l'art. 93 LP serait pratiquement vidé de sa substance; il ne saurait y avoir libre choix entre la saisie des revenus et la déclaration d'insolvabilité, car les intérêts des créanciers doivent également être pris en compte; dans ce domaine, il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur (ATF 145 III 26 consid. 2.2 et les références citées).

3.2 En l'espèce, la motivation fournie à l'appui du recours est difficilement compréhensible et ne comporte pas véritablement de critique des motifs qui fondent le jugement attaqué. Indépendamment d'une éventuelle irrecevabilité du recours pour ce motif, le recours doit, en tout état de cause, être rejeté pour les motifs qui suivent.

Comme le rappelle la jurisprudence susmentionnée, la procédure de faillite volontaire n'a pas vocation à résoudre le surendettement de la recourante. Or, le Tribunal a retenu, à juste titre et sans que la recourante ne le critique de manière motivée, que cette dernière ne disposait d'aucun actif susceptible de tomber dans la masse en faillite et que son but était avant tout de mettre fin aux saisies sur salaire en cours. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante des fins de sa requête d'insolvabilité. Le fait que la recourante ait "activé ses compétences de pharmacienne" n'y change rien.

Le juge saisi d'une requête d'insolvabilité n'a par ailleurs pas à examiner si les montants réclamés à la recourante sont fondés, ce que cette dernière semble contester concernant certaines dettes. Le prononcé de la faillite n'est en outre pas destiné à annuler des dettes afin de favoriser le remboursement de "vrais" créanciers.

Enfin, le droit d'être entendue de la recourante n'a pas été violé dans la mesure où elle a eu l'occasion de s'exprimer à diverses reprises devant le Tribunal avant que celui-ci ne rende le jugement attaqué, étant rappelé qu'il n'avait pas d'obligation d'entendre la recourante par oral.

C'est dès lors, en définitive, sans violer le droit que le Tribunal a rejeté la déclaration d'insolvabilité formée par la recourante.

Le recours se révèle infondé, de sorte qu'il sera rejeté.

4. Les frais du recours, arrêtés à 75 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 31 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/12429/2022 rendu le 17 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15956/2022 10 SFC.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Arrête les frais judicaires de recours à 75 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.