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Décisions | Sommaires

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C/13068/2022

ACJC/651/2023 du 11.05.2023 sur JTPI/236/2023 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13068/2022 ACJC/651/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 11 MAI 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [ZG], recourante contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 janvier 2023, comparant par Me Patrick SPINEDI, avocat, Aubert Spinedi Street & Associés, Rue Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______ [GE],

2) "HOIRIE DE FEU M. C______", c/o Madame B______, ______ [GE],

intimées, comparant par Me D______, avocat, ______, en l'Étude duquel elles font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 4 janvier 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ SA des fins de sa requête de mainlevée (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires arrêtés à 750 fr., (ch. 2), l'a condamnée à payer à B______ et à l'HOIRIE DE FEU C______ la somme de 3'326 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 20 janvier 2023, A______ SA a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ à la poursuite n° 1______ et à celle formée par l'hoirie de feu C______, soit pour elle B______, à la poursuite n° 1______, avec suite de frais.

b. Dans la réponse datée du 3 février 2023, reçue par A______ SA le 10 février 2023, déposée par "B______ et l'hoirie de feu C______", "l'intimée" a conclu au déboutement de A______ SA, ainsi que quiconque, de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

Elle a produit à l'appui de sa réponse un relevé d'activité.

c. Le 16 février 2023, A______ SA a sollicité un second échange d'écritures compte tenu de la complexité du litige.

d. La Cour l'ayant informée de ce qu'elle n'ordonnerait pas un tel échange, A______ SA a sollicité, le 20 février 2023, qu'un délai lui soit imparti pour répliquer, ce à quoi la Cour lui a répondu qu'elle pouvait répliquer sans qu'un délai lui soit fixé.

e. Le 1er mars 2023, A______ SA a expédié une "réplique spontanée", reçue le lendemain par la Cour, aux termes de laquelle elle a persisté dans ses conclusions.

f. Les parties ont été informées par la Cour le 9 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

g. Le 20 mars 2023, B______ et l'hoirie de feu C______ ont relevé que la recevabilité de la réplique du 1er mars 2023 était douteuse et se sont déterminées sur celle-ci.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Feu C______ était propriétaire d'un appartement détenu en propriété par étages sis quai 2______ no. ______, à Genève (PPE 4______, E-GRID n° 3______).

b. Le 3 juillet 1981, une cédule hypothécaire au porteur a été établie grevant pour un montant de 175'000 fr. la part de propriété par étages 4______.

La cédule prévoit que son capital est exigible et remboursable en tout temps moyennant un préavis donné de part ou d'autre six mois d'avance et par écrit.

Elle indique également que C______ en est le débiteur au moment de sa constitution et que le créancier est le porteur de la cédule.

c. C______ est décédé le ______ 2012 et a laissé pour héritiers son épouse, B______, et ses deux fils, E______ et F______.

F______ est lui-même décédé laissant pour héritiers ses deux fils, G______ et H______.

d. A la suite du décès de C______, l'hoirie de ce dernier est devenue propriétaire de l'appartement sis au no. ______ quai 2______, lequel est occupé par B______.

e. Le 27 novembre 2019, A______ SA a conclu un contrat de prêt à court terme avec B______ et E______, pris conjointement et solidairement, portant sur un montant de 175'000 fr.

L'article 1.2 du contrat de prêt prévoit que le contrat est conclu pour une durée d'un an à compter du 1er décembre 2019.

L'article 2 prévoit un intérêt de 7% par année sur le capital du prêt.

L'article 3 du contrat de prêt indique que les sûretés inscrites au registre foncier de la Ville de Genève, dont la cédule hypothécaire de 1er rang datée du 3 juillet 1981 de 175'000 fr., valent garanties envers A______ SA de toutes les créances, y compris les intérêts, les commissions, les frais, les honoraires de tiers, les dépenses qui ont été encourus ou sont expirés et qui résultent du contrat de prêt.

f. Par courrier du 27 avril 2022, A______ SA a mis en demeure B______ et E______ de rembourser le montant du prêt dans un délai de 10 jours dès réception dudit courrier, précisant que ces derniers étaient de jure en demeure depuis l'échéance du prêt au 1er décembre 2020.

g.a N'ayant pas obtenu le remboursement, A______ SA a déposé une réquisition de poursuite à l'encontre de B______ et de E______, fondée sur le "contrat de prêt du 27 novembre 2019 garanti par cédule hypothécaire du 3 juillet 1981".

g.b Deux commandements de payer pour la poursuite en réalisation d'un gage immobilier, poursuite n° 1______, ont été notifiés le 17 juin 2022 pour un montant de 175'000 fr. avec intérêts à 7% dès le 1er décembre 2019, le titre de la créance invoqué étant le contrat de prêt garanti par la cédule hypothécaire. L'objet du gage était mentionné, à savoir la part PPE 4______, propriété de la communauté héréditaire de feu C______.

Le premier commandement de payer mentionne comme débiteur "B______" et précise qu'il est adressé au débiteur et qu'un deuxième commandement de payer est adressé à l'Hoirie de feu C______.

Le deuxième commandement de payer mentionne également "B______" comme débiteur et précise qu'il est destiné au tiers propriétaire et qu'un autre commandement de payer est adressé à "D______, débiteur".

Opposition totale a été faite aux commandements de payer.

h. Par requête du 7 juillet 2022 dirigée contre B______ et l'Hoirie de feu C______, A______ SA a requis du Tribunal la mainlevée provisoire des oppositions formées aux commandements de payer, sous suite de frais et dépens.

i. Les parties citées ont répondu le 25 octobre 2022 et conclu au rejet de la requête, sous suite de frais et dépens.

j. Le 7 novembre 2022, A______ SA s'est déterminée sur la réponse et a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

Les parties citées ont conclu à l'irrecevabilité de ces faits et pièces nouveaux.

k. Dans son jugement du 4 janvier 2023, le Tribunal a jugé irrecevables les allégués nouveaux et les pièces nouvelles produites par A______ SA le 7 novembre 2022 au motif que le créancier requérant doit produire l'ensemble de ses titres au plus tard avant la réponse écrite de son adverse partie. Il a en outre considéré que les commandements de payer indiquaient que la cause de la créance était le contrat de prêt garanti par la cédule hypothécaire. Il n'était donc pas évident de savoir si la créance faisant l'objet de la poursuite était la créance causale découlant du contrat de prêt ou la créance abstraite découlant de la cédule. Or, seule la créance abstraite pouvait faire l'objet d'une poursuite. Il ressortait par ailleurs des pièces que la dette causale était exigible au moment où la poursuite a été intentée, puisque le prêt devait durer une année au maximum à compter du 1er décembre 2019 et que la partie citée n'alléguait ni ne prouvait avoir payé ni capital ni intérêt au moment de recevoir le commandement de payer. Toutefois, rien n'indiquait que la requérante avait valablement dénoncé la cédule hypothécaire au remboursement, à savoir la créance abstraite. Aucune pièce n'était produite dans ce sens. Or, la cédule prévoyait que son capital serait exigible et remboursable en tout temps moyennant un préavis donné de part ou d'autre six mois d'avance et par écrit. Faute pour la créance abstraite d'être exigible et faute de clarté dans l'énoncé de la créance invoquée en poursuite, la mainlevée ne pouvait être accordée à la partie requérante. La question de l'engagement de l'hoirie dans le contrat de prêt pouvait donc rester ouverte, étant précisé que le contrat de prêt n'avait pas été conclu avec ou ratifié par G______ et H______, membres de l'hoirie débitrice de la cédule.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, a été déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art 321 al. 1 et 2 CPC). La réplique constitue essentiellement une reprise des arguments figurant dans le recours et un complétement, prohibé, de l'argumentation présentée dans le recours. Il n'en sera tenu compte que pour autant qu'elle se limite à répondre aux arguments figurant dans la réponse.

1.2 La requête de mainlevée a été dirigée contre B______ et l'hoirie de de feu C______.

Certes, pour les poursuites dirigées contre une succession non partagée, l'art. 65 al. 3 LP prévoit que les actes de poursuite doivent être notifiés au représentant désigné de la succession ou, s'il n'existe pas de représentant connu, à l'un des héritiers. Cela étant, la communauté héréditaire au sens de l'art. 602 CC est dépourvue de la personnalité juridique et n'a pas, de ce fait, la capacité d'être partie à une procédure (Jeandin, Commentaire romand CPC II, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 66 CPC; Abbet, in La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n 24 ad art. 84 LP).

La requête, et le recours, sont donc irrecevables en tant qu'ils sont dirigés contre l'hoirie, et non contre les membres de celle-ci, dont les noms ne sont pas indiqués.

Il convient en tout état de cause de relever que le contrat de prêt a été conclu uniquement par B______ et E______, mais pas par l'hoirie qui comporte d'autres membres.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante invoque une violation des art. 253 CPC, en relation avec les art. 225 et 229 CPC. Elle soutient que le Tribunal ne pouvait pas déclarer irrecevables ses écritures et pièces du 7 novembre 2022. Celles-ci se limitaient à répondre à un argument figurant dans la réponse auquel elle ne pouvait s'attendre, à savoir l'absence de dénonciation de la cédule hypothécaire, B______ n'ayant auparavant jamais contesté devoir le montant réclamé par voie d'exécution.

2.1 En procédure sommaire, notamment de mainlevée, les parties ne peuvent d'emblée pas compter sur un deuxième échange d'écritures et sont dès lors tenues de présenter tous leurs arguments et moyens de preuve dans le premier échange d'écritures (art. 229 CPC par analogie). Un deuxième échange d'écritures avec possibilité (pour les deux parties) d'invoquer librement des faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 al. 2 CPC) n'est ordonné qu'exceptionnellement. À défaut de second échange, les faits et moyens de preuve nouveaux ne seront admis qu'aux conditions de l'art. 229 al. 1 let. a et b CPC, en particulier, s'agissant des novas improprement dits, que si ces moyens sont destinés à faire échec à des objections ou exceptions du poursuivi que le poursuivant ne pouvait prévoir lors du dépôt de la requête malgré la diligence requise. Tel est le cas lorsque le poursuivant ne pouvait s'attendre à ce que le poursuivi soulève certains moyens de défense (notamment le paiement, l'exception d'inexécution ou la prescription); le poursuivant doit pouvoir dans ce cas alléguer et prouver les faits qui mettent à néant ce moyen de défense (arrêt du Tribunal fédéral 5A_84/2021 du 17 février 2022, c. 3.2.1; Abbet, op. cit., n.98 ad art. 84 LP).

2.2 En l'espèce, la recourante soutient que les éléments nouveaux figurant dans ses déterminations du 7 novembre 2022 ne servaient qu'à réfuter un argument inattendu de l'intimée, à savoir qu'elle contestait devoir le montant réclamé. Le fait que la recourante doive introduire une poursuite contre l'intimée et que celle-ci y ait formé opposition suffisait toutefois à lui seul à démontrer que celle-ci refusait de payer le montant réclamé et devait donc amener la recourante à fournir d'entrée de cause tous les éléments pertinents à l'appui de sa poursuite. En outre, la question de la dénonciation de la cédule hypothécaire et de l'exigibilité de la créance poursuivie sont une condition pour le prononcé de la mainlevée de l'opposition, de sorte qu'il appartenait à la recourante de prouver d'emblée par titre que ladite créance était exigible et donc de fournir les éléments nécessaires à cet égard.

C'est donc sans violer les art. 225 et 229 ainsi que 253 CPC que le Tribunal a déclaré irrecevables les faits nouveaux et les titres produits le 7 novembre 2022.

3. La recourante invoque une violation des art. 67 al. 1 ch. 4 et 151 al. 1 LP. Elle conteste qu'il n'est pas évident de savoir si la créance faisant l'objet de la poursuite est la créance causale ou la créance abstraite.

3.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'article 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

3.1.1 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité. Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1 et les références).

En particulier, le contrat de prêt d'une somme déterminée constitue une reconnaissance de dette pour le remboursement du prêt, pour autant, d'une part, que le débiteur ne conteste pas avoir reçu la somme prêtée ou que le créancier soit en mesure de prouver immédiatement le contraire et, d'autre part, que le remboursement soit exigible (ATF 136 III 627 consid. 2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid 3.2.1; 5A_13/2020 du 11 mai 2020 consid. 2.5.1; 5A_473/2015 du 6 novembre 2015 consid. 5.3; 5A_303/2013 du 24 septembre 2013 consid. 4.1; 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.2; cf. aussi ATF 140 III 456 consid. 2.2.1).

3.1.2 Sous le droit antérieur à la révision du Code civil de 2009, comme sous le nouveau droit en vigueur depuis le 1er janvier 2012 (cf. art. 1 al. 1 et 26 al. 1 Tit. fin. CC), la cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier (ancien art. 842 CC et art. 842 al. 1 CC; Message du 27 juin 2007 concernant la révision du Code civil suisse [Cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels], FF 2007 5015 ss, 5053 ch. 2.2.2.3). Il s'agit d'un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier, qui en est l'accessoire.

Lorsque les parties conviennent – par contrat de fiducie – que la cédule hypothécaire est remise au créancier en propriété à titre fiduciaire aux fins de garantie (garantie fiduciaire), il n'y a pas novation de la créance garantie; la créance incorporée dans la cédule se juxtapose à la créance garantie en vue d'en faciliter le recouvrement. On distingue alors la créance abstraite (ou créance cédulaire) garantie par le gage immobilier, incorporée dans la cédule hypothécaire, et la créance causale (ou créance garantie ou encore créance de base) résultant de la relation de base, en général un contrat de prêt, pour laquelle la cédule a été remise en garantie. Ces deux créances sont indépendantes l'une de l'autre (ATF 144 III 29 consid. 4.2; 140 III 180 consid. 5.1.1 et les références).

Lorsqu'une créance est garantie par gage, la poursuite doit se continuer par la réalisation de gage (art. 41 al. 1 LP), sitôt que le préposé est informé de l'existence du droit de gage (art. 151 al. 1 LP). L'exception du bénéfice de discussion réelle (i.e. beneficium excussionis realis) permet au débiteur d'exiger que son créancier se désintéresse d'abord sur l'objet du bien remis en gage (au sens de l'art. 37 LP; ATF 129 III 360 consid. 1) avant de le faire sur tous ses autres biens (ATF
140 III 180 consid. 5.1.4).

3.1.3 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP, la réquisition de poursuite énonce le titre et sa date; à défaut de titre, la cause de l’obligation. L'une des fonctions des indications contenues dans le commandement de payer est de répondre à un besoin de clarté et d'individualiser la prétention réclamée par voie d'exécution afin que le poursuivi puisse prendre position (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_8/2016 du 21 juin 2016 consid. 4.2; 5A_1001/2015 du 22 juin 2016 consid. 5.3.2, publié in BlSchK 2018 p. 4; 5A_586/2008 du 22 octobre 2008 consid. 3).

Lorsque la mainlevée provisoire est requise dans le cadre d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, le juge doit vérifier d'office si le créancier poursuivant fait valoir une créance causale ou une créance cédulaire, ce qui revient à vérifier l'identité entre la prétention en poursuite et la dette mentionnée dans le titre. Cet examen implique de se référer au commandement de payer, soit aux mentions figurant dans la réquisition de poursuite que l'office a reportées sur le commandement de payer (art. 67 al. 1 ch. 4, 69 al. 2 ch. 1 et 151 al. 1 LP). Il doit ainsi résulter clairement de la réquisition de poursuite et du commandement de payer que c'est la créance cédulaire qui est la cause et le titre de la créance poursuivie. Si le poursuivant s'est prévalu dans sa réquisition de poursuite de la créance causale, ou qu'il y a une ambiguïté à cet égard, le juge doit refuser la mainlevée provisoire. En effet, seule la créance cédulaire est assortie d'un droit de gage immobilier et peut donc faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, à l'exclusion de la créance causale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2022 du 6 mars 2023, consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se pencher sur le cas d'un commandement de payer dans une poursuite en réalisation de gage immobilier qui mentionnait comme titre de la créance et cause de l'obligation: "Contrat de prêt du 17 novembre 2009 ( ); Accord de restructuration du 28 avril 2016; Accord de restructuration du 23 mai 2017; Objet du gage: Cédule hypothécaire portant sur l'immeuble parcelle n° ______ pour un montant de CHF 1'050'000.-" et qui précisait sous la rubrique "Objet du gage, remarques": parcelle n° ______ sise R.______, à T.______". Il a considéré à cette occasion que lorsque le commandement de payer désigne expressément, comme objet du gage, l'immeuble concerné, mentionne en outre, comme titre de la créance, une cédule hypothécaire grevant ledit immeuble, que la cédule en cause a été produite par le créancier à l'appui de sa requête de mainlevée et que le montant de la poursuite correspond au montant de la cédule hypothécaire, il ne fait aucun doute, dans ces conditions, que c'est la créance abstraite incorporée dans le titre qui était en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2022 du 6 mars 2023, consid. 5.2).

3.2 En l'espèce, le commandement de payer mentionne comme titre de la créance le contrat de prêt. Cette mention pourrait laisser penser que c'est la créance causale qui fait l'objet de la poursuite. Ce seul élément n'est cependant pas suffisant pour laisser subsister un doute en l'espèce. En effet, il est précisé que ledit contrat de prêt est garanti par une cédule hypothécaire. La poursuite intentée est en outre une poursuite en réalisation de gage immobilier. Celle-ci mentionne la cédule hypothécaire, dont une copie a été produite, ainsi que l'objet du gage, à savoir une part de propriété par étages et le montant réclamé par voie de poursuite est identique à celui figurant sur la cédule hypothécaire.

Dans ces circonstances, comme dans l'arrêt du Tribunal fédéral précité qui mentionnait également un contrat de prêt comme cause de l'obligation, il doit être admis que c'est la créance abstraite qui fait l'objet de la poursuite, contrairement à ce que le Tribunal a retenu.

4. La recourante invoque une violation de l'art. 847 CC. Elle conteste que le montant n'était pas exigible et notamment que la cédule hypothécaire devait être valablement dénoncée.

4.1 Pour que le poursuivant puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, il est nécessaire que cette créance soit exigible, et ce à la date de la notification du commandement de payer; il appartient dès lors au créancier d'établir par titre que la créance abstraite a été valablement dénoncée (cf. art. 847 al. 1 CC qui prévoit un délai de droit dispositif de six mois; arrêts du Tribunal fédéral 5A_894/2021 précité consid. 4.2.2; 5A_734/2018 précité consid. 5.3.1 et 5.3.2, où l'ancien droit était applicable; 5A_785/2016 du 2 février 2017 consid. 3.2.2; Abbet, op. cit., n. 95 et 231 ad art. 82 LP). La créance causale doit également être exigible, selon les conditions de dénonciation fixées dans le contrat de prêt ou dans les conditions générales auxquelles il se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 5A_894/2021 précité loc. cit. et la référence citée).

Est considérée comme valide la clause contractuelle prévoyant que la dénonciation de la créance causale permet la poursuite en réalisation de gage immobilier sur la base des cédules sans dénonciation expresse de celles-ci, respectivement que l'exigibilité de la créance causale déclenche celle de la créance cédulaire (Denys, Cédule hypothécaire et mainlevée, in JdT 2008 II p. 3 ss, p. 13 et la référence; Foëx, Les gages immobiliers dans la durée, in Imprescriptibilité, contrôle et responsabilité, 2018, p. 45 et les références; Veuillet, op. cit., n. 231 ad art. 82 LP; cf. également arrêts du Tribunal fédéral 5A_32/2011 du 16 février 2012 consid. 3 in fine, non publié aux ATF 138 III 182; 5A_73/2011 du 1er novembre 2011 consid. 2.2).

4.2 La recourante soutient que le contrat de prêt prévoyait une durée déterminée fixe au 30 novembre 2020, de sorte qu'aucune dénonciation expresse n'était requise, l'exigibilité du prêt déclenchant l'exigibilité de la cédule hypothécaire. Le contrat de prêt prévoit effectivement qu'il est conclu pour une durée d'un an à compter du 1er décembre 2019, de sorte que le remboursement était exigible à l'échéance de cette durée. Aucune dénonciation n'était dès lors effectivement requise pour le remboursement de la créance causale, comme le soutient la recourante. Cela étant, ni ce contrat ni la cédule hypothécaire ne prévoient une clause particulière selon laquelle la créance abstraite devenait également exigible lorsque la créance causale l'était et la cédule hypothécaire prévoit, au contraire, expressément qu'elle doit être dénoncée. Ladite créance abstraite devait donc être dénoncée pour que son remboursement puisse être exigé. Tel n'a toutefois pas été le cas.

La recourante ne peut se prévaloir de l'arrêt ACJC/37/2019 du 11 janvier 2019 dans lequel la Cour a relevé qu'à teneur de la convention des parties, l'absence de remboursement de la créance au terme convenu constituait un cas de résiliation selon la convention de sûretés conclue entre les parties concernant la cédule hypothécaire garantissant l'exécution d'un prêt et que si les parties ne trouvaient pas de solution amiable dans le délai fixé, la cédule pouvait être réalisée. La situation de fait de cet arrêt quant au contenu des accords conclus entre les parties diffère donc de celle de la présente cause sur un élément essentiel.

Enfin, même recevables, les pièces produites à l'appui des déterminations de la recourante du 7 novembre 2022 ne lui seraient d'aucun secours. En particulier, la recourante se prévaut dans ses courriers des 4 décembre 2020 et 5 janvier 2022 d'une absence de remboursement du prêt et des intérêts et en réclame le remboursement. Ces courriers ne constituent ainsi pas une dénonciation de la créance abstraite. Ils accordent en outre à l'intimée un délai de 13 jours, respectivement 10 jours seulement avant qu'une procédure visant à réaliser le gage hypothécaire soit engagée, soit un délai largement inférieur à celui du préavis de six mois prévu par la cédule hypothécaire.

Au vu de ce qui précède, c'est sans violer le droit fédéral que le Tribunal a considéré que la créance abstraite n'était pas exigible et refusé en conséquence le prononcé la mainlevée de l'opposition.

Le recours n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

5. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'325 fr (art. 48 et 61 OELP), mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

La recourante sera par ailleurs condamnée à verser une somme de 1'400 fr. à l'intimée, à titre de dépens de recours, débours et TVA inclus, (art. 20 et 23 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC). Il n'y a pas de motif en l'espèce de s'écarter des règles précitées et d'allouer un montant supérieur. Le montant des honoraires qui figure sur le relevé produit devant la Cour est supérieur au montant, non contesté, des dépens alloués par le Tribunal alors que les dépens de recours doivent être moindres et le document produit n'est pas une note d'honoraires, mais un simple relevé d'activité.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2023 par A______ SA contre le jugement JTPI/236/2023 rendu le 4 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13068/2022-20 SML en tant qu'il est dirigé contre B______.

Le déclare irrecevable en tant qu'il est dirigé contre l'"HOIRIE DE FEU M. C______".

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'325 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 200 fr. à A______ SA.

Condamne A______ SA à verser à B______ une somme de 1'400 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.