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Décisions | Sommaires

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C/1365/2023

ACJC/545/2023 du 20.04.2023 sur OTPI/123/2023 ( SP ) , RENVOYE

Normes : CPC.258; CC.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1365/2023 ACJC/545/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 20 AVRIL 2023

 

Entre

A______ SA, p.a. B______, ______ [BE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 10 février 2023, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Le 27 janvier 2023, A______ SA formé une requête de mise à ban portant sur l'immeuble 1______ de la commune de C______ [GE] (interdiction d'arrêt et de stationnement).

Elle a expliqué que des voitures se garaient régulièrement sur sa parcelle, rendant inutilisable l'accès à un hangar, et que la police municipale devait régulièrement intervenir.

Elle a produit à l'appui de sa requête un extrait du registre du commerce concernant A______ SA (précisant à cet égard, dans sa requête, que sa raison sociale était précédemment D______ SA), un extrait du registre foncier désignant D______ SA comme propriétaire de la parcelle 1______ de la commune de C______, un plan de ladite parcelle établi par la Direction de l'information du territoire et diverses photos prises sur les lieux.

B. Par ordonnance du 10 février 2023, le Tribunal a rejeté la requête et mis à la charge de A______ SA les frais judicaires, arrêtés à 300 fr.

Le Tribunal a relevé que l'extrait du registre foncier produit désignait D______ SA comme propriétaire de la parcelle et qu'il ne mentionnait aucune servitude en faveur de A______ SA. La titularité d'un droit réel sur l'immeuble concerné n'était dès lors pas rendue vraisemblable, de sorte que la requête devait être rejetée.

C. Part acte expédié le 3 mars 2023 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre cette ordonnance. Elle a relevé que D______ SA avait modifié sa raison sociale le 8 juin 2021, ce dont ne tenait pas compte l'extrait du registre foncier produit, établi pourtant le 16 novembre 2022. Elle n'a pas pris de conclusion formelle, se limitant à demander à la Cour de prendre en compte cet élément.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 CPC, dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins.

En matière d'action en cessation de trouble, la valeur litigieuse se détermine selon l'intérêt du demandeur à l'admission de ses conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 1).

En l'espèce, A______ SA ne fournit aucune indication quant à la valeur litigieuse. Dans la mesure où elle a formé un recours (alors que la décision attaquée mentionnait la voie de l'appel), il sera considéré que la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr. et que la voie du recours est ouverte.

1.2 Le recours, dirigé contre une décision prise en procédure sommaire (art. 248 let. c CPC) respecte les délai et forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable (art. 311 CPC), étant relevé que même si la recourante ne prend pas de conclusion formelle, il peut être compris de ses explications qu'elle conteste l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a constaté un défaut d'identité entre la requérante et la propriétaire du fonds concerné et qu'elle requiert dès lors l'annulation de la décision attaquée.

1.3 Les pièces nouvelles produites par la recourante sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC), étant toutefois relevé que la publication de la Feuille officielle suisse du commerce constitue un fait notoire qui peut être pris en compte.

1.4 Saisie d'un recours, l'autorité doit examiner s'il y a eu violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir omis qu'elle avait modifié sa raison sociale.

2.1
2.1.1
Selon l'art. 258 CPC, le titulaire d’un droit réel sur un immeuble peut exiger du tribunal qu’il interdise tout trouble de la possession et qu’une infraction soit, sur plainte, punie d’une amende de 2000 fr. au plus (al. 1); le requérant doit apporter la preuve par titres de son droit réel et rendre vraisemblable l’existence ou l’imminence d’un trouble (al. 2).

2.1.2 Selon l'art. 9 al. 1 CC, les registres publics (tel le registre foncier) font foi des faits qu’ils constatent. L’art. 9 CC aménage ainsi une présomption légale (Mooser, Commentaire romand, CC I, 2010, n. 5 ad art. 9 CC). La preuve de l'inexactitude du contenu peut cependant être apportée; il n’est pas nécessaire de prouver la véritable situation de fait (Mooser, op. cit., n. 32 ad art. 9 CC). Selon l’art. 9 al. 2 CC, la preuve que les faits constatés dans un titre public ne sont pas exacts n’est soumise à aucune forme particulière.

2.2 En l'espèce, la recourante a produit avec sa requête de mise à ban un extrait du registre foncier désignant D______ SA comme propriétaire de la parcelle concernée. Elle a cependant indiqué dans ladite requête que telle était sa précédente raison sociale. La modification de cette dernière ne ressortait certes pas de l'extrait du registre du commerce qu'elle a produit, qui ne comportait pas les radiations. Elle ressort toutefois de l'extrait qui peut être obtenu sur le site internet dudit registre ainsi que de la Feuille officielle suisse du commerce et elle constitue dès lors un fait qui doit être qualifié de notoire qui peut dès lors être pris en compte dans le cadre du présent recours.

Ces éléments sont suffisants pour démontrer l'inexactitude du registre foncier produit, qui mentionne l'ancienne raison sociale de la recourante. Il doit donc être retenu qu'en dépit de cette indication, la recourante a apporté la preuve de son droit de propriété sur l'immeuble pour lequel elle demande une mise à ban et donc de l'arbitraire de la constatation du Tribunal à cet égard.

Le Tribunal, qui n'a pas fait mention de la modification de raison sociale de la recourante, ne pouvait dès lors pas rejeter la requête en raison d'un prétendu défaut d'identité entre la requérante et la propriétaire de la parcelle concernée.

Le recours est dès lors fondé. L'ordonnance attaquée sera annulée et la cause renvoyée au Tribunal pour qu'il statue sur la question de la vraisemblance de l'existence du trouble allégué (art. 327 al. 3 let. a CPC), qu'il n'a pas examinée.

3. Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, il incombera à celui-ci de régler le sort de l'ensemble des frais de première instance dans la nouvelle décision qu'il rendra.

Les frais judiciaires de recours seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC), au vu de l'issue du litige. L’avance fournie par la recourante lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens de recours à la recourante, qui comparaît en personne et n'en a pas réclamé.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/123/2023 rendue le 10 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1365/2023-SGP.

Au fond :

Admet ce recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA la somme de 1'000 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.