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Décisions | Sommaires

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C/1666/2022

ACJC/491/2023 du 29.03.2023 sur OTPI/684/2022 ( SQP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 17.05.2023, rendu le 01.02.2024, CONFIRME, 5A_378/2023
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1666/2022 ACJC/491/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 29 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [VS], recourant contre une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 octobre 2022, comparant par Me Nicolas ROUILLER et Me Alban MATTHEY, avocats, SwissLegal Rouiller, rue du Grand-Chêne 1, case postale 1501, 1002 Lausanne, en l'Etude desquels il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ (France), intimée, comparant par Me Christelle HERITIER, avocate, HERITIER, FARQUET, CHERUBINI, rue de la Poste 5, case postale 440, 1920 Martigny, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/684/2022 du 21 octobre 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), a déclaré exécutoires en Suisse :

- l'arrêt rendu par la Cour d'appel de E______ (France) le 24 novembre 2020 dans la cause opposant les parties;

- le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de E______ le 6 décembre 2018 à l'encontre de A______, condamnant notamment ce dernier à payer à B______ la somme de 4'000 euros à titre de réparation morale et 1'000 euros à titre de dépens;

- l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de E______ à l'encontre de A______, confirmant les dispositions civiles et pénales du jugement du Tribunal correctionnel de E______ du 6 décembre 2018;

- le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le Tribunal correctionnel de E______ à l'encontre de A______ (ch. 1 du dispositif),

a dit que le chiffre 1 de l'ordonnance déployait ses effets à compter du 11 mars 2022 (ch. 2), a arrêté à 500 fr. le montant des frais judiciaires et les a mis à charge de A______ (ch. 3), et a condamné A______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr. (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 24 novembre 2022 à la Cour de justice, A______ forme recours contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 25 octobre 2022. Il en sollicite l'annulation, et cela fait, conclut à ce que le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de E______ le 6 décembre 2018, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de E______, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de E______ (France) le 24 novembre 2020 et le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le Tribunal correctionnel de E______ ne soient pas reconnus en Suisse et à ce qu'il soit dit qu'ils n'ont pas force exécutoire en Suisse.

b. Par réponse expédiée le 11 janvier 2023 à la Cour, B______ conclut au rejet du recours sous suite de frais et dépens.

Elle produit une pièce nouvelle.

c. Par réplique du 23 janvier 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. B______ n'ayant pas dupliqué, les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 13 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

 

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. Le divorce des époux B______ et A______ a été prononcé par jugement du 9 octobre 2017 rendu par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande instance de E______, pour altération définitive du lien conjugal.

Par arrêt du 24 novembre 2020, la Cour d'appel de E______ (France) a, statuant sur appel de B______ à l'encontre de ce jugement, notamment, prononcé le divorce aux torts exclusifs de A______, condamné celui-ci à verser à B______ une prestation compensatoire de 2'500'000 euros en capital, sans fractionnement, suite au prononcé du divorce des époux aux torts exclusifs de l'époux, et condamné celui-ci au paiement à B______ de 15'000 euros au titre de dépens d'appel.

En date du 22 janvier 2021, un pourvoi en cassation a été déposé contre cet arrêt par A______.

b. Par jugement du 6 décembre 2018, le Tribunal correctionnel de E______, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement, a, notamment, sur l'action publique, condamné A______ à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour abandon de famille et non-paiement d'une pension ou prestation alimentaire du 1er juillet 2017 au 24 avril 2018 et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à B______ la somme de 4'000 euros de réparation morale et 1'000 euros de dépens.

Par arrêt du 16 octobre 2019, la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de E______, statuant sur appel de A______ et appel incident du Ministère public, publiquement et contradictoirement, a confirmé les dispositions pénales et civiles du jugement précité et condamné A______ à verser à B______ des dépens d'appel à hauteur de 2'000 euros.

Cet arrêt n'a pas été frappé de recours selon certificat de non pourvoi du 7 octobre 2021. Le 8 octobre 2021, les autorités françaises ont délivré un certificat de reconnaissance et d'exécution de l'art. 54 Convention de Lugano relatif à cet arrêt.

c. Par jugement public et contradictoire du 7 janvier 2021 du Tribunal correctionnel de E______, A______ a été condamné à 10'000 euros d'amende avec sursis à hauteur de 5'000 euros et au paiement à B______ de 3'000 euros de réparation morale et 800 euros de dépens.

A______ n'a pas comparu mais était représenté par avocat.

Ce jugement, n'ayant pas été frappé d'appel, a fait l'objet de la délivrance d'un certificat de reconnaissance et d'exécution de l'art. 54 Convention de Lugano du 10 septembre 2021 par les autorités françaises.

d. Le 31 janvier 2022, B______ a requis du Tribunal, sous suite de frais et dépens, le séquestre des avoirs de A______ sur le compte bancaire 1______ EUR (2______) auprès de la banque C______ de siège social à Genève à hauteur des montants, selon taux de change (1 euro = 1.04 fr.) de :

-          4'000 euros, soit 4'126 fr. 80 selon jugement du 6 décembre 2018, avec intérêts à 5%;

-          1'000 euros, soit 1'031 fr. 70, selon le même jugement;

-          2'000 euros, soit 2'063 fr. 40 selon arrêt du 16 octobre 2019, avec intérêts à 5%;

-          2'500'000 euros, soit 2'579'264 fr. 90 selon arrêt du 24 novembre 2020, avec intérêts à 5%;

-          15'000 euros, soit 15'475 fr. 60, selon arrêt du 24 novembre 2020, avec intérêts à 5%;

-          3'000 euros, soit 3'095 fr. 10, et 800 euros, soit 825 fr. 35, avec intérêts à 5% selon jugement du 7 janvier 2021;

-          31'183 euros, soit 32'171 fr. 70, au titre d'arriéré de pension alimentaire.

e. Par ordonnance du 11 mars 2022, le juge du séquestre a ordonné la mesure requise à hauteur de la somme de 2'638'054 fr. 55, avec intérêts à 5% dès le 28 janvier 2022, sur la base des jugements correctionnels français des 6 décembre 2018 et 7 janvier 2021 et des arrêts de la Cour d'appel française des 16 octobre 2019 et 24 novembre 2020.

f. Le 5 avril 2022, A______ a formé opposition au séquestre précité, concluant au rejet de la requête de séquestre.

Il a fait valoir en substance que la requête aurait dû être rejetée faute de contenir des conclusions tendant à la reconnaissance des décisions étrangères produites à l'appui de celle-ci. De plus, il n'y aurait pas de cas de séquestre. En effet, il serait domicilié en Suisse, et la créance n'aurait pas de lien suffisant avec la Suisse. Enfin, l'arrêt de la Cour d'appel de E______ du 24 novembre 2020 ne serait pas exécutoire, un pourvoi en cassation ayant été déposé.

g. Le 22 avril 2022, A______ a également formé recours contre l'ordonnance de séquestre du 11 mars 2022. Il a conclu à ce que la Cour constate que le juge du séquestre n'avait pas statué sur l'exequatur des décisions invoquées dans son ordonnance et annule l'ordonnance précitée en tant qu'elle reconnaîtrait implicitement les décisions qui y sont mentionnées, la cause devant être renvoyée au Tribunal pour statuer sur la reconnaissance des décisions étrangères. Subsidiairement, il a conclu à ce qu'il soit constaté que l'arrêt de la Cour d'appel de E______ du 24 novembre 2020 n'était pas exécutoire en Suisse, de même que les trois autres décisions à l'appui de l'ordonnance de séquestre, qui devait en conséquence être annulée.

h. Les 2 et 7 juin 2022, le Conseil de B______ a transmis au Tribunal, saisi de l'opposition à séquestre, un rapport rédigé par le rapporteur de la Cour de cassation à l'attention des juges saisis, aux termes duquel celui-ci retient que les moyens présentés par A______ sont irrecevables ou ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ainsi qu'un courriel du Conseil français de B______ l'informant qu'une audience était appointée le 6 septembre 2022 et que la Cour de cassation rendrait sa décision quatre à cinq semaines après cette date.

i. La Cour, par arrêt ACJC/1343/2022 du 5 octobre 2022, statuant sur le recours formé par A______ le 22 avril 2022, a renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il rende une décision sur exequatur.

j. Le 13 octobre 2022, B______ a transmis au Tribunal la décision rendue par la Cour de cassation, rejetant le pourvoi de A______ et confirmant la décision du 24 novembre 2020 condamnant ce dernier à une prestation compensatoire de 2'5000'000 euros, ainsi qu'à 15'000 euros à titre de dépens.

k. Lors de l'audience devant le Tribunal du 17 octobre 2022 dans le cadre de l'opposition à séquestre, B______ a sollicité un délai pour produire une copie conforme de l'arrêt de la Cour de cassation ainsi qu'une annexe V de la Convention de Lugano.

Le Tribunal lui a imparti un délai au 30 novembre 2022 pour ce faire et a informé les parties de ce qu'il convoquerait une nouvelle audience.

Dans le délai imparti, B______ a transmis au Tribunal une copie certifiée conforme de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2022, ainsi qu'une copie du certificat de reconnaissance établi par les autorités françaises.

l. Le 21 octobre 2022, le Tribunal a rendu l'ordonnance entreprise, statuant sur exequatur.

m. Lors de l'audience du 16 janvier 2023 dans le cadre de l'opposition à séquestre, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

n. Par ordonnance du 17 janvier 2023, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans le recours formé contre l'ordonnance d'exequatur OTPI/684/2022 rendue le 21 octobre 2022.


 

EN DROIT

1. 1.1 La présente procédure ayant pour objet la déclaration de force exécutoire de décisions rendues par les autorités françaises, elle relève de la compétence du tribunal de l'exécution (art. 335 al. 3 CPC) et est soumise à la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano, CL), entrée en vigueur le 1er janvier 2011 pour la Suisse et le 1er janvier 2010 pour la France (Union européenne).

La loi prévoit une procédure spécifique de recours mettant en œuvre la Convention (art. 327a CPC).

Le délai de recours contre la déclaration constatant la force exécutoire est d'un mois à compter de sa signification (art. 327a al. 3 CPC et art. 43 al. 5 CL).

1.2 Le recours, écrit et motivé (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC), adressé à la Cour dans le délai précité, est donc recevable.

2. L'intimée a produit une pièce nouvelle, soit un avis de droit du 4 janvier 2023 de Me D______.

2.1
2.1.1
En vertu de l'art. 326 CPC, les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (al. 1), les dispositions spéciales de la loi étant réservées (al. 2).

Lorsque le recours est dirigé contre une décision du tribunal de l'exécution au sens des art. 38 à 52 CL, le tribunal examine avec un plein pouvoir de cognition les motifs de refus prévus par la Convention (art. 327a CPC).

Dans le système de la Convention de Lugano, la décision constatant le caractère exécutoire est rendue en première instance sans que le débiteur ne soit entendu (art. 41 CL), ce qui explique que l'instance de recours devant laquelle il peut faire valoir pour la première fois son point de vue dispose d'un pouvoir de cognition complet, en dérogation au régime qui prévaut habituellement pour une voie de recours extraordinaire. Dans ce cadre, l'instance de recours pourra examiner les faits sans restriction. A ce titre, la limitation normalement applicable au recours s'agissant des nova ne s'applique pas dans le cadre de l'art. 327a CPC (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 5 et 6 ad art. 327a CPC).

L'admission de nova dans la procédure selon l'art. 327a CPC ne peut pas se fonder sur l'art. 229 CPC (cf. ATF 138 III 625 consid. 2.2), mais bien sur l'art. 317 al. 1 CPC appliqué par analogie, d'autant plus que tel qu'il est aménagé, le recours selon l'art. 327a CPC se rapproche de l'appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_568/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4). Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b); ces conditions sont cumulatives.

Il est contraire au droit fédéral d'exclure les avis de droit du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_519/2011 du 28 novembre 2011, consid. 2.1; 5A_1006/2015 du 2 août 2016 consid. 2 et 5A_1005/2018 du 9 avril 2020 consid. 6.1).

2.1.2 Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d'expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC).

Même le Tribunal fédéral peut les prendre d'office en considération; dans cette mesure, les faits notoires sont soustraits à l'interdiction des nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

Il s'agit des faits et des circonstances connus du tribunal de par son activité officielle (Message CPC [2006], 6922). Ainsi, les faits qui ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties peuvent être pris en considération même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018, consid. 4.1.1; 5A_610/2016 du 3 mai 2017, consid. 3.1 et réf. cit.), du moment que c'est la même Cour qui traite des procédures en question (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 5).

2.2 Il découle des considérations qui précèdent que la pièce produite par l'intimée est recevable. Il a également été tenu compte des faits et pièces connus des parties et du juge, car faisant partie de la procédure sur opposition à séquestre pendante devant le Tribunal.

3. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir violé "l'art. 273 al. 3 LP" (recte : art. 271 al. 3 LP) ainsi que le mécanisme prévu par la CL, en n'examinant pas si les conditions posées par celle-ci pour prononcer l'exequatur étaient réunies. Le pays d'origine des décisions visées par l'ordonnance du 11 mars 2022 n'était pas indiqué. L'arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 2020 n'était assorti d'aucun "certificat Lugano", l'autorité compétente du pays d'origine de la décision n'avait nullement établi la force exécutoire de celle-ci, et la procédure d'appel devant la Cour de cassation avait un effet suspensif. Le juge avait fait une application arbitraire du droit français. La reconnaissance de l'arrêt du 24 novembre 2020 "formalisée" par la décision querellée était contraire à la Convention de Lugano et au droit fédéral.

"L'arrêt" du 6 décembre 2018 n'était pas assorti d'un certificat "Lugano" et ne pouvait dès lors être reconnu en Suisse. Celui du 16 octobre 2019 rendu par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de E______ l'avait été par défaut, le "certificat Lugano" rendu par l'autorité étrangère était incomplet en son point 4.4, l'application de la CL à une décision rendue par un juge pénal n'était pas évidente, et en tout état la décision était contraire à l'ordre public suisse (art. 38 al. 1 CL), le recourant n'ayant pas été convoqué par le biais de l'entraide.

Le jugement correctionnel du 7 janvier 2021 avait également été rendu par défaut, le "certificat Lugano" rendu par l'autorité étrangère était incomplet en son point 4.4, et il n'était pas établi que le recourant avait été valablement convoqué. La reconnaissance était partant contraire au droit.

3.1
3.1.1
L'art. 271 al. 1 ch. 6 LP prévoit que le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive.

L'art. 271 al. 3 LP stipule que dans les cas énoncés à l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, qui concernent un jugement rendu dans un Etat étranger auquel s'applique la CL, le juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.

L'art. 271 al. 3 LP précise en outre que le tribunal qui prononce le séquestre en vertu de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, sur la base d'un jugement exécutoire rendu d'après la CL révisée, doit lui aussi prononcer à chaque fois une décision d'exequatur indépendante (cf. art. 47 al. 2 CL), soit par une ordonnance distincte, soit directement dans le dispositif de l'ordonnance de séquestre (ATF 147 III 491 consid. 6.2.1), ce en principe même si aucune requête spécifique n'a été faite sur ce point (ATF 147 cité ibidem).

3.1.2 La Convention de Lugano s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction (art. 1 par. 1 CL).

Dans les matières auxquelles elle s'applique, la Convention produit ses effets « quelle que soit la nature de la juridiction ». Il peut s'agir d'un tribunal civil, pénal ou administratif, pourvu qu'il soit saisi d'un différend en matière civile et commerciale. Tel est le cas de l'action civile pendante devant une juridiction pénale (cf. art. 5 ch. 4) (Bucher, CR-CL, art. 1 CL no 2).

3.1.3 Selon l'article 45 al. 1 CL, la juridiction de recours ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 CL. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond par le juge de l'exequatur (art. 45 al. 2 CL).

Une décision n'est pas reconnue si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié ou signifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire (art. 34 ch. 2 CL).

L'art. 34 ch. 2 CL ne concerne pas le défendeur qui a comparu, du moins s'il a été informé des éléments du litige et s'il a été mis en mesure de se défendre (Bucher, CR-CL, art. 34 CL no 23).

3.1.4 La juridiction ou l'autorité compétente d'un Etat lié par la Convention de Lugano dans lequel une décision a été rendue délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l'annexe V de ladite Convention (art. 54 CL).

A défaut de production du certificat visé à l'art. 54 CL, la juridiction ou l'autorité compétente peut impartir un délai pour le produire ou accepter un document équivalent ou, si elle s'estime suffisamment éclairée, en dispenser (art. 55 par. 1 CL).

Le cas principal d'application de l'art. 55 par. 1 CL est celui où le requérant peut démontrer d'une autre manière la force exécutoire de la décision dans l'Etat d'origine, au moyen, par exemple, d'une attestation (ou d'un tampon) apportée directement sur la décision, dont il ressort par ailleurs qu'elle n'a pas été rendue par défaut. S'agissant d'une confirmation postérieure au jugement, on ne saurait exiger qu'elle soit donnée par le juge ayant rendu celui-ci (ATF 127 III 190). Dans une telle hypothèse, l'autorité requise devrait se considérer satisfaite et ne pas insister sur la production d'un certificat. En dernier ressort, elle peut même dispenser de l'exigence de fournir des documents pertinents (Bucher, CR-CL, art. 55 CL no 3).

Une décision ne peut être déclarée exécutoire, puis mise à exécution, que si elle est « exécutoire » dans l'Etat d'origine. Ce terme, tel qu'il figure à l'art. 38 CL, vise uniquement le caractère exécutoire, du point de vue formel, des décisions étrangères et non les conditions dans lesquelles la décision peut être exécutée dans l'Etat d'origine (CJCE 29.4.1999, C-267/97, Coursier, Rec. 1999 I 2543, no 29, Rev.crit. 2000 p. 236, IPRax 2000 p. 18). Le caractère exécutoire peut découler directement de la loi, de la décision elle-même ou d'une attestation postérieure au jugement (cf. ATF 127 III 186 ss, 190; arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2010 du 6 juillet 2010, consid. 2; art. 35 no 8). Sous le nouveau régime, l'attestation de cette qualité prend normalement la forme d'un certificat au sens de l'art. 54 CL. Le caractère exécutoire de la décision peut être provisoire, ainsi dans l'attente d'une décision rendue en appel. Si le jugement n'est pas exécutoire même à titre provisionnel, la condition centrale de l'art. 38 CL n'est pas remplie (ATF 126 III 156 ss, 157 s.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_79/2008 du 6 août 2008, consid. 4.2, AJP 2009 p. 660). Il n'y a pas lieu d'accorder à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'Etat d'origine (CJCE 28.04.2009, C-420/07, Meletis Apostolides, Rec. 2009 I 3571, no 66) (Bucher, CR-CL, art.38 CL no 3-4).

L'art. 1086 du Code procédure civile français dispose que le délai de pourvoi en cassation suspend l'exécution de la décision qui prononce le divorce. Le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.

La prestation compensatoire ne peut être assortie de l'exécution provisoire. Toutefois, elle peut l'être en tout ou partie, lorsque l'absence d'exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire alors que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée. Cette exécution provisoire ne prend effet qu'au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée (art. 1079 du Code procédure civile français).

3.1.5 Une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis (art. 34 ch. 1 CL).

Un recours à la clause de l'ordre public « n'est concevable que dans l'hypothèse où la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre Etat contractant heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'Etat requis, en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental ». Une telle atteinte devrait constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Etat requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique. Le fait que le juge d'origine avait commis une erreur de droit ne constitue pas une violation manifeste d'une règle de droit essentielle dans l'ordre juridique de l'Etat requis. La jurisprudence suisse inclut dans l'ordre public au sens de l'art. 34 ch. 1 CL les principes liés au concept fondamental du procès équitable et du droit d'être entendu (Bucher, op. cit., art. 34 CL no 6, 7 et 17 et les références citées).

3.2
3.2.1
En l'espèce, le premier grief du recourant, tiré de la violation de l'art. 271 al. 3 LP a fait l'objet de l'arrêt de la Cour ACJC/1343/2022 du 5 octobre 2022, renvoyant la cause au Tribunal pour décision sur exequatur, de sorte qu'il ne sera pas revenu sur ce point.

Le grief relatif à l'absence de mention sur l'ordonnance de séquestre du pays d'origine des décisions sur lesquelles celui-ci se fonde n'a pas à être examiné dans le cadre du présent recours, dirigé contre l'ordonnance du 21 octobre 2022 statuant sur exequatur.

3.2.2 Le recourant soutient à tort que la CL ne serait pas applicable à une décision civile rendue par un juge pénal (art. 5 par. 4 CL). Dès lors c'est à bon droit que le premier juge est entré en matière sur la demande d'exequatur des arrêts rendus par les autorités pénales comportant des prononcés civils, condamnant le recourant à payer certaines sommes à l'intimée.

3.2.3 C'est à tort que le recourant soutient que la décision entreprise viole l'art. 34 ch. 2 CL. En effet, il n'a pas été défaillant dans les procédures conclues par les arrêts des 16 octobre 2019 et 7 janvier 2021, rendus contradictoirement, puisqu'il a pu faire valoir ses arguments, cas échéant par l'intermédiaire de son conseil. L'art. 34 ch. 2 CL ne pouvait dès lors trouver application et le point 4.4 du « certificat Lugano » n'avait pas à être complété.

Le jugement du Tribunal de E______ du 6 décembre 2018 ayant été confirmé par arrêt du 16 octobre 2019, le « certificat Lugano » dont ce dernier est muni vaut également pour celui-ci. C'est donc à juste titre que le Tribunal a prononcé l'exequatur de ces deux décisions. En juger autrement relèverait d'un excès de formalisme et le recourant frise la témérité en plaidant la nécessité de deux certificats distincts.

3.2.4 S'agissant de l'arrêt de 24 novembre 2020 rendu par la Cour d'appel de E______ et condamnant le recourant à une prestation compensatoire de 2'500'000 euros, celui-ci est définitif et exécutoire, après rejet du pourvoi en cassation interjeté contre celui-ci, lui-même définitif et exécutoire comme cela ressort de la copie certifiée conforme de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2022, ainsi que de la copie du certificat de reconnaissance établi par les autorités françaises.

Ainsi, les documents figurant au dossier sont suffisants pour établir ce qui précède.

La question de savoir si au moment du prononcé de séquestre le 11 mars 2022 l'arrêt du 24 novembre 2020 était exécutoire et/ou permettait l'obtention d'un séquestre, au titre de mesure conservatoire, est exorbitante du présent appel et devra être tranchée par le Tribunal dans le cadre de l'opposition à séquestre dont il est saisi.

3.2.5 Même à admettre que le Tribunal aurait omis de tenir compte de l'effet suspensif du pourvoi en cassation interjeté contre l'arrêt du 24 novembre 2020, cela ne constituerait pas une atteinte à l'ordre public suisse, comme tente de le soutenir le recourant.

3.2.6 Le recours, infondé, sera rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais de recours, arrêtés à 2'000 fr., compensés avec l'avance fournie acquise à l'Etat de Genève.

Il sera en outre condamné à verser à l'intimée la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 24 novembre 2022 par A______ contre l'ordonnance OTPI/684/2022 rendue le 21 octobre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1666/2022-4 SQP.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 2'000 fr., les mets à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.