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C/1136/2022

ACJC/1402/2022 du 20.10.2022 sur JTPI/6661/2022 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.80.al1; CC.277.al2; CC.285A.al3; LP.81.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1136/2022 ACJC/1402/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 20 octobre 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er juin 2022, comparant par Me Michael RUDERMANN, avocat, Avocats Associés, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par Me Olivier SEIDLER, avocat, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1136/2022 du 1er juin 2022, reçu par A______ le 3 juin 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a rejeté la requête de mainlevée définitive formée par la précitée à l'encontre de B______
(ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance effectuée par A______ et mis à la charge de celle-ci (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ 1'664 fr. au titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 10 juin 2022 à la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement dont elle a requis l'annulation. Cela fait, elle a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais judicaires et dépens de première instance et d'appel. Elle a préalablement conclu à ce que la pièce B produite par B______ devant le Tribunal soit écartée de la procédure.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans sa réplique, A______ a allégué des faits nouveaux et produit deux pièces nouvelles. Elle a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique, B______ a également persisté dans ses conclusions, faisant valoir, en sus, que les pièces nouvelles produites par A______ étaient irrecevables.

e. La cause a été gardée à juger le 8 août 2022, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. Par jugement JTPI/16/2001 du 18 janvier 2001, le Tribunal de première instance a condamné B______ à verser une contribution à l'entretien de sa fille A______, née le ______ 1998, qu'il a fixée à 1'400 fr. par mois au-delà de la majorité "en cas d'études de l'enfant". Le jugement prévoyait en outre que cette contribution serait indexée à l'indice genevois des prix à la consommation le 1er janvier de chaque année, pour la première fois le 1er janvier 2002, l'indice de base étant celui en vigueur au jour du prononcé de la décision.

Ce jugement n'a fait l'objet d'aucun appel ou recours.

b. La mère de A______ ayant été mise au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, cette dernière perçoit depuis le 1er novembre 2002 une rente complémentaire pour enfant selon l'art. 35 LAI. Initialement fixée à 811 fr. par mois, cette rente a régulièrement augmenté pour atteindre un montant de 941 fr. par mois en 2021. Cette rente est directement versée à A______ depuis le
30 octobre 2016, date à laquelle que celle-ci est devenue majeure.

c. Depuis la majorité de A______, B______ lui a versé, au titre de contribution à son entretien, 1'171 fr. 20 en novembre 2016, 7'077 fr. 60 en 2017, 7'262 fr. 40 en 2018, 7'396 fr. 80 en 2019, 7'300 fr. 80 en 2020 et 5'920 fr. de janvier à octobre 2021.

d. Le 9 novembre 2021, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 55'725 fr. 20, avec intérêts à 5% l'an dès le 30 avril 2019, réclamée à titre de "solde impayé des contributions alimentaires dues selon jugement n°JTPI/16/2001 du Tribunal de première instance de Genève du 18 janvier 2001 pour la période de novembre 2016 à octobre 2021 (60 mois)".

B______ a formé opposition totale à ce commandement de payer.

e. Par requête formée devant le Tribunal le 21 janvier 2022, A______ a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite n° 1______, sous suite de frais et dépens.

Elle a précisé que la somme de 55'725 fr. 20 déduite en poursuite correspondait à la contribution d'entretien de 1'400 fr. par mois due par B______, après indexation, ce qui correspondait mensuellement à 1'517 fr. en 2016, 1'514 fr. en 2017, 1'529 fr. en 2018, 1'541 fr. en 2019, 1'541 fr. en 2020 et 1'532 fr. en 2021. La somme totale due entre novembre 2016 et octobre 2021 s'élevait donc à 91'854 fr. Après déduction des montants déjà versés par B______ durant la même période, soit 36'128 fr. 80 au total, celui-ci restait lui devoir 55'725 fr. 20.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 6 mai 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a expliqué suivre des cours "passerelle" auprès [du] collège E______ qui lui permettraient de débuter des études universitaires l'année suivante.

B______ a déposé un chargé de pièces comprenant une écriture (pièce B) - à savoir l'action en répétition de l'indu qu'il a formée le 22 avril 2022 devant le Tribunal à l'encontre de A______, tendant au remboursement par celle-ci de la totalité des sommes versées pour son entretien au-delà de la majorité (au motif que l'intéressée ne poursuivait pas de formation ou d'études de façon sérieuse et régulière) - ainsi que le chargé de pièces accompagnant cette écriture (pièce C). Il a fait valoir que, dans la mesure où sa fille percevait une rente complémentaire pour enfant de l'assurance-invalidité, le montant de cette rente devait être déduit du montant des contributions d'entretien en application de l'art. 285a al. 3 CC. Il a allégué que, pendant plus de vingt ans, il avait versé à sa fille les contributions d'entretien fixées par le Tribunal, sous déduction des rentes complémentaires pour enfant, sans que ce mode de faire ne soit contesté par A______ ou par la mère de celle-ci. Il estimait donc ne rien devoir à sa fille. En tout état, il n'était pas tenu de contribuer à l'entretien de A______ au-delà de la majorité, dans la mesure où celle-ci ne poursuivait pas d'études sérieuses et régulières. En effet, âgée de 23 ans, l'intéressée n'avait terminé aucune formation post-obligatoire et suivait des cours au collège E______.

A______ a produit deux attestations de scolarité établies respectivement en janvier et mars 2022. Elle a contesté que l'art. 285a al. 3 CC trouve application dans le cas concret. Elle a en outre relevé que, dans la mesure où ses prétentions portaient sur une période postérieure à sa majorité, les choix effectués par sa mère durant sa minorité ne lui étaient pas opposables. Enfin, elle a observé qu'en procédure sommaire, "des écritures ne [pouvaient] pas être versées aux pièces".

A l'issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

g. Entre 2016 et 2020, A______ a fréquenté le Collège C______ puis l'Ecole de culture générale (ECG) D______, ses notes au collège lui ayant permis d'intégrer directement la 3ème année de l'ECG en septembre 2018. En juin 2020, elle a obtenu une maturité professionnelle, avec option "travail social".

Depuis la rentrée 2020, elle suit des cours au Collège E______ dans le but d'obtenir le certificat de l'examen complémentaire "passerelle" lui donnant accès à l'université et aux hautes écoles suisses dès la rentrée 2022. Selon le site de l'Etat de Genève, la formation "passerelle", dispensée par le Collège E______, est réservée aux candidats porteurs d'un certificat de maturité spécialisée ou de maturité professionnelle, qui ont de très bons résultats scolaires, d'excellentes méthodes de travail, une solide motivation et qui souhaitent se réorienter dans un projet d'études universitaires.

h. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que A______ fondait sa requête de mainlevée sur un jugement définitif et exécutoire. Elle était en outre "légitimée à se prévaloir de la créance de contribution d'entretien" compte tenu de son accession à la majorité le 30 octobre 2016. Toutefois, B______ avait démontré s'être acquitté des contributions fixées dans le jugement sous déduction des rentes complémentaires AI pour enfant, ce qu'il était en droit de faire en application de l'art. 285a al. 3 CC.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours, dirigé contre une décision de mainlevée, est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de dix jours applicable en procédure sommaire (art. 142 al. 1 et 3, 251 let. a et 321 al. 2 CPC) et suivant la forme prévue par la loi (art. 321 al. 1 CPC), contre une décision ne pouvant faire l'objet d'un appel (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n. 2307).

Par ailleurs, le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1 et 255 a contrario CPC; art. 58 al. 1 CPC).

1.3 S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

1.4.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables selon l'art. 326 al. 1 CPC. Pour examiner si la loi a été violée, la Cour doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsqu'il a rendu la décision attaquée.

Selon l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d'expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés. Selon la jurisprudence, ils ne doivent pas même être allégués de sorte qu'ils peuvent être pris en considération d'office et sont soustraits à l'interdiction des nova (ATF 137 III 623 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3). En ce qui concerne Internet, seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex. : Office fédéral de la statistique, inscriptions au registre du commerce, cours de change, horaire de train des CFF, etc.) peuvent être considérées comme notoires, car facilement accessibles et provenant de sources non controversées (ATF 143 IV 380 consid. 1.2).

1.4.2 En l'espèce, les pièces produites par la recourante devant la Cour, qui ne l'avaient pas été devant le Tribunal et sont donc nouvelles, sont irrecevables, de même que les allégués de fait qu'elles comportent. En revanche, la description de la formation "passerelle" dispensée par le Collège E______ - que la recourante a établi suivre devant le Tribunal - constitue un fait notoire, dès lors que cette information est fournie par le site officiel de l'Etat de Genève et qu'elle est facilement accessible (https://www.ge.ch/______).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir omis de statuer sur la recevabilité de la pièce B produite par l'intimé à l'audience du 6 mai 2022, alors qu'elle avait demandé à ce que cette pièce soit écartée des débats. Ce faisant, le premier juge avait commis un déni de justice formel.

2.1.1 Une autorité commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'elle se refuse à statuer ou ne le fait que partiellement (ATF 144 II 184 consid. 3.1), lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou lorsqu'elle omet de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2020 du 5 février 2021 consid. 2.1).

2.1.2 La procédure sommaire est régie par le principe de célérité et se veut simple et rapide (ATF 145 III 213 consid. 6.1.2; 138 III 483 consid. 3.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_26/2019 du 6 juin 2019 consid. 3.2; 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.1).

Selon l'art. 253 CPC, lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit. Plus singulièrement en matière de mainlevée d'opposition, l'art. 84 al. 2 LP dispose que le juge du for de la poursuite donne au débiteur, dès réception de la requête, l'occasion de répondre verbalement ou par écrit, avant qu'il ne notifie sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 5D_40/2020 du 19 août 2020 consid. 3.2). Le caractère écrit ou oral de la procédure est laissé à la libre appréciation du tribunal ce qui permet de tenir compte du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.1). Le défendeur n'a pas le choix entre l'un ou l'autre des modes de détermination prévus par l'art. 293 CPC. Il ne peut en particulier pas librement décider de déposer, en lieu et place de sa comparution personnelle à l'audience, une détermination écrite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_256/2020 du 8 novembre 2021 consid. 4.2 et 4.3).

2.2 En l'espèce, la recourante n'a pas pris de conclusion formelle tendant à ce que la pièce B de l'intimé soit écartée des débats. Elle s'est en effet limitée à relever que "des écritures ne pouvaient pas être versées aux pièces" en procédure sommaire, sans en tirer de conséquence quant à la recevabilité de la pièce B. Le Tribunal ne saurait dès lors se voir reprocher d'avoir omis de statuer sur ce point. Au surplus, contrairement à ce que soutient la recourante, cette pièce ne consiste pas dans le dépôt déguisé d'une réponse écrite à la requête de mainlevée. Il s'agit certes d'une écriture, mais celle-ci a été formée dans le cadre d'une autre procédure opposant les mêmes parties. Il s'agit donc - en soi - d'un titre au sens de l'art. 254 CPC que l'intimé était en droit de produire devant le premier juge.

Quoi qu'il en soit, le Tribunal n'a pas tenu compte de cette pièce pour rendre sa décision, puisqu'il a rejeté la requête de mainlevée au motif que l'intimé avait prouvé l'extinction de la dette, par le jeu de l'art. 285a al. 3 CC, sans examiner les arguments invoqués par l'intimé dans sa pièce B. Le grief de la recourante tombe dès lors à faux.

3. La recourante reproche au premier juge d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits. Elle soutient que la décision attaquée est lacunaire, respectivement imprécise, quant à la période pour laquelle la mainlevée a été requise (le Tribunal ayant tenu compte des contributions d'entretien dues pour la période allant de novembre 2016 à novembre 2021 - au lieu d'octobre 2021) et quant à la quotité des contributions d'entretien impayées (le Tribunal ayant omis d'indexer les contributions à l'indice genevois des prix à la consommation).

3.1 La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; ACJC/1348/2019 du 18 septembre 2019 consid. 2.1). Encore faut-il que cette appréciation erronée porte sur des faits pertinents susceptibles d'avoir une incidence déterminante sur le sort de la cause (ACJC/1348/2019 du 18 septembre 2019 consid. 2.1; Jeandin, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 5 ad art. 320 CPC).

3.2 En l'espèce, il est exact que le premier juge n'a pas tenu compte de la bonne période s'agissant des contributions d'entretien visées par la requête de mainlevée, d'une part, et qu'il n'a pas tenu compte de la clause d'indexation prévue par le jugement JTPI/16/2001 du 18 janvier 2001, d'autre part. L'état de fait dressé ci-avant a été complété, respectivement précisé, dans la mesure utile.

4. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que l'art. 285a al. 3 CC était applicable au cas d'espèce et, partant, que l'intimé s'était acquitté de l'ensemble des contributions d'entretien litigieuses (après déduction des rentes complémentaires pour enfant selon l'art. 35 LAI). De son côté l'intimé soutient qu'il n'est pas tenu de contribuer à l'entretien de sa fille majeure, dans la mesure où celle-ci n'est pas parvenue à justifier "d'un suivi sérieux et régulier de sa formation et encore moins de son achèvement dans un délai raisonnable". Il soutient également que la requête de mainlevée est abusive, dans la mesure où la recourante (et/ou sa mère) avait accepté tacitement - pendant près de vingt ans - qu'il s'acquitte des contributions dues à son entretien après en avoir déduit le montant des rentes complémentaires pour enfant.

4.1.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP).

En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.

Alors que l'art. 80 LP fixe les conditions permettant au créancier de requérir la mainlevée, l'art. 81 LP énumère les moyens libératoires du débiteur (Schmidt, CR LP, 2005, n. 1 ad art. 81 LP).

Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se borner à rendre sa libération vraisemblable; il doit, au contraire, en apporter la preuve stricte (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références citées). Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis. Il ne lui appartient pas davantage de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond; il en va de même de la question de savoir si le comportement du créancier constitue un abus de droit et viole les règles de la bonne foi car la réponse à ces questions suppose une analyse de la situation juridique selon le droit matériel (ATF 124 III 501 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5D_43/2019 du 24 mai 2019 consid. 5.2.1; 5A_416/2019 du 11 octobre 2019 consid. 4.2.1).

L'extinction de la dette peut intervenir non seulement par paiement ou compensation mais également en vertu de toutes les causes d'extinction du droit matériel, notamment l'accomplissement d'une condition résolutoire (Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 20 ad art. 81 LP).

4.1.2 A teneur du texte français de l'art. 285a CC, les rentes d'assurances sociales et les autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant qui reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien doivent être payées en sus de la contribution d'entretien, sauf décision contraire du juge (al. 2). Les rentes d'assurances sociales ou les autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant qui reviennent par la suite au père ou à la mère en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d'une activité doivent être versées à l'enfant; le montant de la contribution d'entretien versée jusqu'alors est réduit d'office en conséquence (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'art. 285a al. 3 CC (anciennement art. 285a al. 2bis aCC) permet de faire l'économie d'une procédure formelle en modification de la contribution d'entretien lorsque des rentes d'assurances sociales ou d'autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant, telles que les rentes pour enfants selon les art. 35 LAI, 22ter LAVS, 17 et 25 LPP, reviennent par la suite au débiteur d'entretien en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d'une activité (ATF 145 V 154 consid. 4.2.2.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2016 du 18 novembre 2016 consid. 5.1.2 et les références citées).

Les textes allemand et italien de l'art. 285a al. 3 CC divergent du texte français, en ce sens que les termes "au père ou à la mère" figurant dans la 1ère phrase ont été remplacés par les termes "le parent débiteur d'aliments" ("unterhaltspflichtige Elternteil" en allemand; "il genitore tenuto al mantenimento" en italien).

Ainsi, la version allemande énonce : "Erhält der unterhaltspflichtige Elternteil infolge Alter oder Invalidität nachträglich Sozialversicherungsrenten oder ähnliche für den Unterhalt des Kindes bestimmte Leistungen, die Erwerbseinkommen ersetzen, so hat er diese Beträge an das Kind zu zahlen; der bisherige Unterhaltsbeitrag vermindert sich von Gesetzes wegen im Umfang dieser neuen Leistungen".

La version italienne énonce quant à elle : "Il genitore tenuto al mantenimento che, per motivi d'età o d'invalidità, riceva successivamente rendite delle assicurazioni sociali o analoghe prestazioni destinate al mantenimento del figlio, che sostituiscono il reddito di un'attività lucrativa, deve pagare tali importi al figlio; il precedente contributo di mantenimento va diminuito per legge dell'importo di tali nuove prestazioni".

Selon la jurisprudence, les versions allemande, française et italienne du texte légal ont la même valeur. Lorsque les textes entre les trois langues officielles divergent, il y a lieu de rechercher lequel de ces textes exprime la volonté réelle du législateur (ATF 140 IV 118 consid. 3.3.1). Il faut se demander si la différence relève d'une erreur dans la procédure législative, d'une différence de signification n'apparaissant qu'à l'occasion de cas concrets en fonction de la compréhension diverse du texte légal dans chaque langue ou, enfin, d'une différence linguistique imputable soit à une impossibilité de traduire sciemment prise en compte dans la rédaction, soit à une incertitude du législateur sur le sens effectivement voulu (ATF 140 IV 118 consid. 3.3.1; 135 IV 113 consid. 2.4.2).

4.1.3 Si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux (art. 277 al. 2 CC).

Le devoir d'entretien des père et mère de l'enfant majeur est destiné à permettre à celui-ci d'acquérir une formation professionnelle, à savoir les connaissances qui lui permettront de gagner sa vie dans un domaine correspondant à ses goûts et à ses aptitudes. La formation tend donc à l'acquisition de ce qui est nécessaire pour que l'enfant puisse faire face par ses propres ressources aux besoins matériels de la vie (ATF 117 II 372 consid. 5b; arrêt du Tribunal déféral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 5.2.1). Elle doit être achevée dans des délais normaux, ce qui implique que l'enfant doit s'y consacrer avec zèle ou en tout cas avec bonne volonté, sans toutefois faire preuve de dispositions exceptionnelles. La loi n'impose pas l'assistance à un étudiant qui perd son temps; il y a lieu d'accorder une importance décisive à l'intérêt, à l'engagement et à l'assiduité que manifeste un enfant à l'égard d'une formation déterminée dont on peut légitimement admettre qu'elle correspond à ses aptitudes. Il incombe à l'enfant qui a commencé des études depuis un certain temps et réclame une pension de faire la preuve qu'il a déjà obtenu des succès, notamment qu'il a présenté les travaux requis et réussi les examens organisés dans le cours normal des études (ATF 117 II 127 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 5.2.1; 5A_664/2015 du 25 janvier 2016 consid. 2.1).

Un jugement qui ordonne expressément le paiement de l'entretien au-delà de la majorité est un titre de mainlevée définitive s'il fixe les montants dus à titre de contribution d'entretien et détermine leur durée (ATF 144 III 193 consid. 2.2).

Le jugement qui condamne le poursuivi au versement de contributions d'entretien au-delà de la majorité (art. 277 al. 2 CC) est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu'il soumet cet entretien à la condition résolutoire de l'achèvement de la formation dans un délai raisonnable (ATF 144 III 193 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3.1; 5A_445/2012 du 2 octobre 2013 consid. 4.3, SJ 2014 I 189; ABBET, op. cit., n. 37 ad art. 80 LP). La question de savoir si la formation a été ou non achevées dans des "délais normaux" dépend des circonstances du cas concret, dont l'examen - sous réserve de situations manifestes - excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, auquel il n'appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important (arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 et 5A_720/2019 précités consid. 3.3.1).

Lorsque le jugement prévoit une condition résolutoire, il incombe au débiteur d'apporter la preuve stricte - par titre immédiatement disponible - de la réalisation de la condition résolutoire, à moins que celle-ci ne soit reconnue sans réserve par le créancier ou qu'elle ne soit notoire (ATF 144 II 193 consid. 2.2; 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.1).

4.1.4 Le droit à la contribution d'entretien appartient à l'enfant (art. 289 al. 1 CC). Le détenteur de l'autorité parentale dirige les soins et l'éducation de l'enfant en vue de son bien et prend les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC). En cas de conflit d'intérêts, les pouvoirs des parents dans l'affaire en question sont supprimés de par la loi (art. 306 al. 3 CC). Il découle de ces deux dispositions que les décisions concernant l'enfant prises par le père ou la mère qui détient l'autorité parentale ne sont pas systématiquement imputables à l'enfant, en particulier lorsqu'elles ne sont pas compatibles avec son bien (art. 301 al. 1 CC) ou en présence d'un conflit d'intérêts (art. 306 al. 3 CC) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2021 du 20 avril 2022 consid. 3.3 destiné à la publication).

4.2.1 En l'espèce, la recourante soutient que l'intimé n'était pas en droit de soustraire le montant des rentes complémentaires pour enfant (art. 35 LAI) des contributions dues à son entretien. Selon elle, l'art. 285a al. 3 CC n'est applicable que dans l'hypothèse où la rente complémentaire pour enfant revient au parent débiteur de la contribution d'entretien. De son côté, l'intimé soutient qu'il importe peu de savoir à quel parent revient la rente complémentaire, celle-ci devant dans tous les cas être déduite de la contribution d'entretien.

Chacune des parties fait valoir que l'art. 285a al. 3 CC est clair dans le sens qu'elle entend lui donner. Pour étayer leurs positions respectives, elles ont toutes deux procédé à une inteprétation de la disposition légale litigieuse, en se référant aux travaux préparatoires ainsi qu'à la jurispruence et aux avis doctrinaux traitant de cette problématique. Ce faisant, elles ne font qu'illustrer le fait que la question juridique soulevée est délicate et ne peut être aisément résolue. Si la version française de l'art. 285a al. 3 CC prévoit que les rentes d'assurances sociales destinées à l'entretien de l'enfant qui reviennent "au père ou à la mère" doivent être déduites de la contribution d'entretien, sans préciser si le parent concerné est tenu de pourvoir à l'entretien de l'enfant, les versions allemande et italienne, quant à elles, se limitent à prévoir une déduction d'office des rentes dans l'hypothèse où celles-ci reviennent au parent débiteur d'aliments ("der unterhaltspflichtige Elternteil" en allemand, "il genitore tenuto al mantenimento" en italien). Dans ces conditions, l'on ne saurait affirmer, sans autre examen, que l'art. 285a al. 3 CC s'applique également lorsque la rente destinée à l'enfant revient au parent qui n'est pas tenu de contribuer à l'entretien de celui-ci. Pour trancher cette question, il est nécessaire d'interpréter le texte légal et d'en rechercher le sens véritable, ce qui implique de procéder à une analyse de la situation juridique selon le droit matériel. Or, comme déjà relevé, une telle analyse excède la cognition du juge de la mainlevée définitive.

Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée, au motif que l'intimé était habilité à réduire d'office le montant des contributions dues à l'entretien de sa fille conformément à l'art. 285a al. 3 CC.

Il suit de là que l'intimé ne prouve pas s'être acquitté de la totalité des contributions d'entretien dues pour la période du 1er novembre 2016 au 31 octobre 2021.

4.2.2 L'intimé soutient qu'il n'est plus tenu de contribuer à l'entretien de sa fille, car celle-ci n'est pas parvenue à justifier d'un suivi sérieux et régulier de sa formation.

Il ressort des pièces produites que la recourante a obtenu une maturité professionnelle en juin 2020 et qu'elle poursuit depuis lors une formation "passerelle" auprès du Collège E______, qui lui permettra, en cas de succès, d'entreprendre des études universitaires. De son côté, l'intimé n'allègue pas que sa fille aurait abandonné ses études. Son grief consistant à dire que la recourante ne démontre pas par titre que sa formation pourra être achevée dans des délais raisonnables tombe à faux. En effet, selon la jurisprudence rappelée ci-avant, la question de savoir si une formation est achevée dans des délais normaux, tout comme celle de savoir si une formation est suivie avec l'assiduité requise, dépend des circonstances du cas concret. Or, l'examen de ces circonstances excède le pouvoir du juge de la mainlevée définitive qui n'a pas à trancher des questions pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important.

Par conséquent, le moyen libératoire soulevé par l'intimé ne saurait faire échec au prononcé de la mainlevée définitive.

4.2.3 Dans un dernier moyen, l'intimé soutient que la recourante commet un abus de droit en lui réclament le paiement de l'entier des contributions d'entretien fixées par le jugement JPTI/16/2001, alors qu'elle avait toléré pendant de nombreuses années qu'il en déduise le montant des rentes complémentaires.

En soi, le fait que la recourante réclame le paiement des contributions d'entretien fondées sur un jugement définitif et exécutoire, dont le débiteur n'a pas sollicité la modification, ne saurait être qualifié d'abusif. A cela s'ajoute qu'il n'est pas d'emblée évident que les déductions opérées par l'intimé pouvaient l'être en vertu de l'art. 285a al. 3 CC. En tout état, la question de savoir si la recourante peut se voir opposer le fait que sa mère a consenti à ces déductions pendant sa minorité et/ou le fait qu'elle-même n'a pas sollicité, immédiatement après sa majorité, le versement de l'entier des contributions litigieuses, dépend de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (se pose notamment la question de savoir si la recourante et/ou sa mère étaient dans l'erreur lorsqu'elles ont toléré ces déductions), dont l'examen excède largement la cognition limitée du juge de la mainlevée.

Là encore, le moyen libératoire soulevé par l'intimé ne saurait faire échec au prononcé de la mainlevée définitive.

4.2.4 Pour le surplus, l'intimé n'a pas contesté le montant déduit en poursuite, ni le dies a quo des intérêts moratoires réclamés par la recourante, et il n'a pas apporté la preuve stricte de sa libération.

4.2.5 Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée. Le jugement attaqué sera par conséquent annulé.

Dans la mesure où la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la mainlevée définitive de l'opposition formée par l'intimé au commandement de payer, poursuite n° 1______, sera prononcée.

5. 5.1 Lorsque l'instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC par analogie; Jeandin, op. cit., n. 9 ad art. 327 CPC).

En l'espèce, la quotité de l'émolument de décision fixée par le Tribunal à 500 fr., conformément à l'art. 48 OELP, n'est pas remise en cause par les parties, de sorte qu'elle sera confirmée. Les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à rembourser à la recourante le montant de son avance.

L'intimé sera également condamné à verser 1'664 fr. à la recourante à titre de dépens de première instance, la quotité de ceux-ci n'étant pas critiquée et étant conforme aux dispositions applicables (art. 85 et 89 RTFMC).

5.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP), mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de même montant fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à rembourser à la recourante le montant de son avance.

L'intimé sera en outre condamné à verser à la recourante la somme de 1'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours (art. 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6661/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1136/2022.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 500 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 500 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'664 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 750 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 750 fr. à titre de remboursement de son avance.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.