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Décisions | Sommaires

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C/15439/2021

ACJC/1362/2022 du 13.10.2022 sur JTPI/3752/2022 ( SCC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15439/2021 ACJC/1362/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 13 OCTOBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 mars 2022, comparant en personne,

et

1.    ÉTAT DE GENÈVE - DEPARTEMENT B______, sis ______[GE], intimé, comparant en personne.

2.    Monsieur C______, domicilié ______[GE], autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/3752/2022 du 23 mars 2002, expédié pour notification aux parties le 24 mars 2022, le Tribunal de première instance a ordonné à A______ et C______ d'évacuer de leurs personnes ainsi que de tous leurs biens le bâtiment 1______ situé sur la parcelle n° 2______ de la commune de D______ sis 3______ à E______ (ch. 1), autorisé l'ETAT DE GENEVE représenté par le Département des infrastructures à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et C______ en cas d'inexécution du chiffre 1 du jugement et dit que l'intervention de la force publique devrait être précédée de l'intervention d'un huissier judiciaire (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'200 fr., compensés avec les avances effectuées par l'ETAT DE GENEVE et mis à la charge de A______ et C______, condamnés à en rembourser le précité et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Il a retenu qu'il était constant et admis que A______ et C______ occupaient sans droit le bâtiment propriété de l'ETAT DE GENEVE, qu'ainsi l'état de fait n'était pas litigieux et la situation juridique claire, que les précités savaient depuis septembre 2020 qu'ils devraient quitter le logement, de sorte que les conditions de l'évacuation avec exécution directe, précédée de l'intervention d'un huissier judiciaire, étaient réalisées.

B.            Par acte du 28 mars 2022, A______ a formé appel contre le jugement précité. Il n'a pas pris de conclusions expresses. Il a, sous couvert de critique, apporté des compléments et discussions à certains points de l'état de fait dressé par le premier juge, requis d'être entendu, admis devoir évacuer les lieux, et ajouté "j'ai besoin d'un délai raisonnable pour partir et il faudrait que je sois relogé par le Département concerné".

Il a ultérieurement déploré de ne pas avoir été convoqué par le Tribunal.

Par réponse déposée au guichet universel du Pouvoir judiciaire le lundi 30 mai 2022 à la suite de l'ordonnance de la Cour, expédiée le 17 mai 2022, fixant un délai de dix jours pour répondre, l'ETAT DE GENEVE a conclu à la confirmation de la décision déférée, avec suite de frais et dépens.

C______ ne s'est pas déterminé.

A______ a répliqué. Il a formé des allégués nouveaux. Il a conclu à l'irrecevabilité de la réponse, motif pris de la tardiveté de celle-ci, à l'annulation de la décision déférée, cela fait au déboutement de l'ETAT DE GENEVE des fins de ses conclusions, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, avec suite de frais et dépens.

L'ETAT DE GENEVE a, dans sa duplique, conclu à l'irrecevabilité des allégués et titre nouveaux, formé des allégués nouveaux en réponse, et persisté dans ses conclusions.

A______ a encore déposé une détermination spontanée.

Par avis du greffe du 22 août 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. L'ETAT DE GENEVE est propriétaire de la parcelle n° 4______ de la commune de D______, sise 3______ à E______, sur laquelle est érigé un bâtiment de 240m2.

b. Le 4 septembre 2020, l'ETAT DE GENEVE, après avoir constaté la présence d'inconnus dans le bâtiment précité, a déposé une plainte pénale de ce chef.

Entendus le 15 octobre 2020 par la police, A______ et C______ ont reconnu occuper les lieux depuis août 2020.

Par ordonnances pénales du 5 mars 2020 (P/5______/2020), les précités ont été reconnus coupables de violation de domicile et condamnés à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. le jour, respectivement 90 fr. le jour. Des oppositions ont été formées contre ces ordonnances.

c. Le 3 août 2021, l'ETAT DE GENEVE, agissant par la voie de la protection du cas clair, a saisi le Tribunal d'une action en revendication (dont la valeur litigieuse indiquée était de 3'600'000 fr., correspondant à la valeur vénale de l'immeuble), avec mesures d'exécution directe, dirigée contre A______ et C______, sous suite de frais et dépens.

Par ordonnance du 16 septembre 2021, le Tribunal a transmis la requête aux précités, en leur fixant un délai pour répondre. Le pli adressé à C______ a été retourné par la poste, avec la mention "non réclamé".

Par acte du 15 octobre 2021, A______ a conclu au déboutement de l'ETAT DE GENEVE des fins de ses conclusions, souhaitant rester "dans la maison " jusqu'à l'aboutissement d'un projet et au début de travaux, et bénéficier d'un "délai suffisant et raisonnable pour pouvoir déménager en cas d'évacuation" avec solution de relogement. Il a notamment allégué que C______ ne se trouvait plus dans les locaux, à l'adresse desquels le pli du Tribunal fixant un délai pour répondre avait été expédié et n'avait ainsi pas été réceptionné, et qu'"une autre personne dont [il n'était] pas responsable l'a[vait] remplacé le jour de son départ".

Le Tribunal a, par voie d'ordonnance, accordé un délai de grâce à C______ pour le dépôt de sa réponse, par ordonnance derechef expédiée à l'adresse des locaux litigieux. Le pli adressé à C______ a été retourné par la poste, avec la mention "non réclamé".

Le 1er décembre 2021, le Tribunal a informé les parties de ce que la cause serait gardée à juger sous quinzaine.

L'ETAT DE GENEVE a répliqué, persistant dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 En l'occurrence, l'action tend à l'évacuation de l'appelant de l'immeuble occupé, dont la valeur vénale non contestée dépasse largement le seuil précité.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 Seule la voie du recours est en revanche ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.5 Le recours peut être formé pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, et si les conditions de l'acte qui aurait dû être formé sont remplies, une conversion de l'acte déposé en acte recevable est exceptionnellement possible si cela ne nuit pas aux droits de la partie adverse; cette solution vaut aussi si la juridiction de première instance a indiqué de manière erronée des voies de droit selon l'art. 238 let. f CPC (REETZ/THEILER, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 26 et 51 ad art. 308-318 CPC).

1.6 En l'espèce, l'acte formé, intitulé "appel" déposé dans le délai légal, sera converti en recours, en ce qu'il est uniquement dirigé contre le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, dès lors qu'il respecte les exigences de forme et le délai prescrit.

En dépit de l'absence de conclusions expresses de cet acte, formé par un justiciable agissant en personne, de sa motivation très sommaire, et de l'absence de mention de l'intimé C______, il sera considéré comme recevable, dans la mesure où il peut en être compris que le recourant entend obtenir l'annulation du chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée, et cela fait un délai à l'exécution de l'évacuation.

Il sera encore rappelé que le recourant et l'intimé C______, occupants sans droit de l'immeuble de l'ETAT DE GENEVE, sont des consorts simples, chacun d'entre eux pouvant procéder indépendamment de l'autre (cf. art. 71 al. 3 CPC).

1.7 Contrairement à l'opinion du recourant, la réponse de l'intimé est recevable, pour avoir été déposée dans le délai imparti par la Cour, compte tenu de ce que si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).

2. Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

Les faits nouvellement allégués par le recourant, particulièrement dans sa réplique, ne sont dès lors pas recevables.

3. Le recourant reproche au Tribunal diverses inexactitudes dans l'état de fait retenu, et se prévaut, sous l'intitulé de violation de son droit d'être entendu, de ne pas avoir été convoqué par le Tribunal à une audience.

3.1 Selon l'art. 253 CPC, applicable à la procédure sommaire, lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit.

L'art. 257 al. 1 CPC prévoit que le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies: a. l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé, b. la situation juridique est claire.

3.2 En l'occurrence, il est constant que l'intimé a agi par la voie de la procédure en protection du cas clair, visée à l'art. 257 CPC, de sorte que le Tribunal a appliqué conformément à la loi la procédure sommaire. Dans ce cadre, le premier juge a choisi de requérir une détermination écrite, selon l'art. 253 CPC. Le recourant a déposé une réponse, de sorte que son droit d'être entendu a été respecté. Le grief est ainsi infondé.

Pour le surplus, les critiques que le recourant a formulées en lien avec l'état de fait du Tribunal relèvent de la précision de certaines circonstances et de la discussion de pièces versées au dossier; ces faits sont en tout état dépourvus de portée dans le cadre du recours qu'il a formé, limité au caractère immédiat de l'exécution de l'évacuation, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter davantage.

4. Le recourant reproche au premier juge de ne pas avoir accordé "un délai raisonnable pour partir".

4.1 L'art. 343 al. 1 let. d CPC prévoit que lorsque la décision prévoit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut prescrire une mesure de contrainte telle que l'expulsion d'un immeuble.

En tant que la restitution de locaux suppose leur évacuation forcée, c'est-à-dire une mesure de contrainte à exercer contre la partie tenue à restitution, le juge saisi du litige doit ordonner cette évacuation forcée en application de l'art. 343 al. 1 let. d CPC. Le juge peut accorder à la partie condamnée un délai au cours duquel celle-ci ne sera pas exposée à la contrainte et pourra se soumettre au jugement en évacuant et en restituant volontairement les biens occupés. Le juge doit d'ailleurs respecter le principe général de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et éviter que les personnes impliquées ne se trouvent soudainement privées de tout abri. L'évacuation forcée ne peut pas être ordonnée sans ménagement, en particulier lorsque des motifs humanitaires exigent un sursis ou que des indices sérieux et concrets font prévoir que la partie condamnée se soumettra au jugement dans un délai raisonnable. Le juge ne peut cependant pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès (arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018, consid. 7).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a condamné le recourant à évacuer l'immeuble propriété de l'intimé. Il en a ordonné l'exécution, pour le cas où le recourant ne se soumettrait pas de son plein gré à cette évacuation, sans délai, mais à la condition que l'intervention de la force publique soit précédée d'une intervention d'huissier judiciaire.

Ce faisant, le premier juge a correctement appliqué le principe de la proportionnalité. Le recourant admet en effet se trouver dans l'immeuble depuis le mois d'août 2020, a connaissance depuis septembre 2020 de ce que l'intimé n'a pas donné d'autorisation d'occuper les lieux, et aura bénéficié de fait, par l'écoulement du temps au terme de la présente procédure, d'un délai de plus de deux ans depuis cette date. Il sera enfin rappelé que le souhait de relogement exprimé par le recourant ne trouve pas sa place dans la présente procédure.

Le grief est ainsi infondé, de sorte que le recours sera rejeté.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de son recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'200 fr. (art. 26, 38 RTFMC), compensés avec l'avance déjà opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens, l'intimé A______ comparant en personne et ne faisant pas état de circonstances particulières (art. 95 al. 3 let. c CPC) et l'intimé C______ ne s'étant pas déterminé.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 28 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPI/3752/2022 rendu le 23 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15439/2021–19 SCC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 1'200 fr., compensés avec l'avance de frais opérée, acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.