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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18876/2024

ACPR/916/2025 du 06.11.2025 sur OMP/24528/2025 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE OBLIGATOIRE;DÉFENSE D'OFFICE
Normes : CPP.130; CPP.132; CPP.133

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18876/2024 ACPR/916/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 novembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre la décision rendue le 8 octobre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 20 octobre 2025, A______ recourt contre la décision du 8 précédent, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d’ordonner une défense d’office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette ordonnance et à ce qu’une défense d’office soit ordonnée en sa faveur, en la personne de MB______, avec effet rétroactif au 1er octobre 2025, le montant de CHF 1'500.- déjà versé par ses parents devant, subsidiairement, être déduit de l’indemnité due par l’État ; plus subsidiairement, que la nomination intervienne avec effet rétroactif au jour de la requête, voire à la date du recours, le montant de CHF 1'500.- déjà versé par ses parents devant être déduit de l’indemnité due par l’État.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant irakien, a été arrêté provisoirement le 9 août 2025, dans le cadre de la procédure argovienne STA2 ST.2025.1______, puis placé en détention provisoire, le 12 suivant, par le Tribunal des mesures de contrainte de ce canton. Il a d’abord été incarcéré en Argovie, avant d’être transféré à la prison de Champ-Dollon, où il se trouve actuellement, consécutivement à la reprise de la procédure précitée par le Ministère public du canton de Genève le 3 septembre 2025.

b. Il est prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 CP), tentative de vol
(art. 139 cum art. 22 CP), brigandage (art. 140 CP), agression (art. 134 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), escroquerie (art. 146 CP), injure (art. 177 CP), usurpation d’identité (art. 179 decies CP), menaces (art. 180 CP), violation de domicile
(art. 186 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP) et infractions aux art. 92, 95 et 97 al. 1 let. g LCR.

Il lui est à cet égard reproché d’avoir, à Genève:

-       le 1er juillet 2024, vers 01h00, devant l'entrée au chemin 2______ no. ______ au C______ [GE], agressé physiquement D______ en l'étranglant, le projetant au sol, et, de concert avec six ou sept autres individus, lui avoir porté des coups de pied à la tête, un coup de matraque sur le front et un coup sur la cuisse droite, avant de lui dérober ses effets personnels ;

-       les 3, 9 et 10 juillet 2024, souscrit des abonnements téléphoniques, auprès de E______ et F______, en vue de l’acquisition de deux [téléphones portables de marque] G______ et d’un [ordinateur portable de marque] H______, avec la carte d'identité dérobée à D______ ;

-       le 3 novembre 2024, loué deux véhicules en présentant le permis de conduire suisse et la carte d'identité de D______ ; puis, au volant d'une des voitures, causé un accident entraînant des dégâts sur le véhicule de I______, fui les lieux de l'accident et circulé sans permis de conduire ;

-       le 22 juillet 2024, circulé sans permis de conduire au volant du véhicule J______ immatriculé GE 3______, avant d'avoir un accident ayant causé des dommages matériels au véhicule conduit par K______, immatriculé GE 4______ ; puis, après cet accident, rempli un constat à l'amiable en inscrivant faussement le nom et le prénom de son frère ;

-       le 31 juillet 2024, envoyé des messages vocaux à K______, lui disant : "La putain de ta race la pute", "Bouffonne", "Va te faire enculer", l'atteignant dans son honneur, et lui avoir dit de manière très agressive qu'il allait la "piétiner", apeurant de la sorte K______ ;

-       le 27 novembre 2024, vers 20h00, à l'angle entre la rue de Berne et la rue de la Navigation, participé à une attaque contre L______, de concert avec M______ et plusieurs individus ; d’avoir d’abord donné un coup en direction de la tête sans toucher sa victime, qui a esquivé le coup, puis lui avoir asséné un coup au niveau de la tête, avant que L______ s'enfuie et soit balayé quelques mètres plus loin, dans sa fuite, par son comparse M______, après que lui-même eut crié à un groupe d'une dizaine de personnes "attrapez-le" ; alors que la victime était tombée à terre après le deuxième balayage, lui avoir asséné des coups de concert avec ses comparses, notamment des coups de pied et de poing sur tout le corps et le crâne, lui causant ainsi plusieurs blessures;

-       à une date indéterminée antérieure au 31 janvier 2025, conclu un contrat avec N______ AG au sujet de la vente d'un véhicule de marque O______ (frais de vente), une facture (CHF 500.-) du 31 janvier 2025 étant parvenue chez D______, ainsi qu'un rappel du 3 avril 2025, ce en faisant usage des documents d'identité dérobés à ce dernier ;

-       le 5 mai 2025, tenu les propos suivants au Cpl P______, par téléphone : "Je vais jamais venir. Trou du cul. Wallah tu me donnes pas d'ordres fils de pute. Si je te croise sans ton uniforme, je te casse. T'as mon adresse t'as qu'à venir me chercher" ;

-       le 8 mai 2025, présenté les documents d'identité dérobés à D______ lors d'un contrôle des passagers du train en direction de Q______ [VD], étant souligné que le précité a reçu une amende de CHF 140.- datée du 12 mai 2025.

Ces faits ont fait l’objet des procédures genevoises P/18420/2025, P/18422/2025, P/16673/2025 et P/18876/2024.

Il lui est également reproché d’avoir, à R______, dans le canton d’Argovie, de concert avec S______ :

-       le 9 août 2025, tenté de s’introduire dans le bâtiment de la société T______ GMBH, sise à rue 5______ no. ______, à R______, en brisant une vitre, dans le but présumé de voler des véhicules afin de s’enrichir illicitement ou d’enrichir un tiers, avant de prendre la fuite, surpris par une résidente ;

-       durant la nuit du 8 au 9 août 2025, soustrait deux paires de plaques d’immatriculation au détriment de U______ (SO 6______) et de V______ (AG 7______), dans l’intention de les utiliser ou de les mettre à disposition d’autres personnes.

Ces faits ont fait l’objet de la procédure STA2 ST.2025.1______, initialement diligentée par les autorités pénales du canton d’Argovie et dans le cadre de laquelle A______ était assisté de Me W______.

c. Par ordonnance du 18 août 2025, les procédures genevoises P/18420/2025, P/18422/2025, P/16673/2025 et P/18876/2024 ont été jointes sous ce dernier numéro, dès lors qu’elles étaient dirigées contre le même prévenu, A______, et qu’il se justifiait de les juger conjointement.

d. Le 12 août 2025, faisant suite à une demande du Ministère public de Zofingen-Kulm, le Ministère public supérieur du canton d’Argovie a désigné Me W______ en qualité de défenseur d’office de A______, dans le cadre de la procédure STA2 ST.2025.1______, avec effet au 9 précédent.

e. Par ordonnance du 3 septembre 2025, faisant suite à une demande de son homologue argovien, le Ministère public du canton de Genève a repris, sous le numéro de procédure P/18037/2025, la procédure STA2 ST.2025.1______.

Le Ministère public du canton d’Argovie était invité à organiser le transfert de A______ à la prison de Champ-Dollon.

f. Par courriel du 4 septembre 2025, Me W______ a informé le Ministère public du canton d’Argovie du fait que la famille de A______ souhaitait confier la défense des intérêts de ce dernier à Me X______, de l’Étude Y______, à Genève, sitôt que son transfert à Genève serait effectif.

g. Le Procureur argovien lui a répondu le jour même, l’invitant à lui soumettre sa note de frais au terme de la procédure en fixation de for, à l’issue laquelle il serait relevé de son mandat.

h. Consécutivement à la reprise de for par le Ministère public de Genève, A______ a été transféré le 8 septembre 2025 dans ce canton, à la prison de Champ-Dollon.

i. Par courrier du 17 septembre 2025, Me X______ a informé le Ministère public genevois avoir été consulté par la famille de A______, qui souhaitait lui confier la défense des intérêts de ce dernier. Il demandait à être désigné en tant que défenseur d’office, en lieu et place de Me W______, compte tenu de l’éloignement géographique de ce dernier et de la barrière linguistique.

j. Par courriel du 23 septembre 2025, Me B______ a informé le Ministère public genevois qu’il avait été consulté par A______, sollicitant une autorisation de première visite et lui indiquant qu’il ne manquerait pas de l’aviser de son éventuelle constitution.

k. Par courriel du 19 septembre 2025, Me B______ a informé le Ministère public genevois de sa constitution et de l’engagement de Z______, mère de A______, à assumer le paiement de ses honoraires, sollicitant par ailleurs l’identité de l’avocat en charge de la défense du prévenu afin de pouvoir le contacter dans un souci de « respect des usages confraternels ».

l. Faisant suite à ce courrier, une greffière du Ministère public a contacté par téléphone, le 22 septembre 2025, Me B______, le priant de bien vouloir lui transmettre une procuration dûment signée.

m. Par procuration datée du 24 septembre 2025, A______ a donné mandat à
Me B______ de le représenter et de l’assister dans le cadre des procédures P/18037/2025 et P/18876/2024.

n. Le 25 septembre 2025, Me B______ a adressé à Z______ une demande de provision en CHF 5'000.-, TVA de CHF 405.- en sus.

o. Le 29 septembre 2025, Z______ a versé à Me B______ la somme de CHF 1'621.50.

p. Par ordonnance du 30 septembre 2025, la procédure P/18037/2025 a été jointe à la procédure P/18876/2024, sous ce dernier numéro.

q. Par courrier du 7 octobre 2025, Me B______ a confirmé au Ministère public, se référant à un précédent entretien avec une greffière, que, contrairement à ce que la famille de A______ lui avait indiqué, Me X______ « n’avait pas été imposé comme défenseur d’office ». Il sollicitait dès lors d’être désigné en cette qualité dans la présente procédure.

r. Dans un courriel du 15 octobre 2025 adressé à Me B______, Me W______ lui a indiqué mal parler le français et ne plus représenter A______, ceci depuis plusieurs semaines.

s. A______ a été entendu à plusieurs reprises dans le cadre des procédures sus-évoquées :

-        le 2 février 2024, par la police genevoise, hors la présence d’un avocat, en lien avec les faits dénoncés par AA______ ;

-        le 6 mars 2024, par le Ministère public genevois, hors présence d’un avocat, au sujet de ces mêmes faits ;

-        le 8 mars 2025, par la police genevoise, hors la présence d’un avocat, en lien avec les faits commis au préjudice de L______ ;

-        le 14 mai 2025, par la police genevoise, hors la présence d’un avocat, au sujet de l’agression dénoncée par D______, de la conclusion des abonnements en vue de l’acquisition d’appareils électroniques au moyen des documents volés à ce dernier, de la location des véhicules au moyen de ces mêmes documents, de l’accident causé avec l’un de ces véhicules et des faits dénoncés par le Cpl P______ ;

-        le 19 mai 2025, par la police genevoise, hors la présence d’un avocat, en lien avec les faits commis les 22 et 31 juillet 2024 à l’encontre de K______ ;

-        le 9 août 2025, par la police argovienne, en la présence de son conseil argovien, Me W______, au sujet des faits commis dans ce canton ;

-        le 27 octobre 2025, par le Ministère public genevois, en présence de MB______, au sujet de ces mêmes faits.

t. Lors de ses auditions par la police genevoise, les 8 mars, 14 et 19 mai 2025, A______, célibataire et sans enfant, a rempli les formulaires de situation personnelle et financière, y indiquant être sans revenu et percevoir l’aide sociale. Il a produit divers documents attestant de sa situation financière, notamment un décompte de l’Hospice général pour le mois de février 2025 attestant d’un versement de prestations pour ce mois à hauteur de CHF 1'282.10, revenu qu’il a également confirmé lors de son audition par la police argovienne.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que, bien que A______ se trouvât en situation de défense obligatoire, les conditions pour la mise en œuvre d’une défense d’office n’étaient pas réunies. En effet, il avait désigné MB______ comme défenseur privé, signant une procuration en faveur de celui-ci le 24 septembre 2025. Ses honoraires étaient couverts par l’entremise de sa mère, comme cela ressortait de son courrier du 19 septembre 2025. La condition de l’art. 132 al. 1 let. a ch. 1 CPP n’était donc pas remplie, tout comme celle de l’art. 132 al. 1 let. a ch. 2. CPP. Dans la mesure où Me B______ représentait valablement son client à titre privé, la demande de nomination d’office devait être rejetée.

D. a. Le 14 octobre 2025, Me B______ a sollicité du Ministère public qu’il reconsidérât sa décision. A______ avait été transféré à la prison de Champ-Dollon à la suite d’une reprise de for par le Ministère public genevois. Le 17 septembre 2025, Z______ l’avait contacté en vue d’assurer la défense des intérêts de son fils détenu. Il lui avait expliqué le contexte dans lequel son intervention était possible, la précitée s’étant alors engagée à lui payer ses honoraires. Il avait ainsi requis le paiement d’une provision en CHF 5'000.-, avant d’envoyer son courrier du 19 septembre 2025 au Procureur. Le 25 septembre 2025, il avait rendu visite à son mandant et lui avait fait signer une procuration, laquelle n’avait eu d’autre vocation que de lui permettre d’agir en son nom auprès des différentes autorités administratives et pénales. Le même jour, les parents de A______ lui avaient indiqué ne pas pouvoir payer ses honoraires d’avocat, sans toutefois résilier son mandat. Lors de sa consultation du dossier, il avait eu l’occasion d’en mesurer l’ampleur et constaté l’absence de toute nomination d’un défenseur dans la procédure genevoise. Il se trouvait dans une situation dans laquelle, ni son client, ni les parents de dernier n’étaient en mesure de payer ses honoraires, quand bien même un avocat était nécessaire dans le contexte d’une défense obligatoire. Il n’était toutefois pas envisageable qu’il le défendît pro bono. En raison de sa connaissance désormais approfondie du dossier et du lien de confiance établi avec son client, il « faisait naturellement acte de candidature » en vue de sa désignation d’office, avec effet rétroactif au 15 septembre 2025, date du début de son mandat. Il informait le Ministère public que, faute d’une telle nomination d’office, il se verrait contraint de mettre un terme à son mandat.

b. Le 15 octobre 2025, le Ministère public a refusé de reconsidérer sa décision, considérant que le système de défense d’office ne permettait pas aux prévenus de disposer d’un avocat de choix rémunéré par l’État. Il appartenait à Me B______ de décider de la suite qu’il entendait donner à son mandat, conformément aux règles s’appliquant à « sa pression ». Dans l’éventualité où l’avocat précité devrait ne plus assister A______, un défenseur d’office lui serait nommé, parmi la liste des avocats à disposition du Ministère public, selon la « procédure usuelle », au vu de la situation de défense obligatoire dans laquelle celui-ci se trouvait. Un délai au 17 octobre 2025 était imparti à Me B______ pour indiquer s’il assisterait encore son mandant à l’avenir.

E. a. Dans son recours, A______ explique, pièces à l’appui, se trouver en détention provisoire depuis le 9 août 2025. Il bénéficiait de l’aide sociale et se trouvait en situation d’indigence certaine. Au moment de la constitution de Me B______, sa mère croyait de bonne foi qu’un avocat d’office avait été désigné en Argovie et s’inquiétait du fait que l’avocat suisse-allemand ne maîtrisait que faiblement le français et se trouvait domicilié dans un autre canton. Elle avait donc contacté Me B______ et s’était engagée à régler ses honoraires. Il était ultérieurement apparu qu’aucun défenseur n’avait été désigné dans la procédure genevoise et que l’avocat argovien n’intervenait plus. Le dossier présentait une complexité et une ampleur considérables. Il concernait cinq procédures jointes en une seule dans laquelle le Ministère public avait retenu près d’une vingtaine d’infractions. La seule copie du dossier lui avait coûté CHF 1'080.-. Malgré la volonté initiale de ses parents d’assumer ses frais de défense, ceux-ci n’avaient été en mesure de verser que CHF 1'500.- sur les CHF 5'000.- de provision demandée et se trouvaient manifestement dans l’impossibilité de payer les honoraires nécessaires à une défense appropriée dans une procédure d’une telle envergure. Son avocat se trouvait ainsi dans une « situation impossible », ne pouvant matériellement poursuivre sa défense à titre pro bono compte tenu de l’ampleur du dossier et du travail accompli. Un lien de confiance s’était établi avec son avocat et il souhait que celui-ci le représentât. Or, l’art. 133 al. 2 CPP prévoyait que le choix du défenseur tenait compte de ses aptitudes et, dans la mesure du possible, des souhaits du prévenu, l’autorité ne pouvant refuser de suivre les vœux de ce dernier qu’en vertu de motifs objectifs. En cas de rejet du recours, son conseil se verrait contraint de renoncer à son mandat et un nouvel avocat devrait être désigné d’office, lequel devrait refaire l’intégralité du travail d’analyse du dossier et établir un nouveau lien de confiance, ce qui lui causerait un préjudice certain et entraînerait une perte de temps considérable, ainsi que des frais supplémentaires pour l’État. L’économie de procédure et une bonne administration de la justice commandaient d’éviter cette « duplication d’efforts inutiles ».

À l’appui, il produit (i) le courriel de Me W______ du 15 octobre 2025, (ii) la demande de provision de son conseil du 25 septembre 2025, (iii) un document bancaire attestant du paiement partiel de la provision en CHF 1'621.50, (iv) un courriel des Services financiers du Pouvoir judiciaire du 6 octobre 2025 attestant de frais de photocopie en CHF 1'005.-, (v) les courriers de son conseil des 7 et 14 octobre 2025 au Ministère public.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il persiste à considérer que MB______ représentait valablement son client à titre privé. Bien qu’il n’attendît évidemment pas que le précité défendît A______ pro bono, le système de défense d’office ne permettait pas aux prévenus de disposer d’un avocat de choix qui serait rémunéré par l’État. Dès lors, si Me B______ devait décider, « choix lui appartenant à lui seul », de ne plus assister son client, un défenseur d’office devrait être désigné à ce dernier, parmi la liste des avocats à disposition du Ministère public, selon la « procédure usuelle ». La procédure n’en était qu’à ses débuts. Une audience avait eu lieu le 27 octobre 2025 sur un complexe de faits « très limité ». Si de nombreux autres faits étaient reprochés au prévenu, la prochaine audience était fixée au 10 novembre 2025, ce qui laissait le temps à un autre avocat d’intervenir cas échéant, éventuellement après ajournement de quelques jours de ladite audience.

c. Le recourant n’a pas répliqué.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Les pièces nouvelles produites par le recourant sont recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

3.             Le recourant reproche au Ministère public d’avoir refusé de désigner son conseil, MB______, en qualité de défenseur d’office.

3.1.       L'art. 130 CPP définit les cas de défense obligatoire. En particulier, le prévenu doit avoir un défenseur lorsque la détention provisoire, y compris la durée de l'arrestation provisoire, a excédé dix jours (let. a), ou lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté (let. b). L'art. 131 al. 1 CPP prévoit qu'en cas de défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur.
Le prévenu ne peut pas renoncer à cette assistance (ATF 131 I 350 consid. 2.1 p. 353 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 130 et n. 1 ad art. 131).

3.2.       L'art. 132 al. 1 CPP prévoit quant à lui que la direction de la procédure ordonne une défense d'office en cas de défense obligatoire si le prévenu ne désigne pas de défenseur privé (let. a), ou si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (let. b). La défense d'office selon l'art. 132 CPP intervient donc dans les cas où le prévenu ne bénéficie pas de l'assistance d'un avocat, notamment car il n'en a pas les moyens financiers
(Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 1 ad art. 132). La nomination d'un défenseur d'office intervient, quel que soit le motif pour lequel la défense obligatoire n'est pas assumée, et ce sans que le prévenu n'ait à en faire la requête, étant précisé qu'une telle requête est toutefois possible, notamment lorsqu'il s'agit de passer d'une défense de choix à une défense d'office (Y. JEANNERET /
A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 29 ad art. 132 CPP).

3.3.       Comme le relève à cet égard la jurisprudence, il résulte de ces dispositions que le CPP opère une double distinction en matière de défense : d'une part entre défense facultative et défense obligatoire ; d'autre part entre défense privée et défense d'office.

La défense facultative laisse au prévenu le soin de décider librement s'il entend se défendre seul ou recourir aux services d'un avocat. La défense obligatoire impose en revanche au prévenu l'assistance d'un défenseur, privé ou d'office. Réglée par
l'art. 130 CPP, la défense obligatoire est indépendante de la situation financière du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_309/2021 du 3 septembre 2021 consid. 2.1.2).

La défense privée est celle où l'accusé choisit librement son avocat et le rémunère lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2016 du 9 février 2017 consid. 2.1.2). La défense d'office voit, elle, l'autorité commettre au prévenu un défenseur rétribué par l'État – à tout le moins provisoirement –, dans la mesure où la sauvegarde des droits de l'intéressé le requiert. Elle intervient lorsque le prévenu n'a pas de défenseur alors même qu'il s'agit d'un cas de défense obligatoire (art. 132 al. 1 let. a ch. 1 et 2 CPP) ou lorsque le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_309/2021 précité consid. 2.1.2).

Le Tribunal fédéral a ainsi, à plusieurs reprises, confirmé que, lorsqu'un prévenu se trouvait dans un cas de défense obligatoire et se voyait désigner un avocat d'office, il n'avait pas à démontrer son indigence, la question de la prise en charge des coûts dans le cadre d'une défense d'office en vertu de l'art. 132 al. 1 let. a CPP n'ayant pas à être examinée avant la fin de la procédure, la direction de la procédure devant décider, au plus tard à ce moment-là, si et dans quelle mesure les frais de défense avancés par l'État devaient être répercutés sur le prévenu (ATF 139 IV 113 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 7B_356/2024 du 8 mai 2024 consid. 2.2.2 et 1B_294/2019 du 11 septembre 2019 consid. 2.2).

3.4.       Selon la jurisprudence, une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p. 223 et les arrêts cités). Il incombe ainsi au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4 p. 164 s.; arrêt du Tribunal fédéral 1B_436/2018 consid. 3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit. ,
n. 59b ad art. 132).

3.5.       En cas de transfert de la compétence territoriale d'une instruction pénale à un autre canton, la procédure est close auprès du canton saisi en premier lieu (liquidation dite partielle de la procédure). Cela implique un changement de direction de la procédure. La défense d'office ne se poursuit pas automatiquement, mais doit être nouvellement désignée par la direction de la procédure nouvellement compétente (art. 133 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_38/2013 du 18 juin 2013 consid. 3; 6B_361/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.4.3; Y. JEANNERET / A. KUHN /
C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1e ad art. 134).

3.6.       Selon l'art. 133 CPP, le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure compétente au stade considéré (al. 1) ; lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2). Cette disposition concrétise la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH relative aux art. 29 al. 3 Cst. et 6 § 3 let. c CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3 ; Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure, FF 2006 1159 ; arrêts rendus avant l'entrée en vigueur du CPP : ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_74/2008 du 18 juin 2008 consid. 2 et 1B_245/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2 ; arrêt CourEDH Croissant c. Allemagne du 25 septembre 1992, § 29). 

L'art. 133 al. 2 CPP ne garantit pas le droit de choisir librement son défenseur d'office. Le droit du prévenu de proposer un avocat d'office ne fonde en effet pas d'obligation pour la direction de la procédure de désigner l'avocat proposé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3). Néanmoins, le Conseil fédéral a exposé, dans son message, qu'une interprétation objective de cette disposition permet de dissiper tout doute quant à l'attitude de la direction de la procédure et, en particulier, du ministère public qui pourraient être tentés de désigner un défenseur à leur convenance (FF 2006 1159). La direction de la procédure ne peut dès lors s'écarter de la proposition du détenu que pour des raisons objectives, par exemple en cas de conflit d'intérêts, de surcharge de travail, ou encore si l'avocat ne possède pas les qualifications professionnelles suffisantes ou l'autorisation de pratiquer
(arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3 et les références citées ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit. , n. 25 et 29 ad art. 133 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 7 ss ad art. 133 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3ème éd., 2023, n. 2 ad art. 133). Par ailleurs, la direction de la procédure doit, en cas de refus de suivre les souhaits du prévenu, motiver au moins sommairement sa décision (art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c CPP). 

Le Tribunal fédéral a considéré que la connaissance préalable du dossier par un avocat proposé par le prévenu était digne de considération, mais qu'on pouvait y opposer un motif objectif, fondé et non contesté pour justifier la nomination d'un autre avocat (arrêt du Tribunal fédéral 1B_212/2013 du 20 août 2013 consid. 2 ; ACPR/280/2014 du 27 mai 2014).

3.7.       En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant se trouve en situation de défense obligatoire, étant ici rappelé qu’il est détenu depuis le 9 août 2025 et qu’il se voit reprocher une multitude de faits susceptibles d’être constitutifs de lésions corporelles simples (art. 123 CP), tentative de vol (art. 139 cum art. 22 CP), brigandage (art. 140 CP), agression (art. 134 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), escroquerie (art. 146 CP), injure (art. 177 CP), usurpation d’identité (art. 179 decies CP), menaces (art. 180 CP), violation de domicile (art. 186 CP), faux dans les titres
(art. 251 CP), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires
(art. 285 CP) et infractions aux art. 92, 95 et 97 al. 1 let. g LCR.

Le Ministère public justifie son refus au motif que le recourant serait assisté par un défenseur privé – à qui il aurait signé une procuration et dont les honoraires seraient couverts par l’entremise de sa mère – et qu’il ne lui appartiendrait pas de choisir son défenseur « rémunéré par l’État ». Dans l’éventualité où il devrait cesser d’occuper, un défenseur d’office serait désigné au recourant, selon la « procédure usuelle », l’audience fixée au 10 novembre 2025 pouvant cas échéant être ajournée dans l’intervalle.

Un tel raisonnement ne saurait être suivi. En effet, dans le cadre de la procédure précédemment diligentée par le Ministère public du canton d’Argovie, le recourant avait été mis au bénéfice d’une défense d’office en la personne de Me W______. Le transfert de la compétence territoriale du Ministère public argovien au Ministère public genevois a mis un terme au mandat de Me W______, avec pour conséquence que le recourant se trouvait privé depuis lors d’un défenseur d’office, alors même qu’il en remplissait toujours les conditions. Dans ces circonstances, il appartenait au Ministère public du canton de Genève de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que la défense d’office précédemment mise en œuvre au profit du recourant se prolongeât sans interruption à la suite du transfert de la compétence territoriale, ce qu’il n’a pas fait.

Certes, le recourant a ensuite constitué un avocat de choix, tout en faisant part au Ministère public genevois de l’engagement de sa mère de prendre en charge ses honoraires. On ne saurait toutefois lui en faire grief, dans la mesure où le Ministère public genevois ne lui avait alors pas désigné de nouveau défenseur d’office et où cette autorité n’avait pas non plus donné suite à la demande de Me X______ du 17 septembre 2025 tendant à sa nomination en qualité de nouveau défenseur d’office.

Au vu de ces circonstances, le Procureur genevois ne pouvait refuser d’entrer en matière sur la demande du recourant du 7 octobre 2025 tendant à la nomination de MB______ en qualité de nouveau défenseur d’office, sans même examiner si les conditions de la défense d’office étaient réalisées, ce d’autant que tel paraît bien être le cas en l’espèce. D’une part, l’indigence du recourant était toujours manifeste, ce dernier émargeant à l’aide sociale et sa famille n’ayant pas été en mesure de payer le solde de la provision que lui avait réclamée Me B______. D’autre part, il est patent à la lecture du dossier que l’assistance d’un avocat est nécessaire à la sauvegarde des intérêts du recourant au vu de la gravité des faits qui lui sont reprochés et de la complexité de la cause.

Quant au choix de l’avocat enfin, bien que l’art. 133 CPP ne garantisse pas à un prévenu le droit de choisir librement son défenseur d’office, la direction de la procédure ne peut s’écarter de la proposition du détenu que pour des raisons objectives, ainsi qu’il a été rappelé supra (consid 3.6). Or, rien ne justifie ici que le Ministère public ne nomme pas Me B______, en l’absence de tout autre avocat déjà désigné. En effet, ce dernier assiste son client à tout le moins depuis le 24 septembre 2025, date de la signature de la procuration. Il connaît le dossier et a déjà accompagné son mandant lors de l’audience s’étant tenue le 27 octobre 2025. On peine à comprendre en quoi il se justifierait d’écarter un tel avocat pour en désigner un nouveau, ce d’autant qu’un éventuel nouveau défenseur devrait nécessairement prendre connaissance du dossier de la procédure – déjà volumineux à ce stade de l’instruction –, ce qui impliquerait des coûts inutiles pour la collectivité publique, d’une part, et pourrait impliquer de devoir ajourner une audience déjà appointée – ce que le procureur reconnaît –, alors même que la procédure implique un détenu et doit, partant, être conduite avec célérité, d’autre part.

4.             Fondé, le recours doit être admis.

Partant, la décision querellée sera annulée et une défense d’office ordonnée en faveur du recourant en la personne de Me B______, avec effet rétroactif au 7 octobre 2025, date à laquelle ce dernier a sollicité d’être désigné en cette qualité.

S’agissant des honoraires déjà facturés par Me B______ à la famille de son client en lien avec les prestations accomplies à compter de cette date, il lui appartiendra de les restituer à cette dernière.

5.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

6.             L'indemnité du défenseur d'office nouvellement désigné sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule, en conséquence, la décision du Ministère public du 8 octobre 2025 et désigne MB______ en qualité de défenseur d'office de A______, avec effet rétroactif au 7 octobre 2025.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).