Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/912/2025 du 05.11.2025 sur ONMMP/3835/2025 ( MP ) , ADMIS
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/12749/2025 ACPR/912/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 5 novembre 2025 | ||
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 août 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 29 août 2025, A______ recourt contre l’ordonnance du 15 précédent, notifiée le 19 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d’entrer en matière sur sa plainte du 3 juin 2025.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés en CHF 1'081.-, préalablement, à l’octroi de l’assistance juridique et, au fond, à l’annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d’une instruction.
b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP), au vu du rapport rendu par le greffe de l’assistance juridique le 6 octobre 2025, l’examen de l’octroi, ou non, de l’assistance judiciaire gratuite, ayant étant réservé à la présente décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. À teneur du rapport de renseignements du 9 mai 2025, un accident de la circulation avait eu lieu deux jours plus tôt, impliquant divers véhicules. Sortant d’une place de stationnement en zone de marquage bleue, à la hauteur de la place de l’Église no. ______, à Veyrier, Genève, C______ avait reculé, puis, en voulant repartir en avant, pris d’un malaise, avait brusquement accéléré, perdant la maîtrise de son véhicule et percutant, avec l’avant de celui-ci, l’arrière gauche de l’automobile correctement stationnée devant lui. À la suite du choc, la voiture de C______ était sortie de sa place de stationnement. Ce dernier, qui avait toujours le pied sur l’accélérateur, avait poursuivi sa route sur plusieurs mètres. Peu avant la route du Pas-de-l’Échelle, il n’avait pas suivi la courbe sur la gauche et continué tout droit. L’avant de son véhicule avait heurté une borne en béton – laquelle s’était désolidarisée sous l’effet du choc –, avant de se soulever, ne reposant ainsi plus sur le sol. L’automobile de C______ et la borne avaient percuté la porte et l’aile arrière droites de celle conduite par A______, qui venait de la route de l’Uche et circulait sur la route du Pas-de-l’Échelle, en direction du chemin de Castelver. Lors des collisions, la voiture de C______ avait dévié sur la droite, suivant la trajectoire du véhicule de A______, les deux automobiles s’étant ensuite arrêtées plusieurs mètres dans la voie de circulation. Les deux personnes impliquées avaient été blessées lors des chocs. C______ avait expliqué oralement aux agents présents sur place ne pas se souvenir de l’accident.
Un témoin piéton a indiqué aux policiers avoir constaté, au moment où le véhicule mis en cause avait reculé à l’intérieur de la zone bleue, avant d’avancer violemment, que celui-ci avait touché, avec l’arrière, l’avant de la voiture de tourisme qui se trouvait correctement stationnée.
b. A______ a déposé plainte en raison de ces faits le 3 juin 2025, expliquant souffrir, depuis l’accident, d’importantes douleurs au milieu du dos, à la nuque, ainsi qu’à son coude gauche. À cela s’ajoutaient des nausées régulières, des maux de tête, ainsi que des sensations de décharges dans tout le corps, autant de douleurs qui l’empêchaient de travailler.
À l’appui de sa plainte, il a produit :
- un « bon pour une IRM cérébrale + médullaire » du [centre médical] D______ du 2 juin 2025, lequel indique, comme motif « accident de voiture le 7.5. Rachialgies diffuses + céphalée. Hypoesthésie des membres inférieurs. Sensation de décharges électriques dans les quatre membres » ;
- trois certificats médicaux, datés des 7 et 15 mai 2025, ainsi que du 2 juin 2025, prévoyant son arrêt de travail, pour cause d’accident, le taux d’incapacité étant arrêté à 100% pour les périodes allant, respectivement, du 7 au 16 mai 2025, du 15 au 31 mai 2025, ainsi que du 2 au 9 juin 2025.
c. Entendu par la police le 30 juin 2025, C______ a déclaré avoir stationné son véhicule dans une place de stationnement. À l’instant où il avait souhaité la quitter, il ne s’était pas senti bien et avait vu des points noirs. Il avait alors effectué une marche arrière, puis avait avancé et commencé à tourner son volant afin de sortir de la place. Il ne se souvenait plus de la suite des évènements, au vu du malaise dont il avait été victime. Il admettait avoir blessé A______, involontairement toutefois. Il avait lui-même subi une fracture au niveau du nez.
d. Le dossier médical de C______, daté du 7 mai 2025, indique, sous la rubrique « Anamnèse » : « Il s’agit d’un patient de 79 ans connu pour des FRCV avec une HTA, HCL et un tabagisme actif et un s/p AVC ischémique d’origine microangiopathique qui nous est transféré pour un malaise. Le patient fait une syncope avec prodromes lors du démarrage de sa voiture engendrant un AVP ceinturée contre un mur en béton avec réception sur le volant et un impact au niveau du nez. Pas de phase post-critique. Il ne présente pas de diplopie, pas de céphalées. Sur le plan de la syncope, pas de DRS, pas de dyspnée, pas de symptômes cliniques d’une DCA, pas d’antécédents de malaises. Pas d’allergies ». Le document indique, sous la rubrique « Prise en charge », « syncope probablement d’origine vaso-vagale », et mentionne le 14 avril 2025 comme date de survenance de l’AVC précité. Il fait par ailleurs état d’un discret hématome sous-galéal frontal droit, d’une discrète fracture non déplacée de l’aile gauche des os propres du nez, ainsi que d’une plaie cutanéo-sous-cutanée du nez sans corps étranger radio-opaque visible.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que, bien que les faits visés par la plainte de A______ pussent être examinés sous l’angle des lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) ou d’une infraction à l’art. 90 al. 1 LCR, l’élément constitutif subjectif d’une quelconque infraction faisait défaut, dès lors que C______ avait fait un malaise, lequel avait engendré l’accident, et n’était pas conscient lors de celui-ci. Ce dernier l’avait expliqué lors de son audition par la police, précisant ne plus se souvenir de l’accident. Il ressortait part ailleurs du dossier médical du 7 mai 2025 que le précité avait fait une « syncope avec prodromes lors du démarrage de sa voiture engendrant un AVP ceinturée contre un mur en béton avec réception sur le volant et un impact au niveau du nez ».
D. a. Dans son recours, A______ relève que C______ avait lui-même admis, lors de son audition par la police, ne pas s’être senti bien et avoir vu des points noirs avant de débuter la manœuvre visant à quitter sa place de parking. Le passage du dossier médical du 7 mai 2025 sur lequel s’était basé le Ministère public ressortait de l’anamnèse, soit un « interrogatoire préliminaire à tout examen », qui n’était autre qu’un résumé, empreint de terminologie médicale, des déclarations du prévenu lors de son admission aux HUG. Ce dossier ne répondait du reste pas à la question de savoir à quel moment le malaise était intervenu, si le prévenu aurait pu en reconnaître les signes et s’il avait été capable de décider de ne pas s’engager sur la route en toute connaissance de cause. Les constats de la police contenus dans son rapport du 9 mai 2025 n’emportaient par ailleurs pas conviction, s’agissant de la faute de C______, dès lors qu’il avait été produit après réception du dossier médical, mais avant l’audition du mis en cause. En ne renonçant pas à s’engager sur la route malgré son état, ce que tout tiers raisonnable aurait fait, C______, âgé de plus de 79 ans, avait fait preuve d’un manque d’effort blâmable, se rendant dès lors coupable de lésions corporelles par négligence.
b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Il était établi que C______ avait fait un malaise alors qu’il conduisait, cause de l’accident. Le dossier médical produit par ce dernier mentionnait, sous la rubrique « prise en charge », « syncope probablement d’origine vaso-vagale ». Certes, celui-ci avait déclaré, lors de son audition par la police, qu’il ne s’était pas senti bien et avait vu des points noirs. Rien ne permettait toutefois de retenir que ces sensations, respectivement visions, étaient annonciatrices du malaise à venir, qui plus est de l’accident survenu ultérieurement. C______ avait expliqué, lors de son admission à l’hôpital, ne pas avoir d’antécédent de malaises, de sorte que les sensations ressenties ne lui permettaient pas de prévoir les évènements ultérieurs. La collision survenue avec le véhicule de A______ résultait d’une somme de malencontreuses circonstances qui n’étaient en rien prévisibles au moment où il s’était installé au volant de son véhicule. Quand bien même le dossier médical ne l’indiquait pas, le moment de la survenance du malaise pouvait être déterminé sur la base des déclarations de C______. Ces considérations n’avaient pas à être traitées dans le dossier, de même que les questions relatives au fait de déterminer si C______ était capable de « décider de ne pas s’engager sur la route en toute connaissance de cause ». Il ne ressortait de toute façon pas du dossier que A______ avait subi des lésions au sens de l’art. 125 CP, les certificats médicaux produits à l’appui de sa plainte ne faisant que mentionner une incapacité de travailler à 100%, laquelle découlait d’un accident, sans toutefois que l’existence de lésions ne fût exposée. Le « bon pour une IRM cérébrale + médullaire » du D______ du 2 juin 2025 n’exposait pas concrètement quelles lésions auraient été subies le jour de l’accident par A______, lésions qui auraient engendré les douleurs ressenties. Ce dernier n’avait pas non plus produit le résultat de l’IRM afin de mettre en évidence les lésions concrètement subies. Le lien de causalité n’était pas établi et aucune négligence coupable ne pouvait enfin être retenue contre C______.
c. Le recourant réplique et persiste. C’était à tort que le Ministère public considérait pour la « toute première fois » que ses lésions corporelles n’avaient pas été suffisamment démontrées, celles-ci étant établies par la « liasse » d’attestations médicales produites. Il était erroné d’affirmer que C______ ne pouvait pas prédire le malaise qui surviendrait, dès lors qu’il était âgé de 80 ans et avait fait l’objet d’un AVC un mois avant les faits. Ce dernier ne pouvait ignorer le risque de provoquer un accident. N’importe quel tiers raisonnable aurait renoncé, au moins momentanément, à s’engager avec son véhicule sur une voie fréquentée par d’autres usagers de la route. Le lien de causalité était donné entre l’accident et les lésions corporelles qu’il avait subies. Aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu’il se serait lui-même rendu coupable d’une faute concomitante ou d’une quelconque erreur, étant précisé qu’il n’avait fait que conduire normalement avant de se faire percuter par le véhicule de C______.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte, alors que les éléments constitutifs de l’infraction de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) étaient pourtant réunis.
2.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments utiles que le Ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).
La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).
Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).
2.2. L'art. 125 CP réprime le comportement de quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Elle suppose la réalisation de trois conditions : une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.
2.3. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé; il s'agit généralement de contusions, de meurtrissures, d'écorchures ou de griffures (ATF 134 IV 189 consid. 1.2).
La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3). Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ;
103 IV 65 consid. II 2c p. 70 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1.).
Les voies de fait ne peuvent pas être commises par négligence (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire Romand, Code pénal II, 2017, Lausanne, n. 6 ad. art. 52).
2.4. La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).
Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. Il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 143 IV 138 consid. 2.1).
S'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière puis d'examiner si la négligence est en relation de causalité avec les lésions subies par la victime (ATF 122 IV 133 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_976/2023 du 29 novembre 2023 consid. 1.2). Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1). Il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2). La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 134 IV 255 consid. 4.4.2).
2.5. Selon l'art. 26 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR), chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.
La jurisprudence a déduit de cette règle le principe de la confiance, selon lequel l'usager de la route qui se comporte réglementairement est en droit d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4; 143 IV 138 consid. 2.1).
2.6. Aux termes de l'art. 31 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de prudence (al. 1). Toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de médicaments ou pour d’autres raisons, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir (al. 2).
Cette dernière règle est concrétisée par l’art. 2 al. 1 OCR, aux termes duquel est tenu de s’abstenir de conduire quiconque n’en est pas capable parce qu’il est surmené, sous l’effet de l’alcool, d’un médicament, d’un stupéfiant ou pour toute autre raison.
2.7. À teneur de l'art. 36 al. 4 LCR, le conducteur qui veut engager son véhicule dans la circulation, faire demi-tour ou marche arrière ne doit pas entraver les autres usagers de la route ; ces derniers bénéficient de la priorité.
Une de ces règles générales est concrétisée par l'art. 17 OCR, aux termes duquel avant de démarrer, le conducteur s'assurera qu'il ne met en danger aucun enfant ou autre usager de la route.
2.8. Selon l’art. 90 al. 1 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par la loi fédérale sur la circulation routière ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende
2.9. L’art. 91 al. 2 let. b LCR punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile alors qu’il se trouve dans l’incapacité de conduire pour d’autres raisons (qu’un état d’ébriété).
2.10. En l’espèce, il ressort des pièces médicales produites à l’appui de sa plainte que le recourant a subi, des suites de l’accident survenu le 7 mai 2025, divers problèmes médicaux – à savoir des rachialgies diffuses, une céphalée, une hypoesthésie des membres inférieurs, ainsi qu’une sensation de décharges électriques dans les quatre membres –, lesquels lui ont occasionné un arrêt de travail, à tout le moins pour la période allant du 7 mai 2025 au 9 juin 2025.
Bien que le Ministère public ait relevé, dans le cadre de son ordonnance querellée, que les atteintes subies par le recourant devaient être examinées sous l’angle des lésions corporelles par négligence, il conteste désormais, dans ses observations, que de telles lésions soient établies. À tort. En effet, les atteintes alléguées par le recourant sont corroborées par le « bon pour une IRM cérébrale + médullaire » du 2 juin 2025. Par ailleurs, au vu de la durée de l’arrêt qu’elles ont suscité, ces atteintes ne sauraient être vues comme de simples troubles passagers et peuvent dès lors, en l’état, être qualifiées de lésions corporelles.
Le Ministère public considère en outre que l’élément constitutif subjectif de l’infraction de lésions corporelles par négligence, voire d’une quelconque autre infraction, ferait défaut, au motif que C______ avait été victime d’un malaise, lequel avait engendré l’accident. Cet accident, lors duquel C______ n’était pas conscient, serait la « somme de malencontreuses circonstances » et ce dernier ne pouvait pas prévoir que les « sensations » et « visions » qu’il ressentait étaient annonciatrices du malaise à venir, et encore moins de la survenance de l’accident, ce d’autant qu’il n’avait eu aucun antécédent de malaise.
Ce raisonnement ne saurait, en l’état, être suivi. En effet, bien qu’il ressorte de son dossier médical du 7 mai 2025 que C______ a été victime d’un malaise alors qu’il se trouvait le jour même au volant de son véhicule, on ne saurait pour autant d’emblée retenir qu’un tel malaise exclurait tout comportement fautif de sa part. Lors de son audition par la police, le mis en cause a en effet expliqué que, lorsqu’il avait souhaité quitter sa place de stationnement, il ne s’était pas senti bien et avait vu des points noirs. Force est ainsi d’admettre que, de ses propres aveux, C______ ne semblait pas être en état de prendre le volant, ce dont il aurait dû se rendre compte, à tout le moins aussi longtemps que les troubles dont il avait fait état lors de son audition par la police n'avaient pas complétement disparu. Il aurait d’autant plus dû s’en apercevoir qu’il était âgé de près de 80 ans au moment des faits et que, bien qu’il eût annoncé ne pas avoir d’antécédent lors de son admission à l’hôpital, il avait bel et bien été victime d’un AVC quelques semaines plus tôt. Ce nonobstant, il ressort des éléments figurant au dossier qu’avant de s’engager sur la chaussée, il a effectué plusieurs manœuvres, percutant au passage l’avant du véhicule se trouvant correctement stationnée derrière lui.
On ne peut ainsi exclure, à ce stade, qu’en décidant malgré tout de prendre le volant, sans attendre que son état se normalisât, C______ eût pu violer les règles de la prudence qui s’imposaient à lui.
Au vu de ce qui précède, c’est à tort que le Ministère public a considéré que les éléments constitutifs d’une quelconque infraction n’étaient pas réunis, les réquisits de l'art. 310 al. 1 let. a CPP n'étant pas réalisés. Il lui appartiendra dès lors d’ouvrir une instruction et, après avoir procédé cas échéant à tout acte d’enquête complémentaire qu’il jugera utile, statuer à nouveau (art. 299 al. 2 CPP), en examinant, à l’aune des considérations ci-dessus, si les éléments constitutifs de l’infraction de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) et/ou d’une quelconque autre infraction, plus particulièrement à la LCR, sont susceptibles d’être réunis.
3. Fondé, le recours doit être admis ; partant, l’ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public afin qu’il procède dans le sens des considérants.
4. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la présente procédure de recours.
4.1. À teneur de l’art. 136 al. 1 let. a CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec. L'assistance judiciaire comprend (art. 136 al. 2 CPP), outre l'exonération des frais de procédure (let. a), la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).
4.2. En l'espèce, l'impécuniosité de A______ est avérée sur la base du rapport de l’assistance juridique du 6 octobre 2025. De plus, force est de retenir, au vu des motifs exposés plus haut, que ses prétentions civiles n'apparaissent pas vouées à l'échec, de sorte que l’assistance judiciaire gratuite lui sera accordée pour la procédure de recours et Me B______, actuel conseil du plaignant, lui sera désigné en qualité de conseil juridique gratuit.
Le recourant conclut à l'allocation d'un montant de CHF 1'081.-, correspondant à 5h00 d'activité d'avocat associé. Compte tenu du peu de difficulté de la cause, tant l'ampleur de l'écriture de recours (soit huit pages, page de garde et conclusions comprises) et de la réplique (deux pages), d’une part, que l'indemnité réclamée, d’autre part, paraissent excessives. Partant, celle-ci sera réduite et seule une indemnité correspondant à 2h30 d'activité d'avocat associé (au tarif horaire de CHF 200.-) lui sera allouée, soit un total de CHF 540.50 TTC, TVA à 8.1% comprise.
5. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule l’ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public afin qu’il procède dans le sens des considérants.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Octroie l'assistance judiciaire gratuite à A______ pour la procédure de recours et désigne Me B______ à cet effet.
Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 540.50 (TVA 8.1% incluse).
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
| La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à
La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).