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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17327/2024

ACPR/851/2025 du 16.10.2025 sur ONMMP/4083/2025 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;PLAIGNANT;LÉSÉ
Normes : CPP.382; CPP.115

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17327/2024 ACPR/851/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 octobre 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante et de non-entrée en matière rendue le 28 août 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 septembre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 août 2025, notifiée le 1er septembre suivant, par laquelle le Ministère public lui a refusé la qualité de partie plaignante et a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction, dans le cadre de laquelle la qualité de partie plaignante doit lui être reconnue.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'300.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, résidente française, travaillait à Genève, chez B______ SA, société appartenant au groupe C______, lorsqu'elle a commencé à bénéficier, à partir du 1er mai 2020, de prestations de l'assurance-invalidité, en particulier le versement d'indemnités journalières.

b. C______ procédait à l'encaissement de ces indemnités et devait les rétrocéder à A______, en sus du salaire dû.

c. En raison d'une erreur de calcul dans le montant de ces indemnités, C______ a perçu de la Centrale de compensation (ci-après: CdC) de l'Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après: OAIE) un montant excédant les droits de A______, à hauteur d'environ CHF 100'000.-.

d. Le 31 juillet 2024, A______ a porté plainte contre B______ SA et C______, des chefs d'abus de confiance, obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale et infraction à l'art. 87 al. 1 LAVS cum 70 LAI.

Malgré ses avertissements et ses tentatives de rectifier la situation quant à cet excédent, son employeur refusait de restituer – directement à la CdC ou par son intermédiaire à elle – le trop-perçu. Étant bénéficiaire des indemnités journalières, elle s'exposait au risque de voir la CdC agir contre elle en restitution. En outre, ce litige avait nécessité l'assistance – onéreuse – d'un avocat et se répercutait sur sa santé.

e. À la police, l'OAIE, soit pour lui D______, a déclaré, le 18 mars 2025, que des démarches en restitution allaient prochainement être initiées. Celles-ci ne viseraient pas A______. Aucune base légale n'incitait à agir contre cette dernière et cela ne faisait "pas de sens" de lui demander de rembourser l'excédent, dès lors que celui-ci avait été versé à son employeur.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que le titulaire du bien juridique protégé par l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP était l'OAIE, respectivement la CdC, ces dernières ayant confié les valeurs patrimoniales – soit les indemnités journalières – au C______. A______ n'était ainsi ni lésée par cette infraction, ni par celles visées aux art. 148a CP et 87 al. 1 LAVI cum 70 LAI.

D. a. Dans son recours, A______ estime avoir un intérêt à recourir contre le refus de son statut de partie plaignante. En outre, elle était titulaire du bien juridique protégé par l'art. 138 CP, étant la seule bénéficiaire des indemnités journalières. Elle n'avait pas besoin de subir un dommage pour être lésée au sens de l'art. 115 CPP et, de toute manière, tant que les sommes reçues en trop n'étaient pas restituées par son employeur, elle était "appauvrie à due concurrence". De plus, cette affaire lui avait engendré des frais d'avocat et une aggravation de son état de santé.

L'ordonnance attaquée consacrait encore une violation de son droit d'être entendue, n'étant pas suffisamment motivée sur la question de la non-entrée en matière. Sur le fond, les infractions dénoncées étaient réalisées.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

1.3.1. La qualité pour recourir de la partie plaignante, du lésé ou du dénonciateur contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière est subordonnée à la condition qu'ils soient directement touchés par l'infraction et puissent faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte  (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; 145 IV 491 consid. 2.3;
143 IV 77 consid. 2.2).

1.3.2. Pour être directement touché, le lésé (art. 115 CPP) doit subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_147/2024 du 7 juin 2024 consid. 1.2.2).  Un dommage n'est pas nécessaire pour être lésé au sens de l'art. 115 CPP. L'atteinte directe selon cette disposition se rapporte à la violation du droit pénal et non à un dommage (ATF 139 IV 78 consid. 3.3.3).

1.3.3. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_15/2025 du 12 juin 2025 consid. 2.2).

1.4. En l'espèce, la plainte de la recourante concerne certes des indemnités journalières de l'assurance-invalidité dont elle est l'unique et ultime bénéficiaire.

Il est toutefois question d'une surindemnisation, découlant d'une erreur de calcul de la CdC et versée au demeurant non pas à la recourante, mais à son employeur, qui ne lui a jamais rétrocédé les sommes en question.

Il est patent que la recourante n'a aucune prétention à faire valoir sur cet excédent et elle ne l'allègue d'ailleurs pas.

Par voie de conséquence, elle n'encourt aucun préjudice concret par le choix des mis en cause de conserver le trop-perçu. Seule la CdC, qui, elle, dispose d'un droit à récupérer les sommes en question, serait directement concernée par une telle décision. L'OAIE a de plus, par son représentant, affirmé à la police que les démarches entreprises visant à la restitution de l'excédent ne le seraient pas à l'encontre de la recourante.

Dit autrement, la recourante n'est pas directement atteinte par les infractions dénoncées.

Pour le surplus, les postes de dommages – accessoires – que soulève la recourante, comme ses frais d'avocat ou l'aggravation de sa santé, ne sont que des conséquences indirectes de l'affaire et ne sauraient, en aucun cas, lui octroyer la qualité de lésée dans le cas présent.

Compte tenu de ce qui précède, le recours contre la non-entrée en matière est irrecevable.

1.5. Il s'ensuit que la question de la qualité de partie plaignante de la recourante devient sans objet.

En outre, il n’y a pas lieu d'examiner le grief de violation du droit d'être entendu, soulevé en rapport avec la motivation de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_46/2023 du 7 mars 2023 consid. 2.3 in fine).

2.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), montant qui sera prélevé sur les sûretés.

3.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'300.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17327/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'215.00

Total

CHF

1'300.00