Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/729/2025 du 15.09.2025 sur ONMMP/1528/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6988/2025 ACPR/729/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 15 septembre 2025 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 mars 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 2 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 mars 2025, notifiée le 25 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.
Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, recourt contre ladite ordonnance.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et B______ se sont mariés en Angleterre, en 2008, et sont arrivés en Suisse, quelques années plus tard [2011 pour A______ et 2013 pour B______]. Depuis octobre 2022, une procédure de divorce est pendante en Turquie, pays d'origine des deux époux.
b. Le 1er mars 2025, B______ a déposé plainte contre A______ l'accusant de l'avoir menacée de mort et lui avoir donné une gifle, le 27 février 2025.
Elle lui reprochait également, en 2023 et le 24 février 2025, d'autres épisodes de violences, insultes et menaces, ainsi que, le 1er mars 2025, après l'avoir expulsée du domicile conjugal et mis ses affaires à la porte, de lui avoir dérobé un bracelet et un sac à main, d'une valeur totale de CHF 8'000.-.
c. Entendu en qualité de prévenu, A______ a, en substance, contesté les faits reprochés et, à son tour, déposé plainte contre son épouse pour injures et propos calomnieux.
À quatre ou cinq reprises, depuis juillet 2022, il avait découvert, sur le portable de son épouse des messages qu'elle avait envoyés, sur un groupe WhatsApp, dans lesquels elle l'accusait de l'avoir frappée.
d. Entendue à son tour en qualité de prévenue concernant les faits dénoncés par son mari, B______ a déclaré avoir expliqué la vérité à ses amis sur ce que son mari lui faisait vivre, à savoir qu'il l'avait frappée, insultée et menacée.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que les faits dénoncés par A______, s'ils devaient avoir été commis, pourraient être analysés sous l'angle des infractions de calomnie (art. 174 CP), subsidiairement de diffamation (art. 173 CP).
Ces infractions étant poursuivies sur plainte et les faits ayant eu lieu au mois de juillet 2022, la plainte déposée le 1er mars 2025 était hors délai. Il existait donc un empêchement de procéder les concernant (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ explique avoir pris connaissance, "pour la première fois à l'été 2022", des fausses accusations émises par son épouse à son encontre, selon lesquelles il lui aurait fait subir des violences. Malgré une ordonnance de restriction à l'encontre de B______, délivrée par les autorités turques, cette dernière, qui ne résidait pas en Suisse, continuait à s'introduire de force dans son domicile (à lui) à Genève. Le 1er mars 2025, elle avait, une nouvelle fois, formulé des allégations mensongères à son sujet, à la police, en prétendant qu'il l'avait agressée physiquement. "N'ayant jamais exercé de violences à son encontre et face à cette répétition de fausses accusations, [il] souhait[ait] engager une action en justice afin de [se] prémunir contre toute nouvelle diffamation et tout harcèlement futur".
À l'appui, il produit notamment des captures d'écran de messages envoyés, entre le 7 et le 17 août 2022, par B______ à une prénommée "Wafa", à teneur desquels celle-là fait état du comportement de son mari vis-à-vis d'elle pour des faits similaires à ceux qu'elle avait dénoncés à la police (cf. let. B. b. supra).
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Les pièces nouvelles produites à l’appui de cet acte sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. 3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police qu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).
3.2. La plainte concerne généralement une infraction qui a déjà été commise, le dépôt de plainte par précaution pour un délit futur n'étant pas admissible (ATF 126 IV 131 consid. 2a, JdT 2001 IV 55). Cependant, les effets d'une plainte déposée en relation avec un délit continu (Dauerdelikt) s'étendent en principe également aux faits dénoncés qui perdurent après que la plainte a été déposée (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 7 ad art. 30).
3.3. Aux termes de l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction.
3.4. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.
Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2).
Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209).
3.5. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).
3.6. Ces infractions sont poursuivies sur plainte (art. 173 al. 1 et 174 al. 1 CP).
3.7. En l'espèce, il y a lieu d'examiner si les faits dénoncés, qui pourraient être constitutifs d'infractions contre l'honneur, ont été dénoncés dans le délai de plainte de trois mois, étant précisé que les délits contre l'honneur sont des délits instantanés, qui sont consommés dès leur commission et ne se caractérisent donc pas par la poursuite dans le temps d'une situation illicite qui continuerait à représenter les éléments constitutifs de l'infraction (ATF 142 IV 18 consid. 2.3-2.7 et 119 IV 199 consid. 2).
Le recourant rapporte avoir, à quatre ou cinq reprises, pris connaissance de messages envoyés par la mise en cause, auprès de tiers via des messages WhatsApp, dans lesquels elle l'avait faussement accusé d'avoir été violent envers elle et de l'avoir menacée. Il avait pris connaissance de ces allégations, pour la première fois, en juillet 2022. Partant, la plainte déposée le 1er mars 2025, en raison de ces faits, est tardive.
Il en va de même des autres occasions où le recourant aurait découvert des écrits similaires, en particulier les conversations échangées en août 2022 – qu'il produit pour la première fois au stade du recours –, dès lors qu'il ne fournit aucune précision quant à la date à laquelle il en aurait eu connaissance. Le recourant n'allègue au demeurant pas une découverte récente, soit dans le délai de trois mois avant le 1er mars 2025.
Pour ce qui est des propos dénoncés par la mise en cause à la police le 1er mars 2025 – que le recourant conteste la première fois dans son recours – ils sont exorbitants à la présente procédure, ceux-ci n'ayant pas fait l'objet de la décision querellée.
Enfin, conformément à la jurisprudence précitée (ATF 126 IV 131 consid. 2a, cf. consid. 3.2. supra), en l'absence d'unité des faits reprochés, en partant de délit continu, la plainte déposée n'est pas admissible pour un délit futur.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/6988/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |