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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/47/2025

ACPR/692/2025 du 01.09.2025 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/47/2025 ACPR/692/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 1er septembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

requérant,

et

C______, Procureur, Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565,
1211 Genève 3,

D______, représenté par Me Claude-Alain BOILLAT, avocat, rue des Vignerons 1A, case postale 359, 1100 Morges 1,

E______, représenté par Me Guglielmo PALUMBO, avocat, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

cités.


EN FAIT :

A. Par courrier reçu le 30 mai 2025 par le Ministère public, qui l'a transmis le 2 juin 2025 à la Chambre de céans, A______ a demandé la récusation du Procureur C______, dans le cadre de la procédure P/3______/2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ instruit depuis le 11 novembre 2024 la procédure susvisée dirigée contre E______ et D______.

Ces derniers sont prévenus de brigandage aggravé (art. 140 ch. 4) et de lésions corporelles graves (art. 122 let. a CP), respectivement de complicité de brigandage (art. 25 cum 140 ch. 1 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), commis en date du 10 novembre 2024 à Genève au préjudice de A______, lequel a déposé plainte pénale pour ces faits.

En substance, il est reproché à E______ d'avoir, dans les environs du restaurant F______ [au quartier] de Rive, arraché le porte-carte du plaignant des mains de ce dernier dans le but de s'approprier cet objet et son contenu, avant de prendre la fuite en direction du Collège de G______, puis, au niveau du croisement entre le passage 1______ et la rue 2______, asséné plusieurs coups de poing et un, voire deux, coups de couteau dans la cuisse de A______ dans le but de garder le porte-carte et son contenu, tandis qu'il est reproché à D______ de lui avoir prêté assistance en assénant plusieurs coups de poing au plaignant, étant précisé que le pronostic vital de ce dernier a été engagé du fait des lésions subies et qu'il a dû être hospitalisé d'urgence.

b. Les intéressés ont été placés sous mandat d'arrêt international. D______ a été interpellé le 25 novembre 2024.

c. Une audience de confrontation a eu lieu entre ce dernier et A______, le 5 décembre 2025.

d. À l'audience du 17 décembre 2024, le Procureur a à nouveau entendu D______ et A______, ainsi que des témoins.

En page 30 du procès-verbal figure la note suivante du Procureur :

"Me H______ [collaboratrice de Me B______] dit avoir entendu la témoin dire «je ne dirais pas que ce coup était prémédité mais qu'il était prêt car il avait le couteau dans la poche» pour la première phrase de la réponse".

À la fin du procès-verbal, il est protocolé que A______ remercie la témoin et son amie.

e. Les parties ont à nouveau été auditionnées à l'audience du 19 mars 2025, ainsi qu'une témoin. À l'issue de l'audition de celle-ci, A______ l'a remerciée pour son "geste héroïque".

Interrogé ensuite par le Procureur sur son état de santé physique et psychique actuel, A______, après avoir expliqué que c'était encore compliqué pour lui, a ajouté ceci : "Je tiens à souligner que j'ai l'impression que vous protocolez de manière inéquitable les déclarations, notamment les miennes. À plusieurs épisodes on a dû reprendre. C'est pour cela que je m'interroge" (procès-verbal, page 6).

f. E______, ressortissant américain domicilié dans l'État de I______, a été interpellé à J______/Espagne, le 5 février 2025, puis extradé vers Genève et mis en détention provisoire.

g. Les protagonistes ont été entendus à l'audience du 28 mai 2025, laquelle a duré de 9h19 à 19h00, avec une interruption entre 12h20 et 13h42.

Durant celle-ci, le Procureur a protocolé au procès-verbal, à deux reprises (pages 9 et 10), après que A______ eut répondu aux questions du conseil de E______, que le plaignant était "ému".

h. Le 30 mai 2025, le Procureur a versé à la procédure P/3______/2024 des extraits du rapport de renseignements de la police du 27 janvier 2025 provenant de la procédure P/4______/2025 [relatant le comportement suspect de A______ et de sa mère à l'endroit d'un client régulier de l'hôtel K______, L______, à l'occasion des brunchs des 8 et 15 décembre 2024, les précités ayant demandé avec insistance à être assis à côté de la table dudit client].

C. a. Dans sa requête, A______ reproche à C______ d'avoir tenu, à l'issue de l'audience du 28 mai 2025, des propos inacceptables laissant apparaître sa partialité. Alors qu'il s'apprêtait à signer le procès-verbal et que Me H______ suggérait que la date de la prochaine audience d'instruction soit immédiatement fixée d'entente entre les parties, le conseil de E______ a indiqué souhaiter que cette audience soit fixée rapidement, son client étant détenu. Il [A______] avait alors spontanément déclaré : "Encore heureux qu'il est en prison. On ne va pas pleurer quand même". C______ était intervenu pour indiquer que de tels propos n'avaient pas à être tenus, laissant apparaître son absence totale d'empathie à son égard. Il [A______] avait ajouté : "Je dis ça car tout cela me fait beaucoup de mal et que bientôt on va dire « le pauvre » en parlant du prévenu". Le Procureur avait alors tenu les propos inadmissibles suivants : "Ne jouez pas ce jeu avec moi, vous avez passé l'audience avec la jambe surélevée, mais je vous ai vu marcher sans problème aujourd'hui". (…). "Ne me dites pas que vous avez mal. C'est comme lors de la première audience alors que je sais très bien que le lendemain vous étiez à l'hôtel M______, vous n'alliez pas si mal que ça". Le Procureur l'avait ainsi accusé de mentir sur les conséquences du (voire des) coup(s) de couteau qu'il avait reçu(s) en novembre 2024. Ce faisant, il le considérait comme un menteur depuis le début de l'instruction alors même qu'il n'avait, durant celle-ci, soumis au contradictoire le moindre élément qui aurait permis de douter de sa sincérité. En faisant référence à sa présence à l'hôtel M______ le lendemain de la première audience – fait qu'il avait appris en dehors de la présente procédure –, le Procureur avait montré des éléments qu'il jugeait pertinents pour l'affaire mais dont il n'avait jusqu'ici jamais fait état. Il comprenait que le magistrat avait ainsi eu accès à une procédure pénale parallèle dans le cadre de laquelle il avait été "injustement" mis en cause, ainsi que sa mère, et à laquelle il avait réagi en déposant une contre-plainte. Il avait déjà indiqué à plusieurs reprises qu'il considérait que les audiences n'étaient pas menées de manière impartiale, ses craintes ayant même été consignées au procès-verbal de l'avant-dernière audience d'instruction. Lors des audiences d'instruction, il avait eu la forte impression que son interrogatoire s'apparentait davantage à celui d'un prévenu et par la suite, son conseil avait dû fortement insister, à plusieurs reprises, pour que certaines déclarations, notamment de témoins, qu'il était certain d'avoir entendues, soient protocolées comme telles au procès-verbal, se référant au procès-verbal d'audience du 17 décembre 2024, page 30. Le Procureur s'était opposé à ce qu'il exprime sa reconnaissance aux témoins qui l'avaient pris en charge alors qu'il était blessé, avant d'accepter finalement, après que son conseil fût intervenu énergiquement pour rappeler qu'il était une victime dans cette affaire, se référant ici à l'audience du 19 mars 2025. Si de forts soupçons d'un possible parti pris planaient depuis un certain temps, tout était devenu clair avec le lapsus révélateur survenu à l'audience du 28 mai 2025. Alors que le Procureur était en train de l'interroger, le magistrat a indiqué dans une note au procès-verbal (page 5): "le prévenu ne répond pas à la question" (au lieu du "plaignant"). Ces éléments démontraient que le Procureur C______ nourrissait une forte inimitié à son égard.

b. Dans ses observations, C______ conclut au rejet de la requête.

Il admet avoir tenu les propos que lui prêtait A______ à l'issue de l'audience du 28 mai 2025 qui, de mémoire, étaient ceux-ci : "Ne jouez pas à ce jeu avec moi, vous avez passé l'audience à vous lever de votre chaise ou avec votre jambe étendue sur une chaise, mais je vous ai vu marcher sans problème à midi. Vous n'alliez pas si mal non plus après notre première audience, puisque vous êtes ensuite allé à l'hôtel K______". Suite à cette remarque, le requérant s'était tu, avait terminé de signer le procès-verbal et avait quitté la salle d'audience avec son conseil. Durant l'audience, l'intéressé s'était levé de sa chaise à de très nombreuses reprises pour s'étirer/détendre les jambes, en réponse à quoi il l'avait invité à lui faire savoir s'il estimait ne pas pouvoir poursuivre l'audience ou s'il souhaitait une suspension. À l'occasion de la suspension de midi, il avait vu le requérant cheminant devant lui à pied avec une démarche normale sur plus d'une centaine de mètres. Il avait en outre reçu un rapport de renseignements concernant le requérant qui faisait l'objet d'une procédure séparée. Il en ressortait que celui-ci s'était rendu à plusieurs reprises à l'hôtel K______ en décembre 2024 pour prendre un brunch dominical et avait demandé à être assis à côté d'un client régulier très fortuné, ce qui avait paru étrange à la direction de l'établissement. Il ressortait de ce même rapport que l'intéressé s'était rendu le 8 décembre 2024, soit trois jours après sa première audition, à l'hôtel en question. Vu les similarités entre les circonstances dans lesquels le requérant avait fait la connaissance de E______ et celles ressortant du rapport de renseignements, il avait versé ces éléments à la procédure.

Il contestait toute prévention à l'égard du requérant. Ses propos visaient à le rappeler à l'ordre alors qu'il refusait d'obtempérer. Ils reposaient sur des éléments de la procédure P/4______/2025 versés au dossier, respectivement de faits qu'il avait pu observer lui-même lors de la suspension de l'audience.

Si les propos du requérant avaient été protocolés de manière inéquitable ou incorrecte, ce dernier, assisté d'un avocat, aurait réagi. Il avait accepté que le requérant présente ses remerciements aux témoins, une fois clarifié l'objet de ses déclarations, et ce, afin d'empêcher que les propos en question ne puissent influencer les témoins. Quant au lapsus mis en évidence par le requérant, il procédait d'une erreur de transcription de sa greffière, qui avait été spontanément corrigée par lui-même lors de la relecture du procès-verbal.

c. D______ conclut au rejet de la requête. Le requérant se fondait exclusivement sur des éléments subjectifs. Le Procureur faisait preuve d'une grande souplesse quant au temps de parole accordé au requérant, de sorte que l'instruction se déroulait dans un sens globalement favorable à ce dernier. Il ajoute que le comportement de l'intéressé au fil des auditions interpellait, en ce sens qu'il lui arrivait de rire discrètement lorsqu'il répondait aux questions, exprimait son désaccord par des soupirs ou des battements de pied, l'avait par ailleurs qualifié de "guignol" à l'audience du 19 mars 2025 et enfin, à l'issue de la dernière audition, avait élevé la voix à l'encontre du Procureur.

d. E______ conclut au rejet de la requête. C'étaient les propos du requérant à l'issue de l'audience du 28 mai 2025, articulés de manière dédaigneuse, qui avaient été inadéquats. Le Procureur n'avait pas fait preuve d'empathie mais indiqué à juste titre que de tels propos n'avaient pas à être tenus, ce que le requérant n'avait pas accepté, continuant à s'emporter. Le comportement du requérant lors de cette audience n'avait objectivement pas été adéquat, celui-ci ayant dû être repris par le Procureur car il avait contourné le paravent, pourtant censé protéger ses droits, pour lui lancer des regards ainsi qu'à son avocat, ce qui n'avait pas été protocolé, preuve que le Procureur ne cherchait pas à l'"enfoncer". Du reste, le Procureur avait protocolé plusieurs fois que le plaignant était ému. Il confirmait que le Procureur avait maintenu une attitude adéquate tout au long de l'audience ainsi que lors de la discussion qui s'était ensuivie. C'était au contraire le requérant qui avait fait preuve d'animosité à l'égard du magistrat. Lui-même soutenait avoir été agressé par le requérant. Quant au lapsus décrié, il était incompatible avec la bonne foi, le Procureur n'ayant pas désigné oralement le requérant comme prévenu. Il ne s'agissait vraisemblablement que d'une simple faute de frappe de la greffière. Enfin, les développements relatifs à la présence du requérant à l'hôtel M______ le lendemain des faits ou à la manière de tenir sa jambe pendant l'audience relevaient de l'appréciation de sa crédibilité. Ces éléments ne sauraient être remis en cause par le biais d'une demande de récusation.

e. A______ réplique et persiste dans sa demande. La remarque du Procureur sur son état de santé était totalement "gratuite", voire provocatrice. S'il nourrissait le soupçon qu'il simulait ses douleurs, il lui appartenait de l'interroger à ce sujet. Il n'avait jamais prétendu qu'il ne pouvait plus marcher mais que la position assise sur une longue durée lui provoquait des douleurs. Il avait exprimé son indignation face aux critiques injustifiées du Procureur mais, sur conseil de son avocate, avait choisi de mettre un terme à la discussion pour éviter toute escalade. S'agissant du rapport de renseignements relatif à la procédure dans laquelle il était prévenu, le Procureur avait admis l'avoir versé au dossier après l'audience du 28 mai 2025, soit après ses propos litigieux et également après avoir reçu la demande de récusation, justifiant ainsi a posteriori les propos inappropriés qu'il avait tenus. Si le Procureur estimait que ce rapport était pertinent, il lui eût appartenu d'en informer les parties et de leur laisser la possibilité de se déterminer sur son apport à la procédure. Or, aucune question ne lui avait été posée en lien avec ce rapport à l'audience du 28 mai 2025, ce qui démontrait son absence de pertinence pour l'affaire en cours. Le Procureur avait ainsi uniquement utilisé sa connaissance du fait qu'il avait pris un brunch à l'hôtel K______ pour remettre en doute l'existence de ses douleurs. À aucun moment il n'avait fait mention des similarités dont il se prévalait dans ses observations. Cette information avait donc été utilisée de manière inappropriée, voire blessante. Le Procureur relatait en outre sans précaution le contenu dudit rapport, alors que des contre-plaintes avaient été déposées, ce qui heurtait le principe de la présomption d'innocence. On ignorait si dites contre-plaintes avaient été portées à sa connaissance et si non, pour quels motifs le rapport de renseignements l'avait, lui, été. Si lesdites contre-plaintes lui avaient été bien communiquées, cela signifierait qu'il avait délibérément choisi de ne pas les verser au dossier, ce qui témoignerait une nouvelle fois de sa partialité. Le dernier épisode marquait un tournant et le fameux point de rupture. Le soutien appuyé des avocats des prévenus n'était pas anodin mais démontrait que le comportement du Procureur leur avait toujours été particulièrement favorable. Enfin, le même lapsus réapparaissait dans les observations du Procureur lorsqu'il écrivait que le "prévenu" s'était rendu le 8 décembre 2024 à l'hôtel K______.

f. Dans une écriture complémentaire du 2 juillet 2025, communiquée aux autres parties, A______ signale que sa contre-plainte (pour dénonciation calomnieuse; il reprochait à un dénommé L______ de l'avoir accusé d'avoir une "attitude étrange" et d'avoir voulu être placé à côté de lui lors du brunch à l'hôtel K______ du 8 décembre 2024) a fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière le 3 avril 2025, sous la plume d'un autre Procureur. Ce dernier avait considéré que les éléments dénoncés ne remplissaient pas les éléments constitutifs d'une infraction, de sorte que leur dénonciation ne pouvait pas être constitutive de dénonciation calomnieuse. Il résultait ainsi de cette décision, selon lui, que seul C______ semblait voir matière à reproche à son comportement, ce qui en disait long sur sa lecture manifestement orientée du dossier.

g. D______, E______ et le cité n'ont pas formulé d'autres observations.

EN DROIT :

1. Partie à la procédure P/3______/2024 en tant que plaignant (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans, siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités).

2.2. En l'occurrence, en tant que la prévention du Procureur se serait en dernier lieu matérialisée par les propos qu'il aurait tenus à l'issue de l'audience du 28 mai 2025, la demande de récusation n'apparaît pas tardive.

3. 3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

3.2. Durant la phase de l'enquête préliminaire, ainsi que de l'instruction et jusqu'à la mise en accusation, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure (art. 61 let. a CPP). À ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuve et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1).

La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1), étant rappelé qu'il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre.

3.3. Dans un arrêt du 30 janvier 2025 (7B_864/2024 consid. 3.2.3), le Tribunal fédéral a rappelé que de manière générale, les déclarations d'un magistrat – notamment celles figurant au procès-verbal des auditions – devaient être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêts 1B_128/2021 du 10 mai 2021 consid. 3.1; 1B_186/2019 du 24 juin 2019 consid. 5.1 et l'arrêt cité). Il incombait en particulier à la direction de la procédure de veiller à la sécurité, à la sérénité et au bon ordre des débats (art. 63 al. 1 CPP). Il n'était ainsi, par principe, pas inadmissible que le magistrat en charge de cette fonction puisse adopter un ton plus ferme, notamment afin de rappeler les règles de bienséance à une partie dont le comportement procédural serait inadéquat ou pour mettre la personne entendue face aux incohérences de ses déclarations. Le magistrat sortait cependant de ce cadre lorsque les propos émis ne se limitaient plus à un tel rappel, mais faisaient référence à des éléments extérieurs à la procédure susceptibles d'influencer la conduite de celle-ci (arrêts 1B_222/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1; 1B_96/2017 du 13 juin 2017 consid. 2.4). Des propos maladroits ne suffisaient en principe pas pour retenir qu'un magistrat serait prévenu, sauf s'ils paraissaient viser une personne particulière et que leur tenue semblait constitutive d'une grave violation notamment des devoirs lui incombant (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3; 127 I 196 consid. 2d; arrêts 1B_323/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.1.2; 1B_222/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1).

3.4. En l'espèce, le requérant reproche à C______ une attitude partiale à son égard, laquelle aurait atteint son point culminant avec les propos tenus à l'issue de l'audience du 28 mai 2025.

Les propos en question rapportés par l'intéressé et le magistrat ont une teneur quasi-similaire. Il en ressort en substance que le Procureur a reproché au requérant – partie plaignante – d'exagérer ses douleurs à la jambe. Il l'avait ainsi vu marcher sans problème sur une centaine de mètres durant la suspension d'audience, alors que l'intéressé avait passé l'audience avec la jambe surélevée; le requérant s'était également rendu à l'hôtel K______ pour prendre un brunch le 8 décembre 2024, soit seulement quelques jours après sa première audition par le magistrat.

Force est tout d'abord de constater que ces propos, non contestés par C______, sont survenus à l'occasion d'une remise à l'ordre du requérant après que lui-même avait adressé des remarques inappropriées à l'attention d'un des prévenus. L'intervention du magistrat était ainsi objectivement justifiée par les circonstances.

Ensuite, le magistrat a pu constater par lui-même que le requérant s'était levé de sa chaise à de nombreuses reprises pour étirer/détendre sa jambe, durant l'audience du 28 mai 2025, et avait marché normalement dans le couloir durant la suspension de midi. Qu'il rappelle cette attitude à l'intéressé à l'occasion de sa remise à l'ordre ne dénote pas un parti pris mais s'inscrit plutôt dans une volonté de le mettre face à ses éventuelles incohérences, ce qui reste admissible, le magistrat devant établir les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP).

Le requérant reproche encore au Procureur d'avoir, en tenant ses propos, fait référence à des éléments ressortant d'une procédure connexe, référencée P/4______/2025, de laquelle il ressortait qu'il s'était rendu les 8 et 15 décembre 2024 aux brunchs de l'hôtel K______, où il avait expressément demandé à être assis à côté de la table d'un client fortuné, ce qui avait alerté la direction de l'hôtel [le client en question a déposé plainte pénale pour brigandage contre inconnu, mais une ordonnance de non-entrée en matière a été rendue le 18 juin 2025, aucun élément ne laissant soupçonner la commission effective d'une infraction].

Comme relevé ci-dessus, il appartient au Procureur d'instruire à charge et à décharge. Le magistrat a versé au dossier le rapport de renseignements de la P/4______/2025 faisant état des éléments susvisés, ce qui démontre que cette procédure revêt une utilité pour la P/3______/2024, le magistrat ayant vu des similarités entre les circonstances dans lesquelles le requérant avait fait la connaissance de E______ et celles ressortant du rapport de renseignements. Qu'il ne l'ait fait qu'après l'audience du 28 mai 2025 ne saurait trahir une mauvaise foi de sa part ou une quelconque partialité.

Quant au fait que la contre-plainte du requérant pour dénonciation calomnieuse ait fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière sous la plume d'un autre Procureur, on ne voit pas quelle incidence cette décision aurait sur la présente procédure de récusation, le requérant se limitant à exprimer un sentiment purement individuel et subjectif.

Le requérant considère que les propos décriés tenus à l'issue de l'audience du 28 mai 2025 constituent le point culminant d'une instruction en sa défaveur menée par le Procureur.

Cet avis ne trouve cependant aucune assise au dossier.

L'impression du requérant, exprimée une seule fois, à l'audience du 19 mars 2025, selon laquelle il s'interrogeait sur la partialité du Procureur, qui protocolerait ses déclarations "de manière inéquitable", apparaît purement subjective. Quant au fait qu'à une seule reprise, son conseil ait fait mentionner au procès-verbal de l'audience du 17 décembre 2025 ce qu'elle avait entendu le témoin dire, il ne constitue pas un signe suffisant que le magistrat protocolerait les déclarations des témoins dans un sens défavorable au requérant. Là également, il s'agit une impression purement subjective, étant rappelé que c'est le rôle de l'avocat d'intervenir si les déclarations d'une partie ou d'un témoin ne sont pas retranscrites avec fidélité au procès-verbal et celui du Ministère public de mentionner le cas échéant la remarque du conseil dans une note au procès-verbal, ce qui a été dûment fait ici, tout comme cela a été fait à l'initiative du conseil de E______, à l'audience du 28 mai 2025, en réaction à une déclaration de D______ (page 22 du procès-verbal). Aucune partialité ne peut donc être reprochée au magistrat de ce fait.

S'agissant de l'opposition du Procureur à ce que le requérant exprime sa reconnaissance aux témoins qui l'avaient pris en charge, lequel avait ensuite accepté après l'intervention "énergique" de son conseil, à l'audience du 19 mars 2025, force est de constater que le procès-verbal de cette audience ne fait état d'aucun antagonisme à cet égard. Tout comme le procès-verbal de l'audience du 17 décembre 2024 du reste. Là encore, le requérant ne fait qu'exprimer une impression purement personnelle, non corroborée par les éléments du dossier.

Au contraire, il apparaît que le magistrat a, lors de l'audience du 28 mai 2025, protocolé à deux reprises que le plaignant était ému, après que celui-ci fut interrogé par le conseil de l'un des prévenus, ce qui démontre une certaine empathie et contredit toute animosité ou partialité à son égard.

Enfin, s'agissant du lapsus découlant de la note du Procureur figurant en page 5 du procès-verbal de l'audience du 28 mai 2025 ("le prévenu [au lieu du plaignant] ne répond pas à la question"), le requérant ne saurait lui reprocher une erreur de plume de sa greffière, ce d'autant que le magistrat l'a rectifiée à la lecture du procès-verbal, ce qui démontre, si besoin est, que ce lapsus n'était pas de son fait. Pour le surplus, le déroulement de cette audition ne trahit aucune partialité du magistrat.

Ce même lapsus dans les observations du Procureur sur le recours ne prête pas davantage à conséquence, en tant qu'il ne peut s'agir là également que d'une erreur de plume.

4. La requête, infondée, sera donc rejetée.

5. Le requérant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 900.-.

6. Les cités D______ et E______ n'ont pas conclu à une indemnité, de sorte qu'il ne leur en sera point allouée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête de récusation formée par A______ contre le Procureur C______ dans le cadre de la procédure P/3______/2024.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant et aux cités, soit pour eux leurs conseils, et à C______.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/47/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

795.00

Total

CHF

900.00