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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2131/2025

ACPR/642/2025 du 14.08.2025 sur OMP/12579/2025 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255; CPP.257

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2131/2025 ACPR/642/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 14 août 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 23 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 5 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 mai 2025, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 2'268.-.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Une instruction est ouverte contre A______, né le ______ 1998, pour contrainte sexuelle (art. 189 CP), viol (art. 190 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup). Il lui est reproché d'avoir, à Genève, le 1er août 2024, contraint sexuellement C______, née en 2002, lors de deux rapports sexuels, le second ayant été si brutal qu'elle avait saigné du vagin et de ses trous de boucles d'oreilles pendant une semaine.

b. Entendue par la police en qualité de partie plaignante le 1er novembre 2024, C______ a expliqué qu'elle avait rencontré pour la première fois A______, en juillet 2022, à un festival en Belgique. Il ne s'était rien passé entre eux. Le 13 juillet 2024, ils s'étaient retrouvés dans une discothèque à Genève et avaient eu une relation sexuelle consentie dans les toilettes. Celle-ci s'était déroulée de manière "violente". A______ avait été brutal et lui avait tiré les cheveux. Ils étaient rentrés ensemble chez les parents de A______ et avaient entretenu un deuxième rapport sexuel tout aussi brutal. Celui-ci avait quelques penchants sexuels qu'elle avait acceptés de satisfaire. En juillet 2024, à ce même festival en Belgique, elle lui avait demandé de prendre une douche ensemble mais il avait refusé parce qu'il n'était pas en forme et avait pris de l'ecstasy.

Le 31 juillet 2024, il avait décliné son invitation à se joindre à elle à une fête organisée par son amie D______, à son domicile. Elle l'avait rejoint vers 3h00 à la discothèque "E______". A______ était très ivre, mais il ne paraissait pas drogué. Il avait été très insistant envers F______, son amie (à elle), et avait plusieurs fois demandé à C______ de faire un "plan à trois", ce qu'elle avait refusé. Tous deux avaient eu une relation sexuelle consentie dans les toilettes de la boîte de nuit, tout aussi brutale que les premières fois, voire plus, car ils ne s'étaient pas protégés. Ils avaient prévu de dormir ensemble et s'étaient rendus à l'"After" chez D______. A______ y avait encore bu de l'alcool. Il avait eu des gestes déplacés envers F______. Il avait eu envie de consommer de la drogue mais n'avait pas eu l'occasion de le faire. Vers 8h00, tout le monde était parti.

Ils étaient tous deux montés dans une chambre et avaient entretenu un rapport sexuel consenti, non protégé, tout aussi brutal que les autres fois, si ce n'était plus, puisqu'il lui avait donné des gifles au visage, l'avait insultée durant l'acte et avait éjaculé sur son visage. Ils s'étaient endormis tous les deux nus, sa main (à elle) posée sur le torse de A______. Celui-ci l'avait soudainement réveillée alors qu'il était en train de se masturber fortement. Alors qu'elle essayait de s'éloigner de lui, il lui avait pris sa main et l'avait posée sur son sexe afin qu'elle le masturbe et il l'avait touchée avec ses mains de façon très brutale. Elle avait manifesté son refus, en l'exprimant verbalement et en utilisant toute sa force pour retirer les mains de A______. Elle avait d'ailleurs dit qu'elle était fatiguée et qu'ils pourraient avoir une relation sexuelle plus tard. Elle n'avait pas réussi à retirer les mains de A______ de son corps. Elle s'était donc mise dos à lui, en s'éloignant, avec l'espoir que cela le dissuaderait. A______ s'était alors mis "en cuillère" et avait essayé quatre à cinq fois, de la pénétrer analement avant d'y parvenir vaginalement. Elle avait ressenti une très grande douleur pendant deux va-et-vient. Elle l'avait repoussé avec son corps et ses mains et avait dit "A______, je t'ai dit que [je] n'avais pas envie". Il avait répondu "A putain, je n'avais pas compris, désolé", s'était retourné et directement rendormi. Elle était restée tétanisée de ce qu'il venait de se passer et avait pleuré en silence. Lorsque A______ s'était réveillé, une à deux heures plus tard, il avait initié un rapport sexuel. Elle ne pouvait pas dire qu'elle considérait ce rapport sexuel comme un viol. Avec du recul sur la situation, elle ne l'aurait toutefois pas accepté. Ce rapport avait été le plus violent et brutal "de toute sa vie", au point qu'elle avait saigné de ses trous de boucles d'oreilles. Il avait pris sa tête, l'avait plaquée contre le coussin, appuyé dessus et l'avait giflée au visage. Elle avait eu l'impression qu'il se défoulait et qu'il la "baisait comme une pute". Il avait fini par éjaculer sur son visage. Il s'était rhabillé et lui avait fait savoir ne plus avoir l'intention de la voir, car il était devenu "exclusif" avec sa copine.

Elle avait passé "une heure" à nettoyer le sang et les taches de sperme sur le lit et s'était douchée à "trois reprises" avant que son amie D______ n'entre dans la chambre et devine que quelque chose n'allait pas. Elle n'avait pas consulté un médecin, mais elle avait saigné du vagin pendant une semaine et était tombée malade alors qu'elle avait toujours été en très bonne santé.

Le 6 août 2024, A______ l'avait contactée par message pour savoir si elle avait fait un test pour les maladies sexuellement transmissibles. Deux jours plus tard, elle l'avait appelé pour le confronter aux actes de la nuit du 31 juillet au 1er août 2024. A______ avait répondu qu'il était somnambule et qu'il ne se rappelait en rien de cet épisode. Le 22 août, ils s'étaient rencontrés pour discuter et elle avait exigé de lui qu'il consulte un médecin du sommeil ainsi qu'un psychiatre. Le 19 septembre 2024, il l'avait appelée pour lui raconter sa séance, avouant l'avoir agressée sexuellement, comme cela résultait de l'enregistrement qu'elle avait fait à son insu.

c. Entendu par la police le 19 novembre 2024 en qualité de prévenu, A______, à Genève, a confirmé un rapport sexuel "passionnel" avec C______ "vers le 12, 13 juillet 2024", "totalement consenti" dans les toilettes de la discothèque "E______" et s'étaient rendus chez lui pour le poursuivre dans un lit. Elle avait accepté qu'il lui éjacule sur le visage, mais refusé une pénétration anale, étant relevé qu'il lui demandait pour chaque acte si elle était d'accord. Ils avaient une complicité sexuelle sans tabous. Il s'était immédiatement endormi après le rapport. À son réveil vers 13h00 ou 14h00, ils avaient entretenu un autre rapport sexuel consenti, un peu moins intense que les fois précédentes. Il n'avait pas remarqué que quelque chose n'allait pas avec C______. Le 22 août 2024, il l'avait revue au Parc G______ pour discuter. Elle avait évoqué son réveil par une masturbation très intense, le fait qu'il avait pris son bras et sa main afin qu'elle le masturbe et essayé de toucher ses parties génitales, alors qu'il n'était pas lui-même et avait tout du long les yeux fermés. Elle s'était retournée dos à lui et il avait approché son sexe de ses orifices. À ce moment-là de la discussion au Parc G______, A______ avait demandé "rassure-moi, je n'ai pas réussi à entrer", ce à quoi elle avait répondu par la négative, ce qui l'avait rassuré. Il avait répété à plusieurs reprises qu'il était désolé et que c'était dégoutant s'il avait réellement fait cela, ce dont il ne se souvenait pas.

Il avait expliqué la situation à son psychologue qui lui avait dit qu'il s'agissait probablement d'un épisode de somnambulisme comme il en avait déjà connus, mais sans connotation sexuelle. En février 2024, il s'était réveillé avec des odeurs et des traces, car il avait uriné et déféqué sur le tapis de la porte de la chambre d'hôtel face à la sienne.

d. Il ressort de l'ordre de saisie des données signalétiques et de prélèvement d'un échantillon d'ADN rempli par la police le 19 novembre 2024 qu'un prélèvement de l'ADN de A______ avait été effectué au motif que l'infraction portait sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN. La case "La police a prélevé des traces susceptibles d'être comparées avec un profil d'ADN" n'a pas été cochée.

e. Entendue en tant que personne appelée à donner des renseignements, D______ a déclaré que C______ était en train de pleurer et de ranger la chambre lorsqu'elle était allée la voir. Elle avait vu des taches de sang sur le lit que C______ était en train de nettoyer et avait demandé d'où elles provenaient. Son amie avait répondu qu'elle avait eu ses règles, mais aussi que A______ avait essayé, sans succès, de la pénétrer lorsqu'elle dormait, avant de se rendormir.

f. Devant le Ministère public :

f.a. C______ a confirmé ses déclarations. Elle n'avait pas consulté un médecin à la suite des deux rapports, du moins pas avant décembre 2024. Elle avait une phobie du gynécologue.

f.b. A______, qui s'en tenait à ses précédentes déclarations, a ajouté qu'il avait vécu un épisode de somnambulisme érotique au mois de janvier 2025. Il s'était réveillé durant la nuit en train de se masturber. Sa copine lui avait signalé l'événement le lendemain; il ne se souvenait de rien.

g. A______ a obtenu un bachelor en ______. Il vit chez ses parents et se rend régulièrement à H______ [Belgique] pour son activité d'artiste ______. Il n'a aucun antécédent judiciaire.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a ordonné l'établissement du profil d'ADN de A______, sous le titre "Infractions sur lesquelles porte la procédure (art. 255 al. 1 CPP)", au motif que "l'infraction porte sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la directive A.5, art. 4)".

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir une violation du droit d'être entendu (art. 3 al. 2 let. c CPP; art. 29 al. 2 Cst. et 6 para. 1 CEDH) et des conditions relatives à l'établissement du profil d'ADN, en particulier la violation du principe de la proportionnalité (art. 8 CEDH; art. 10, 13 al. 2 et 36 al. 1 à 3 Cst.; art. 197 al. 1 et 255 CPP et art. 1 al. 2 let. a Loi sur les profils d'ADN). Dans son ordonnance, le Ministère public n'expliquait pas en quoi le prélèvement de son matériel ADN était nécessaire à l'enquête, ni dans quelle mesure il serait apte à élucider les faits, puisque la seule motivation de l'autorité était une référence à la Directive du Procureur général. Les profils d'ADN ne pouvaient pas être ordonnés systématiquement. Par ailleurs, la mesure n'était proportionnée qu'à la condition que l'autorité de poursuite pénale dispose de matériel ADN susceptible d'être comparé avec le profil à établir. À défaut, la mesure ne pouvait pas servir à élucider l'infraction. Du matériel ADN pouvait ultérieurement être récupéré si cette hypothèse était démontrée de manière concrète et circonstanciée, ce qui n'était pas le cas.

Il ne contestait pas avoir passé la nuit avec C______, ni un rapport sexuel au moment de leur réveil. Il contestait par contre une pénétration durant l'épisode de somnambulisme dont il avait fait l'objet. Il ne contestait pas la légalité de la mesure, mais son bien-fondé. Sous l'angle de la proportionnalité, la mesure ordonnée n'était pas nécessaire, puisque les faits s'étaient déroulés à "huis clos", "entre quatre yeux". Au vu des déclarations contradictoires, l'élucidation de l'affaire ne nécessitait manifestement pas l'intervention de la science génétique. La mesure n'était en outre pas apte, puisque qu'aucun matériel génétique pouvant servir de comparaison n'avait été récolté par la police, que ce soit sur lui, sur les lieux, dans l'appareil génital de C______ ou un objet qui aurait été séquestré. Il était impossible de prélever plus de dix mois plus tard des traces génétiques laissées sur les lieux le 1er août 2024. La mesure était ainsi disproportionnée et portait atteinte à ses droits de la personnalité de manière illicite et "inutile".

L'ordonnance contestée ne pouvait d'ailleurs pas se fonder sur l'art. 255 al. 1bis CPP, puisqu'il n'existait pas d'indices concrets et sérieux allant dans ce sens, d'autant plus en l'absence d'antécédents judiciaires.

b. Dans ses observations, le Ministère public rappelle que l'établissement du profil d'ADN du recourant avait été ordonné pour élucider les infractions de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et de viol (art. 190 CP), figurant sur la liste des crimes et délits de la directive A.5 du Procureur général (art. 4.2). L'analyse du matériel ADN pouvait être utile, surtout en cas d'infraction sexuelle, en présence de déclarations contradictoires des parties comme c'était le cas en l'espèce. Enfin, le prélèvement d'ADN était une mesure qui impliquait une atteinte légère aux droits personnels du recourant, proportionnée par rapport aux infractions à élucider, et pourrait à terme faire l'objet d'une destruction.

c. Dans sa réplique, le recourant rétorque que le Ministère public n'avait apporté aucun élément permettant d'admettre que l'établissement d'un profil d'ADN serait nécessaire, mais surtout apte à élucider les infractions en cause.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits – faute de notification selon l'art. 85 al. 2 CPP (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2). Comme cela ressort clairement de l'art. 1 al. 2 let. a de la loi sur les profils d'ADN – applicable par renvoi de l'art. 259 CPP –, l'élaboration de tels profils doit également permettre d’identifier l'auteur d'infractions qui n'ont pas encore été portées à la connaissance des autorités de poursuite pénale et peut ainsi permettre d'éviter des erreurs d'identification et d'empêcher la mise en cause de personnes innocentes. Il peut également jouer un rôle préventif et participer à la protection de tiers (ATF 145 IV 263 consid. 3.3 et les références citées). La mesure ne saurait donc être ordonnée systématiquement en cas d’arrestation.

2.3.       L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4.       Selon l'art. 257 CPP, dans le jugement qu’il rend, le tribunal peut ordonner le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil d’ADN sur une personne condamnée pour un crime ou un délit si des indices concrets laissent présumer qu’elle pourrait commettre d’autres crimes ou délits.

3.             En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné par le Ministère public par la nécessité d'élucider des infractions graves reprochées à ce dernier, au mois de juillet 2024, à savoir contrainte sexuelle et viol (art. 189 et 190 CP). Ces infractions sont spécifiquement mentionnées dans la liste à l'art. 4.2 de la Directive A.5 du Procureur général dont le libellé est "Infraction(s) sur laquelle (lesquelles) porte(nt) la procédure (art. 255 al. 1 CPP)" et qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1 CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour élucider des infractions en cours d'instruction.

Le recourant ne conteste pas avoir eu plusieurs rapports sexuels consentis avec C______, ce qui est aussi une partie de la version de cette dernière. Leur récit diverge en revanche sur deux rapports qui auraient été imposés à la plaignante, durant la nuit, puis le matin, ce dernier d'une violence telle, qu'elle avait saigné des lobes d'oreille et du vagin pendant une semaine. Le recourant dit avoir été victime de somnambulisme pour le premier rapport non consenti durant la nuit, selon la plaignante, et ne pas s'en souvenir et, pour le second, à son réveil vers 13h00 ou 14h00, un peu moins intense que les fois précédentes. Il n'avait pas remarqué que quelque chose n'allait pas avec C______. On se trouve dans une configuration de déclarations contre déclarations. Cela étant, le recourant ne remet pas en cause l'existence de soupçons de commission d'une infraction.

Reste à déterminer si le principe de la proportionnalité est respecté.

Le Ministère public ne rend pas même vraisemblable que l'établissement du profil d'ADN du recourant serait susceptible de faire progresser l'instruction. Il ne soutient en particulier pas que du matériel ADN aurait été prélevé sur les lieux des faits, sur le corps de la plaignante ou sur des objets, par exemple les boucles d'oreilles de cette dernière, aux fins de comparaison – le contraire ressortant de l'ordre de saisie des données signalétiques et de prélèvement d'un échantillon d'ADN de la police du 19 novembre 2024 –, ce qui peut aisément s'expliquer par les trois mois qui se sont écoulés entre les faits dénoncés et le dépôt de plainte. Ainsi, il n'est pas avéré que le Ministère public soit en possession de matériel ADN susceptible d'être comparé au profil d'ADN du recourant. D'ailleurs, la police n'a pas indiqué dans son rapport que l'établissement du profil d'ADN du prévenu se justifiait pour les besoins de l'enquête. En outre et pour le surplus, dans la mesure où les deux protagonistes sont d'accord sur le fait d'avoir entretenu plusieurs rapports consentis, notamment avec pénétration vaginale, quelques heures avant les deux rapports dénoncés par la plaignante, il est difficile de concevoir, et le Ministère public ne l'indique pas, en quoi la comparaison d'ADN serait utile. Enfin, le Ministère public n'a pas fait état de son intention de procéder à des prélèvements d'ADN en lien avec les infractions objet de la présente procédure.

Ainsi, la mesure ordonnée, dans le cas particulier, ne parait pas indispensable, ni nécessaire à l'élucidation des faits.

Au surplus, étant rappelé que le Ministère public n'a pas fondé son ordonnance sur l'art. 255 al. 1bis CPP, le recourant n'a pas d'antécédent judiciaire et le dossier ne comporte aucun élément laissant penser qu'il pourrait être, ou avoir été, impliqué dans d'autres infractions de ce type, lesquelles pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN avec des traces prélevées sur les lieux de leur commission.

Ainsi, la mesure litigieuse, sans utilité pour l'instruction de la présente cause ou la recherche d'autres infractions, consacre une atteinte injustifiée aux droits fondamentaux du recourant.

Autre sera la question, en cas de condamnation, de l'ordre d'établissement d'un profil d'ADN par le juge du fond sur la base de l'art. 257 CPP, ce à quoi le Ministère public pourra toujours conclure dans son éventuel acte d'accusation.

4.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et les échantillons d'ADN prélevés détruits, le Ministère public étant chargé de l'exécution de cette mesure.

5.             Le recourant qui a gain de cause, ne supportera pas de frais (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             6.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, cette indemnisation visant les frais de la défense de choix (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 12 ad art. 429). En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.

Dans tous les cas, l'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

L'indemnité allouée au recourant doit être mise à la charge de l'État.

6.2. En l'occurrence, le recourant chiffre à CHF 2'268.- (six heures au tarif de CHF 350.-/heure, TVA de 8% comprise) ses prétentions. Pour un recours de 13 pages (page de garde et conclusions comprises) comportant huit pages de discussion juridique, la quotité des heures consacrées par le conseil à la rédaction du recours sera réduite à 4 heures, y compris la confection du bordereau comportant uniquement l'ordonnance querellée et la brève réplique. Une indemnité de CHF 1'513.40, TVA à 8.1% comprise, lui sera allouée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet le recours.

Ordonne la destruction de l'échantillon d'ADN prélevé sur A______ et charge le Ministère public de son exécution.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'513.40, TVA à 8.1% incluse.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil et au Ministère public.

Le communique, pour information, à C______.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).