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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2498/2022

ACPR/638/2025 du 13.08.2025 sur OMP/26055/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : LÉSÉ;PLAIGNANT;BANQUE;DÉPOSANT;COMPTE BANCAIRE;ABUS DE CONFIANCE;BLANCHIMENT D'ARGENT
Normes : CPP.115; CPP.118; CP.138; CP.305bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2498/2022 ACPR/638/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 août 2025

 

Entre

A______ LTD, représentée par Mes Thomas WERLEN et Nicolas CURCHOD, avocats, Quinn Emanuel Urquhart, Hegibachstrasse 1, case postale 344, 8032 Zürich,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante rendue le 3 décembre 2024 par le Ministère public,

et

B______ S.R.L., représentée par Me Guerric CANONICA, avocat, Canonica Valticos Carnicé & Ass., rue de la Synagogue 31, case postale, 1211 Genève 8,

C______, représenté par Mes Grégoire MANGEAT et Fanny MARGAIRAZ, avocats, Mangeat Avocats, Sàrl, rue de Chantepoulet 1, case postale, 1211 Genève 1,

D______, représentée par Mes Benjamin GRUMBACH, avocat, Grumbach Sàrl, rue Saint-Léger 6, 1205 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 31 janvier 2025, A______ LTD recourt contre l'ordonnance du 3 décembre 2024, notifiée le 21 janvier suivant [en raison d'une "erreur [initiale] d'adressage"; PP 600'348], aux termes de laquelle le Ministère public lui a dénié la qualité de partie plaignante.

Elle conclut à l'annulation de cette décision, dite qualité devant lui être reconnue.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Relation contractuelle entre B______ S.R.L. et A______ LTD

a.a. B______ SRL est une personne morale de droit panaméen (PP 100'027), active dans le négoce de valeurs mobilières (PP 100’032).

a.b. A______ LTD, incorporée aux Bermudes (PP 3'060'095), a offert des services en matière de courtage et d’investissements (PP 100'041 n. 2, 2ème phrase); elle a bénéficié, à cet effet, d'une licence délivrée par l'autorité de régulation compétente (pièce 3 du chargé du 31 janvier 2025).

Elle a été administrée (PP 100’033) – jusque dans le courant de l'année 2024, époque du prononcé de sa liquidation (PP 6'000'072 s.) et de l’ouverture de sa faillite (pièces 14 et 15 du chargé du 31 janvier 2025) – par D______ (anciennement D______ [même nom de famille que E______]; PP 100’094) – qui en est l’ayant droit économique (PP 3'060'095) – et par C______, qui en était aussi le directeur général (PP 100'042 n. 7 et 100'100).

Aux dires de B______ SRL, E______ aurait été un organe de fait de A______ LTD et aurait disposé d’une mainmise sur celle-ci (PP 100'005 n. 9).

a.c.a. Le 16 mai 2014, B______ SRL et A______ LTD ont conclu un contrat de dépôt ("Corporate Custodian Agreement"; PP 100'123 et ss), soumis au droit des Bermudes (PP 100'135, art. 15).

Dans cet accord (PP 100'26 s. ainsi que 100'134 s.), la seconde s'est engagée envers la première à : détenir ses titres et liquidités (art. 2); conserver séparément ces valeurs de ses propres actifs, respectivement des avoirs détenus pour le compte d’autres clients (art. 3.1.1 et 3.1.3); ouvrir une relation de dépôt appropriée auprès d’une banque approuvée par B______ SRL (art. 3.1.3 et 3.1.11); suivre les instructions de B______ SRL pour les opérations financières listées dans le contrat (entre autres art. 3.1.4, 3.1.5 et 3.1.13); après la résiliation de la convention, restituer, dès que possible ("[a]s soon as is reasonably practicable"), à B______ SRL les valeurs confiées (art. 11.5.1.1).

a.c.b. À cette suite, A______ LTD a ouvert un compte (n° 1______) au nom de B______ SRL en ses livres (PP 100’100). C______ était la personne de contact de la déposante (PP 100’100).

Cette dernière a versé USD 23 millions à tout le moins, en titres et en espèces, sur la relation (PP 100'145 à 100’153). L’on ignore auprès de quelle(s) banque(s) ceux-ci ont été déposés, avec son accord.

A______ LTD a établi des relevés mensuels dudit compte (PP 100'145 à 100’153 et 500’003).

b. Relation contractuelle entre A______ LTD et [la banque] F______

b.a. F______ est située aux Bahamas (PP 100’107).

A______ LTD y détient une relation (n° 2______), laquelle comporte un sous-compte intitulé "Portfolio 3______" (PP 600'163 n. 3).

Courant janvier 2020, cette dernière société a nanti ("pledged"), en faveur de F______, l’intégralité des valeurs déposées sur cette relation en garantie d’un prêt (PP 600'165 n. 10, 2ème phrase, et pièce 17 du chargé du 31 janvier 2025).

b.b. En automne 2021, l’autorité bahaméenne compétente a désigné un administrateur à F______ pour assurer sa gestion quotidienne et la protection de ses clients (PP 100'108 et ss, 100'121 et 301’003).

b.c. D’après cet administrateur, qui disposait des relevés, pour le mois de novembre 2021, aussi bien du "Portfolio 3______" que du compte n° 1______ détenu par B______ SRL dans les livres de A______ LTD, nombre de titres inclus dans ces deux relations correspondaient les uns aux autres ("match"; PP 600'163 n. 2 et n. 3 ainsi que 600'166 et ss).

c. Relation contractuelle entre [les banques] F______ et G______

c.a. Ce second établissement, incorporé à Genève, fournit à F______ des services de banque correspondante et de banque dépositaire depuis 2018, en application d’un accord les liant ("Service Level Agreement"; PP 301'132 et 301’135, recto, n. 3.1 ["correspondant banking and cash management services"] et n. 3.2 ["custody business"]).

À cet effet, celle-ci dispose d’une relation (n° 4______) au sein de celui-là (PP 3'000'000 et ss notamment).

c.b. En décembre 2021, nombre de titres inclus dans cette relation étaient identiques (libellés et quantités) à ceux déposés par B______ SRL auprès de A______ LTD (constat résultant de la comparaison des relevés de comptes établis par ces institutions pour ce mois, notamment, PP 3'000'467, verso, et ss ainsi que 100'146 et ss).

d. Litige survenu entre B______ SRL et A______ LTD

d.a. Le 6 décembre 2021, la première de ces sociétés a requis de la seconde la restitution d’une partie de ses valeurs, en vain (PP 100'157 à 100’162).

Le 17 suivant, B______ SRL a écrit à A______ LTD, lui reprochant d’avoir transféré à F______, à son insu et sans droit, lesdites valeurs, information qu’elle tenait de C______, lequel avait récemment rencontré l'un de ses représentants (PP 100’161 à 100’164).

d.b. Par courriels des 20 et 23 décembre 2021, C______, agissant pour le compte de A______ LTD, a instruit F______ de vendre nombre de titres inclus dans le "Portfolio 3______" (PP 3'060'223, 3'060'224, 3'060'242 et ss ainsi que 3'060'323 à 3'060'326), cela afin de rembourser le prêt sus-évoqué (cf. lettre B.d.a supra), arrivé à échéance (PP 600'164 n. 9, 3'060'225 et 3'060'226).

Ces ordres ont été exécutés par F______ (PP 600'166 et ss), qui les a, semble-t-il, à son tour, répercutés à la banque G______, laquelle s’y est conformée (dès le 21 décembre; PP 3'000'467, verso, et ss).

d.c. Les titres vendus (libellés et quantités) correspondent à ceux remis par B______ SRL à A______ LTD, pour partie du moins (constat résultant de la comparaison entre les pièces PP 600'166 et ss, 3'000'467, verso, et ss ainsi que 100'146 et ss).

e. Procédure civile aux Bermudes

e.a. Le 26 février 2022, B______ SRL a assigné A______ LTD devant la Cour suprême des Bermudes (PP 600'059 et ss), concluant à ce que : il soit constaté que cette dernière société avait, notamment en vendant certains de ses actifs, violé les obligations découlant du contrat de dépôt (conclusions nos 1 à 3); il soit ordonné à la défenderesse de lui communiquer, entre autres, tous documents relatifs à ses valeurs (conclusion n° 4); A______ LTD soit condamnée au paiement des dommages [non chiffrés] résultant de la dissipation et/ou de la dévaluation ("dissipation and/or devaluation") de ses avoirs (conclusion n° 5).

e.b. D'après l'avocat représentant B______ SRL dans cette cause, seul le point n° 4 a été examiné par la juridiction saisie, les autres étant en suspens (missive du 2 octobre 2023 : PP 600'219 s.).

f. Procédure pénale P/2498/2022

f.a. Le 1er février 2022, B______ SRL a déposé plainte pénale (PP 100'003 et ss), à Genève, contre A______ LTD, C______, D______ ainsi que E______, des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

Elle reproche aux trois derniers cités d’avoir, notamment, utilisé sans droit ses valeurs déposées auprès de A______ LTD, en : les transférant à son insu à des sous-dépositaires; "participant" à leur nantissement en faveur de F______; les vendant pour partie, lui occasionnant, de ce fait, un préjudice de l’ordre de USD 14 millions.

f.b. Les 25 mai 2022 et 3 octobre 2023, C______ et D______ ont été prévenus d’infraction à l’art. 138 CP pour avoir, en leur qualité d'organes et de dirigeant de A______ LTD [art. 29 CP], de concert l'un avec l'autre, ainsi qu'avec E______ [protagoniste que le Ministère public n'est pas parvenu à localiser à ce jour], détourné, via les banques F______ et G______, les avoirs confiés par B______ SRL à concurrence d'USD 14 millions à tout le moins (PP 500'000 s. et 500'010).

f.c. Entendus par le Ministère public, les prévenus ont contesté tout acte pénalement répréhensible (PP 500'000 à 500'021).

C______ a relevé avoir exercé son activité en faveur de A______ LTD en différents endroits, notamment aux Bermudes et à Londres; il avait pu lui arriver de travailler depuis Genève [lieu où il administre trois personnes morales qui y ont leur siège (PP 100'035 à 100’039)], "mais ce n'était certainement pas le gros de [cette] activité" (PP 500'011). F______ avait consenti un prêt à A______ LTD "pour des questions opérationnelles et (…) de leverage [au profit] d[e] clients" (PP 500'013).

f.d. Le 25 novembre 2024, A______ LTD s'est constituée partie plaignante, sous la plume de ses liquidateurs (PP 600'337 et ss).

Les faits dénoncés par B______ SRL, potentiellement constitutifs d’infractions aux art. 138 et 305bis CP, portaient atteinte à son patrimoine. En effet, cette dernière société, qui était sa cliente, invoquait un préjudice de USD 14 millions, somme qu'elle pourrait être amenée à devoir lui payer.

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que A______ LTD n’était pas directement touchée dans ses droits par les agissements imputés aux prévenus, commis au seul détriment de B______ SRL.

D. a. À l'appui de son recours, auquel elle joint des pièces nouvelles, A______ LTD estime revêtir la qualité de lésée à un double titre.

Premièrement, elle était titulaire des biens juridiques protégés par les art. 138 et 305bis CP [à bien la comprendre].

Secondement, ses anciens organes avaient accompli d’autres actes illicites que ceux pour lesquels ils étaient prévenus, actes qui avaient prétérité comme suit son patrimoine : la vente des titres de B______ SRL l’avait privée des honoraires auxquels elle pouvait prétendre en application du contrat de dépôt, fonction du volume des actifs conservés; le prêt "[conclu] de manière illégale" avec F______ avait généré des intérêts et frais à sa charge, de l’ordre d’USD 150'000.-.

b. Invités à se déterminer, le Ministère public, C______, D______ et B______ SRL concluent, dans des actes distincts, au rejet du recours.

b.a. L'autorité intimée persiste dans les termes de sa décision.

b.b. Les prévenus font leurs les considérants de cette décision.

b.c. Pour sa part, B______ SRL relève qu'il est "curieux et surprenant que A______ [LTD] – visée à l'origine par [s]a plainte pénale – se présente désormais comme lésée (…)".

Quoi qu'il en soit, cette société n'alléguait pas que les fonds dont les prévenus avaient disposé sans droit lui auraient "économiquement appartenu", ni n'expliquait de quelle manière les infractions qu'elle-même avait dénoncées la toucheraient dans ses droits.

c. A______ LTD n'a pas répliqué.

d. B______ SRL a spontanément adressé à la Chambre de céans, le 30 juillet 2025, une détermination supplémentaire; elle y persiste, pour l'essentiel, dans ses précédentes explications et conclusions.

Cette écriture n'a pas été transmise aux autres parties, dès lors qu'elle ne comporte aucun élément nouveau et/ou propre à influer sur l'issue du litige. Elle leur sera communiquée, pour information, avec le présent arrêt.


 

EN DROIT :

1.             1.1.1. Le recours a été interjeté selon la forme (art. 385 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 90 al. 1 cum 396 al. 1 CPP) prescrits, contre une ordonnance de refus de qualité de partie plaignante, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), par la société qui s'est vu refuser un tel statut (art. 382 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 7B_852/2023 du 1er juillet 2024 consid. 1.3.2 et 3.1.1), valablement représentée par ses liquidateurs (ATF 145 IV 351 consid. 4.2).

1.1.2. Le premier argument qui y est invoqué (lésion du patrimoine de la recourante du chef de la violation alléguée des art. 138 et 305bis CP) est recevable, pour avoir été préalablement soumis au Procureur et faire l’objet de la décision querellée.

1.1.3. Tel n’est en revanche pas le cas du second (commission, par les anciens organes de la recourante, d’autres actes illicites que ceux dénoncés par B______ SRL).

En effet, la recourante se prévaut desdits actes – potentiellement constitutifs de gestion déloyale (art. 158 CP) perpétrée à son détriment – pour la première fois devant la Chambre de céans.

Sa qualité de partie plaignante afférente à cette dernière infraction n’a donc fait l’objet d’aucun prononcé préalable, susceptible d'être attaqué (art. 393 al. 1 let. a CPP a contrario).

1.2. Les pièces nouvelles produites à l'appui du recours sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2. La recourante s'estime directement lésée par les infractions aux art. 138 et 305bis CP dénoncées par B______ SRL.

2.1.1. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP).

Le lésé est la personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP), c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1).

2.1.2. Tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés, il y a lieu de se fonder sur les déclarations de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est le cas (arrêt du Tribunal fédéral 7B_654/2023 du 17 avril 2025 consid. 2.2.2).

L'intéressé doit cependant rendre vraisemblable le préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'infraction (ibidem).

2.2. Lors d’infractions contre le patrimoine – au nombre desquelles figure l'abus de confiance –, le propriétaire des valeurs menacées est considéré comme la personne lésée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2017 du 13 juin 2017 consid. 3.1).

2.2.1. Dans le cas de crimes/délits touchant un compte bancaire, le titulaire de la relation ne subit pas nécessairement un dommage car il dispose, en tant que client de la banque, d'une créance correspondant aux montants déposés et ne subit dès lors pas de diminution de son patrimoine (arrêts du Tribunal fédéral 1B_118/2017 précité, 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.2.1 et 1B_190/2016 du 1er septembre 2016 consid. 2.2).

Ainsi, en cas de détournements, c'est en principe l'institution qui apparaît lésée puisqu’elle est contractuellement tenue de restituer les fonds qui lui ont été confiés (ibidem).

Le client doit toutefois être admis comme lésé, au côté de la banque, quand ses prétentions sont contestées par celle-ci ou qu’il n’est pas certain qu’il puisse être indemnisé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_190/2016 précité, consid. 2.3).

2.2.2. En matière contractuelle, la LDIP (RS 291) désigne le droit applicable au litige lorsque la cause présente des éléments d’extranéité (art. 1 al. 1 let. b LDIP).

Le contrat de dépôt est régi par la loi choisie par les parties (art. 116 al. 1 LDIP), subsidiairement par celle de l'État dans lequel le dépositaire a son siège (art. 21 al. 1 cum 117 al. 1, al. 2 et al. 3 let. d LDIP).

2.3. L'infraction à l'art. 305bis CP protège, outre l'administration de la justice, les intérêts patrimoniaux de la personne lésée par le crime préalable, dans les cas où les valeurs litigieuses proviennent d'actes délictueux contre des biens individuels (ATF 146 IV 211 consid. 4.2.1).

2.4.1. En l'espèce, B______ SRL et la recourante – protagoniste qui, si elle est certes visée par la plainte pénale de la précitée, n'est pas prévenue dans la présente affaire – ont conclu, le 16 mai 2014, un contrat de dépôt soumis au droit des Bermudes.

Aux termes de ce contrat, la recourante était tenue de conserver les liquidités et titres de B______ SRL – de l’ordre d’USD 23 millions – (art. 2), de suivre les instructions de cette dernière s'agissant des opérations financières convenues (notamment art. 3.1.4, 3.1.5 et 3.1.13), puis, une fois les rapports contractuels terminés, de lui restituer les valeurs confiées (art. 11.5.1.1).

La relation entre les intéressées s’apparente donc à celle liant une banque dépositaire à son client.

Ce constat est renforcé par le fait que la recourante a ouvert un compte au nom de B______ SRL en ses livres et établi des relevés mensuels de celui-ci.

2.4.2. Les prévenus sont soupçonnés d’avoir, entre autres actes, vendu une partie des valeurs déposées sur ce compte (à concurrence d’USD 14 millions), sans l’accord de B______ SRL (art. 138 CP).

La recourante supporte le risque financier de ces ventes, exécutées (potentiellement sans droit) par ses organes/dirigeant, puisque, on l’a vu, elle est contractuellement tenue de rendre lesdites valeurs à sa cliente.

L’inexécution de cette obligation lui a d’ailleurs valu d’être assignée, par B______ SRL, devant la juridiction civile des Bermudes.

2.4.3. Il s’ensuit que la recourante doit être considérée comme directement lésée (art. 115 CPP) par les agissements imputés aux prévenus, conformément à la jurisprudence citée au point 2.2.1 ci-dessus, applicable par analogie.

Sa participation à la procédure (art. 118 CPP) doit donc être admise, au côté de B______ SRL – société dont le statut de partie plaignante n’a jamais été contesté, à juste titre dès lors qu’elle n’a, à ce jour, pas été indemnisée par sa cocontractante et qu’elle pourrait ne point l’être, vu la faillite de l’intéressée.

2.5. Dans la mesure où la recourante a été potentiellement touchée dans ses intérêts patrimoniaux par la violation alléguée de l’art. 138 CP – infraction préalable qui constitue un crime (cf. art. 10 al. 2 CP) –, elle est titulaire du bien juridique protégé par l’art. 305bis CP.

Aussi est-elle habilitée à se constituer partie plaignante (art. 115 cum 118 CPP) en lien avec cette infraction.

2.6. À cette aune, le recours se révèle fondé.

La décision entreprise sera donc annulée et la qualité de partie plaignante reconnue à la recourante s’agissant des infractions alléguées aux art. 138 et 305bis CP.

3. 3.1. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

Les sûretés versées par la recourante (CHF 1'500.-) lui seront, en conséquence, restituées.

3.2. Représentée par deux avocats, cette dernière, partie plaignante qui obtient gain de cause, n'a pas chiffré ni justifié de prétentions en indemnité (art. 433 al. 2 cum 436 al. 1 CPP), de sorte qu'il ne lui en sera point alloué (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2016 du 30 novembre 2017 consid. 7.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule, en conséquence, la décision déférée et reconnaît à A______ LTD la qualité de partie plaignante s’agissant des infractions alléguées aux art. 138 et 305bis CP.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer les sûretés (CHF 1'500.-) à A______ LTD.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ LTD, B______ S.R.L., C______ et D______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).