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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11158/2025

ACPR/530/2025 du 09.07.2025 sur OMP/11898/2025 ( MP ) , REJETE

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11158/2025 ACPR/530/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 9 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 15 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 26 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 mai 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à l'effacement du profil ainsi qu'à la destruction des échantillons prélevés. Préalablement, il sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant algérien, célibataire, sans domicile fixe et sans profession, a été contrôlé par les gardes-frontière le 15 mai 2025 à la rue de Genève 109, à Thônex, alors qu'il était démuni de tout document d'identité et soupçonné de séjourner illégalement en Suisse.

Auditionné à cette suite, le précité a admis se trouver sur le territoire suisse depuis 4 ans pour voir sa "femme", dont il ne se rappelait plus l'adresse. Son passeport était resté en Espagne, où il l'avait rencontrée.

b. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI pour avoir, depuis une date indéterminée en 2021 jusqu'au 15 mai 2025, date de son interpellation, séjourné sur le territoire suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.- le jour, avec sursis pendant 3 ans.

c. L'intéressé y a formé opposition.

d. À teneur de son casier judiciaire suisse (au 15 mai 2025), A______ a été condamné, le 27 mars 2018, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de 70 jours, avec sursis pendant 3 ans, pour vol simple, entrée illégale, tentative de vol simple et recel.

Dans le cadre de cette procédure, le profil d'ADN du prévenu a été établi, avec un délai d'effacement au 27 mars 2026 (cf. fiche IPAS).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4), soit un vol et une tentative de vol le 27 mars 2018 (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______, qui se plaint d'un délit de faciès, conteste tout ancrage dans la délinquance, nonobstant sa précarité. Le Ministère public ne mentionnait pas si son profil d'ADN avait déjà été établi par le passé. Il passait également sous silence l'ancienneté de la condamnation inscrite à son casier judiciaire. L'établissement de son profil d'ADN ne pouvait se fonder sur la seule Directive A.5 du Procureur général, invoquée par le Ministère public dans son ordonnance. Cette mesure était arbitraire, discriminatoire, disproportionnée et violait sa liberté personnelle.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Il existait des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, d'autres actes punissables du même genre que ceux pour lesquels il avait été condamné par le passé.

c. Le recourant réplique et persiste dans son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas l'infraction à la LEI reprochée dans le cadre de la présente procédure, mais d'autres éventuels actes contraires à l'art. 139 CP, dès lors qu'il a déjà été soupçonné pour des faits similaires et même condamné pour cela.

Il existe en effet des indices sérieux et concrets de la commission, par l'intéressé, d'infractions (passées) au patrimoine.

En effet, il a déjà été condamné par le Ministère public, notamment pour vol et tentative de vol, le 27 mars 2018.

Certes, cette condamnation remonte maintenant à plus de 7 ans.

Sa situation personnelle précaire laisse cependant craindre qu'il pourrait être impliqué dans d'autres vols ou tentatives, en particulier, encore inconnus des autorités, qui pourraient lui être attribués si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à l'art. 139 CP susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), laquelle est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.

Que le profil d'ADN du prévenu ait déjà été établi à l'occasion de sa précédente condamnation ne rend pas la nouvelle mesure ordonnée inutile, compte tenu de la prochaine échéance du délai d'effacement.

3. Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée.

4. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

4.1. L'art. 29 al. 3 Cst féd. soumet l'octroi d'une telle assistance à la condition que le procès soutenu par l'indigent qui la réclame ne paraisse pas dépourvu de toute chance de succès.

Tel n'est pas le cas quand les perspectives de gagner ce procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 7B_68/2022 du 6 mars 2024 consid. 4.2).

4.2. En l'occurrence, l'indigence du recourant peut être présumée. On ne peut également pas dire que ses griefs étaient d'emblée dénués de chance de succès.

L'assistance judiciaire pour le recours sera ainsi admise et son conseil désigné comme défenseur d'office.

4.3. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude. Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

4.4. En l'occurrence, le recourant ne chiffre pas l'activité de son conseil pour la procédure par-devant la Chambre de céans.

Eu égard au recours de neuf pages (pages de garde et de conclusions comprises), à une brève réplique et à l'absence de difficultés juridiques de la cause, une indemnité correspondant à 2h30 d'activité, au tarif horaire susvisé, plus la TVA, soit
CHF 540.50 TTC, sera allouée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour le recours et désigne Me B______ en qualité de conseil d'office pour l'instance de recours.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 540.50 TTC pour l'instance de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11158/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00