Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/507/2025 du 02.07.2025 sur ONMMP/1930/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/10864/2024 ACPR/507/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 2 juillet 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, Etude DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle rendue le 16 avril 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 5 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 avril 2025, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 23 août 2024.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction et procède aux actes d'enquête qu'il énumère.
b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 22 avril 2024, A______ a déposé plainte contre B______. Alors qu'il avait été invité à quitter un bar dans le quartier C______ [GE], B______ lui avait asséné deux coups de chaise au niveau de la tête, provoquant des lésions.
B______ a admis avoir donné un coup, tout en expliquant qu'il avait eu peur que A______, qu'il connaissait pour l'avoir vu s'adonner à du trafic de drogue et frapper un individu dans le quartier, ne sorte un spray ou un couteau de son sac.
Par ordonnance pénale du 16 avril 2025, le Ministère public a reconnu B______ coupable de lésions corporelles simples pour les faits en question.
b. Le 23 août 2024, A______, alors détenu à Champ-Dollon, a déposé plainte pénale contre inconnus. Alors qu'il se trouvait dans le quartier C______ le 30 mai 2024, trois personnes, soit un "toxicomane" se prénommant "D______" et deux inconnus, l'avaient "balayé", le faisant chuter, et l'avaient roué de coups. Ses agresseurs avaient également menacé de le tuer s'il déposait plainte. Il avait par la suite perdu connaissance et s'était réveillé à l'hôpital où il avait constaté qu'une montre, deux bagues, deux bracelets et trois colliers avaient disparu. Le personnel de l'hôpital lui avait néanmoins assuré que les objets se trouvaient en leur possession. Il était persuadé que ces hommes avaient été envoyés par "une personne albanaise" [sous-entendu B______] avec laquelle il avait eu un conflit. Le prénommé "D______", qu'il avait recroisé par la suite, lui avait confirmé avoir été payé CHF 1'000.- pour s'en prendre à lui.
Il a décrit le prénommé "D______" comme un homme "costaud du corps et du visage", mesurant entre 175 et 180 cm, âgé de 27 à 32 ans, d'origine algérienne, aux cheveux lisses châtains, rasés sur le côté et plus longs sur le haut.
c. Entendu par la police le 27 janvier 2025 en qualité de prévenu à la suite des nouveaux faits dénoncés par A______, B______ a contesté son implication dans les faits du 30 mai 2024. Il connaissait A______ et avait été uniquement en contact avec celui-ci dans le cadre de l'altercation du 22 avril 2024. Il ne l'avait par la suite plus revu. Il ne connaissait aucun prénommé "D______" et n'avait payé personne pour agresser A______.
d. Selon le rapport de police du 3 février 2025, l'audition de A______ s'était révélée "laborieuse", ce dernier ne cessant de revenir sur les faits relatifs au conflit du 22 avril 2024. L'"albanais" cité dans la plainte avait pu être identifié comme étant B______, mais les trois autres individus n'avaient pas pu l'être.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les faits dénoncés étaient susceptibles d'être constitutifs d'agression, subsidiairement de lésions corporelles simples et de vol, voire de brigandage. Les investigations policières avaient permis d'identifier B______, soit la personne avec laquelle A______ avait eu un conflit le 22 avril 2024. Ce dernier avait cependant contesté toute implication dans les événements du 30 mai 2024 et aucun élément au dossier ne permettait de le retenir. Malgré les recherches, les trois hommes décrits dans le cadre de la plainte n'avaient pas pu être identifiés et aucun acte d'enquête n'était de nature à modifier ce constat, de sorte que, faute d'élément susceptible d'identifier le ou les auteurs, il existait un empêchement de procéder.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte, malgré la commission de plusieurs infractions. Certains actes d'instruction, tels que le séquestre et l'analyse du téléphone portable du mis en cause, la confrontation entre les parties, des recherches afin d'identifier le prénommé "D______" ou pour retrouver la personne ayant appelé les secours, auraient permis d'orienter les soupçons sur les auteurs et le Ministère public ne pouvait ainsi y renoncer.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; 137 IV 219 consid. 7).
3.2. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).
3.3. Aux termes de l'art. 134 CP, se rend coupable d'agression quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers aura trouvé la mort ou subi une lésion corporelle. L'agression se caractérise ainsi comme une attaque unilatérale de deux personnes au moins, dirigée contre une ou plusieurs victimes, qui se contentent de se défendre.
3.4. Aux termes de l'art. 139 CP, se rend coupable de vol quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.
3.5. L'art. 140 ch. 1 CP punit quiconque commet un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister.
3.6. En l'espèce, les lésions subies par le recourant à la suite des événements du 30 mai 2024 sont avérées. Cela étant, aucun élément au dossier ne permet de retenir que B______ se serait trouvé sur les lieux de l'agression ou aurait commandité celle-ci.
L'enquête effectuée n'a par ailleurs pas permis d’identifier un ou des auteurs, les affirmations du recourant n’étant confortées que par ses propres convictions à la suite de l'altercation du 22 avril 2024, sur laquelle il n'a cessé de revenir durant son audition à l'occasion du dépôt de sa plainte, et pour laquelle B______ a fait l'objet d'une ordonnance pénale. Il n’a en effet fourni, à l'appui de sa seconde plainte et de son recours, aucun élément ou indice permettant de déterminer l'identité de ses agresseurs, mis à part que l'un d'entre eux s'appellerait "D______" et serait "toxicomane". Ces éléments, faute d'adresse, d'indication du lieu de vie ou de signe distinctif, couplés avec une description très générique de l'individu en question, ne permettent ainsi pas de l'identifier et de l'entendre. Les recherches de la police dans ce sens n'ont d'ailleurs pas abouti. Le recourant, qui explique avoir recroisé ce "D______", n'a pas essayé de connaître son numéro de téléphone afin de le communiquer aux autorités, excluant ainsi toute possibilité de l'identifier. Le recourant n'explique enfin pas quelles seraient les motivations de B______ de se venger de lui et de faire appel à ces personnes pour ce faire.
Les actes d'enquête sollicités par le recourant ne sont pas davantage propres à identifier le mis en cause.
Notamment, rien n'indique que la saisie du téléphone de B______ aurait permis de confirmer son implication, ce dernier contestant les faits dénoncés et ne connaissant pas de "D______". Dans tous les cas, une telle mesure paraît vouée à l'échec à ce stade de la procédure, plus d'un an après les faits. Une confrontation des protagonistes ne permettrait également pas de départager les versions, car tout laisse à penser que chacun maintiendrait la sienne. Le rapport de police ne mentionne pas qu'un témoin de la scène se serait trouvé sur place lors de son intervention, ni que son identité serait connue, ne permettant ainsi pas son audition.
Enfin, s'agissant des prétendus vols, le recourant ne critique pas la décision du Ministère public au stade du recours. Il ressort de plus de son audition que, selon le personnel soignant, les objets ne lui auraient pas été soustraits, mais se trouvaient à l'hôpital. Dans tous les cas, même à supposer que les trois individus s'en seraient emparés, le même empêchement de procéder s'impose ici, faute d'auteur(s) connu(s).
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/10864/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |