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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2331/2023

ACPR/411/2025 du 28.05.2025 sur OCL/1369/2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;DÉCISION DE RENVOI;TRIBUNAL DE POLICE
Normes : CPP.319; CP.126; CP.173; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2331/2023 ACPR/411/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 30 septembre 2024 par le Ministère public,

et

B______, représenté par Me C______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 septembre précédent, notifiée le lendemain, à teneur de laquelle le Ministère public a classé ses plaintes pénales déposées contre B______.

Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, le Procureur devant être invité à renvoyer le prénommé en jugement.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ – respectivement membres du parti politique du D______ et du parti E______ – ont siégé, durant plusieurs années, au conseil de la Fondation communale de droit public F______ (ci-après : le conseil de la F______).

b. Les faits litigieux

b.a. Le 26 janvier 2023, ce conseil s'est réuni, en présence de sept personnes, parmi lesquelles les deux précités.

L'un des points à l'ordre du jour, intitulé "rappel ferme des règles de bienséance", avait pour objet la tenue de propos désobligeants, par A______, envers B______, lors d’une séance précédente.

Au moment où ce point a été abordé, A______, contrarié, s'est levé pour quitter la salle, passant, à cet effet, vers le siège de B______. Une altercation est alors survenue entre les intéressés.

b.b. Entre les 27 janvier et 3 février 2023, chacun des précités a exposé à des membres de son parti avoir été agressé par l'autre durant la séance sus-évoquée.

Des communiqués de presse relatant ces accusations respectives ont été publiés.

c. Procédure administrative

c.a. Le 31 janvier 2023, le conseil de la F______ a sollicité du Conseil municipal de L______ [GE] la révocation de A______, en raison des évènements du 26 précédent.

L'autorité communale a fait droit à cette demande, au terme d'une enquête.

c.b. A______ expose avoir recouru contre cette décision auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice. L’on ignore l’issue de cette démarche.

d. Procédure pénale P/2331/2023

d.a.a. Parallèlement, entre les 30 janvier et 13 avril 2023, A______ et B______ ont déposé plusieurs plaintes l'un contre l'autre du chef des faits mentionnés aux lettres B.b.a et B.b.b supra.

d.a.b. Le second nommé a également porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre le premier.

d.b. À cette suite, le Ministère public a prévenu :

·        B______ de voies de fait (art. 126 CP), diffamation (art. 173 CP) et calomnie (art. 174 CP);

·        A______ d'infractions aux art. 126, 177 (injures), 174 ainsi que 303 CP.

d.c.a. Entendu par le Procureur, le dernier nommé a confirmé ses plaintes.

Il a déclaré, s'agissant de l'algarade du 26 janvier 2023, qu'au moment où il s’était dirigé vers la sortie de la salle, située à un mètre de B______, ce dernier avait "bondi" de sa chaise pour l'empêcher de passer, l'avait empoigné, puis lui avait asséné un coup de poing au visage. Lui-même avait tenté de saisir B______; ce faisant, il avait été "téléporté" à proximité de la porte, entraînant dans sa chute le précité. Lui-même s'était rapidement relevé; craignant une nouvelle attaque, il avait "mis un revers de la main" à son agresseur, afin d'éviter qu'il ne se redresse. Il avait alors traité B______ de lâche. Un membre du conseil de la F______ s'était interposé et il avait quitté la salle de lui-même.

d.c.b. A______ a produit, à l’appui de ses allégués, un constat médical établi le 2 février 2023, dont il ressort qu’il présentait une tâche brunâtre millimétrique sous l'implantation des cheveux et qu’il souffrait de diverses douleurs ainsi que d'un état anxieux.

d.d.a. Également auditionné, B______ a confirmé ses plaintes.

Lors de la séance du 26 janvier 2023, A______ s'était soudainement emporté; marchant dans sa direction pour quitter la salle, il l'avait traité de "[c]onnard, sans couilles". Lui-même n'avait pas tourné sa chaise pour lui faire face. Le précité l'avait frappé, ce qui l'avait fait chuter. Alors qu'il était au sol, A______ l'avait roué de coups, avec les poings, notamment au niveau du "crâne". Deux membres du conseil de la F______ étaient intervenus pour maîtriser A______ et lui faire quitter la salle. En sortant, ce dernier l'avait derechef insulté.

d.d.b. B______ a versé au dossier un certificat médical attestant d'une incapacité totale de travail entre les 27 et 31 janvier 2023.

d.e. Le 22 novembre 2023, le Ministère public a entendu les cinq autres membres du conseil de la F______ présents le jour de l’algarade, en qualité de témoins.

d.e.a. G______ a déclaré qu'au moment où A______ s'était levé pour quitter la séance, il avait insulté B______ ("sans couilles"). Alors que le premier cité se dirigeait vers la sortie, la chaise du second "a[vait] été mouvementée", en ce sens qu'il lui semblait que B______ avait bloqué ou bougé celle-ci. Tout s'était ensuite passé très vite. Les prénommés s'étaient retrouvés à terre; A______ était "à califourchon" sur B______ – lequel "gigotait avec ses jambes" – et le frappait au niveau du visage. Deux collègues étaient intervenus pour les séparer; l'un d'eux avait entraîné A______ hors de la salle. Elle était certaine qu'il n'y avait "pas eu de violence de la part [de]B______".

d.e.b. D’après H______, A______ avait traité B______ de "connard" et de "gros lard" en quittant la séance. L'altercation physique avait débuté lorsque celui-là était passé derrière celui-ci. Lui-même n'en avait pas un souvenir précis, tout s’étant déroulé rapidement. Il se rappelait que les deux intéressés étaient à terre. A______, positionné sur B______, lui avait asséné des coups de poing au visage; ce dernier avait "essay[é]" de se défendre en donnant des coups avec ses jambes. Il avait fallu les séparer et faire sortir A______ de la salle. Il lui semblait que B______ avait répondu aux insultes de A______; il y avait eu "une excitation générale".

d.e.c. Selon I______, au moment où A______ était passé à proximité de B______ pour partir, il avait insulté ce dernier ("sans couilles"). B______, qui était assis, tourné en direction de A______, avait "essayé de mettre une distance entre lui (…) et [le prénommé] avec son bras". A______ avait alors frappé B______ et tous deux étaient tombés. Lui-même avait tenté d'intervenir; à ce moment-là, B______ était sur le dos et A______ placé "sur lui[,] debout", en train de lui donner des coups de poing sur le haut du corps. Lui-même était parvenu à ceinturer A______ et l'avait fait sortir de la salle. Il n'avait pas vu B______ frapper A______.

d.e.d. Aux dires de J______, A______, une fois arrivé à la hauteur de B______, avait "commencé à l'agresser physiquement, jusqu'à renverser [s]a chaise". Il lui semblait que A______ avait bousculé et poussé B______, ce qui l'avait fait chuter. Une fois à terre, A______ avait continué de frapper B______. I______ était intervenu, avait saisi A______ et l'avait accompagné dehors. Elle n'avait pas vu B______ donner de coup, étant précisé que si tel avait été le cas, elle l'aurait remarqué, étant placée juste à côté de lui. Elle ne se rappelait pas si A______ avait insulté B______.

d.e.f. K______ a expliqué qu'au moment où A______ s'était levé pour quitter la salle, lui-même était occupé à ranger ses affaires. Il avait entendu "un grand bruit", avait levé les yeux et vu la chaise de B______ renversée. Ce dernier était au sol et A______, debout, lui donnait des coups de poing. I______ était alors intervenu, avait ceinturé A______ et l'avait évacué de force. L'évènement avait été ponctué d'insultes, A______ ayant notamment traité B______ de "connard".

d.f.a. Par ordonnance pénale du 30 septembre 2024, le Procureur – après avoir rejeté les réquisitions de preuves formulées par A______ (inspection des locaux de la F______ et auditions de I______ ainsi que de K______) – a déclaré le premier nommé coupable d'infractions aux art. 126 et 177 CP (s’agissant des évènements du 26 janvier 2023) ainsi qu'aux art. 174 et 303 CP (concernant les autres faits reprochés à l'intéressé).

Il a considéré que les déclarations des protagonistes de l'algarade divergeaient en tous points, chacun soutenant avoir été victime d’une agression de la part de l’autre. L'audition des témoins n'avait pas permis d'établir clairement le déroulement du début de l'altercation; en effet, "certaines zones d'ombre" subsistaient, en particulier le fait de savoir si B______ avait, ou non, pivoté sa chaise au moment où A______ était arrivé vers lui, respectivement si le premier nommé avait "barr[é] – tout au plus partiellement – la route [au second] vers la sortie". Ce nonobstant, lesdits témoins s'accordaient sur les points suivants : A______ avait insulté B______ juste avant l'altercation physique; celui-là avait donné plusieurs coups de poings à celui-ci, alors qu’il se trouvait au sol; A______ avait été ceinturé et escorté hors de la salle par I______; B______ n'avait fait preuve d'aucune violence, sous forme physique ou verbale, envers A______.

À cette aune, la version de A______ n'était corroborée par aucun des témoins, au contraire de celle de B______. Il s'ensuivait que celui-là s'était rendu coupable de voies de fait et d'injures à l'égard de celui-ci.

Par ailleurs, A______, qui ne pouvait ignorer le déroulement des faits tels que sus-relatés, savait pertinemment n'avoir été l'objet d'aucune agression de la part de B______; il avait donc colporté de telles accusations auprès de tiers, respectivement déposé une plainte pénale contre ce dernier, tout en le sachant innocent.

d.f.b. A______ a formé opposition à cette décision, au motif qu'elle se fondait sur des témoignages "discordant[s]", dont la valeur probante "laiss[ait] sceptique".

d.f.c. Le Ministère public a maintenu son ordonnance et transmis la cause au Tribunal de police.

La procédure est actuellement pendante devant cette juridiction.

C. Dans sa décision de classement déférée, également datée du 30 septembre 2024, le Procureur a procédé aux mêmes constats que ceux exposés à la lettre B.d.f.a supra.

Il a considéré, s'agissant de l'algarade du 26 janvier 2023, que A______ n'avait pas été agressé par B______ (art. 319 al. 1 let. a CPP).

Concernant la calomnie et "la dénonciation calomnieuse", le second cité avait bien été victime d’une attaque de la part du premier; il avait donc des raisons de tenir ses accusations, formulées auprès de tiers, pour vraies (art. 319 al. 1 let. b CPP).

D. a.a. À l'appui de ses recours et réplique, auxquels il joint des pièces nouvelles, A______ invoque trois principaux arguments.

i. Le Ministère public avait violé l’art. 177 al. 2 CPP, dès lors qu’il avait omis d’interroger les cinq témoins sur les circonstances propres à évaluer leur crédibilité. 

Or, s’il l’avait fait, il aurait réalisé que ces protagonistes n’étaient pas impartiaux, cela pour deux motifs.

D’une part, ils avaient un intérêt personnel à soutenir la thèse de B______, celle-ci rejoignant la position adoptée par le conseil de la F______ dans la procédure administrative afférente à sa révocation.

D’autre part, ils avaient – comme cela ressortait des documents annexés à son recours – relu et "validé" la plainte de B______, avant que celle-ci ne soit adressée aux autorités tant pénale qu’administrative.

Il s’ensuivait que la crédibilité générale des intéressés devait être sensiblement relativisée.

ii. Les témoignages recueillis ne permettaient pas d’exclure que B______ avait fait preuve de violence à son égard, le 26 janvier 2023.

Ainsi, certains des déposants avaient affirmé que le prénommé : l’avait "frappé avec [l]es pieds"; avait réagi et répondu à diverses insultes; lui avait "volontairement barré (…) la route" avec la main. L’un d’eux avait ajouté qu’il y avait eu "une excitation générale".

iii. À cette aune, les éléments objectifs du dossier ne permettaient pas de départager les récits divergents des parties, d’une crédibilité équivalente, de sorte que le Procureur ne pouvait considérer les faits litigieux comme clairement établis.

Les actes reprochés à B______ étant manifestement constitutifs de voies de faits, voire de contrainte (le précité lui ayant bloqué l'accès à la sortie de la salle, en pivotant la chaise sur laquelle il était assis pour lui faire face et en effectuant un geste avec le bras), ainsi que de calomnie et "dénonciation calomnieuse", il convenait de le renvoyer en jugement du chef de ces infractions.

a.b. A______ joint à son recours :

·        un extrait du procès-verbal de l’audition de K______ devant l’autorité administrative; ce témoin s’y est exprimé comme suit au sujet des évènements ayant immédiatement suivi l’algarade : " la séance [du 26 janvier 2023] n’était pas close[;] il restait tous les membres du Conseil de fondation à l’exception de M. A______ (…). [À] ce moment, M. B______ a indiqué vouloir déposer plainte. Le Conseil lui a indiqué que sa plainte servirait de base de faits pour demander la révocation de M. A______. Cela s’est décidé, sur le fond, le soir même. Ensuite, M. B______ a soumis sa plainte au Conseil qui a considéré que les faits correspondaient. Partant, la plainte a été envoyée comme état de fait au Bureau du Conseil municipal";

·        la demande de révocation de A______, adressée le 31 janvier 2023 par le conseil de la F______ – avec une copie de la plainte pénale de B______ – au Bureau du Conseil municipal de la Commune de L______.

b. Invité à se déterminer, B______ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens chiffrés à CHF 2'067.42. Il réitère n’avoir usé d’aucune violence envers A______. Les déclarations des témoins – qui étaient impartiales et crédibles, contrairement à ce que le recourant tentait, "avec maladresse" et "dans un délire de persécution", de faire accroire – confirmaient sa thèse.

c. Pour sa part, le Ministère public persiste dans les termes de son ordonnance, contestant toute violation de l’art. 177 al. 2 CPP.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), contre une décision de classement, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. Les conclusions formulées dans cet acte visant le renvoi de B______ en jugement du chef des évènements survenus le 26 janvier 2023 (algarade), d'une part, ainsi qu'entre les 27 janvier et 3 février 2023 (tenue d’éventuels propos diffamants auprès de tiers), d'autre part, sont recevables, le recourant s’étant constitué partie plaignante à leur sujet (art. 118 al. 1 et 2 cum 104 al. 1 let. b CPP) et disposant d'un intérêt juridiquement protégé à voir poursuivre les infractions (prétendument) commises à ces dates (art. 115 cum 382 CPP).

1.2.2. Tel n’est en revanche pas le cas de la conclusion tendant à la mise en accusation du prénommé pour dénonciation calomnieuse.

En effet, A______ n'a jamais porté plainte du chef d'une telle infraction, seul B______ s’étant prévalu de l’art. 303 CP (cf. à cet égard lettres B.d.a.a et B.d.a.b).

La mention de cette dernière norme dans la décision de classement procédant de toute évidence d'une erreur (confusion avec les faits objets de l'ordonnance pénale), le procédé du recourant, qui cherche à en tirer profit, frise la témérité.

1.3. Les écritures des intimés et la réplique du recourant, déposées sur invite de la Chambre de céans (art. 390 al. 2 et 3 CPP), sont recevables.

Il en va de même des pièces nouvelles produites à l'appui de ces actes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2. A______ considère qu’il existe une prévention suffisante, contre B______, d’infractions aux art. 126 et 181 CP.

2.1. Le classement de la procédure s’impose lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi, respectivement quand les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (art. 319 al. 1 let. a et b CPP).

Cette décision ne peut être prononcée que s'il apparaît clairement que les faits litigieux ne sont pas punissables (principe in dubio pro duriore). La procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités de l'une ou l'autre de ces issues apparaissent équivalentes (arrêt du Tribunal fédéral 7B_889/2023 du 20 février 2025 consid. 4.2.1). 

Le ministère public, et à sa suite la juridiction de recours, disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (ibidem).

2.2. Selon l’art. 177 al. 2 CPP, l’autorité interroge le témoin, au début de sa première audition, sur ses relations avec les parties et d’autres circonstances propres à déterminer sa crédibilité.

2.3.1. Les voies de fait (art. 126 CP) se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Ainsi en va-t-il, notamment, d'une gifle, d'un coup de poing/pied ou encore de fortes bourrades avec les mains/coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_813/2024 du 10 janvier 2025 consid. 2.1).

2.3.2. Se rend coupable de contrainte quiconque, notamment en entravant une personne dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte (art. 181 CP).  

Le moyen utilisé doit être propre à impressionner un individu de sensibilité moyenne et à l’entraver de manière substantielle dans ses choix et/ou mouvements (arrêt du Tribunal fédéral 6B_20/2024 du 17 décembre 2024 consid. 15.1).

L’infraction est intentionnelle; le dol éventuel suffit (ibidem).

2.4. En l’espèce, A______ et B______ s’opposent sur la commission, par le second, au détriment du premier, d’actes de violence physique et/ou de contrainte, le 26 janvier 2023.

2.4.1. L’algarade s’est déroulée en présence de cinq personnes, toutes entendues comme témoins par le Ministère public.

Le point de savoir si le Procureur a respecté les réquisits de l’art. 177 al. 2 CPP lors de leurs auditions souffre de demeurer indécis, compte tenu de ce qui suit.

En effet, A______ a énoncé, dans son recours, les deux motifs susceptibles, selon lui, de mettre en doute l’impartialité des intéressés et la Chambre de céans dispose d’un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 CPP) pour apprécier ces motifs.

À bien suivre A______, les témoins et B______ se seraient ligués contre lui afin d’obtenir sa révocation, injustifiée, du conseil de la F______.

Il n’expose toutefois pas les raisons qui auraient poussé ces témoins à agir de la sorte. En particulier, il ne fait état d’aucun différend, d’ordre personnel, l’opposant aux intéressés.

Il s’ensuit que le premier motif de partialité avancé par le recourant ne convainc pas.

S’agissant du second, il résulte des pièces produites devant la Chambre de céans que les membres du conseil de la F______ ont pris connaissance de la plainte de B______ (datée du 30 janvier 2023) avant d’être entendus dans la procédure pénale (le 22 novembre suivant).

Un tel comportement, s’il est, en théorie, susceptible de jeter un certain discrédit sur les déclarations d’une personne, ne paraît pas avoir eu de répercussion(s) in casu.

En effet, il a été jugé ci-dessus que les cinq témoins concernés n’avaient aucune raison d’incriminer A______ ni, partant, de se concerter, entre eux et/ou avec B______, pour livrer un récit mensonger. Le recourant n’a, du reste, jamais déposé plainte contre eux du chef de faux témoignage (art. 307 CP).

À cela s’ajoute que la presse s’est fait l’écho des thèses soutenues par les deux protagonistes de l’algarade, de sorte que lesdits témoins, même s’ils n’avaient pas lu la plainte de B______, auraient nécessairement eu connaissance, avant leurs auditions, de la version de chacune des parties.

Il n’y a donc pas lieu de douter de la crédibilité générale de ces témoins.

2.4.2. S’agissant des voies de faits, A______ prétend que B______ aurait "bondi" de sa chaise au moment où lui-même se dirigeait vers la sortie de la salle, l'aurait empoigné, puis lui aurait asséné un coup de poing au visage.

Ces accusations ne sont corroborées par aucun des cinq témoins ayant assisté à l’altercation.

Au contraire, tous ont exclu, soit expressément (G______, I______ et J______), soit implicitement (au vu de la teneur de leurs déclarations [H______ ainsi que K______]), la commission d’actes de violence physique par B______.

Le recourant se livre à une lecture personnelle des témoignages de G______ et H______ en soutenant qu’ils auraient affirmé que B______ l’avait "frappé avec [l]es pieds". En effet, la première citée a simplement déclaré que B______, alors au sol, "gigotait avec ses jambes" et le second, que l’intéressé avait "essay[é]" de se défendre en donnant des coups avec les pieds.

Le recourant n’a, du reste, jamais évoqué de tels coups dans sa version initiale des faits (cf. lettre B.d.c.a supra).

À cette aune, l’existence de soupçon(s) suffisant(s) de la commission de voies de fait de la part de B______ doit être niée (art. 319 al. 1 let. a CPP).

Qu’il y ait eu une "excitation générale" lors de l’algarade (selon H______) n’y change rien.

Il en va de même du fait que B______ aurait pu éventuellement répondre aux insultes de A______ (d’après les souvenirs du témoin précité), ce volet – au sujet duquel aucune plainte n’a été déposée dans le délai requis (cf. art. 177 cum 178 al. 2 CP) – étant exorbitant à l’infraction à l’art 126 CP.

2.4.3. Le recourant soutient que B______ lui aurait bloqué l'accès à la sortie de la salle, en pivotant la chaise sur laquelle il était assis pour lui faire face et en effectuant un geste avec le bras, actes qu’il estime être constitutifs de contrainte.

Ces mouvement et geste – attestés par G______ ainsi que I______ – sont objectivement impropres, de par leur nature et leur intensité toute relative, à impressionner un individu de sensibilité moyenne et à l’entraver de manière substantielle dans sa liberté d’action.

A______ les a d’ailleurs perçus comme insignifiants, puisqu’il n’en a pas fait état dans son récit initial (cf. lettre B.d.c.a supra), s’en étant uniquement prévalu après l’audition des deux prénommés.

À cela s’ajoute que B______ semble avoir eu pour intention, en effectuant le geste du bras sus-évoqué, non pas d’empêcher le recourant de quitter les lieux, mais de tenir ce dernier éloigné de lui (selon les explications fournies par I______).

Il s’ensuit que les conditions d’application de l’art. 181 CP ne sont pas réalisées (art. 319 al. 1 let. b CPP).

2.5. En conclusion, le classement querellé est exempt de critique en tant qu’il porte sur les faits dénoncés par A______ en lien avec l’algarade.

3. Le recourant considère qu’il existe une prévention suffisante, contre B______, d’infraction à l’art. 173/174 CP s’agissant des évènements survenus entre les 27 janvier et 3 février 2023.

3.1.1. Se rend coupable de diffamation (art. 173 al. 1 CP), quiconque, en s’adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur.

3.1.2. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue, notamment, par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses et que l’auteur connaît cette fausseté (arrêt du Tribunal fédéral 7B_10/2022 du 25 septembre 2023 consid. 4.3.4).

3.2. Les autorités pénales sont tenues de respecter, dans le cadre de leur prononcé, la garantie de la présomption d’innocence, ancrée aux art. 10 al. 1 CPP et 6 § 2 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_238/2022 du 10 janvier 2023 consid. 2.1).

Celle-ci est méconnue si, sans établissement légal préalable de la culpabilité d'un prévenu et sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer les droits de la défense, une décision judiciaire le concernant reflète le sentiment qu'il est coupable. Il peut en aller ainsi même en l'absence de constat formel; il suffit d'une motivation donnant à penser que le juge considère l'intéressé comme tel (ibidem).

3.3. En l’occurrence, statuer sur la question ici litigieuse – à savoir si B______ a faussement accusé A______ (auprès de membres du parti E______/de la presse) de l’avoir agressé et injurié lors de la séance du 26 janvier 2023 – implique nécessairement de déterminer si ce dernier a agi de la sorte et, partant, violé les art. 126 et 177 CP.

3.3.1. Le Ministère public ne pouvait pas répondre à cette question, au stade du classement (intervenu le 30 septembre 2024), sans préjuger de la culpabilité de A______ quant aux deux infractions précitées – l’ordonnance pénale condamnant ce dernier pour voies de fait et injures, prononcée à cette même date, n’étant alors pas entrée en force –.

3.3.2. Cette situation, problématique sous l’angle de la présomption d’innocence, est toujours d’actualité, puisque le Tribunal de police, saisi de l'opposition formée par A______ à l'ordonnance pénale du 30 septembre 2024, ne s’est pas encore prononcé sur le caractère (in)fondé de cette condamnation.

3.4. Il s’ensuit que le classement querellé, en tant qu’il porte sur la (potentielle) violation, par B______, de l’art. 173/174 CP, était, et demeure, prématuré.

Ledit classement doit donc être annulé et le dossier renvoyé au Ministère public, à charge pour lui de suspendre la cause sur ce volet dans l’attente de l’issue du procès de A______, au sens de l’art. 314 al. 1 let. b CPP (cf. pour le caractère approprié d’une telle suspension, lorsqu’il existe une contre-plainte du prévenu pour des infractions contre l’honneur : Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14a ad art. 314).

4. En conclusion, le recours sera partiellement admis, dans la mesure de sa recevabilité.

5. 5.1. Le recourant succombe (art. 428 al. 1 CPP) sur trois des quatre infractions dont il querellait le classement (cf. art. 303, 126 et 181 CP).

Il sera, en conséquence, condamné aux trois quarts des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 1’125.-, somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

Le solde de ces frais (CHF 375.-) – afférent à l’infraction à l’art. 173/174 CP – sera laissé à la charge de l'État, vu le renvoi de la cause au Procureur sur cet aspect (art. 428 al. 4 CPP).

5.2. Aucune indemnité ne sera allouée au recourant, partie plaignante, en lien avec cette dernière infraction. En effet, même si le classement y relatif a été annulé, cette situation n’est pas due au bien-fondé de son recours sur ce point (art. 436 al. 1 cum 433 al. 1 let. a, a contrario, CPP; cf. ACPR/177/2022 du 10 mars 2022, consid. 13.2).

5.3. L’intimé, prévenu qui obtient partiellement gain de cause, peut prétendre à l’octroi de dépens (art. 436 al. 1 cum 429 al. 1 let. a CPP).

Il réclame CHF 2'067.42 à ce titre, correspondant à 4 heures et 15 minutes d’activité (pour un entretien en l’étude [1 heure et 30 minutes], la prise de connaissance du recours, acte qui comporte quatorze pages, ainsi des pièces y relatives [1 heure et 45 minutes] et la rédaction d’observations – exclusivement consacrées à l’algarade – de trois pages [1 heure]), facturées au tarif horaire de CHF 450.-.

Le temps dédié à certains des postes susvisés apparaît excessif. Il sera donc ramené, dans sa globalité, à 2 heures et 30 minutes, durée qui apparaît raisonnable pour s’y adonner.

Une somme de CHF 1'217.- (arrondie) sera, ainsi, allouée au prévenu (2.5 heures x CHF 450.- [ACPR/275/2025 du 8 avril 2025, consid. 2.3], majorées de la TVA à 8.1% [CHF 91.15]) et mise, pour moitié, à la charge du recourant (l’infraction à l’art. 126 CP se poursuivant sur plainte [art. 432 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_406/2023 du 6 novembre 2023 consid. 3.1]) et, pour moitié, à celle de l’État (l’art. 181 CP étant réprimé d’office; arrêt du Tribunal fédéral 6B_406/2023 précité).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule l'ordonnance de classement, en tant qu’elle porte sur l’infraction à l’art. 173/174 CP (tenue d’éventuels propos diffamants/calomnieux, auprès de tiers, entre les 27 janvier et 3 février 2023), et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Confirme cette ordonnance pour le surplus.

Condamne A______ aux trois quarts des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-, soit au paiement de CHF 1’125.-, le solde de ces frais (CHF 375.-) étant laissé à la charge de l'État.

Dit que la somme de CHF 1’125.- due par A______ sera prélevée sur les sûretés versées, le solde desdites sûretés (CHF 375.-) devant lui être restitué.

Alloue à B______ une indemnité de CHF 1'217.- (TVA à 8.1% incluse; art. 429 CPP), à la charge, pour moitié de A______ (CHF 608.50) et pour moitié de l'État (CHF 608.50).

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/2331/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'405.00

Total

CHF

1'500.00