Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/370/2025 du 15.05.2025 sur ONMMP/1829/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/13762/2023 ACPR/370/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 15 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée de matière rendue le 10 avril 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 22 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du
10 avril 2025, notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public, après avoir décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la procédure, a refusé de lui allouer une indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ch. 4 du dispositif).
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du ch. 4 du dispositif de ladite ordonnance et au renvoi du dossier au Ministère public pour qu'il statue sur son indemnité de procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 25 mai 2023, C______ a déposé plainte pénale pour diffamation à l’encontre de A______ et de D______.
En substance, il a expliqué que le 10 mai 2023, les précités avaient signé une lettre en ______ [dialecte] au nom du E______ CLUB, dans laquelle ils avaient affirmé, à tort, qu'il était responsable de la non-venue de l'ambassadeur du G______ à la "F______ Party". Cette accusation avait également été portée par les précités le ______ 2023 à la soirée du Ramadan. Cette publicité mensongère visait à abimer son image personnelle et commerciale, tout en cachant la réalité des faits en désignant un bouc-émissaire. Cette situation lui avait causé une perte significative de clientèle au sein de sa communauté, entraînant un important manque à gagner, et lui avait valu de nombreux reproches. En conséquence, il sollicitait la réparation de son préjudice ainsi que l’octroi de dommages et intérêts.
Il a produit, à l'appui de sa plainte, une copie de la lettre litigieuse, ainsi qu'une traduction libre de celle-ci effectuée par ses soins.
b. Par courrier de son conseil du 17 novembre 2023, A______ a rappelé la nécessité de la présence d'un interprète ______ lors de son audition à venir – dont il avait déjà personnellement fait la demande par courriel du 9 précédent.
c. Entendu par la police le 4 juin 2024, en présence de son conseil et d'un interprète ______, A______ a reconnu avoir rédigé et signé la lettre susmentionnée. Il niait toutefois les faits reprochés. Il avait demandé à C______, avec beaucoup de respect, s’il était à l’origine de la non-venue de l’ambassadeur à la soirée pour célébrer la F______, le ______ 2023. Le courrier litigieux avait été adressé à C______ personnellement. Il n’avait pas agi de manière publique ou sur les réseaux sociaux. Il contestait avoir publiquement affirmé, lors de la soirée du ______ 2023, que le plaignant était à l'origine de la non-venue de l'ambassadeur. Il s'était contenté de suggérer que quelqu'un avait probablement empêché sa venue, sans mentionner de nom ou accuser qui que ce soit.
d. Entendu, seul, le même jour par la police, D______ a confirmé la version de A______.
e. Par courrier de son conseil du 11 juin 2024 et relance du 26 suivant, A______ a contesté la fiabilité de la traduction libre de la lettre litigieuse, s'est opposé au versement au dossier de son casier judiciaire et de son "dossier police" et a sollicité une indemnité de CHF 972.90 pour l’activité exercée par son conseil, Me B______.
f. Le 13 novembre 2024, le Ministère public a invité C______ à produire une traduction certifiée conforme de la lettre litigieuse, ce que ce dernier a fait en date du 13 décembre 2024.
g. Par courrier du 24 mars 2025, A______ a sollicité qu'une ordonnance de classement soit rendue et chiffré ses prétentions en indemnisation pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure à CHF 2’017.87.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que la lettre en question avait été adressée uniquement au plaignant. Les mis en cause avaient de plus nié avoir publiquement affirmé, lors de la soirée du ______ 2023, que le plaignant était à l'origine de la non-venue de l'ambassadeur. Dès lors, en présence de versions contradictoires, il n'était pas possible de privilégier l'une au détriment de l'autre. En tout état, les propos ne revêtaient pas l'intensité suffisante pour être considérés comme attentatoires à l'honneur.
La procédure avait pris fin après une seule audition à la police. L'affaire n'avait ainsi comporté aucune complexité en fait ou en droit, de sorte que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir retenu de complexité particulière de la cause. Les faits reprochés étaient d'une certaine gravité, dès lors que la peine encourue était de trois ans au plus et de 30 jours-amende au moins lorsque le calomnieur avait délibérément cherché à ruiner la réputation de sa victime, ce qui lui était précisément reproché. Il réclamait de plus une réparation à titre de manque à gagner. La plainte s'inscrivait dans un cadre professionnel et commercial ainsi qu'un contexte politique délicat et tendu. La défense dans une procédure d'infractions contre l'honneur pouvait de plus s'avérer "délicate", dès lors que pour se disculper, il devait démontrer le caractère fallacieux des accusations.
Son conseil avait de plus dû demander à plusieurs reprises qu'un interprète en ______ soit présent et intervenir pour que l'ordonnance litigieuse soit rendue, après deux ans de procédure. Enfin, étant désormais domicilié en France, le recours à un avocat était nécessaire afin qu'il puisse faire élection de domicile en son Étude, en Suisse.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner un point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du mis en cause qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant critique le refus du Ministère public de lui allouer une indemnité.
3.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu bénéficiant d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Bien que cette disposition ne mentionne pas expressément l'ordonnance de non-entrée en matière, cette dernière peut également donner lieu à indemnité (ATF 139 IV 241 consid. 1).
3.2. L'indemnité couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la gravité de l'infraction, de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_12/2021 du 11 septembre 2023 consid. 3.1.1).
Le seul fait qu'un crime ou un délit soit reproché au prévenu n'entraîne pas automatiquement le droit à une indemnité. La jurisprudence admet en particulier que l'assistance d'un avocat ne procède pas nécessairement d'un exercice raisonnable des droits de la défense lorsque l'enquête pénale est close après une première audition par la police (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 2.5.1).
3.3. En l'espèce, le recourant s'est vu reprocher une infraction contre l'honneur, soit, un délit. On ne voit cependant pas en quoi l'affaire aurait présenté une complexité particulière, telle qu'il cherche à la faire constater.
En effet, bien que l'intéressé soit de langue maternelle ______, il a pu bénéficier de la présence d'un interprète lors de son unique audition à la police. Il a été en mesure de demander seul, par courriel du 9 novembre 2023, la présence de l'interprète, de sorte que l'intervention d'un avocat n'était pas nécessaire pour rappeler cette demande quelques jours plus tard. Son audition a porté sur des faits clairement circonscrits ne présentant aucune difficulté de compréhension, son rôle se limitant, à ce stade, à répondre aux questions qui lui étaient posées, ce qui ne présupposait aucune connaissance juridique particulière. Il ressort du reste de ses réponses qu'il a parfaitement compris ces questions.
S'il est vrai que la procédure a duré près de dix mois, à compter du moment où le recourant a été entendu par la police, et qu'aucun acte de procédure n'a été accompli jusqu'au prononcé de l'ordonnance attaquée, autre que la traduction certifiée conforme de la lettre – objet de la plainte –, demandée par son intermédiaire, cet élément ne suffit pas à retenir une complexité du dossier nécessitant l'intervention d'un avocat. L'on ne voit en outre pas quel impact la procédure a pu avoir sur le recourant, ce dont il ne dit mot au demeurant.
Le prétendu "manque à gagner" allégué par le plaignant dans sa plainte n'est aucunement chiffré ni détaillé. Ce dernier n'a formulé aucune prétention à cet égard, de sorte que l'intervention d'un avocat ne se justifiait pas plus sous cet angle.
Enfin, le nouveau domicile en France du recourant ne constitue aucunement un motif justifiant l'intervention d'un avocat pour des motifs d'élection de domicile en Suisse, vu l'Accord franco-suisse du 28 octobre 1996 complétant la Convention européenne d'entraide en matière pénale (RS 0.351.934.92) qui prévoit la possibilité d'une notification par voie postale directement sur le territoire français (art. 87 al. 2 2ème phrase CPP).
Dans ces circonstances, l'analyse du Ministère public, qui a estimé que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire, n'est pas critiquable.
Le recours sera, partant, rejeté.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'état, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du règlement fixant le tarif de frais en matière pénale).
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER, juge et Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/13762/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
- demande sur récusation (let. b) | CHF | |
Total | CHF | 900.00 |