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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/37/2025

ACPR/367/2025 du 15.05.2025 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.58

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/37/2025 ACPR/367/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 15 mai 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par
Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève,

requérant,

 

et

B______, Procureure, Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
case postale 3565, 1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. Par courrier daté du 2 mai 2025, adressé au Ministère public, lequel l'a transmis le 6 mai suivant à la Chambre de céans, A______ requiert la récusation de la procureure B______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ fait l'objet d'une procédure pénale ouverte des chefs de menaces (art. 180 CP), viol (art. 190 CP), infraction à la Loi fédérale sur les armes et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP). Les faits reprochés se sont déroulés dans un contexte intrafamilial et de consommations de stupéfiants par le requérant.

B______, procureure, est chargée de cette procédure.

b. Interpellé le 26 décembre 2024 à son domicile, le prénommé a été placé en détention provisoire, régulièrement prolongée depuis lors.

c.a. A______ a déposé une première demande de mise en liberté immédiate à l'issue de l'audience du 17 janvier 2025, rejetée, après prise de position du Ministère public du 20 janvier 2025, par ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) du 24 janvier 2025 (OTMC/292/2025), contre laquelle il n'a pas recouru.

c.b. Il a à nouveau demandé sa mise en liberté le 4 février 2025. Cette demande de mise en liberté a, après prise de position du Ministère public du 7 février 2025, été refusée par le TMC par ordonnance du 11 février 2025, confirmée par la Chambre de céans (ACPR/197/2025 du 13 mars 2025, arrêt faisant actuellement l'objet d'un recours au Tribunal fédéral sous le numéro de procédure 7B_1______/2025).

c.c. Le 20 mars 2025, le Ministère public a demandé la prolongation de la détention provisoire de A______, indiquant qu'une expertise psychiatrique (cf. infra e.) serait mise en œuvre dès la désignation des experts par le Centre universitaire de médecine légale (ci-après, CURML). Le prévenu s'est opposé à la prolongation de sa détention, contestant l'existence de risques de collusion, réitération et fuite, relevant qu'il était étonnant que le Ministère public se contentât d'attendre un retour du CURML depuis plus d'un mois et demi sans avoir tenté de relancer celui-ci. Dans son ordonnance du 24 mars 2025, le TMC a ordonné la prolongation de la détention provisoire du prévenu jusqu'au 26 juin 2025, invitant le Ministère public à mettre en œuvre l'expertise psychiatrique dans les meilleurs délais.

c.d. Enfin, lors de l'audience du 23 avril 2025, A______ a formé une troisième demande de mise en liberté. Dans sa prise de position le 25 avril 2025, la Procureure a retenu l'existence de charges suffisantes, qui ne s'étaient pas amoindries malgré le retrait partiel de la plainte de l'épouse du prévenu. Outre un risque de récidive qui demeurait, le risque de collusion avec l'épouse et le fils du prévenu demeurait très concret, renforcé par la position de l'intéressé qui "conteste la plupart des faits qui lui sont reprochés et [qui] semble convaincu que le seul but du dépôt de la plainte pénale déposée à son encontre était de le forcer à le soigner".

La mise en liberté de A______ a été refusée par ordonnance du TMC du 29 avril 2025.

d. Au cours de son instruction, le Ministère public a, notamment, procédé aux auditions suivantes :

- audition du prévenu le 27 décembre 2024, à l'Hôpital de C______,

- audition de son épouse – plaignante – en confrontation le 17 janvier 2025,

- audition de son fils – également plaignant – en confrontation le 4 février 2025,

- audition du frère du prévenu, sur demande de celui-ci, le 23 avril 2025.

e. Préalablement, le 7 février 2025, le Ministère public a sollicité du CURML la désignation d'un expert en vue de l'expertise psychiatrique du prévenu.

Le nom des experts a été communiqué par le CURML au Ministère public le 2 avril 2025. Celui-ci a, par courrier du 22 avril 2025, communiqué un projet d'expertise aux parties qui ont, dans le délai qui leur avait été imparti au 5 mai 2025, indiqué ne pas avoir de questions complémentaires ni de motifs de récusation contre les experts proposés.

L'expertise psychiatrique de A______ a été ordonnée le 8 mai 2025.

C. a. Dans sa requête en récusation, qu'il indique former "principalement" suite à la prise de position de B______ du 25 avril 2025, A______ allègue :

- qu'en ne mettant pas en œuvre l'expertise psychiatrique durant quatre mois, alors même que cet acte d'instruction était annoncé fin décembre 2024, la Procureure semblait démontrer une inimitié à son encontre;

- qu'en retenant, dans sa prise de position, un risque de collusion par le fait qu'il "conteste la plupart des faits qui lui sont reprochés et [...] semble convaincu que le seul but du dépôt de plainte pénale déposée à son encontre était de le forcer à se soigner", la Procureure semblait prendre parti à son encontre en justifiant son refus par le fait qu'il ne souhaitait pas reconnaître les infractions, démontrant ainsi sa conviction de sa culpabilité. Cette situation était d'autant plus incompréhensible que son frère avait expliqué que le but de la plainte était précisément qu'il se fasse soigner et que la plaignante avait partiellement retiré sa plainte, expliquant elle aussi que sa démarche était portée par la volonté de le faire soigner.

b. À réception de la requête, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.                  Partie à la procédure P/155/2023 en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans, siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2.                  2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, à la direction de la procédure dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités).

Les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont en principe satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six ou sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation ; en revanche, ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois ou même vingt jours plus tard. Pour procéder à cette appréciation, sont notamment déterminantes les circonstances d'espèce, ainsi que le stade de la procédure. La péremption du droit de demander la récusation doit être appréciée avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_647/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.1).

2.2. En l'espèce, formée le 2 mai 2025, soit dans les jours qui ont suivi la prise de position critiquée de la citée, la requête n'est pas tardive.

3.                  3.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

En tant que direction de la procédure (art. 61 let. a CPP), l'attitude et/ou les déclarations du procureur ne doivent pas laisser à penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art. 6 et 10 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.2 = SJ 2017 I 50 ; 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.3).

Cependant, si durant l'instruction, le ministère public est tenu à une certaine impartialité, il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1).

3.2.1. En l'espèce, en tant qu'elle vise le temps pris par la citée pour ordonner l'expertise du requérant, la demande de récusation est infondée.

En effet, on ne voit pas que la Procureure aurait particulièrement tardé à agir. Elle a sollicité du CURML la proposition d'experts le 7 février 2025, soit peu après la seconde audience de confrontation du 4 précédent. Certes le CURML n'a réagi à cette demande que près de deux mois plus tard, le 2 avril 2025, et le dossier ne contient pas de relance de la part de la Procureure, nonobstant l'injonction du TMC du 24 mars 2025 de mettre en œuvre l'expertise sans délai. Ensuite, la Procureure a transmis le 22 avril 2025, soit juste après le week-end de Pâques, le projet de mandat d'expertise aux parties, puis, à l'issue du délai accordé à celles-ci pour leurs éventuelles observations, émis le mandat d'expertise le 8 mai 2025.

Même en considérant que le requérant est détenu, les délais imputables à la Procureure ne paraissent pas excessivement longs.

Le seraient-ils qu'on ne voit pas encore en quoi ils reflèteraient une inimitié de la citée à l'encontre du requérant. Celui-ci ne l'explique du reste pas dans sa demande.

3.2.2. En tant qu'elle vise la prise de position du 25 avril 2025, la demande de récusation est tout autant infondée.

On perçoit en effet mal en quoi souligner le souhait de l'épouse, voire du frère, du requérant de voir celui-ci se soigner, ou à tout le moins attribuer au requérant la conviction que tel est le cas, démontrerait que la Procureure serait convaincue de sa culpabilité. Il en va de même sur le fait de relever que le requérant conteste la plupart des faits qui lui sont reprochés et semble convaincu de son innocence.

En tout état, il appartenait à la Procureure de prendre position sur la demande de mise en liberté qui lui était soumise, en se prononçant sur les dispositions légales applicables, notamment sur les charges suffisantes et sur les risques présentés (art. 221 al. 1 CPP). Ce faisant, la Procureure, à ce stade de l'instruction, était en droit d'adopter une attitude plus orientée à l'égard du requérant.

4.                  La requête, infondée, sera donc rejetée.

5.                  Au vu de son issue, il n’y avait pas à demander à la magistrate concernée de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2. et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références).

6.                  Le requérant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 800.-.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, et à B______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/37/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00