Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/364/2025 du 14.05.2025 sur ONMMP/488/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1848/2025 ACPR/364/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 14 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Aliénor WINIGER, avocate, MWR Avocats, rue des Glacis-de-Rive 23, 1207 Genève,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 29 janvier 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 10 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 janvier 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte, déposée le 26 décembre 2024, contre B______ pour enlèvement de mineur.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction afin, principalement, qu'il procède à une audition de confrontation, subsidiairement, qu'il rende une ordonnance pénale à l'encontre de B______.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et B______ se sont mariés en 2019, à Genève. De leur union est née, C______, le ______ 2022, sur laquelle ils ont l'autorité parentale et la garde conjointes.
b. Le 29 novembre 2024, A______ a déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale en demandant notamment que B______ soit invitée à lui restituer les passeports suisse et suédois de l'enfant.
c. Le 26 décembre 2024, A______ a déposé plainte pénale contre B______ au poste de police pour enlèvement de la mineure C______ par sa mère.
Il a exposé que ce même jour, B______, qui avait passé la journée avec sa fille, n'était pas revenue au domicile conjugal.
Inquiet, il avait alors contacté son avocate qui lui avait indiqué avoir reçu durant la journée un courriel de l'avocat de B______ l'informant qu'elle était partie avec sa fille du 26 décembre 2024 au 2 janvier 2025 chez son oncle, à D______[GBR]. L'avocat avait souligné, en gras, que cela ne signifiait pas qu'elle quittait définitivement le domicile conjugal et/ou qu'elle ne reviendrait pas en Suisse. Elle partait simplement pour quelques jours de vacances. Le courriel mentionnait également l'adresse de l'oncle et la confirmation des billets d'avions y était annexée. L'avocat avait envoyé une copie du courriel au Tribunal et à la police.
Il n'avait jamais été informé de ce séjour à l'étranger. Il craignait que B______ se rende définitivement avec leur fille en Iran, son pays d'origine. Elle avait toute sa famille là-bas et elle lui avait déjà indiqué son souhait d'aller y vivre. Il ne savait pas si elle avait pris les passeports de leur enfant car elle les lui cachait. Cela étant, l'oncle de B______ était quelqu'un de gentil et C______ était en sécurité avec sa mère.
d. Entendue par la police le 11 janvier 2025, B______ a admis avoir séjourné avec sa fille à D______[GBR] du 26 décembre 2024 au 2 janvier 2025, date de son retour à Genève. Elle souhaitait y passer les fêtes de fin d'année avec sa famille. Une mauvaise énergie circulait dans leur appartement à Genève en raison de la situation familiale. Elle voulait que C______ "change d'air" en jouant notamment avec la fille de son cousin. Le but était dans tous les cas de revenir et non de quitter définitivement la Suisse. Elle avait seulement pris quelques jours de vacances. Elle n'avait pas informé préalablement A______ afin qu'il ne puisse pas l'empêcher de partir.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public constate que A______ et B______ sont co-titulaires de l'autorité parentale. Dans cette hypothèse, l'enlèvement de mineur ne se posait que si le déplacement à l'étranger d'un parent avait pour effet de priver l'autre parent d'exercer son droit de déterminer le lieu de résidence de son enfant. B______ avait quitté le territoire suisse pour passer quelques jours de vacances avec sa fille, de sorte que A______ n'avait aucunement été privé dudit droit. Les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient donc pas réalisés.
D. a. Dans son recours, A______ indique que B______ ne pouvait pas, sans son accord, éloigner leur enfant de son lieu de séjour, et ce même pour quelques jours. Il était fondé à croire qu'elle n'allait plus jamais revenir avec sa fille à Genève. Elle était consciente d'agir contre sa volonté car elle avait notamment indiqué avoir procédé secrètement afin de l'empêcher de faire valoir ses droits. Les conditions d'une non-entrée en matière n'étaient donc pas réalisées.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. 3.1. Aux termes de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont manifestement pas réunis.
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).
3.2. Selon l'art. 220 CP, se rend coupable d'enlèvement de mineur quiconque, soustrait ou refuse de remettre un mineur au détenteur du droit de déterminer le lieu de résidence.
Pour que ladite infraction soit consommée, il faut que l'auteur empêche le détenteur du droit de déterminer le lieu de résidence de décider, ainsi que la loi l'y autorise, du sort de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_556/2021 du 5 janvier 2022 consid. 2.2). Si les parents détiennent l'autorité parentale conjointe, l'un d'eux peut commettre l'infraction à l'encontre de l'autre, en particulier lorsqu'il modifie illicitement sans son consentement le lieu de résidence de l'enfant (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 12 ad art. 220).
3.3. Selon la définition qu'en donne en règle générale la jurisprudence, la résidence habituelle est basée sur une situation de fait et implique la présence physique dans un lieu donné; la résidence habituelle de l'enfant se détermine ainsi d'après le centre effectif de sa propre vie et de ses attaches. En conséquence, outre la présence physique de l'enfant, doivent être retenus d'autres facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et que la résidence de l'enfant traduit une certaine intégration dans l'environnement social et familial. Sont notamment déterminants la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire et du déménagement de la famille, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l'enfant. La résidence habituelle doit être définie pour chaque personne séparément; cependant, celle d'un enfant coïncide le plus souvent avec le centre de vie d'un des parents, les relations familiales du très jeune enfant avec le parent en ayant la charge étant en règle générale déterminantes. Un séjour de six mois crée en principe une résidence habituelle, mais celle-ci peut exister également sitôt après le changement du lieu de séjour, si, en raison d'autres facteurs, elle est destinée à être durable et à remplacer le précédent centre d'intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 5A_329/2022 du 2 novembre 2022 consid. 3.1.2).
3.4. La résidence habituelle de l'enfant fait ainsi référence à l'endroit avec lequel il a les liens les plus étroits. Un voyage en vacances avec lui ne constitue donc pas un changement de résidence (P. PICHONNAZ / B. FOËX / C. FOUNTOULAKIS (éds), Commentaire romand : Code civil I, 2ème éd., Bâle 2023, n. 5 ad art. 301a CC).
3.5. En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties exercent l'autorité parentale et la garde conjointes sur leur enfant. Le recourant considère toutefois que son épouse ne disposait pas du libre droit d'éloigner leur fille de son lieu de séjour habituel, même pour quelques jours, sans son consentement. À tort.
Le séjour à l'étranger de la mise en cause avec sa fille s'apparente manifestement à des vacances, et non à une volonté délibérée de l'intéressée de vouloir modifier unilatéralement le lieu de résidence de l'enfant.
Le déplacement en question n’a duré que quelques jours et le motif allégué par la mise en cause était de passer les fêtes de fin d'année en famille, ce que le recourant ne conteste pas. L'avocate de ce dernier a d’ailleurs été avisée des dates dudit déplacement et du lieu de séjour à l'étranger.
De plus, quand bien même la mise en cause semble détenir seule les passeports suisse et suédois de l’enfant, le recourant n’allègue pas qu’elle aurait entrepris d’autres démarches afin de partir vivre définitivement avec leur enfant à l’étranger. Preuve en est que mère et fille sont rentrées comme prévu à Genève le 2 janvier 2025.
Compte tenu de ce qui précède, les éléments constitutifs de l’infraction visée à
l’art. 220 CP ne sont donc pas remplis, ce qui justifiait de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera ainsi confirmée.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/1848/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
- demande sur récusation (let. b) | CHF | |
Total | CHF | 1'000.00 |