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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4755/2023

ACPR/354/2025 du 09.05.2025 sur OCL/203/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;GESTION DÉLOYALE;ESCROQUERIE;TROMPERIE;AUGMENTATION DE CAPITAL;PRÊT DE CONSOMMATION;ABUS DE CONFIANCE
Normes : CPP.319; CP.146; CP.138; CP.158; Cst

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4755/2023 ACPR/354/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 mai 2025

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 6 février 2025 par le Ministère public,

et

C______, représentée par Me Nicolas TAMAYO LOPEZ, avocat, NOMEA AVOCATS SA, avenue de la Roserie 76A, case postale, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 20 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 précédent, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Ministère public a partiellement classé la procédure à l'égard de C______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens (chiffrés à CHF 3'150.-), à l'annulation de cette ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de donner suite à ses réquisitions de preuves avant de clôturer l'instruction et de renvoyer C______ en jugement.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La société D______ SA, sise à Genève, et C______, qui en était l'unique actionnaire et administratrice, sont (ou étaient) co-titulaires d'un contrat de bail commercial conclu avec la Commune de E______ [GE] (soit pour elle, [la régie immobilière] F______) et portant sur l'exploitation [du restaurant] D______.

Dans le courant de l'année 2022, A______ a entamé, par l'intermédiaire de G______, architecte, des discussions avec C______ pour reprendre ses actions de D______ SA et l'exploitation de l'établissement.

b.a. Dans ce contexte, A______ et C______ ont conclu, le 17 mai 2022, une "Convention de vente à terme".

À teneur du contrat:

- C______ acceptait de ventre à A______ l'intégralité de ses actions de D______ SA, pour un prix global de CHF 650'000.- (incluant les dettes de la société);

- A______ devait être inscrite au Registre du commerce au plus tard le 31 août 2022;

- C______ devait, dès "le renouvellement (prolongation) du bail", donner sa démission du conseil d'administration et signer la demande de changement de patente de cafetier;

- G______ devait être désigné comme nouvel administrateur et remplacer C______ sur le bail;

- dès le 1er septembre 2022, A______ devait reprendre la direction de l'exploitation et en assumer les coûts.

b.b. Le même jour, selon une quittance signée par A______ et C______, la première a remis à la seconde une somme de CHF 50'000.- pour "le développement du projet de réfection [du restaurant] D______".

Sous le nom et la signature de C______ figure la mention "I______".

b.c. Le 26 juillet 2022, A______ et C______ ont signé, par devant notaire, une convention, selon laquelle:

- C______ était toujours "l'actionnaire unique" de D______ SA;

- la société devait augmenter son capital-actions de CHF 300'000.-;

- cette somme était souscrite par "l'actionnaire actuel" [soit C______];

- un montant de CHF 300'000.-, servant à libérer ladite augmentation, serait versé par A______ sur un compte de consignation, en qualité de prêt à C______, sans intérêts, pour faire un apport de fonds dans la société "selon les accords convenus le 17 mai 2022";

- C______ s'engageait à ne pas utiliser cette somme, sans l'accord écrit et la signature de A______, ainsi qu'à tout mettre en œuvre auprès de la banque pour conférer à cette dernière, seule, un pouvoir de disposition sur ledit compte;

- en cas de refus, par la Commune de E______, d'octroyer le bail à D______ SA (seule ou conjointement avec tout tiers), C______ devait organiser la réduction du capital-actions de la société pour rembourser la somme prêtée par A______.

b.d. Le ______ août 2022, l'augmentation du capital-actions a été inscrite au Registre du commerce, en même temps que l'inscription de la signature collective à deux de A______ [inscription radiée le ______ novembre 2022].

c. Le 10 mars 2023, A______ a déposé plainte contre C______ pour abus de confiance et gestion déloyale.

Elle y explique, en substance, que l'augmentation du capital-actions de D______ SA faisait suite aux déclarations de C______ selon lesquelles la Commune de E______ exigeait des garanties de la solidité financière de la société pour la reconduction du bail [du restaurant] D______. Les relations avec la prénommée s'étaient ensuite détériorées et elle avait découvert, par la presse, que la Commune de E______ avait déjà signifié la résiliation anticipée du bail en question et que des procédures judiciaires étaient pendantes. Il s'était, en outre, avéré que la situation financière de C______ était obérée, plusieurs poursuites étant ouvertes à son encontre. À ses nombreuses demandes d'informations, elle n'avait reçu de la précitée que des réponses lapidaires, voire un silence total. Parallèlement, elle avait appris que cette dernière avait, sans droit, utilisé les CHF 300'000.- consignés.

d. Parmi les pièces jointes à la plainte figure une ordonnance du Tribunal de première instance (ci-après: TPI) du 3 février 2023, faisant interdiction à C______, sur mesures provisionnelles, d'utiliser la somme de CHF 300'000.-, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

e. Le 17 mars 2023, le Ministère public a prononcé le séquestre des relations bancaires dont D______ SA et/ou C______ étaient titulaires auprès de [la banque] H______.

f. Entendue par la police le 6 juin 2023, C______ a contesté les faits reprochés.

Dans sa recherche d'investisseurs pour relancer les affaires [au restaurant] D______, son ami G______ lui avait présenté A______ et son frère, qui avaient adhéré au dossier des travaux envisagés et accepté de les financer. Durant l'été 2022, les "investisseurs" avaient exigé une extension du bail avant le terme prévu en mars 2024 et de devenir administrateurs de la société. Une procédure était pendante auprès du Tribunal des baux et loyers en lien avec ce bail et [la régie] F______ voulait, dans ce contexte, un transfert du bail à un tiers et une augmentation du capital-actions de D______ SA. Lors d'une réunion avec la régie, elle avait présenté le projet "en gestation" car elle voulait que "D______ [perdure]". F______ avait alors exigé plusieurs documents, dont une demande de preuve de fonds. Avec G______, ils avaient préparé le dossier complet et l'augmentation du capital, débouchant sur la convention du 26 juillet 2022.

Après la signature de ladite convention, elle avait demandé à H______ d'ouvrir un compte de consignation et un autre compte intitulé "Augmentation Capital actions". Quelques semaines après, la banque lui avait posé des questions à propos de A______, en particulier sur l'origine des fonds; elle n'avait toutefois pas su répondre. G______ lui avait alors déclaré que "les investisseurs" avaient "de la fortune non déclarée".

Dès le mois de septembre 2022, tant la collaboration que la communication avec A______ étaient devenues compliquées. Elle avait exigé de G______ la finalisation du dossier et l'envoi de la preuve de l'existence de fonds à [la régie] F______, en vain.

Les CHF 50'000.- de A______ avaient été encaissés par sa société [à C______] I______ SÀRL, comme honoraires en lien avec le développement d'un projet visuel pour [le restaurant] D______. Concernant les CHF 300'000.-, ils avaient d'abord servi à augmenter le capital-actions de D______ SA, avant d'être utilisés par la société pour des dépenses "primordiales".

g. Le même jour, le Ministère public a levé les séquestres ordonnés en mains de H______.

h. Selon le rapport de renseignements de la police du 7 juin 2023, l'analyse des comptes de D______ SA avait permis de constater que le compte de consignation avait été crédité de CHF 300'000.- entre le 7 et le 29 juillet 2022. Ces fonds avaient ensuite été transférés sur le compte courant entreprise, avec la rubrique "compte augmentation capital", avant d'être utilisés pour des dépenses courantes, en particulier le paiement du loyer et des salaires. Aucun retrait en cash, ni virements à titre privé, n'avaient été effectués.

i. Le 23 novembre 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______, pour abus de confiance et gestion déloyale, lui reprochant, en substance, de s'être, en sa qualité d'actionnaire et administratrice unique de D______ SA, appropriée sans droit la somme de CHF 300'000.- versée par A______ en vue de l'augmentation du capital de la société.

j. Lors de l'audience par-devant le Ministère public du 24 septembre 2024, C______ a été informée qu'elle était également prévenue pour avoir utilisé sans droit la somme de CHF 50'000.- confiée par A______.

L'intéressée a confirmé que ce montant, payé en faveur de I______ SÀRL, correspondait à ses honoraires pour un travail de design déjà abouti. Il s'agissait d'un dossier soumis à la Commune de E______. Si la mention "G______ ARCHITECTURE + DESIGN" figurait en première page du document, c'était à la demande de G______; elle conservait néanmoins des emails démontrant qu'il s'agissait bien de son concept à elle et s'engageait à les verser à la procédure. Pour le surplus, elle disposait des moyens de rembourser la somme de CHF 300'000.-.

k. Dans un courrier du 1er novembre 2024, C______ a expliqué qu'à teneur de la convention du 17 mai 2022, A______ était tenue, dès le 1er septembre 2022, de reprendre la direction de l'exploitation de l'établissement D______ et d'en assumer entièrement les coûts. L'intéressée s'était toutefois montrée défaillante dans ses obligations et avait tardé à apporter une preuve de fonds à l'attention de [la régie] F______. Pour cette raison, cette dernière avait bloqué le transfert du bail, sans lien aucun avec les autres procédures civiles pendantes. Au contraire, la Commune de E______ acceptait volontiers tout repreneur solvable pour mettre fin à ce litige.

l. Sur avis de prochaine clôture de l'instruction, A______ a, par courrier du 4 février 2025, sollicité les preuves promises par C______ lors de l'audience du 24 septembre 2024, ainsi que l'audition de G______.

En outre, elle a exposé que les agissements de C______ pouvaient être constitutifs, en sus des infractions mentionnées dans la plainte, d'escroquerie. L'intéressée avait fait croire qu'une augmentation du capital de D______ SA était nécessaire pour le renouvellement du bail, alors que celui-ci avait déjà été résilié, dans le but d'obtenir de sa part la somme de CHF 300'000.-, utilisée par la suite de manière contraire aux conventions.

m. Par ordonnance du 6 février 2025, le Ministère public a rejeté ces réquisitions de preuves, estimant qu'elles n'avaient "aucune utilité procédurale, le litige relevant du droit civil".

n. Concomitamment à l'ordonnance querellée, le Ministère public a, par ordonnance pénale, déclaré C______ coupable d'insoumission à une décision de l'autorité, pour avoir utilisé, malgré l'interdiction prononcée par le TPI, la somme de CHF 300'000.- sans l'accord de A______.

C______ y a fait opposition.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que la somme de CHF 300'000.- avait d'abord servi à augmenter le capital-actions de D______ SA, conformément à la convention du 26 juillet 2022, puis aux intérêts de la société, par le paiement des salaires et des loyers. L'argent n'avait pas été utilisé pour des intérêts privés. En outre, selon la jurisprudence de la Chambre de céans (ACPR/39/2014 du 17 janvier 2014), les fonds apportés et libérés à une société dans le cadre d'une augmentation de capital ne constituaient pas des valeurs patrimoniales confiées. Au demeurant, A______ n'était pas lésée par l'infraction de gestion déloyale, n'étant que la créancière de D______ SA, voire sa (future) actionnaire. Concernant la somme de CHF 50'000.-, elle avait servi à payer le travail accompli par C______ au nom de sa société I______ SÀRL, comme cela ressortait de la quittance signée par A______. Les éléments constitutifs des infractions visées aux art. 138 et 158 CP n'étaient ainsi pas réunis et, en tout état, le litige revêtait un caractère civil prépondérant.

D. a. Dans son recours, A______ reproche en premier lieu au Ministère public, sous un grief de violation du droit d'être entendu, d'avoir omis de se prononcer dans l'ordonnance querellée sur l'infraction d'escroquerie, soulevée dans son courrier du 4 février 2025.

Ensuite, la jurisprudence soulevée par le Ministère public relative à l'abus de confiance ne s'appliquait pas au cas d'espèce, notamment du fait que C______ était tenue, contractuellement, de conserver les CHF 300'000.- et de les restituer si le bail [du restaurant] D______ n'était pas reconduit. Il existait ainsi des soupçons d'une appropriation, sans droit, de cette somme confiée. Il en allait de même pour les CHF 50'000.-, dès lors que les explications données à ce sujet par la précitée ne faisaient "aucun sens".

À titre subsidiaire, les infractions de gestion déloyale et d'escroquerie devaient être retenues. C______ était tenue, par les conventions signées, de gérer ses intérêts pécuniaires. La prénommée avait, en outre, faussement prétendu que l'augmentation du capital-actions de D______ SA était nécessaire pour la reconduction du bail, alors que celui-ci était déjà résilié, dans le but d'obtenir la somme de CHF 300'000.- et "puiser allègrement" dans celle-ci.

Enfin, les réquisitions de preuves étaient pertinentes et l'existence de ses prétentions civiles contre C______ n'excluait pas d'y donner suite.

b. Dans ses observations, le Ministère public écarte l'infraction d'escroquerie, retenant que la condition de l'astuce n'était pas réalisée. La convention du 18 juillet 2022 mentionnait, entre autres, la réduction du capital-actions de D______ SA et le remboursement à A______ de la somme de CHF 300'000.- en cas de refus de la Commune de E______ de reconduire le bail. La précitée savait donc, au moment de conclure ladite convention, qu'une résiliation du bail était envisageable. Au demeurant, les contrats signés ne plaçaient pas C______ dans une position de gérant. Son unique devoir était d'investir les CHF 300'000.- dans le cadre d'une augmentation de capital, ce qu'elle avait fait, sans s'enrichir personnellement au demeurant.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.2. Un tel intérêt appartient, en particulier, au lésé qui s'est constitué demandeur au pénal ou au civil (cf. art. 118 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction.

En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1). Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésée, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158; arrêt du Tribunal fédéral 7B_59/2022 du 11 février 2025 consid. 2.1.2). 

1.3. En l'espèce, il est patent que les CHF 300'000.- versés par la recourante sur le compte de D______ SA ont servi à l'augmentation du capital-actions de celle-ci, opération inscrite au Registre du commerce le ______ août 2022. En d'autres termes, cette somme versée à titre de capitaux propres est entrée dans la comptabilité de la société pour en devenir un élément de son patrimoine.

Dans les agissements dénoncés, il faut distinguer, chronologiquement, l'acte de disposition par lequel la recourante a remis ces CHF 300'000.- et l'utilisation subséquente – une fois l'augmentation de capital actée – de cette somme par la prévenue.

Les infractions concernées sont ainsi, d'une part, l'escroquerie et/ou l'abus de confiance et, d'autre part, la gestion déloyale. Or, pour cette dernière, la recourante ne saurait prétendre avoir été directement touchée par la prétendue inutilisation indue de l'argent par la prévenue, dès lors qu'il ne s'agissait plus de son patrimoine.

Sur ce volet précis, le recours est, partant, irrecevable.

Pour le surplus, la recourante dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de l'ordonnance querellée, de sorte que le recours est recevable.

2.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, en tant que le Ministère public n'a pas traité, dans l'ordonnance querellée, l'infraction d'escroquerie invoquée dans son courrier du 4 février 2024.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1).

2.2. La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1, arrêt du Tribunal fédéral 7B_482/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.2.1).

2.3. En l'espèce, il faut concéder à la recourante que l'ordonnance querellée ne mentionne pas l'infraction d'escroquerie, pourtant soulevée à la suite de l'avis de prochaine clôture.

Le grief de la violation du droit d'être entendu est, partant, admis.

Cela étant, ce vice a été réparé en instance de recours, le Ministère public s'étant prononcé sur l'infraction en cause dans ses observations, sur lesquelles le recourant a pu se déterminer. Un renvoi de la cause à l'autorité précédente pour ce motif constituerait ainsi une vaine formalité.

3.             La recourante s'oppose au classement – partiel – de la procédure.

3.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore". Celui-ci signifie qu'en règle générale, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

3.2. Se rend coupable d'abus de confiance quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée (art. 138 ch. 1 al. 1 CP), ou emploie à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées (art. 138 ch. 1 al. 2 CP).

3.2.1. Sur le plan objectif, l'infraction à l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 143 IV 297 consid. 1.3; 133 IV 21 consid. 6.2). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1; arrêt 6B_972/2022 du 12 janvier 2024 consid. 3.1.1).

3.2.2. Un abus de confiance peut entrer exceptionnellement en ligne de compte dans le contexte d'un prêt. Ainsi, il est admis que les valeurs patrimoniales prêtées sont confiées lorsque leur affectation est clairement prédéfinie et sert en même temps à assurer la couverture du risque du prêteur ou, à tout le moins, à diminuer le risque de perte. Dans un tel cas, l'utilisation de l'argent prêté, contrairement à la destination convenue, peut être constitutive d'abus de confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.2 et 2.3; arrêts 6B_972/2022 précité consid. 3.1.5). Ainsi, en cas de prêt, il y a emploi illicite de l'argent confié si le prêt a été consenti dans un but déterminé, correspondant aussi à l'intérêt du prêteur, et que l'emprunteur en fait une autre utilisation, dès lors qu'on peut déduire de l'accord contractuel un devoir de sa part de conserver constamment la contre-valeur de ce qu'il a reçu (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_240/2024 du 9 janvier 2025 consid. 2.1).

3.2.3. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime, lequel peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_240/2024 précité). Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à ne tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé ne s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2).

3.3. L'art. 146 CP réprime le comportement de quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2).

3.4. En l'espèce, la recourante dénonce un abus de confiance commis par la prévenue, tant s'agissant des CHF 300'000.- consignés sur le compte bancaire, que des CHF 50'000.- quittancés le 17 mai 2022.

On pourrait tout d'abord se demander si des fonds libérés et apportés à une société dans le cadre d'une augmentation de capital constituent des valeurs patrimoniales confiées au sens de l'art. 138 CP (cf. ACPR/39/2014 du 17 janvier 2014 consid. 3.3, niant une telle qualification). Cette question peut toutefois demeurer indécise (cf. ACPR/408/2023 du 31 mai 2023 consid. 3.4.1; ACPR/632/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2.3.3) compte tenu de ce qui suit.

À teneur de la convention du 26 juillet 2022, le prêt de CHF 300'000.- accordé, sans intérêts, par la recourante à la prévenue, devait servir pour l'augmentation du capital-actions de la société, opération concrétisée le ______ août suivant. La somme a donc été utilisée conformément au but prévu par les cocontractantes.

Certes, la prévenue a, par la suite, en sa qualité d'administratrice de la société, utilisé cette somme, alors qu'elle s'était engagée – par cette même convention – à ne pas le faire. Il ressort néanmoins de l'instruction que les dépenses effectuées dans ce contexte l'ont toutes été dans l'intérêt de la société. Il a notamment été question de paiements de salaires ou de loyers. Aucun versement privé n'a pu être mis en exergue, ni excédant le cadre des activités de la société.

Dans ces circonstances, on peut exclure que la recourante ait agi dans le dessein de s'enrichir (ou d'enrichir la société) de manière illégitime. Concrètement, le but poursuivi par celle-ci, une fois le capital augmenté, était d'assurer le bon fonctionnement de la société. Même si elle a, contrairement à son engagement et à la décision du TPI, puisé dans cette somme – faits pour lesquels elle demeure prévenue du chef de l'art. 292 CP –, rien ne permet de considérer qu'elle n'aurait pas exécuté son obligation de remboursement si l'une des conditions prévues contractuellement l'avait exigé. Elle a d'ailleurs déclaré, par-devant le Ministère public, sans être contredite, être en mesure de restituer les CHF 300'000.- à la recourante.

Compte tenu de ce qui précède, l'élément constitutif subjectif du dessein d'enrichissement illégitime n'apparaît pas réalisé.

S'agissant de la somme de CHF 50'000.-, l'argent devait, à teneur de la quittance du 17 mai 2022, servir au "développement du projet de réfection [du restaurant] D______". À ce propos, la prévenue affirme qu'il s'agissait d'honoraires pour un travail déjà effectué, ce que la recourante conteste. Quoiqu'il en soit, à défaut d'avoir, pour l'emprunteuse, une obligation de conserver la contre-valeur de cette somme, ces valeurs patrimoniales ne peuvent pas être considérées comme confiées au sens de l'art. 138 CP.

Il est donc sans pertinence de savoir si, et par qui, les prestations effectuées en contrepartie de cette somme ont été réalisées. La réquisition de preuve de la recourante à ce sujet pouvait être rejetée.

Enfin, la recourante estime avoir été victime d'une escroquerie, arguant, en substance, avoir été trompée, par la prévenue, en vue de lui remettre les CHF 300'000.-, alors que cette dernière savait que le bail pour [le restaurant] D______ avait déjà été résilié.

Là encore, pour les motifs exposés plus haut, le dessein d'enrichissement illégitime fait défaut. Au demeurant, la recourante allègue n'avoir découvert la résiliation du bail et la situation financière de la prévenue qu'après la signature de la convention du 26 juillet 2022 et la consignation des CHF 300'000.-. Ces informations auraient néanmoins pu être aisément constatées en amont par de simples vérifications préalables, lesquelles ne semblaient pas superflues considérant que la recourante n'a jamais prétendu avoir eu la moindre raison de se fier inconditionnellement aux déclarations de la prévenue.

En l'absence de toute infraction réalisée, point n'était nécessaire d'entendre G______.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Vu l'issue du recours, il n'était pas nécessaire de recueillir les observations de C______.

6.             Quand bien même la recourante succombe sur le fond, la décision attaquée a été rendue en violation du droit d'être entendu – le Ministère public ayant omis de statuer sur l'infraction d'escroquerie –, de sorte que sa contestation était justifiée sur ce point (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1). Il en résulte que les frais de l'instance de recours, arrêtés à CHF 1'200.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), seront mis à sa charge à raison de deux-tiers, soit CHF 800.-.

7.             Corrélativement, la recourante a droit à des dépens en lien avec l'activité pour laquelle elle a obtenu gain de cause (cf. ATF 125 II 518 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

Elle conclut au total à une indemnité de CHF 3'150.-, correspondant à 9h d'activité au tarif horaire de CHF 350.-, pour la rédaction du recours.

Compte tenu de l'admission de l'unique grief d'une violation du droit d'être entendu et des développements de la recourante à cet égard, tenant sur une page et demi, une indemnité de CHF 567.55, correspondant à 1h30 d'activité au tarif horaire réclamé, plus la TVA à 8.1%, lui sera allouée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux deux-tiers des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-, soit CHF 800.-.

Dit que ce montant (CHF 800.-) sera prélevé sur les sûretés versées et le solde (CHF 400.-) restitué à la recourante.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 567.55, TVA à 8.1% incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et à C______, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4755/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'105.00

Total

CHF

1'200.00