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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7952/2025

ACPR/351/2025 du 08.05.2025 sur OMP/9344/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7952/2025 ACPR/351/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 2 avril 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 14 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport d'arrestation du 1er avril 2025, A______, ressortissant érythréen, sans profession et sans domicile fixe, a été interpellé à la rue 1______ (Genève), après avoir été observé en train de faire un échange "de la main à la main" avec B______.

b. B______ a été interpellé dans la foulée de cet échange et retrouvé en possession d'un parachute de cocaïne. Lors de son audition, il a identifié, sur planche photographique, A______ comme étant la personne lui ayant vendu la drogue précitée, contre la somme de CHF 30.-.

c. Lors de son interpellation, A______ a été retrouvé en possession de deux sachets de marijuana pour un poids total brut de 6.9 grammes, sept morceaux de haschich pour un poids total brut de 9 grammes, trois boulettes de cocaïne pour un poids total brut de 2.3 grammes et une somme de CHF 65.-.

d. Entendu le jour même par la police, A______ a refusé de s'exprimer.

e. Par ordonnance pénale du 2 avril 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup – pour avoir vendu de la cocaïne à B______ et détenu des stupéfiants destinés à être vendus – et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, avec sursis durant trois ans.

f. Le 11 avril 2025, A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

g. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à cinq reprises depuis 2013, soit:

-        le 4 janvier 2013, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 30 avril 2013, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et contravention à la loi sur les stupéfiants (art. 19a LStup);

-        le 21 septembre 2013, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup);

-        le 12 octobre 2013, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-        le 3 mars 2014, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée par le fait que A______ avait déjà été soupçonné d'avoir commis, le 21 septembre 2013, une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit un délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants.

D. a. Dans son recours, A______ déplore une multiplication des ordonnances d'établissement de profil d'ADN et considère que la Directive du Procureur général – sur laquelle se basait la mesure querellée et qui n'avait pas "force de loi"– dénotait une volonté de "ficher de manière massive les étrangers" et allait à l'encontre de
l'art. 255 CPP, lequel n'autorisait pas le "prélèvement d'échantillons d'ADN et leur analyse de manière systématique". Invoquant un précédent arrêt de la Chambre de céans (ACPR/642/2024), il estimait que les réquisits pour le prononcé d'une telle mesure n'étaient pas réunis. Le Ministère public n'avait nullement tenu compte du fait que ses antécédents – remontant à 2013 et 2014 – étaient anciens et qu'il avait été condamné à des peines ne leur conférant pas de gravité particulière. Dans ces circonstances, l'établissement de son profil d'ADN, outre le fait qu'il violait son droit d'être protégé contre l'emploi abusif de donnés le concernant, était un acte inutile, coûteux, arbitraire et disproportionné.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.2.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.3.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné de faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

En effet, il a déjà été condamné en 2013 pour un délit contre la loi sur les stupéfiants, soit en lien avec des agissements qui dépassent le stade de la simple consommation personnelle, laquelle a fait l'objet d'une contravention en sus. Par ailleurs, il lui est reproché, dans le cadre de la présente procédure, d'avoir vendu un parachute de cocaïne, ainsi que d'avoir détenu de la drogue destinée à être vendue, à savoir deux sachets de marijuana pour un poids total brut de 6.9 grammes, sept morceaux de haschich pour un poids total brut de 9 grammes, ainsi que trois boulettes de cocaïne pour un poids total brut de 2.3 grammes. Si le recourant a refusé de s'exprimer lors de son audition par la police et fait opposition à l'ordonnance pénale le condamnant pour ces faits, il n'en demeure pas moins qu'il a été interpellé en possession de divers produits stupéfiants, observé par des policiers assermentés en train de procéder à un échange "de la main à la main" et mis en cause par un consommateur, lequel l'a formellement identifié sur planche photographique.

À ces éléments, s'ajoute le contexte personnel du recourant, ressortissant érythréen en situation irrégulière, sans profession et sans domicile fixe, déjà condamné à cinq reprises pour des infractions à la législation sur les étrangers. Ces éléments, couplés à sa précédente condamnation, bien qu'ancienne, et aux soupçons pensant contre lui dans le cadre de la présente procédure, permettent ainsi concrètement de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup, encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

À cet égard, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas "force de loi", est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Il existe ainsi un intérêt public à soumettre le prévenu à cette mesure, laquelle repose sur une base légale, n'est ni arbitraire, ni disproportionnée, et ne contrevient par ailleurs aucunement à son droit d'être protégé contre l'emploi abusif de données le concernant.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil ADN du recourant étant réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7952/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00