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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8284/2025

ACPR/349/2025 du 08.05.2025 sur OMP/8614/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8284/2025 ACPR/349/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 5 avril 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 15 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport d'arrestation du 4 avril 2025, A______ a été interpellé ce jour-là à la place de Cornavin (Genève), alors qu'il venait de prendre la fuite lors d'un contrôle de police et qu'il faisait par ailleurs l'objet de deux décisions d'expulsion judiciaire prononcées à son encontre par le Tribunal de police, les 16 juillet 2018 et 2 juillet 2024, pour des durées de dix, respectivement cinq ans.

b. Entendu le jour même par la police, il a refusé de répondre aux questions. Lors de son audition par le Ministère public, le lendemain, il a admis avoir séjourné à Genève nonobstant la décision d'expulsion judiciaire dont il faisait l'objet.

c. Par ordonnance pénale et de classement partiel du 5 avril 2025, le Ministère public a déclaré A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), classant toutefois les faits susceptibles d'être constitutifs d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).

d. Le 9 avril 2025, A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

e. Par ordonnance du 14 avril 2025, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

f. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à cinq reprises depuis 2013, à savoir:

-        le 30 août 2013, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et contravention à la loi sur les stupéfiants (art. 19a LStup);

-        le 21 janvier 2016, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup);

-        le 16 juillet 2018, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP), crime contre la loi sur les stupéfiants, avec mise en danger de la santé de nombreuses personnes (art. 19 al. 2 let. a LStup), blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 aCP) et contravention à la loi sur les stupéfiants (art. 19a LStup);

-        le 2 juillet 2024, pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup);

-        le 26 novembre 2024, pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), délits contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée par le fait que A______ avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit des délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 LStup).

D. a. Dans son recours, A______ considère que la Directive du Procureur général – sur laquelle se basait la mesure querellée – allait à l'encontre de l'art. 255 CPP, lequel n'autorisait pas le "prélèvement d'échantillons d'ADN et leur analyse de manière systématique". En outre, l'établissement de son profil d'ADN avait déjà été ordonné à de nombreuses reprises, une première fois en 2018 et en dernier lieu en 2024. Quand bien même les profils d'ADN étaient soumis à effacement après un certain délai, il ne se justifiait guère d'ordonner derechef une telle mesure, laquelle était arbitraire, disproportionnée, portait atteinte à son droit d'être protégé contre l'emploi abusif des données le concernant et dont les frais devraient être mis à sa charge, ainsi qu'à celle du contribuable genevois. Dans la mesure où, sur la base des art. 16 et 17 de la loi sur les profils d'ADN, la dernière ordonnance prononcée à son encontre permettrait déjà de conserver son profil d'ADN jusqu'en 2044, il était inutile et disproportionné de vouloir encore en prolonger la conservation pour un an supplémentaire, soit jusqu'en 2045, ce d'autant qu'un profil d'ADN n'était "sujet à aucun changement au cours de la vie d'un être humain".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.2.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2)

2.3.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de l'éventuelle commission, par le recourant, de tels actes punissables.

En effet, il a été condamné à quatre reprises entre 2016 et 2024 pour des infractions à la LStup (trois délits et un crime), soit en lien avec des agissements qui dépassent le stade de la simple consommation personnelle, laquelle a par ailleurs fait l'objet de quatre contraventions en sus.

Ces condamnations à la LStup étaient toutes en lien avec des reproches répétés d'entrée illégale, séjour illégal et rupture de ban, étant précisé que la procédure actuellement pendante à l'encontre du recourant concerne également de tels faits.

Ces nombreux antécédents, auxquels s'ajoute le contexte personnel du recourant, laissent craindre un ancrage dans la délinquance lié aux stupéfiants. Ces éléments permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

À titre superfétatoire, le recourant ne saurait tirer argument du fait que son profil d'ADN a d'ores et déjà été établi, "à sa charge", à de "nombreuses" reprises, la dernière fois en 2024. Dès lors que les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai (cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), il existe un intérêt public prépondérant, quand bien même l'établissement de son profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Le fait pour le Ministère public d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant – prolongeant ainsi d'un an le délai de conservation – n'apparait ainsi nullement disproportionné.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8284/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00