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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3404/2025

ACPR/332/2025 du 06.05.2025 sur OMP/7684/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE;AMENDE;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : CPP.132; CP.49

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3404/2025 ACPR/332/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 27 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 7 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 mars 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision et à ce que Me B______ soit désigné comme son défenseur d'office avec effet au 13 mars 2025.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par ordonnance pénale du 25 février 2025, A______ a été condamné pour :

- entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'000.- pour laquelle, en cas de non-paiement, une peine privative de liberté de substitution de 20 jours a été prononcée;

- violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR), infraction à l'art. 143 ch. 3 de l'Ordonnance réglant l'admission à la circulation routière (OAC) et infraction à l'art. 120 al. 1 let. a LEI, à une amende de CHF 2'180.-, pour laquelle, en cas de non-paiement, une peine privative de liberté de substitution de 21 jours a été prononcée.

a.b. Il lui était reproché d'avoir, à Genève, à la hauteur du numéro no. ______, rue 1______, le 17 janvier 2025, vers 20h04, alors qu’il circulait au volant de son véhicule C______/2______ [marque/modèle], immatriculé GE 3______ :

- perdu la maîtrise de son véhicule et heurté un véhicule D______/4______ [marque/modèle], immatriculé GE 5______, lequel était correctement stationné, lui causant des dégâts au flanc droit;

- consécutivement au heurt, quitté les lieux de l'accident sans laisser ses coordonnées au lésé et sans aviser la police, alors que des dégâts matériels avaient été causés, se dérobant ainsi aux mesures permettant de déterminer sa capacité de conduire, et ce alors qu’il ne pouvait ignorer au vu des circonstances que ces mesures auraient été diligentées au moment même où les autorités se seraient rendues sur place.

Il lui était également reproché d’avoir, entre une date indéterminée en novembre 2024 et le 22 janvier 2025, omis d'annoncer son changement d'adresse auprès de l'Office cantonal des véhicules et auprès du service compétent du nouveau lieu de domicile.

a.c. Auditionné comme prévenu par la police le 22 janvier 2025, A______ a reconnu avoir, au volant de son véhicule, heurté un autre véhicule, en glissant sur une plaque de glace. Il avait bu une bière de 25 cl vers 17h00. Après le heurt, il s’était garé un peu plus loin et était revenu pour mettre un mot avec ses coordonnées sur le pare-brise de la voiture endommagée. Il n'avait dès lors pas appelé d'emblée la police. N'ayant ensuite pas eu de nouvelles du détenteur dudit véhicule, il avait appelé la police deux jours plus tard pour avoir ses coordonnées en vue de faire un constat à l'amiable, suite aux conseils de son assurance.

S'agissant de sa situation personnelle, il était ingénieur informaticien de profession. Il avait fourni l'adresse de sa maison en France mais vivait depuis trois mois et pour une longue durée à l'hôtel E______ à Genève. Il ne savait pas qu'il aurait dû annoncer cette nouvelle adresse aux autorités genevoises.

a.d. Selon le rapport de renseignements de la police, aucun mot n'avait été laissé sur le pare-brise du véhicule endommagé.

b. Par lettre expédiée le 8 mars 2025, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale.

c. Par lettre du 13 mars 2025 (qui ne figure pas à la procédure), Me B______ a sollicité sa désignation en qualité de défenseur d'office de A______.

d. L'audience sur opposition a été fixée au 12 mai prochain.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que le prévenu n'avait produit aucun élément relatif à sa situation personnelle et financière. En tout état, la cause était de peu de gravité et ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait, de sorte que l'intéressé était à même de se défendre efficacement seul.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose bénéficier de prestations de l'Hospice général et être indigent. Il produit à cet égard le formulaire de demande de désignation d'un défenseur d'office rempli par ses soins, duquel il ressort qu'il possède comme seule fortune un compte F______ dont les avoirs s'élèvent à CHF 4'764.95, son véhicule C______/2______ étant pour sa part estimé à CHF 15'391.-. Il avait perçu des prestations de l'assurance-chômage en 2024.

La condition de la gravité de la cause était remplie, dès lors qu'il avait été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à laquelle s'ajoutaient des peines privatives de liberté de substitution de 20, respectivement 21, jours en cas de non-paiement des deux amendes infligées en sus, ce qui portait la sanction à "141 jours-amende".

Enfin, le Ministère public l'avait sanctionné "en dehors du cadre légal permis" en lui infligeant une amende de CHF 2'180.- pour quatre infractions, dont l'infraction à l'art. 143 ch. 3 OAC, laquelle n'était passible que d'une amende de CHF 100.- au plus. Cette application erronée de l'art. 49 al. 1 CP justifiait le recours à un avocat. La cause était ainsi complexe sur le plan juridique. À cela s'ajoutait qu'il contestait une partie des faits, n'avait pas encore eu accès au dossier et serait auditionné par le Ministère public le 12 mai prochain. L'assistance d'un avocat était à même de garantir l'égalité des armes dans la poursuite de cette procédure.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

2.2. Les intérêts du prévenu justifient une défense d'office lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 1B_477/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.2 et 1B_138/2015 du 1er juillet 2015 consid. 2.1).

En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de 4 mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

2.3. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. La jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 publié in SJ 2014 I 273 et les références citées) et des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant ne se trouve pas dans un cas de défense obligatoire au sens des art. 130 et 132 al. 1 let. a CPP.

Le recourant s'estime indigent et produit des pièces censées en attester. Cette question peut néanmoins demeurer ouverte au vu des considérants qui suivent.

Par ordonnance pénale, frappée d'opposition, le recourant a été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, avec sursis, laquelle n'excède donc pas le seuil à partir duquel la peine ne serait pas de peu de gravité.

Pour déterminer la peine prévisible, il y a en effet lieu de tenir compte uniquement des jours-amende infligés par le Ministère public dans son ordonnance pénale et non de l'éventuelle peine de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende. Sur ce point, dans son raisonnement, le recourant méconnaît les principes applicables aux peines de substitution. En effet, celles-ci ne peuvent être prononcées que si le non-paiement de l'amende se révèle fautif (art. 106 al. 2 CP), de sorte qu'il n'y a pas de lien automatique entre l'absence de paiement et le prononcé d'une peine de substitution (cf. à cet égard l'arrêt du 25 octobre 2022 de la Chambre des recours pénale du canton de Vaud, consid. 2.3.3.1 [Décision/2022/867]). L'ajout, par le recourant, de 20, respectivement 21, jours de peines privatives de liberté de substitution en cas de non-paiement des deux amendes auxquelles il a également été condamné, pour donner 141 unités pénales au total, n'a donc pas lieu d'être. L'arrêt du Tribunal fédéral 1B_194/2021 du 21 juin 2021, qu'il cite, ne dit pas le contraire, en tant qu'il valide le raisonnement de la Chambre de céans sur l'absence de complexité juridique de la cause.

Quoi qu'il en soit, les deux conditions prévues par l'art. 132 al. 1 let. b CPP étant cumulatives, encore faut-il que la cause présente des difficultés, de fait ou de droit, que le recourant ne pourrait surmonter seul.

Or, l'examen des circonstances du cas d'espèce montre que tel n'est pas le cas. Il ressort en effet de la procédure que les faits et dispositions légales sont clairement circonscrits et les infractions applicables faciles à appréhender, y compris pour une personne sans formation juridique qui, de surcroît, maîtrise la langue française. Le recourant a du reste parfaitement compris ce qui lui était reproché, reconnaissant les faits en partie lors de son audition à la police, lors de laquelle il n'était pas assisté d'un avocat. Il a ensuite pu former seul opposition à l'ordonnance pénale, laquelle n'a aucunement besoin d'être motivée (art. 354 al. 2 CPP).

L'application, erronée selon l'intéressé, des règles sur le concours justifierait l'assistance d'un conseil. Or, il ne ressort pas de l'ordonnance pénale du 25 février 2025 que le Ministère public aurait appliqué l'art. 49 CP pour fixer le montant de l'amende de CHF 2'180.-. Au contraire, ce montant résulte du cumul des amendes prévues pour les diverses infractions retenues, tel que prévu par la loi sur les amendes d'ordre et le barème de taxation relatif aux contraventions annexé à la Directive D.7 du Procureur général. La référence à l'ACPR/171/2025 du 28 février 2025, qui rappelle la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l'application des règles sur le concours (art. 49 CP) permet de retenir une complexité juridique, ne lui est ainsi d'aucun secours, ce d'autant que dans l'affaire en question se posait également la question du prononcé d'une peine complémentaire (art. 49 al. 2 CP).

Le recourant invoque enfin le principe de l'égalité des armes. Étant la seule partie à la procédure, ce principe est respecté et ne commande pas l'assistance d'un avocat. Qu'une audience devant le Ministère public – qui ne portera que sur l'audition du recourant – ait été prochainement agendée n'y change rien, tout comme le fait que l'intéressé n'ait pas encore eu accès au dossier.

Il résulte de ce qui précède que le recourant est capable de se défendre sans l'aide d'un conseil s'agissant d'une cause qui ne présente pas de difficultés particulières.

3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait ainsi être traité d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).